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LETTRE CCLIV. A GUÉRIN (a), ABBÉ DE SAINTE-MARIE DES ALPES.

LETTRE CCLV. AU ROI DE FRANCE LOUIS (a).

 

LETTRE CCLIV. A GUÉRIN (a), ABBÉ DE SAINTE-MARIE DES ALPES.

 

L’an 1136

 

Saint Bernard loue cet abbé du zèle avec lequel, dans un âge avancé, il entreprend la réforme de sa maison. La brièveté du temps ne nuit en rien aux désirs de la perfection, Dans la vie spirituelle, cesser d'avancer c'est reculer.

 

1. Je vois maintenant en vous, mon Père, l'accomplissement de, ces paroles du Sage: « Quand l'homme touche au but, il ne fait encore que commencer (Eccli., XVIII, 6), » Vous êtes en âge de vous reposer, vos longs services n'attendent plus que leur récompense; cependant, tel qu'un soldat nouvellement engagé sous les drapeaux du Christ, vous entreprenez une nouvelle campagne, vous provoquez de nouveau l'ennemi au combat, et, montrant dans un corps chargé d'années toute la force et la vigueur de la jeunesse, vous contraignez l'antique ennemi du salut à rentrer en lice avec vous et à recommencer de nouveau la lutte. En effet, il vous voit renoncer maintenant à la coutume que vous avez vous-même suivie, aux usages traditionnels (b) de vos prédécesseurs, et, touché de la grâce d'en haut, vous démettre des églises et des bénéfices que vous possédiez; détruire ces synagogues de Satan, je veux dire ces cellules (c) particulières dans lesquelles des religieux séparés du reste de la communauté vivaient trois ou quatre ensemble sans règle et sans ordre; interdire l'accès de votre monastère (d) aux femmes et veiller avec plus de zèle que jamais à tous les autres devoirs de la vie religieuse. Mais que vous importe la rage de l'antique ennemi, du premier et du plus grand des pécheurs à la vue de toutes vos réformes? Son dépit fait votre joie et vous chanterez à sa honte : « Seigneur, ceux

 

a Cette lettre est de 1136, époque où le monastère de Sainte-Marie-des-Alpes, dont il est parlé dans la cent quarante-deuxième lettre de saint Bernard, embrassa la règle de Cîteaux.

 

b Saint Bernard veut parler des mitigations de la règle introduites par les religieux antérieurement à l'abbé Guérin; il en est parlé dans la lettre quatre-vingt-onzième.

 

c L'existence de ces sortes de cellules a toujours été préjudiciable à la règle, dont il est plus difficile d'exiger la rigoureuse pratique dans un petit que dans un grand nombre de religieux. Saint Bernard donne à ces cellules, dans sa quatre centième lettre, le nom d'obédiences. Il  tient ici le même langage que dans la lettre cent cinquantième, n. 2.

 

d C'est-à-dire de leur église. C'était aussi l'usage parmi les religieux de Clairvaux, de même que parmi les Cisterciens, d'en interdire l'entrée-même aux religieux étrangers, comme on le voit dans Orderic Vital, livre VIII, page 714. Les Chartreux n'admettent dans le chœur de leur église que les religieux auxquels il donnent l'hospitalité, ainsi qu'ont le voit dans Guy, chap. X de leurs statuts. Sur la défense de laisser pénétrer les femmes dans les églises des monastères d'hommes, on peut lire la préface du premier siècle, n. 112, et celle du second siècle, n. 53.

 

qui vous craignent ne peuvent manquer de se réjouir en voyant que j'espère en vous au delà de toute espérance (Psalm. CXVIII, 74). » Il n'est pas à craindre que l'ennemi triomphe de celui sur lequel les années mêmes n'ont pas de prise ; son âme est plus forte que l'âge; en vain la vieillesse a glacé tout son corps, alourdi ses membres, couvert de rides sa chair affaiblie; il conserve un coeur embrasé de saints désirs, une âme ardente à poursuivre ses pieux desseins et un esprit supérieur aux défaillances du corps. Après tout, qu'y a-t-il d'étonnant qu'il se mette si peu en peine de l'état de délabrement et de ruine où se trouve la masure qu'il habite, quand il voit s'élever tous les jours davantage l'édifice spirituel qu'il se construit pour l'éternité? Il  sait bien qu'il ne perdra sa maison de boue que pour en recevoir de Dieu même une autre qui ne sera pas faite de la main des hommes et qui durera éternellement ( II Cor., V, 1).

2. Mais, dira-t-on peut-être, s'il meurt avant d'avoir mis la dernière main à cet édifice spirituel, qu'adviendra-t-il de ses espérances ? Car on n'est parfait que quand on n'a plus rien à faire, quiconque peut s'élever encore n'a point atteint le faîte. A cela je réponds hardiment que « cet homme en peu de temps a vécu bien des siècles (Sap., IV, 13). » Oui, bien des siècles, en vérité, car il les a vécus tous; en preuve, c'est qu'il a fini par l'éternité. Ce n'est pas à la longueur du temps ni au nombre des années et des jours que se mesurent la durée de ce qu'il a vécu et l'étendue de ses mérites, mais à la disposition habituelle de son esprit, à l’ardeur de sa pieuse âme et à sa constante résolution de tendre sans cesse à la perfection. Sa vertu lui donne et lui assure tout ce que le temps lui a refusé, car elle n'est point sujette au temps et n'est point limitée par lui. Voilà pourquoi il est dit: « La charité ne peut périr (I Cor., XIII, 8); la persévérance des saints ne meurt point avec eux (Psalm. IX, 19), et la crainte de Dieu qui fait les saints subsiste dans les siècles des siècles (Philip., III, 15). » L'homme juste ne croit jamais qu'il est arrivé à la perfection, jamais on ne lui entend dire : C'est assez comme cela! Mais, toujours affamé, toujours altéré de justice, il travaille sans relâche à l'augmenter en lui; il vivrait toujours qu'il ne cesserait de faire de nouveaux efforts pour se rapprocher tous les jours un peu plus de la perfection; car ce n'est pas au jour ou à l'année, comme un mercenaire, «il s'engage au service de Dieu, c'est pour l'éternité. Aussi entendez-le s'écrier : « Seigneur, votre loi m'a donné la vie, je ne l'oublierai jamais (Psalm. CXVIII, 93); j'ai fait voeu de l'observer toujours (Psalm. CXI, 3), » et non pas seulement pendant quelques années. Sa justice subsiste donc toujours aussi, et la faim qui ne cesse de le consumer mérite d'être éternellement rassasiée. Il peut ne vivre que quelques jours, il n'en est pas moins regardé comme s'il avait vécu des siècles, parce qu'il était dans la disposition de les employer tous de même.

3. Eh quoi! la brièveté de la vie nous ôterait le mérite d'une vertu qui eût toujours duré si c'eût été possible, quand elle n'empêche pas qu'on impute aux réprouvés leur obstination dans le mal? En effet, leur péché n'a duré qu'un instant et il est puni d'un supplice sans fin; n'est-ce pas parce que dans ses dispositions perverses leur volonté impénitente rend éternel en désir ce qui n'est que temporaire et passager de sa nature? S'ils eussent toujours vécu, ils n'auraient jamais cessé de vouloir le mal, bien plus, ils n'auraient pas voulu mourir afin de pouvoir pécher toujours, de sorte qu'on pourrait dire aussi en parlant d'eux, mais dans un sens tout différent des justes: « En peu de temps ils ont vécu des siècles, » par la raison que, demeurant toujours dans la même disposition, ils ont vécu un jour comme ils en auraient vécu mille. Voilà sur quel raisonnement je me fonde pour dire qu'on est parfait dès qu'on ne cesse pas d'aspirer et de tendre de toutes ses forces à le devenir.

4. Mais si c'est être parfait que d'aspirer sans cesse à le devenir, c'est s'éloigner de la perfection que de cesser d'y tendre. Où sont donc ceux qui disent : C'est assez comme cela pour nous, nous n'avons pas la prétention de valoir mieux que nos pères? O moine, est-ce vous qui tenez ce langage, est -ce bien vous qui ne voulez point avancer dans la vertu ? Voudriez-vous donc reculer? Je ne veux ni l'un ni l'autre, me répondez-vous, je ne demande qu'à vivre tel que je suis et à demeurer dans l'état où je me trouve; à Dieu ne plaise que je devienne pire, mais je ne tiens pas à devenir meilleur. Vous voulez tout simplement l'impossible, car il n'y a rien de stable en ce monde et encore moins dans l'homme, dont il est dit. «Il passe comme une ombre, on ne le trouve pas deux fois de suite dans le même état (Job, XIV, 2). » L'auteur même des hommes et des temps n'est pas demeuré dans le même état quand il apparut sur la terre au milieu des hommes, mais « il passait, dit l'Écriture, en faisant le bien et en guérissant tous les malades (Act., X, 38). » il passait non pas en ne faisant rien, non point dans l'indolence et la paresse, ou d'un pas lent et paisible, mais, selon l'expression d'un Prophète, « il s'avançait à pas de géant dans sa carrière (Psalm. XVIII, 6). » Il faut courir pour l'atteindre, sans cela que nous servirait-il de le suivre? Voilà pourquoi saint Paul nous crie : « Courez, mais courez si bien que vous arriviez au but (I Cor., IX, 24). » Cardez-vous de fixer à votre course, si vous êtes chrétien, un autre tenue que celui que Jésus-Christ s'est assigné à lui-même lorsque, selon la remarque de l'Apôtre, « il s'est fait obéissant jusqu'à la mort (Philipp., II, 8). » Si longtemps que vous couriez, si vous ne courez jusqu'à la mort, vous n'atteindrez pas le but et n'obtiendrez pas le prix; or le prix de cette course, c'est Jésus-Christ môme. Si vous vous arrêtez quand il avance à grands pas, non-seulement vous ne vous approchez point du but, mais le but même s'éloigne de vous, et vous vous exposez à cette malédiction du Psalmiste : « Seigneur, ceux qui s'éloignent de vous périront (Psalm. LXXII, 27). » Si donc c'est courir que d'avancer, en cessant d'avancer vous cessez de courir, et dès qu'on cesse de courir on recule; d'où il suit que ne vouloir plus avancer, c'est effectivement reculer.

5. Jacob vit une échelle sur laquelle les anges montaient ou descendaient, il n'en vit pas qui parussent s'arrêter et se reposer; c'est la figure de la vie, où il n'y a point de milieu pour nous entre croître et décroître ; voyez notre corps par exemple, il est dans un changement continuel, il perd s'il n'acquiert quelque chose; ainsi en est-il de notre âme, il faut nécessairement qu'elle avance ou qu'elle recule. Mais il y a cette différence entre le corps et l'âme que ce qui affaiblit ou fortifie l'un ne produit pas le même effet sur l'autre. Ainsi, quand le corps est robuste et vigoureux, l'âme est faible et languissante; au contraire elle recouvre toute sa force et sa vigueur dès que le corps souffre et s'affaiblit. L'Apôtre en avait fait l'expérience quand il disait : « Je ne suis jamais plus fort que quand je suis faible (II Cor., XII, 10), » et qu'il se glorifiait de sa faiblesse et de ses infirmités, parce qu'elles permettaient « à la force et à la vertu du Christ d'habiter en lui (II Cor., XII, 9). »

6. Mais à quoi bon citer des exemples à l'appui d'un fait qui se passe sous nos yeux ? N'êtes-vous pas, mon révérend Père, une preuve évidente de ce que je viens de dire ? A mesure qu'en vous l'homme extérieur se détruit, l'intérieur se renouvelle (II Cor., IV, 16). C'est en effet de ce renouvellement de l'esprit qu'est née l'ardeur qui vous consume de réformer votre maison. C'est ainsi que l'homme de bien tire le bien de son coeur comme d'un trésor, de même qu'un bon arbre produit de bons fruits (Matth., XII, 33). Nous ne cueillons encore que les prémices de ce que vous promettez, mais en fut-il jamais d'aussi excellents? L'arbre qui les donne n'est autre que la pureté de votre coeur, car il n'y a qu'elle qui ait été capable de vous porter à faire revivre la pureté de votre propre règle; une eau si limpide ne saurait jaillir d'une source bourbeuse, ni de si saintes pensées d'une âme souillée. Evidemment c'est d'un coeur qui surabonde de grâces que s'échappent et s'écoulent au dehors toutes ces choses qui nous charment à voir, et l'éclat qui brille dans votre entreprise n'est qu'un rayon de la lumière de votre âme.

7. O vous, enfants d'un tel père, soyez ses imitateurs comme vous voyez qu'il l'est lui-même de Jésus-Christ; écriez-vous aussi: « Nous vous suivrons dans l'odeur a de vos parfums ( Cant., 1, 3), » car il est partout la bonne odeur de Jésus-Christ (II Cor., II, 15). Non-seulement il l'est pour vous qui le respirez les premiers, mais l'odeur qu'il exhale vient

 

a Saint Bernard, à l'exemple de anciens, dit dans l'odeur... et non à l'odeur, attendu que l'Epouse des Cantiques ne court pas à l'odeur, mais dans les odeurs, vers son Époux. Pierre le Vénérable dit plus bas, dans la lettre deux cent soixante-quatrième : «Attiré par l'odeur de tes parfums. »

 

jusqu'à nous, quelque éloignés que nous soyons de vous, les suaves parfums de son zèle nous gagnent et nous embaument d'une délicieuse odeur de vie, de la vraie vie des saints. Mais que dis-je ? ce n'est pas seulement jusqu'à nous qu'elle s'est répandue, elle a pénétré jusqu'aux cieux et les esprits célestes, dans l'enivrement d'une allégresse plus grande que de coutume, ne peuvent s'empêcher de s'écrier: « Quelle est cette âme qui s'élève du désert comme une vapeur d'aromates, de myrrhe, d'encens et de parfums de toutes sortes?... L'odeur que vous répandez est semblable à celle d'un jardin rempli de grenadiers chargés de fruits (Carat., III, 6; IV, 13). » Il faudrait avoir l'âme rongée par l'envie pour être sourd à ces chants d'allégresse, et répandre déjà l'infection du tombeau, si vous me permettez de parler sans détour, pour ne pas sentir une si suave odeur.

 

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LETTRE CCLV. AU ROI DE FRANCE LOUIS (a).

 

L’an 1146

 

Saint Bernard engage fortement le roi Louis à n'apporter aucune entrave à la célébration d'un concile devenu aussi nécessaire au bien de l'Etat qu'à celui de l'Église, et dont il ne peut recevoir lui-même qu'un accroissement de gloire.

 

A Louis, par la grâce de Dieu très-excellent roi de France, Bernard, abbé de Clairvaux, son fidèle sujet, salut de la part du Roi des rois, du Seigneur des seigneurs, ainsi qu'à son épouse bien-aimée et à ses enfants.

 

1. Les royaumes de la terre et les empires de ce monde ne demeurent puissants et glorieux entre les mains de ceux qui les gouvernent qu'autant que les princes et les rois ne s'insurgent pas contre ce que Dieu lui-même a réglé et disposé. Pourquoi donc, seigneur, Votre Majesté s'élève-t-elle contre l'élu de Dieu, contre un pontife en qui elle a trouvé un père et qu'elle a donné comme un autre Samuel à son fils ? Pourquoi s'arme-t-elle de colère non pas précisément contre des étrangers, mais contre elle-même et contre ses propres sujets? Je ne m'étonne plus après cela que l'Apôtre dise: « La colère de l'homme ne fait pas le compte de la justice de Dieu (Jacob, I, 20), » puisqu'elle vous aveugle jusqu'à vous empêcher de voir le danger auquel tout le monde voit que vous exposez vos propres intérêts, votre honneur et le salut même de votre âme.

 

a C'était Louis le Gros, comme on ne peut en douter, soit parce que dans les manuscrits cette lettre se trouve placée la cent vingt-septième et après celle que notre Saint adressa aux évêques d'Aquitaine, soit parce que le contexte où se lisent ces paroles: « Contre un Pontife... qu'elle a donné comme un autre Samuel à son fils. » Ce qui ne peut s'entendre que du pape Innocent II, qui sacra, en effet, Louis le Jeune à Reims en 1131.

 

On assemble un concile (a); qu'y a-t-il en cela de préjudiciable à la gloire de Votre Majesté et aux intérêts de votre couronne ? Au contraire, on rappellera et on publiera bien haut dans cette assemblée générale de l’Eglise la piété et le dévouement de Votre Excellence; on y dira que le roi de France est le premier ou l'un des premiers princes du monde qui ait eu, en roi très-chrétien, le courage de défendre l'Église sa mère contre la violence de ses ennemis; toute la chrétienté réunie vous rendra mille actions de grâces que vous aurez la gloire d'avoir méritées, et fera mille voeux pour vous et pour les vôtres.

2. D'ailleurs, pour peu qu'on ressentît les maux dont l'Église notre mère est accablée maintenant, on ne saurait méconnaître la nécessité d'un concile général pour y remédier. Mais, dit-on, les chaleurs sont excessives et nos corps ne sont pas de glace ! C'est vrai, mais nos coeurs le sont bien certainement, s'ils ne se fondent point de douleur à la vue des malheurs de Joseph, pour emprunter le langage du Prophète (Amos, VI, 6). Mais je me réserve de vous parler de ces choses dans une autre circonstance. Pour aujourd'hui, souffrez que le moindre de vos sujets, par sa condition sinon par sa fidélité, déclare à Votre Majesté qu'il est contraire à ses intérêts de s'opposer à un bien si grand et si nécessaire. Je pourrais le démontrer aussi clair que le jour par des raisons concluantes; mais je me dispenserai de les développer en ce moment, convaincu que ce que je vous ai dit est plus due suffisant pour un prince aussi intelligent que vous. Après tout, si Votre Sérénité croit avoir à se plaindre de la sévérité que le souverain Pontife a déployée contre Elle, ses fidèles sujets qui assisteront au concile ne manqueront pas de faire tous leurs efforts pour faire rapporter ou modifier ce qui a pu porter atteinte. à l'honneur de Votre Majesté. Soyez sûr que de mon côté je n'y manquerai pas, si j'ai quelque pouvoir.

 

a C'est du concile de Pise, qui se célébra en 1134, qu'il est question en cet endroit le roi de France s'opposait au départ des évêques de son royaume pour ce concile, sous prétexte que la chaleur était excessive en Italie.

 

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