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LETTRE CCLXXXIII. AU PAPE EUGENE, POUR LES RELIGIEUX (a) DE MOIREMONT.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE CCLXXXIV. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'ARCHEVÊQUE DE REIMS ET POUR D'AUTRES PERSONNES ENCORE.

LETTRE CCLXXXV. AU MÊME PAPE, POUR EUDES, ABBÉ DE SAINT-DENIS.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

LETTRE CCLXXXVI. AU MÊME PAPE, POUR LE MÊME ABBÉ.

LETTRE CCLXXXVII. A MONSEIGNEUR L'ÉVÊQUE (Hugues) D'OSTIE POUR LE MEME ABBÉ.

LETTRE CCLXXXVIII. SON ONCLE ANDRÉ, CHEVALIER DU TEMPLE.

NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CCLXXXIII. AU PAPE EUGENE, POUR LES RELIGIEUX (a) DE MOIREMONT.

 

Saint Bernard a recours au saint Siège pour terminer un différend qu'il a vainement essayé de unir.

 

Je me suis rendu à Cluny dans l'espérance de faire notre paix avec les religieux de Gigny, mais après bien des efforts pour y réussir, les choses en sont restées au même point; quatre jours d'un travail continu n'ont abouti qu'à ruiner toute espérance d'arrangement. Je ne pus jamais obtenir qu'ils consentissent, selon la teneur de votre bref, à réparer les dommages qu'ils nous ont causés et à nous rendre ce qu'ils nous ont enlevé. Nos demandes leur parurent exorbitantes, parce que la perte qu'ils nous ont fait subir est excessive : on l'estime à trente mille sous d'or; il ne s'agit, en effet, de rien moins que d'une abbaye tout entière qu'ils ont détruite de fond en comble. D'ailleurs j'étais disposé à leur faire remise d'une bonne partie de leur dette, mais ils firent des offres si modiques que le vénérable abbé de Cluny, qui apportait nu zèle aussi affectueux qu'inutile à nous mettre d'accord, n'osa pas même se charger de m'en faire la proposition. Le différend ne put donc se terminer parce que les propositions qui nous étaient faites étaient ridicules. Ils disaient pour s'excuser que les dégâts n'étaient le fait que de quelques religieux mutinés; ce qui nous importe peu, car c'est leur affaire; mais d'ailleurs leur excuse était une dérision, car on sait dans le pays que ce sont des gens de leur monastère qui ont fait tout le mal, sous les yeux de plusieurs d'entre eux et du consentement de tous les autres, car personne, que je sache, rie dit qu'ils se soient opposés aux malfaiteurs. Enfin leur abbé même réfutait toutes les mauvaises raisons de ce genre qu'ils apportaient et leur prouvait avec force qu'une maison religieuse a le droit de demander à une autre la réparation du tort qu'elle en a reçu. A présent il est clair qu'il n'y a qu'une puissance aussi grande que la vôtre qui soit capable de terminer ce différend.

 

 

a Dans quelques manuscrits il n'y a que ces mots : pour des religieux ; toutes les éditions portent : pour, c'est-à-dire contre les religieux de Gigny, abbaye de Bénédictins, située dans le comté de Bourgogne; au diocèse de Lyon. Les religieux de ce monastère avaient, comme on le dit aux notes dg la fin du volume, détruit de fond en comble l'abbaye de Moiremont, à l'occasion de la dîme.

 

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CCLXXXIII.

 

193. Pour les moines de Gigny, les manuscrits de Cîteaux disent: pour les religieux de Moiremont; mais cela revient exactement au même. Cette lettre a été écrite contre, les religieux de Gigny en faveur de ceux de Moiremont.

A l'exemption de la dime accordée par le pape Innocent aux religieux de Cîeaux, ceux de Cluny furent exaspérés, comme nous l'avons dit dans les notes de la lettre deux cent vingt-huitième ; mais ceux qui s'en montrèrent le plus blessés, furent les religieux de Gigny, de l'ordre de Cluny, qui firent éclater leur ressentiment contre leurs voisins, et particulièrement contre les Cisterciens de Moiremont qui se trouvaient comme eux dans la province de Lyon: l'effervescence en vint à ce point que quelques moines de Gigny détruisirent de fond en comble l'abbaye de Moiremont.

A cette nouvelle, le pape Eugène écrivit à Pierre le Vénérable une lettre très-pressante, pour engager les Clunistes à réparer au plus tôt le tort qu'ils avaient fait aux Cisterciens, sous peine de se voir traiter avec la plus grande rigueur, attendu qu'il donnait à l'archevêque de Lyon pleins pouvoirs de recourir contre eux aux censures ecclésiastiques, si dans les vingt jours ils ne prenaient l'engagement de payer une juste indemnité.

Manrique de Vauluisant a publié cette lettre pontificale, qu'on peut voir dans l'appendice du tome II des Annales.

Saint Bernard et Pierre le Vénérable, deux bien saints négociateurs, se réunirent à Cluny pour arranger cette affaire. Après quatre jours d'efforts, on tomba d'accord sur le prix de l'indemnité, qui fut fixée à trente mille sous d'or. Mais, comme les religieux de Gigny hésitaient beaucoup à accepter ces conditions, saint Bernard écrivit au pape Eugène, pour l'informer de leurs dispositions. Après la mort de saint Bernard, en 1155, les religieux des deux monastères intéressés se mirent d'accord au sujet de la dime, par un compromis dont Guichenon parle dans son Histoire de Savoie, page 113.

Mais si nous ne connaissons pas les conditions acceptées par les religieux de Gigny, nous savons du moins, par Manrique, que Pierre le Vénérable abandonna généreusement aux Cisterciens, comme on le voit par les lettres trois cent quatre-vingt-huitième et trois cent quatre-vingt-neuvième, après la mort d'un certain sous-diacre de Rome, nommé Baron, un dépôt que celui-ci avait fait à l'abbaye de Cluny.

 

 

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LETTRE CCLXXXIV. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'ARCHEVÊQUE DE REIMS ET POUR D'AUTRES PERSONNES ENCORE.

 

Monseigneur l'archevêque de Reims (Samson) est dans la maison du Père de famille comme un vase d'honneur; il est bon que vous ne perdiez pas cela de vue et que vous ayez pour lui et polir l'Église qu'il gouverne la plus grande considération. Si je le connais bien, plus volis le traiterez avec honneur, plus il s'appliquera lui-même à faire honorer Dieu. Monseigneur d'Arras (a) est un homme simple et droit, d'une extrême humilité; il ne faut pas l'humilier davantage, de peur de lui Mer le peu d'autorité qu'il a et de le mettre hors d'état d'être utile à 'l'Église; il est même désirable, si vous le trouvez bon, que vous lui donniez vous-même de l'autorité, car il est incapable d'en prendre aucune, tant il aime à s'effacer. Il a affaire à un adversaire qui s'en fait assez accroire et qui ne peut que gagner beaucoup, ainsi que l'évêque d'Arras, à ce que vous rabattiez son orgueil. Résister aux superbes et favoriser les humbles, c'est le mot familier dans la bouche de Notre-Seigneur qui vous dit : « Il faut que mon serviteur marche sur mes traces (Joan., XII, 26). » L'abbé d'Aucourt (b) est un homme qui mérite que vous lui donniez une audience favorable; il doit vous entretenir d'une affaire que lui suscite un moine apostat, aux dépositions duquel vous ne devez pas même prêter l'oreille. Le doyen de Béthune fait dans son église, du consentement de son évêque et de l'avis de l'avocat de cette église, quelque chose que vous devez confirmer de votre autorité. Je vous prie de faire également bon accueil à la requête que doivent vous présenter les doyens de- Soissons et de Cambrai. Moi aussi j'ai été exposé aux coups des faux frères : bien des gens ont reçu comme de moi des lettres falsifiées et scellées de mon sceau contrefait; ce qui me peine le plus, c'est qu'on m'assure que vous en avez vous-même reçu aussi quelques-unes. Je me suis vu forcé par cette fraude de ne plus me servir de mon ancien cachet; j'en ai fait faire un nouveau que vous voyez,

 

a il se nommait Godescalc ; il en est parlé dans les lettres deux cent quatorzième et deux cent cinquante-troisième; il succéda en 1150 à Aivise, dont il est parlé dans les lettres soixante-cinquième et trois cent quatre-vingt-quinzième. L'affaire à laquelle il est tait allusion ici est probablement celle qu'il eut avec Guerri, abbé de Saint-Vaast, à qui le pape Eugène écrivit de « promettre par écrit obéissance à Godescalc pour tout ce qu'il tenait de l'Église d'Arras, » comme il se voit dans les lettres manuscrites d : ce pape.

 

b. Il s'agit certainement ici de l'abbaye de chanoines réguliers de Saint-Augustin-d'Aucourt, près Bapaume. Les anciens titres présentent ce mot écrit de différentes manières.

 

où j'ai fait graver mon image (a) et mon nom ; n'en reconnaissez pas d'autre pour authentique, si ce n'est celui que j'ai dit placer au bas de la lettre que j'ai donnée à l'évêque de Clermont, parce que je n'avais pas encore celui dont je me sers maintenant.

 

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LETTRE CCLXXXV. AU MÊME PAPE, POUR EUDES, ABBÉ DE SAINT-DENIS.

 

L’an 1153

 

Saint Bernard recommande cet abbé au saint Père et repousse les fausses accusations que la haine et l'ambition de ses ennemis avaient articulées contre lui.

 

1. Quand personne ne s'emploierait auprès de vous pour l'abbaye de Saint-Denis et pour Eudes (b), son abbé, je n'hésiterais pas à vous écrire en leur faveur : leur cause est en tous points excellente et il s'agit d'une abbaye fameuse et d'un abbé de grand mérite. Tout l'univers tonnait l'une de réputation, et moi je connais l'autre à merveille, puisqu'il est mon voisin. De plus, cet abbé et son abbaye relèvent directement de vous; aussi, je le répète, je n'aurais point hésité à vous écrire dans leur intérêt, quand même je me fusse trouvé seul à le faire. Mais, loin d'être seul à vous solliciter en leur faveur, je suis appuyé dans mes démarches par d'autres personnes tellement dignes de foi qu'elles mériteraient toute créance de votre part, quand même elles seraient seules à vous écrire, car elles ont tout vu de près et par elles-mêmes; il n'est pas une démarche de l'abbé qu'elles ne connaissent, et elles ne rendent témoignage que de choses dont elles sont parfaitement sûres. C'est donc avec la plus grande confiance que je viens vous prier en faveur de cet abbé quand je me vois appuyé de pareils témoins. Je vous engage hardiment à défendre votre propre bien contre ceux qui s'en emparent

 

a On voit par là que Guillaume, troisième abbé de ce nom de Cîteaux, avait tort de dire, dans sa lettre à Thibaut, comte de Champagne, que nous publions ici, que le sceau de l'abbé de Buzay qu'on venait de retrouver n'était pas authentique, sous prétexte qu'on y voyait gravé le nom de cet abbé, et que jamais aucun sceau de l'ordre n'avait porté le nom de l'abbé auquel il appartenait. Ce qu'il y a de certain, c'est que, dans une charte de la main de saint Bernard lui-même, qui mettait fin à un différend survenu entre les abbayes de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor, le nom de notre Saint se lit sur son sceau, où il est lui-même représenté, tenant un livre de la main droite et la crosse de la gauche.

 

b Eudes avait d'abord été moine à Saint-Denis, près Paris, il fut abbé de Saint-Corneille rte Compiègne, et succéda enfin à l'abbé Suger en 1151. On peut lire son éloge et l’histoire de son élection dans les lettres de Suger, cent cinquante-sixième et suivantes, particulièrement dans la cent soixante-deuxième qui est de Baudouin, évêque de Noyon. Ce prélat rappelle « un homme non moins pieux que capable, » et en écrivant au pape Eugène, il dit qu'il a été élu à l’unanimité et béni ensuite par lui. Voir aux notes de la fin du volume.

 

injustement et le pillent d'une manière atroce. Oui, croyez moi, je vous prie, levez la main, étendez le bras, opposez votre bouclier contre leurs attaques et que le glaive de Pierre défende son patrimoine.

2. C'est en vain que quelques voix s'élèvent contre celui que tout lé monde justifie, ou plutôt estime et respecte. Quels bons fils que ceux qui cherchent malignement à mettre à nu les défauts de leur père et lui supposent je ne sais quels crimes imaginaires ! On est stupéfait d'une accusation à laquelle on était si peu préparé, et on ne peut sans rougir entendre parler des choses inouïes qu'on impute à cet homme; un abbé de Saint-Denis est-il donc caché sous le boisseau? n'est-il pas, au contraire, exposé à tous les regards comme une lampe placée en évidence?.Quand il le voudrait, il lui serait impossible de cacher sa vie. Quels yeux de lynx ont donc ceux qui ont vu tout à coup en cet homme des choses que personne n'y avait remarquées? En vérité, une telle délation me parait bien suspecte : mais ce qui me la rend plus suspecte encore, c'est ce Raymond qui s'est mis, dit-on, à la tête des dénonciateurs; on dit que c'est un homme aussi habile à discourir en public qu expert dans l'art des insinuations secrètes; d'une ambition inquiète, d'une basse complaisance, tout pétri de duplicité et d'une rare habileté pour semer la discorde. C'est un loup sous une peau de brebis; je vous l'ai dépeint tel qu'il est afin de l'empêcher de mordre et pour le mettre hors d'état de nuire.

 

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CCLXXXV.

 

194. Pour Eudes, abbé de Saint-Denys, près Paris: il était abbé de Saint-Corneille de Compiègne quand il succéda à Suger en 1152. On ne sait comment on a pu l'accuser sitôt de dilapider les biens de son monastère, puisqu'il y avait à peine un an et demi qu'il était abbé quand saint Bernard mourut. Le continuateur anonyme de Sigebert nous fait connaître les accusations dont on chargeait Eudes. Voici ce que nous lisons à l'année 1150 : « En mourant, Suger laissa son abbaye dans l'état le plus prospère ; il fut remplacé par Eudes, premier abbé de Compiègne, qui avait autrefois été religieux à Saint-Denys. Mais, oublieux des bienfaits qu'il avait reçus de Suger, il se mit à persécuter les membres de sa famille, en même temps qu'il dilapidait de mille manières les biens de l'abbaye. Personne n'osait prendre la défense des parents de Suger; non-seulement le roi ne s'occupait pas d'eux, mais il en persécutait même plusieurs, parce qu'un certain Simon, neveu de Suger, avait encouru sa disgrâce et s'était vu contraint de renoncer au titre de chancelier du roi, par suite de soupçons graves qui planaient sur lui, et de s'expatrier; il s'était rendu auprès du pape Eugène, qui lui fit un très-bienveillant accueil et dont il obtint par lettres authentiques un privilège admirable, sans exemple jusqu'alors, celui de ne pouvoir être contraint à répondre à quelque accusation que ce soit, qu'en présence du souverain Pontife. Enfin la protection qu'Eugène accorda à Simon contre un roi aussi dévoué à la religion qu'au Pape lui-même, finit par lui faire obtenir sa grâce. Les évêques n'avaient pas vu sans peine la concession d'un privilège qui semblait donner de l'audace aux mi-chants et le désir d'en obtenir un pareil à tous ceux qui se sentaient coupables. » (Note de Mabillon.)

 

 

 

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LETTRE CCLXXXVI. AU MÊME PAPE, POUR LE MÊME ABBÉ.

 

L’an 1153

 

Si la calomnie et les faux rapports prévalent contre l'abbé de Saint-Denis, ce n'est pas moi qui en répondrai devant Dieu, car c'est la seconde fois que je vous écris contre ses accusateurs. Que lui reproche-t-on ? Sans doute de ne pas prêter assez au blâme. Avec quelle apparence de raison accuse-t-on un homme dont tous les gens de bien de son voisinage estiment la vertu? On l'accuse d'avoir endetté son abbaye, d'en avoir engagé les terres et dissipé les revenus; comme si cela ne pouvait jamais se faire pour de bonnes raisons et de justes causes. Or cette communauté m'a fait savoir pour ce qui concerne cette abbaye, par une, personne digne de foi, que les choses ne sont pas du tout telles qu'on vous les a faites. Il est nécessaire d'éclaircir la vérité, le témoignage des yeux vaut mieux que tous les serments; et si on trouve véritables les faits que je crois inventés par la malveillance, il faut que l'abbé soit condamné, de quelque manière que la chose soit arrivée. mais s'il n'en est rien, je demande que les délateurs ne tirent au moins aucun avantage de leur calomnie. On l'accuse de mort d'homme a, qu'on 18 fasse mourir s'il en est convaincu; mais quelle vraisemblance y a-t-il qu'il ait tué celui même qu'il venait d'arracher à la mort? De quel front aller faire auprès de vous de pareilles dépositions quand on a vu le zèle qu'il a déployé soit en arrachant à la mort les auteurs du premier meurtre, soit en punissant ceux qui s'en étaient vengés par un meurtre nouveau. En un mot, il suffirait que vous connussiez bien le caractère des délateurs pour concevoir des soupçons sur la vérité de ce que vous ne connaissez que par eux. Je prie Dieu d'assister Votre Sainteté et de vous faire éviter les piéges que ces langues perverses vous tendent pour perdre un innocent.

 

 

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LETTRE CCLXXXVII. A MONSEIGNEUR L'ÉVÊQUE (Hugues) D'OSTIE POUR LE MEME ABBÉ.

 

Des méchants accusent l'abbé de Saint-Denis, mais tous les bonnétes gens de son monastère et des environs le défendent. Plus j'estime son mérite, plus je m'empresse de vous demander pour cet abbé votre affectueuse protection. Je vous prie de la lui accorder tout entière, sinon parce qu'il est mon ami, du moins parce qu'il n'y a absolument rien de vrai dans ce dont on l'accuse. S'il a fait des dettes, il y a été contraint parla dureté des temps; après tout, elles sont légères. Pour ce qui est des terres de son monastère qu'on lui reproche d'avoir mises en gage, le fait est absolument faux. Quant au meurtre de G..., dont ses ennemis l'accusent, je ne pense pas qu'on l'en ait jamais soupçonné coupable, surtout quand on sait tout ce qu'il a fait pour l'arracher à la mort, ainsi que ses partisans que leurs ennemis tenaient dans une étroite captivité. Toutes ces raisons, et particulièrement l'immixtion dans cette affaire du fourbe Raymond, m'obligent à vous prier de veiller avec soin à la défense de cet abbé.

 

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LETTRE CCLXXXVIII. SON ONCLE ANDRÉ, CHEVALIER DU TEMPLE.

 

 

Saint Bernard déplore l'issue malheureuse de la croisade et témoigne à son oncle le désir de le voir.

 

l. J'étais malade au lit quand on me remit votre dernière lettre; je ne saurais vous dire avec quel empressement je la reçus, avec quel bonheur je la lus et relus; mais combien plus aurais-je été heureux de vous voir

 

a On désigne le nom de sa prétendue victime par un G... dans la lettre soixantième. On incline à croire, d'après les notes de la lettre deux cent quatre-vingt-cinquième, qu'ils'agit d'un parent de l'abbé Suger.

 

vous-même! Vous me témoignez le même désir, en me disant les craintes que vous inspirent l'état du pays que le Seigneur a honoré de sa présence, ainsi que les dangers qui menacent une ville arrosée de son sang. Oh! malheur à nos princes chrétiens! ils n'ont rien fait de bon dans la terre sainte, et ils ne se sont hâtés de revenir chez eux que pour se livrer à toutes sortes de désordres, insensibles à l'oppression de Joseph. Impuissants pour le bien, ils ne sont, hélas! que trop puissants pour le mal. Pourtant j'espère que le Seigneur ne rejettera pas son peuple et n'abandonnera pas son héritage à la merci de ses ennemis; son bras est assez puissant pour le secourir et sa main toujours riche en merveilles; l'univers reconnaîtra qu'il vaut mieux encore mettre sa confiance en Dieu que dans les princes de la terre. Vous avez bien raison de vous comparer à une fourmi; que sommes-nous autre chose avec toute la peine et la fatigue que, pauvres humains, nous nous donnons pour des choses inutiles ou vaines? Qu'est-ce que l'homme retire de tant de peines et de travaux à la face du soleil? Portons nos visées dans les cieux, et que notre âme aille par avance là où notre corps doit la suivre un jour. C'est ce que vous faites, mon cher André, c'est là que sont le fruit et la récompense de vos travaux. Celui que vous servez sous le soleil habite plus haut que les cieux, et si le champ de bataille est ici-bas, la récompense du vainqueur est là-haut; car ce n'est point sur cette terre qu'il faut chercher le prix de la victoire, il est plus haut que cela et la valeur en est supérieure à tout ce qui se rencontre dans les bornes de cet univers. Il n'y, a sous le soleil qu'indigence et pauvreté, là-haut seulement nous serons dans l'abondance et nous recevrons une mesure pleine, foulée, enfaîtée et surabondante due le Seigneur versera dans notre sein (Luc., VI, 38).

2. Vous avez le plus grand désir de me voir, et vous ajoutez qu'il ne dépend que de moi que vous ayez ce bonheur, que je n'ai qu'un mot à dire pour que vous arriviez. Que vous dirai-je? Je désire vous voir, mais j'ai peur en même temps que vous ne veniez s dans cette perplexité, je ne sais à quel parti m'arrêter. Si d'un côté je me sens porté à satisfaire votre désir et le mien, de l'autre je crains de vous enlever à un pays où, dit-on, votre présence est en ne peut plus nécessaire, et qui se trouverait par votre absence exposé aux plus grands périls. Je n'ose donc vous montrer le désir de mon âme, et pourtant combien serais-je heureux de vous revoir avant de mourir! Vous êtes mieux en position que moi de voir et de juger si vous pouvez quitter ce pays sans inconvénient pour lui et sans scandale pour personne. Peut-être votre voyage en nos contrées ne serait-il pas inutile et il se pourrait, avec la grâce de Dieu, que vous ne retournassiez pas seul en Palestine; vous êtes connu et aimé par ici et il ne manque pas de gens qui se mettraient avec vous au service de l'Eglise. En ce cas vous pourriez vous écrier avec le saint patriarche Jacob : « J'étais seul quand je passai le Jourdain, et maintenant je le repasse escorté de trois troupes (Gen., XXXIII, 10). » En tout cas, si vous devez venir me voir, que ce soit plus tôt que plus tard, de peur que vous ne trouviez plus personne, car je m'affaiblis beaucoup et je ne crois pas que mon pèlerinage se continue désormais bien longtemps sur la terre. Dieu veuille que j'aie la consolation de jouir de votre douce et aimable présence au moins pendant quelques instants avant que je m'en aille de ce monde! J'ai écrit à la reine dans les termes que vous souhaitez, et je suis très-heureux de l'éloge que vous me faites de sa personne. Saluez de ma part votre grand maître et vos confrères, les chevaliers du Temple, ainsi que ceux de l'hôpital, comme je vous salue vous-même. Je vous prie de me recommander, à l'occasion, aux prières des reclus et des religieux qui m'ont fait saluer par vous. Veuillez être mon interprète auprès d'eux. Je salue aussi de toute l'affection de mon âme notre cher Girard (a) qui a demeuré quelque temps parmi nous et qui, dit-on, est maintenant évêque.

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NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON

 

LETTRE CCLXXXVIII.

 

196. Malheur aux princes chrétiens ! Saint Bernard fait ici allusion à l'issue malheureuse de la croisade, dont l'ambition, la jalousie et les discordes des princes chrétiens compromirent le succès et paralysèrent les forces. Saint Bernard s'exprime encore en ce sens au livre II de la Considération, chapitre I.

Un témoin oculaire de cette expédition, Othon de Freisingen, après avoir rapporté tous les désastres de l'armée chrétienne, livre I des faits et gestes de. l'empereur Frédéric, chapitre LXXVIII, ajoute : «. Et néanmoins tant de revers ne leur fit rien rabattre du faste royal qu'ils déployaient entre eux. »

Voir dans Emile, Histoire de Louis VII, le récit du siège de Damas que l'ambition des princes chrétiens ne permit pas de mener à bonne fin. Voir encore Cionio, Histoire de l’Italie, livre II. Plusieurs causes contribuèrent à l'insuccès de cette expédition, comme on peut le voir dans les notes du livre II de la Considération, chapitre I (Note de Horstius).

 

 

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