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LETTRE CDVI. A L'ABBÉ DE SAINT-NICOLAS .
LETTRE CDVII . A EUDES, ABBÉ DE BEAULIEU *.
LETTRE CDVIII. A L'ABBÉ G *.., DE TROYES.
LETTRE CDIX. A RORGON (b) D'ABBEVILLE.
LETTRE CDX. A GUILDIN (b), ABBÉ DE SAINT-VICTOR.
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CDV. A L'ABBÉ G...
Saint Bernard l'informe qu'un de ses religieux jouit d'une assez bonne santé pour être assujetti aux observances régulières.
A l'abbé G..., le frère Bernard, salut et assurance d'un entier dévouement.
Je vous dirai que le frère G... depuis son retour de la Creste * où il a subi le traitement prescrit, a suivi notre communauté dans toutes ses observances, comme un homme d'une santé parfaite: on ne lui a servi à table que ce qu'on donnait aux autres et il s'est levé exactement toutes les nuits pour assister avec nous aux matines. Ne souffrez donc pas qu'il vive autrement chez vous, et soyez persuadé, s'il vous demande quelque adoucissement à la règle, qu'il est plus malade d'esprit que de corps. Adieu.
* Monastère de Cisterciens du diocèse de Langres.
LETTRE CDVI. A L'ABBÉ DE SAINT-NICOLAS .
A son très-doux ami et co-abbé de Saint-Nicolas, le f... B... de Clairvaux, salut et esprit de piété.
L'ennemi du Christ n'a point failli à sa rage habituelle en séduisant une âme; quant à moi, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour la ramener au bien puisque le hasard l'a conduite entre mes mains; il vous reste maintenant à faire votre devoir à votre tour en recevant ce religieux que je vous renvoie converti. Espérons après cela que Dieu de son côté ne faillira pas au sien en rendant à chacun selon ses oeuvres.
LETTRE CDVII . A EUDES, ABBÉ DE BEAULIEU *.
Saint Bernard l'engage à restituer au plus tôt, à un pauvre, le dépôt qu'il en avait reçu.
A son frère et ami Eudes, abbé des clercs réguliers de Beaulieu, le frère Bernard, supérieur indigne de Clairvaux, salut.
Cet homme prétend que vous refusez de lui rendre son dépôt (b); si cela est, ce n'est pas bien de votre part et vous péchez en même temps contre l'honneur et contre la justice. Il sait l'étroite amitié qui nous lie et il est venu me confier sa peine. Permettez-moi de vous dire, sans vouloir m'écarter du respect que je vous dois, qu'il eût mieux valu, selon moi, vendre même un vase sacré pour empêcher cet homme de se plaindre d'une manière si fâcheuse, dans le cas où vous n'auriez pu vous défaire d'un boeuf, ou d'un cheval pour le payer. Veuillez songer, je vous prie, à ce que vous vous devez à vous-même et à ce que réclame de vous l'honneur de votre maison; ayez aussi égard au saint temps de Carême où nous sommes, et hâtez-vous de rendre à ce pauvre homme ce que vous lui devez incontestablement, si vous voulez étouffer le bruit de cette affaire avant qu'il se répande davantage, et vous épargner la honte d'être contraint de lui restituer ce que vous lui refusez.
a On ne peut douter qu'il ne s'agisse ici de Simon, alors abbé de Saint-Nicolas-des-Bois, à qui sont adressées les lettres quatre-vingt-troisième et quatre-vingt-quatrième.
b Il existe sur la nécessité de rendre un dépôt, tome I, p. 241. de la Bibliothèque de Citeaux une lettre très-remarquable de Philippe, abbé de l'Aumône; c'est la troisième de la collection des lettres, elle est adressée au comte palatin Henri.
* Ordre de Prémontré au diocèse de Troyes.
LETTRE CDVIII. A L'ABBÉ G *.., DE TROYES.
Saint Bernard lui recommande un ecclésiastique qui veut quitter le siècle pour embrasser la vie religieuse, mais qu'il croit d'une santé trop délicate pour rester à Clairvaux.
A son ami et confrère le seigneur G..., abbé des chanoines réguliers a de Troyes, le frère Bernard, serviteur inutile des religieux de Clairvaux, salut en Notre-Seigneur.
L'ecclésiastique que je vous envoie avait formé le dessein de quitter le siècle pour embrasser la vie religieuse dans notre maison; mais, craignant qu'il ne pût supporter les austérités de notre règle, je lui ai conseillé d'entrer dans votre maison. Je vous le recommande d'autant plus vivement que je le connais très-particulièrement, c'est un homme parfaitement élevé et fort instruit; en un mot, c'est un serviteur de Dieu qui ne peut manquer, je crois, avec le secours d'en haut, de devenir pour vous un fidèle soutien et une source de consolations. C'est plutôt pour vous et clans votre intérêt que pour lui que je vous l'envoie, car vous savez que je vous aime autant que moi-même; je lui trouve tant de mérite que je le garderais certainement pour notre maison, si je n'appréhendais qu'étant peu accoutumé au travail manuel et se trouvant d'une complexion trop délicate, il ne pût demeurer avec nous. Adieu,
* Guillaume abbé des chanoines réguliers de Saint Martin de Troyes.
LETTRE CDIX. A RORGON (b) D'ABBEVILLE.
Saint Bernard lui dit qu'on doit attacher peu d'importance à se voir des yeux du corps; il le prie de vouloir bien abandonner à des religieux un coin de terre inculte.
A l'illustre seigneur, son ami, Rorgon d'Abbeville, B..., abbé de Clairvaux, salut et prières.
J'ai su que vous seriez bien aise de trouver l'occasion de me voir et de vous entretenir avec moi, que vous avez la bonté de regarder comme un
a Les clercs dont il est parlé ici sont appelés chanoines dans le même sens que flous avons vu le mot réguliers employé dans une lettre précédente à propos des religieux de Prémontré.
b Rorgon d'Abbeville-sur-Somme est représenté avec sa femme Elisabeth dans un bréviaire manuscrit de la bibliothèque de Corbie, datant de plus de cinq siècles, comme étant le fondateur de la maison à laquelle ce bréviaire a appartenu, c'est-à-dire de Saint-Pierre d'Abbeville.
véritable serviteur de Dieu; je vous protesta de mon côté que, touché de votre humilité et du récit de vos rares qualités, je m'estimerais également très-heureux de vous voir; mais ce désir que vous et moi nous partageons, quelque bon qu'il soit, humainement parlant, n'est pourtant pas complètement irréprochable; car l'entrevue que nous désirons avoir est toute corporelle et passagère, telle en un mot que les êtres matériels peuvent en avoir: or nous ne devrions soupirer qu'après le bonheur infini de nous voir dans l'éternité et travailler à nous l'assurer par nos bonnes couvres. Vous possédez sur le territoire de la paroisse de Courrenne un fonds de terre inculte et abandonné, qui n'a jamais rapporté le moindre revenu ni à vous ni à vos prédécesseurs; je vous prie de le céder à mou ami l'abbé d'Auchiles-Moines (a); il vous a déjà dit quelques mots de cette donation qui ne peut que contribuer au salut de votre âme, et à celui de vos aïeux et de vos descendants.
a C'était une abbaye de Bénédictins qui était alors du diocèse de Térouanne et qui fut plus tard de celui de Saint-Omer. Elle fut fondée près de Térouanne, sur la Lys, vers l'an 700, pour des religieux qui furent remplacés par des moines quand on releva ce monastère de ses ruines après les invasions des Normands.
LETTRE CDX. A GUILDIN (b), ABBÉ DE SAINT-VICTOR.
Saint Bernard lui recommande Pierre Lombard.
A ses révérends pères et seigneurs et très-chers amis, G..., par la grâce de Dieu vénérable abbé de Saint-Victor de Paris, et les saints religieux de sa communauté, le frère Bernard, abbé de Clairvaux, salut et assurance de ses humbles prières.
On m'accable de demandes, je suis obligé d'en accabler les autres, et à mon tour, de mettre une partie de mes amis à contribution, comme l'autre m'y met moi-même. Monseigneur l'évêque de Lucques, mon père et mon ami, me recommande le vénérable Pierre Lombard (c) et me prie de pourvoir, par mes amis, à sa subsistance, pendant tout le temps qu'il passera en France pour y faire quelques études ; c'est ce que j'ai fait lorsqu'il était à Reims : maintenant qu'il est à Paris, oit il doit rester jusqu'à la Nativité de la Vierge, c'est à votre bonne amitié que je le recommande, attendu que je compte plus sur vous due sur tout autre, et je vous prie de vouloir bien pourvoir à sa subsistance pendant tout ce temps. Adieu.
b Saint-Victor extra muros de Paris était une abbaye de chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin. Guildin en fut abbé de 1133 à 1155. Saint Bernard la recommande à Suger dans sa lettre trois cent soixante-neuvième. Cette maison possédait la cuculle de notre saint Docteur, comme un monument de l'affection qu'il lui avait constamment témoignée, ainsi qu'une charte scellée du sceau dont il est parlé dans la lettre deux cent quatre-vingt-quatrième.
c Pierre, appelé par les théologiens le Maître des sentences fut surnommé Lombard, parce qu'il était de Lombardie. En quittant l'académie de Bologne pour venir étudier en France, il fut recommandé à saint Bernard par l'évêque de Lucques nommé Ulpert ou Grégoire, le même que celui à qui est adressée la lettre troisième de Nicolas de Clairvaux qu'on trouvera plus loin parmi celles de saint Bernard, et ce dernier le recommanda à son tour à Guildin et aux chanoines de Saint-Victor.
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CDX.
222. A Gilduin, gobé de Saint-Victor. Cette abbaye fondée par Louis le Gros fut d'abord organisée par Guillaume de Champeaux. Lorsqu'il fut nommé à lévêché de Châlons-sur-Marne, Louis le Gros lui donna en 1113 Gilduin pour successeur. Après ce que Duchesne dit de l'abbaye de Saint-Victor, dans ses notes sur Abélard, on peut citer ce qu'en dit Albéric dans sa chronique à J'année 1129. « La maison de Saint-Victor de Paris, rapporte cet auteur, fut d'abord un prieuré de moines noirs de Marseille, ces religieux ayant été renvoyés, on fit venir pour les remplacer des chanoines réguliers de Saint-Ruf de Valence sous la conduite de maître Hugues, surnommé de Saint-Victor. L'abbé de cette maison était de nomination royale. L'abbaye de Saint-Victor devint si florissante qu'elle ne tarda pas à compter une trentaine d'autres abbayes et plus de quatre-vingts prieurés sous sa dépendance. » Jacques de Vitry en parle en termes très-flatteurs dans son histoire d'Occident, chapitre 24 ; « C'est, dit-il, que sainte maison remplie de religieux, dignes à tous points de vue du titre de soldats du Seigneur; elle est le refuge des pauvres et la consolation des malheureux, la retraite des pécheurs et comme un port à l'abri de la tempête pour une foule d'écoliers.... Dès sa fondation, on y vit briller comme des astres éclatants à la voûte du Ciel, ou comme les pierres précieuses d'une riche parure, des docteurs de l'Université de Paris, et des hommes aussi distingués par leur savoir que par leurs vertus, à la tête desquels se place naturellement le célèbre Hugues de Saint-Victor qu'on peut appeler la harpe du Seigneur et l'organe du Saint-Esprit. » Voilà pourquoi saint Bernard éprouvait pour cette maison un intérêt tout particulier, dont nous retrouvons une nouvelle et incontestable preuve dans une donation due à son influence, comme on le voit par l'acte qui en fut fait, et dont on a encore la minute dans le Cartulaire de Saint-Victor. Notre savant ami A. Tonnellier, conservateur de ces titres nous en a donné connaissance, il est ainsi conçu: « Moi, Bernard, abbé de Clairvaux, à tous présents et à venir savoir faisons qu'étant une fois venu à Paris, nous avons prié Eudes, abbé de Sainte-Geneviève et tous ses religieux réunis en chapitre de céder par amitié fraternelle à l'abbé Gilduin et aux religieux de Saint-Victor, une prise d'eau de la Bièvre au moulin de Cupels avec faculté de la faire passer par leur maison avant qu'elle aille se perdre dans la Seine à Paris, et cela moyennant une juste redevance à payer à perpétuité aux gens du monastère de Sainte-Geneviève. Les susdits religieux de Saint-Victor pourront faire servir ladite eau à faire tourner un moulin pour leur usage, dans l'intérieur de leur monastère, et élever à leurs frais pour l'utiliser, tarit à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur enceinte , les aqueducs qui seront nécessaires. L'abbé Eudes, de concert avec ses religieux, a consenti avec bonté, sur notre demande, à toutes ces concessions, à condition que les travaux à exécuter par les religieux de Saint-Victor ne nuiraient point, en élevant le niveau de l'eau, au moulin de Sainte-Geneviève. Nous avons scellé de notre sceau ladite concession pour qu'elle eût son plein et entier effet à perpétuité en faveur de l'abbaye de Saint-Victor. Suivent les noms de tous ceux qui, à notre demande, ont assisté comme témoins à ladite concession : Ce sont Monseigneur Geoffroy, évêque de Langres; Monseigneur Jean, évêque de Saint-Malo; maître Bernard, archidiacre de Paris, et mes frères Gérard et Geoffroy. » Cette concession paraît être de l'an 1150 environ. (Note de Mabillon.)
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