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LETTRE CCXLIV. A L'EMPEREUR CONRAD.
LETTRE CCXLV. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'ÉVÊQUE D'ORLÉANS.
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CCXLVI. AU MÊME PAPE, POUR LE MÊME ÉVÊQUE D'ORLÉANS, APRÈS QU'IL EÛT ÉTÉ DÉPOSÉ,
LETTRE CCXLVII. AU MÊME PONTIFE EN FAVEUR DE L'ARCHEVÊQUE DE REIMS.
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CCXLVIII. AU MÊME SOUVERAIN PONTIFE.
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CCXLIV. A L'EMPEREUR CONRAD.
Saint Bernard l'engage à prendre en main la défense de l'autorité pontificale contre les Romains révoltés.
1. Le sacerdoce et l'empire ne pouvaient se trouver unis par des liens plus doux, plus aimables et plus forts que ceux qui les resserrent l'un et l'autre dans la personne du Sauveur : il voulut naître de la tribu de Juda et de celle de Lévi pour être tout à la fois prêtre et roi, même selon la chair. De plus, il a si étroitement uni ces deux puissances dans l'Église qui est son corps a mystique et dont il est la tête, qu'on les dirait confondues ensemble. Aussi l'Apôtre nous appelle-t-il tous « une race d'élite, un sacerdoce royal (I Petr., II, 9), » tandis qu'en un autre endroit des saintes Lettres, les élus sont nommés « princes et prêtres (Apoc., I, 6 ; V, 10). » Que les hommes ne séparent donc pas ce que Dieu a uni, qu'ils confirment plutôt de tontes leurs forces nu état de choses qui a sa source dans les dispositions de la Providence, de sorte que deux puissances qui sont naturellement unies le soient aussi par les dispositions des coeurs, se favorisent, se soutiennent mutuellement, et portent réciproquement le fardeau l'une de l'autre. « Deux frères qui s'entr'aident, dit le Sage, seront comblés de consolations (Prov., VIII, 19). » Mais si par malheur ils se minent et se déchirent mutuellement, ils ne peuvent manquer de tomber tous les deux dans l'infortune. Je ne suis pas de ceux qui disent que la paix et la liberté de l'Église sont redoutables à l'empire ni que la gloire et la prospérité de l'empire sont une menace pour l'Église, ce n'est pas pour les détruire mais pour les fortifier l'un par l'autre que Dieu les a créés. 2. Si Votre :Majesté est persuadée de cette vérité, jusqu'à quand souffrira-t-elle un affront et un attentat qui s'attaquent à elle en même temps qu'à l'Église? Rome n'est-elle pas la capitale de l'empire comme
a Suger dit avec raison à ce sujet, dans sa lettre soixante-quatorzième : « Puisque la gloire du corps mystique de Jésus-Christ, c'est-à-dire de lEglise, résulte du bon accord de l'empire et du sacerdoce, il s'ensuit que travailler pour l'un c'est travailler pour l'antre; car il n'est personne ; qui ne sache que l'État et l'Église se soutiennent mutuellement. » Voir Jean de Salisbury, lettre quarante-quatrième.
elle l'est de la religion par le saint Siège, et quand l'Église serait désintéressée dans cette affaire, est-il glorieux pour vous, Sire, de n'avoir entre les mains que les rênes d'un empire décapité? Je ne sais point ce que vos ministres et les grands de votre empire vous conseilleront dans les conjonctures présentes; quant à moi, dans mon inexpérience je ne puis m'empêcher de vous dire toute ma pensée. Depuis qu'elle existe, l'Église n'a cessé jusqu'à nos jours d'être en butte à mille épreuves, mais elle en est toujours sortie à son avantage; aussi le Prophète lui fait-il dire quelque part : « On m'a bien souvent attaquée depuis que j'existe, mais personne n'a jamais pu me vaincre. C'est en vain que les méchants ont tout fait pour m'accabler, et qu'ils m'ont suscité épreuves sur épreuves (Psalm, CXXVIII, 21). » Ainsi, que Votre Majesté soit bien convaincue que le Seigneur ne permettra pas encore cette fois que son Eglise soit opprimée. Son bras ne s'est pas raccourci et n'a rien perdu de son ancienne puissance; nul doute, par conséquent, qu'il ne délivre encore de nos jours l'Épouse qu'il s'est procurée au prix de son sang, qu'il anime de son esprit, qu'il a comblée des dons de sa grâce et enrichie même de biens temporels. Il prendra donc sa défense, croyez-le, et la délivrera des mains des méchants; mais je vous laisse à juger à vous et à vos conseillers s'il est glorieux pour vous et avantageux à l'empire qu'un autre que Votre Majesté soit le ministre de cette délivrance. Pour moi je ne saurais le croire. 3. Armez-vous donc de votre glaive, puissant Empereur, et faites rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. En qualité d'empereur vous avez deux devoirs à remplir, l'un de défendre votre couronne, et l'autre de protéger l'Église; car d'un côté vous êtes le chef de l'État, et de l'autre le tuteur de l'Église. Je suis sûr du succès de vos armes, car les Romains ont beaucoup plus d'arrogance et d'orgueil que de force véritable. Est-il au monde un prince quelconque, roi ou empereur, qui soit assez téméraire pour oser entreprendre rien de semblable à leur criminelle tentative contre le sacerdoce et l'empire? Ce peuple maudit et turbulent, dans sa fureur et sa sotte inexpérience, s'est jeté tête baissée dans cette sacrilège entreprise sans mesurer ses forces, sans prévoir quelle serait l'issue de ses projets et la fin de tout cela. Aussi suis-je bien convaincu due cette populace insensée ne tiendra pas un seul instant en face des troupes de Votre Majesté. Peut-être suis-je bien indiscret, en me permettant de donner des conseils, dans une chose de cette importance, à un prince aussi grand et .aussi sage que vous, quand je ne suis rien, et de vous parler comme un grand de votre cour pourrait le faire, moi qui ne suis ni noble ni grand; mais, plus j'ai conscience de mon obscurité et de mon néant, plus j'ose vous exposer librement ce que la charité m'inspire. Ainsi j'ajoute avec la même hardiesse, que s'il se trouve un homme qui vous donne un conseil contraire au mien, ce que je ne saurais croire, il n'a pour votre personne aucun attachement ou il ne comprend pas ce qu'exige le titre que vous portez, à moins qu'il ne soit de ceux qui cherchent leur avantage plutôt que l'intérêt de l'Empereur et de Dieu.
LETTRE CCXLV. AU PAPE EUGÈNE, POUR L'ÉVÊQUE D'ORLÉANS.
Lan 1146
Saint, Bernard se félicite du zèle que le pape Eugène a déployé dans l'affaire de l'évêque d'Orléans (a).
Agissez toujours comme vous venez de le faire, et continuez, je vous prie, à n'avoir égard qu'à ce qu'on vous demande, sans vous mettre eu peine de la personne qui demande. Ainsi vous avez refusé au roi la grâce ' qu'il sollicitait de vous pour l'évêque d'Orléans, et Dieu, qui tient le coeur des rois dans sa main, n'a pas permis qu'il s'offensât de votre refus; mais quand même il eût dû s'en montrer blessé, il n'en était pas moins de votre devoir d'agir comme vous l'avez fait plutôt que d'offenser Dieu qui ne manquera pas de vous être propice et de vous faire enfin respirer après tous les maux que vous avez soufferts, pourvu que vous teniez toujours pour le parti de la justice et de la vérité. Ce que vous venez de faire en cette circonstance et ce que j'entends tous les jours dire de vous, en ce sens, par tout le monde, me comble d'un bonheur inexprimable. Mais en voilà assez sur ce point, passons à un autre sujet. Si on vous a suggéré la pensée de m'imposer un nouveau fardeau, je vous préviens que je suis déjà chargé au delà de mes forces. Plus vous m'épargnerez, plus vous vous ménagerez vous-même. Vous savez d'ailleurs que j'ai pris la résolution de ne plus quitter mon monastère. Pour ce qui concerne le fidèle Baldice, quelque cher et nécessaire qu'il me fût, je vous ai obéi sur-le-champ. Quant au monastère de Saint-Anastase, je suis tout disposé à y envoyer un abbé, si déjà il n'y Pli a pas un de nommé, mais comme vous ne m'en avez pas parlé dans votre dernière lettre, je n'y ai envoyé personne (b). En tout cas, je m'empresserai de faire ce due vous me direz. Monseigneur l'évêque d'Auxerre et le frère Baldice vous instruiront de toutes ces choses plus à fond que je ne puis le faire. Je vous prie de vouloir bien approuver et
a Il se nommait Hélie. Il était accusé de plusieurs grands crimes , n'ayant pu ni par ses prières ni par l'influence du roi de France et de ses amis fléchir le pape Eugène, il se démit de son évêché en 1146, comme on le peut voir dans la lettre deux cent quarante-sixième et dans les notes placées à la fin du volume. b On y envoya l'abbé Rualen, dont il est parlé dans la lettre deux cent cinquante-huitième et suivantes.
confirmer l'excommunication que monseigneur Baudouin, archevêque de Pise, a lancée contre le juge d'Arvora en Sardaigne, car je présume que ce prélat étant un très-saint homme n'a fait en cette circonstance rien que de très juste. Enfin je vous recommande le juge de Torre (a); on le dit bon prince, je vous prie de le maintenir dans ses droits.
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CCXLV.
173. L'évêque d'Orléans ..... Hélie. D'après Orderic, livre III, à l'année 1134, on élut pour évêque d'Orléans, à la mort de Jean, qui arriva en 1133, Hugues, doyen de la cathédrale de cette ville. Les historiens de, l'Eglise d'Orléans n'en parlent pas, à ce que je vois. Voici ce qu'il dit: « A la mort du vieil évêque d'Orléans nommé Jean, le doyen Hugues, qui avait été nommé à sa place, fut tué par des hommes qui le frappèrent sans le connaître lorsqu'il revenait de la cour du roi à Orléans; l'évêché demeura donc vacant et fut abandonné à lui-même comme un vaisseau sans pilote. » Cet état de choses dura jusqu'en 1136. Mais à cette époque le peuple et le clergé, jusqu'alors divisés, élurent tout d'une voix l'abbé de Saint-Sulpice de Bourges, nommé Hélie, celui même dont il est ici question. Pierre de Cluny, livre Ier, lettre II, qui écrivit au pape Innocent en sa faveur, en parle comme «d'un homme religieux, sage et instruit. » Innocent le sacra en 1137 au mois d'avril. Quelques années après, en 1144, il fut accusé auprès du pape Lucius II, par le clergé d'Orléans, de. plusieurs crimes dont il ne put se justifier, et Pierre le Vénérable non plus que le roi de France Louis ne réussirent à fléchir le Pape en sa faveur. D'après le conseil de saint Bernard, il se démit spontanément de son évêché en 1146, sous le pontificat du pape Eugène III. Aussi est-il étonnant qu'Albéric dise dans sa Chronique «qu'Atton évêque de Troyes et l'évêque d'Orléans ont été déposés dans un concile de Reims » (voir Albéric, à l'année 1149), car il est certain que ces deux prélats se sont démis spontanément de leur charge. La chose est sûre d'après la lettre de saint Bernard pour ce qui concerne l'évêque d'Orléans; les notes de la lettre vingt-troisième ne laissent non plus aucun doute pour ce qui concerne la démission spontanée d'Atton.
LETTRE CCXLVI. AU MÊME PAPE, POUR LE MÊME ÉVÊQUE D'ORLÉANS, APRÈS QU'IL EÛT ÉTÉ DÉPOSÉ,
Lan 1146
Saint Bernard recommande au souverain Pontife l'évêque d'Orléans qui s'était spontanément démis de son évêché, et le prie d'épargner son honneur; c'est à ses yeux un devoir pour le souverain Pontife de traiter avec indulgence un évêque qui n'a pas hésité n, donner des preuves de son humilité.
1. Le moment est venu de vous écrire à mon tour, non plus pour un évêque, mais pour un humble et pauvre moine (b), qui me semble d'autant plus digne de compassion qu'il a commencé par vivre au sein de la fortune et au comble des honneurs. La flatterie n'a point de part dans ce que je vous dis là, je ne cède en ce moment qu'à un sentiment de commisération pour cet homme. Plusieurs vous ont écrit, quand il était encore à la tète d'un diocèse, pour vous prier de l'y maintenir. A mes yeux c'était trop demander, et pour rien au monde je n'eusse voulu unir mes instances aux leurs. Mais à présent, dans le triste état où je le vois réduit, l'humanité me fait un devoir de changer de conduite en ce qui le concerne. Il avait alors quelque espérance de se maintenir dans le poste qu'il occupait, et les raisons qu'il faisait valoir ne laissaient pas d'avoir quelque chose de spécieux; en effet, il disait alors: Les choses ont bien changé de face autour de moi depuis que j'ai été; mis en demeure de me justifier des crimes qu'on m'impute. Dans le principe, on demandait de moi une justification qu'il eût été bien difficile de fournir, même au plus innocent des hommes; mais aujourd'hui ce n'est plus simplement difficile, c'est à peu près impossible qu'il faut dire. En effet, il n'y a plus d'évêque à Nevers (Hugues) , ni à Troyes; celui d'Auxerre est en Italie ; après eux, je n'en vois pas beaucoup d'autres dans la province à qui je puisse m'adresser en ce moment pour me
a On croit qu'il s'agit ici de Gunnaire, autrefois « juge et tétrarque de Sardaigne. » En revenant d'un pèlerinage au tombeau de saint Martin, il passa par Clairvaux et y fut reçu par saint Bernard : dans la suite, il fit profession religieuse, au dire de Héribert, livre II des Miracles de saint Bernard, chap. XIII.
B Il avait commencé par être abbé de Saint-Sulpice de Bourges, puis était devenu simple religieux après avoir été évêque.
justifier selon les formes obligées; ce n'est pas que je manque de. témoins prêts à déposer en ma faveur, mais les évêques qui pourraient le faire aussi sont ou morts ou absents. M'imposera-t-on des conditions impossibles? je ne puis le croire, et le Pape, persuadé de l'impossibilité où je me trouve, suspendra la sentence, cela ne saurait faire un doute pour moi; d'ailleurs, quand même il me resterait quelque moyen de me justifier, il n'examinera pas les choses à la rigueur et fermera certainement les yeux sur les faits de peu ou de moindre importance, car après tout s'il penche de quelque côté, c'est plutôt vers l'indulgence que vers la sévérité. Quel intérêt a-t-il à me perdre, pour aimer mieux me trouver répréhensible et coupable? J'aime à croire, car je connais son indulgence et sa bonté, qu'il fermera les yeux sur bien des choses, cachera en partie mes fautes et même ne sera pas le dernier à les excuser. Après tout n'est-il pas le maître, et ne peut-il faire ce qu'il lui plait? Et quand même il sentirait la faiblesse de mes raisons, n'est-il pas libre de m'absoudre s'il le veut et de me faire miséricorde? Le successeur des apôtres n'est-il ni assez doux, ni assez puissant pour cela? 2. Il lui était donc permis de concevoir quelque espérance que ses amis ne regardaient pas tout à fait dépourvue de solidité. Néanmoins il a cédé volontairement, il a suivi mes conseils en tout point, et, pour n'être pas plus longtemps une cause de trouble dans son église, il a prévenu, comme je l'y engageais, le coup qui le menaçait et s'est démis de son évêché sans attendre qu'il fût contraint de le faire. Dans la triste condition où cette âme après tout, noble et généreuse se trouve réduite maintenant, elle ne sollicite qu'une grâce de Vous, très-saint l'ère. Vous me demandez laquelle? Il ne s'agit plus pour lui de grandeurs et de titres pompeux; ce qu'il demande, c'est qu'on lui conserve au moins le rang de simple prêtre, après avoir joui des honneurs dus à l'épiscopat : ce qu'il veut, c'est qu'on ne le déshonore point et qu'on lui épargne tout ce qui pourrait flétrir son nom pour la vie. Je ne crois pas qu'il se puisse demander rien de plus raisonnable ; après avoir occupé un rang élevé, il ne se plaint pas d'être privé de tous les honneurs, pourvu qu'on ne le déshonore pas, et il se contente d'une position qui tienne le milieu entre les deux extrêmes. Il est bien déchu aujourd'hui du rang qu'il occupait naguère, laissez-le du moins vivre à présent dans une honnête médiocrité et ne l'accablez pas d'un excès d'humiliations. Car enfin il est jeune encore et de bonne famille, il a de plus occupé un poste élevé, et s'il ne craint pas d'être humilié, il ne veut pourtant pas être déshonoré. Son humilité ne méritera-t-elle aucune grâce? Quand on voit l'humilité de l'impie Achab récompensée, faudra-t-il que celle d'un chrétien et, qui plus est, d'un homme distingué par sa naissance, demeure sans récompense? Non, je ne puis croire que le Siège apostolique et le saint Pontife qui y est assis rejettent ainsi un coeur contrit et humilié. 3. Si je vous disais: Il s'est humilié, il faut qu'on l'élève, je ne dirais rien de trop, je ne ferais qu'invoquer une règle (a) que vous connaissez bien (Matth., 23), mais je ne demande pas qu'on l'élève, je vous prie seulement de ne pas l'écraser tout à fait. Quoi donc, vous avez pu nous affliger et vous ne pourriez pas nous consoler! N'avez-vous donc de pouvoir que pour abaisser l'orgueil, n'en avez-vous point pour relever l'humilité? Mais vous n'ignorez pas que c'est faire un mauvais usage de son pouvoir que de n'en user que pour punir. De plus, ce malheureux prélat est pressé par une foule de créanciers; comme il n'a plus de quoi les satisfaire, puisqu'il est dépouillé de tout, je prie Votre Sainteté d'ordonner qu'ils soient payés sur les revenus de son évêché, il lui serait extrêmement dur et pénible en effet qu'on ne lui laissât du rang qu'il occupait que des dettes qui l'écrasent.
LETTRE CCXLVII. AU MÊME PONTIFE EN FAVEUR DE L'ARCHEVÊQUE DE REIMS.
Saint Bernard déplore la promptitude et la sévérité avec lesquelles le pape Eugène a sévi contre l'archevêque de Reims, en lui ôtant l'usage du pallium.
A son bien-aimé frère et seigneur, Eugène, parla grâce de Dieu, souverain Pontife, Bernard, abbé de Clairvaux, l'hommage de son néant.
1. Que Dieu vous pardonne ! Qu'avez-vous fait? Vous venez d'humilier un prélat d'une modestie exemplaire et de couvrir de confusion, à la face de l'Église, un homme dont elle respecte la vertu ! Ses ennemis en triomphent, mais ses amis en sont contristés, et le nombre de ces derniers est si grand que la tristesse est universelle. Ce prélat aimé de Dieu et des hommes se voit traité avec la dernière rigueur bien qu'il n'ait été convaincu et ne se soit avoué coupable d'aucun crime. Vous agissez en véritable Phinées, mais il ne manque qu'une chose pour que ce soit bien, c'est que l'Israélite que vous frappez de vos coups ait eu commerce avec une Moabite. Que lui reproche-t-on? D'avoir couronné le roi? mais en le faisant il ne croit pas avoir outrepassé ses droits (b).
a L'évangile dit en effet : « Quiconque s'abaisse sera élevé. » b Il était d'usage que le roi de France reçût la couronne en grande pompe le jour de certaines solennités, comme il la reçut à Bourges à l'occasion de la croisade. L'archevêque de cette ville soutenait qu'il lui appartenait de faire cette cérémonie chez lui. Aussi Samson, malgré ses réclamations, ayant passé outre au couronnement de Louis VI, dans la cathédrale de Bourges, se vit privé de l'usage du pallium par le pape Eugène III. On trouve sur cet événement une lettre du souverain Pontife dans le Patriarchaire de Bourges, comme Horstius le dit dans les notes placées à la fin du volume.
Que lui reproche-t-on encore ? d'avoir sciemment célébré les saints mystères dans une église frappée d'interdit? Il nie ce fait, et il est disposé non-seulement à montrer qu'on le lui impute sans raison, mais encore à prouver que dans le premier cas il n'a rien fait qu'il n'eût le droit de faire. D'ailleurs, supposé même que tout ce dont ses adversaires le chargent à leur aise, puisqu'il n'est pas là présent pour les entendre, soit avéré, faut-il pour une seule faute le traiter si rudement et sévir contre lui avec tant de rigueur, quand le reste de sa vie ne mérite que des louanges ? N'est-ce pas faire l'éloge d'un homme que de constater qu'il n'a failli qu'une fois en sa vie ? C'eût été sans doute votre sentiment si vous n'aviez point été prévenu contre lui par ses ennemis. Mais d'ailleurs que devait-il faire étant pris de court comme il l'était ? un jour de fête, en présence du jeune roi, d'une cour nombreuse, et, ce qui est capital, à un moment où il s'agissait des intérêts de Dieu même, puisqu'on ne s'était réuni que pour conférer de l'importante expédition de la Terre sainte? Pouvait-il dans une pareille conjoncture se dispenser de célébrer la messe, de rendre au roi les bonheurs qui lui sont dus et de faire la cérémonie du couronnement ? L'archevêque de Bourges lui-même ne pouvait décemment s'y opposer et empêcher qu'on rendit honneur au souverain. 2. Je dis donc que, puisque les choses se sont passées ainsi, il me semble qu'une faute que la nécessité excuse de malice et d'orgueil mérite toute sorte d'indulgence. N'auriez-vous donc de pouvoir que pour sévir et seriez-vous impuissant dès qu'il ne sagit plus de frapper? Vous n'avez pourtant pas oublié que Dieu dit quelque part: « Je frapperai et je guérirai (Deut., XXXII, 39). » Aussi ne puis-je croire que celui qui tient sa place sur la terre ne saurait goûter son langage, surtout en fait de charité. La flèche de Jonathas reviendra donc, du moins cette fois-ci, sans avoir touché le but, ou, s'il faut qu'elle porte quelque part je demande qu'elle n'atteigne que moi. Oui, je serais moins affligé qu'on m'eût défendu de célébrer les saints mystères, que de voir cet archevêque privé de l'usage du pallium. D'ailleurs il y a encore une autre raison qui doit modérer votre sévérité en cette circonstance, c'est que vous vous exposez par un excès de rigueur à blesser l'esprit du roi de France, votre très-cher fils, ce qui ne peut manquer d'arriver puisque tous ces démêlés ne se sont produits qu'à son occasion. Or il est bien important de le ménager en ce moment, de peur qu'en lui donnant quelque cause de mécontentement, il ne fasse échouer, ce qu'à Dieu ne plaise, l'entreprise importante qu'il a si bien commencée à votre sollicitation. Au reste, j'ai obéi aux ordres que vous avez donnés, et l'autorité de celui qui me commandait a fait prospérer mon obéissance, car à ma voix et à mes exhortations une infinité de personnes se sont présentées pour l'expédition sainte; les villes et les bourgs sont presque déserts, c'est à peine s'il reste un seul homme contre sept femmes; on ne rencontre presque plus que des veuves dont les maris sont vivants.
a Les manuscrits diffèrent en cet endroit pour l'orthographe du mot typkus, orgueil , arrogance, que les anciens écrivaient typus.
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CCXLVII.
174. D'avoir couronné le roi ?... Je lis dans l'histoire que Louis le Jeune fut couronné plusieurs fois: une première fois à Reims, du vivant de son père, par le pape Innocent, en 1131 ; puis à Bourges, comme Orderic Vital le rapporte en ces termes: « L'an 1138 de l'incarnation, du Seigneur, Louis le Jeune, roi de France, fut couronné à Bourges le jour de Noël. Il se réunit dans cette ville un grand concours de monde, tant de la noblesse que de la bourgeoisie de toute la France, de l'Aquitaine et des autres contrées voisines. Les prélats métropolitains et leurs suffragants s'y trouvèrent, les comtes et les autres personnes de distinction s'y rendirent en foule et offrirent leurs hommages au nouveau roi. » Orderic donne à Louis le Jeune le titre de nouveau roi, parce qu'il venait d'être couronné roi d'Aquitaine après la mort de son père. Il fut couronné une seconde fois par Samson, archevêque de Reims, avant son départ pour la terre sainte, peut- être afin de recevoir avant de se mettre en route le serment solennel de fidélité de la part de ses sujets. Horstius pense que cette solennité eut lieu à Chartres où la croisade avait été décidée. Mais on voit qu'elle eut lieu à Bourges, tant par le contexte de cette lettre que par la lettre du pape Eugène III, citée dans le Patriarchaire de Bourges, de laquelle il résulte aussi que ce pape croyait que l'église de Bourges, où Samson avait fait le couronnement du roi, était frappée d'interdit à cette époque. Voir le Patriarchaire de Bourges imprimé dans Labbe, tome II de la Bibliothèque nouvelle. Or il résulte de cette lettre et d'une lettre d'Yves, que nous rapporterons plus loin, que l'archevêque de Reims soutenait qu'il avait le droit de couronner le roi de France, en quelque lieu que se fit le couronnement; ce que Pierre de Bourges, et avant lui Yves de Chartres, refusaient de lui accorder. 175. Dans cette lettre, saint Bernard parait plutôt favorable que contraire aux prétentions de Samson, et le pape Sylvestre Il fait une mention expresse de cette prérogative du siège métropolitain de Reims dans la bulle par laquelle il rétablit dans tous ses droits et honneurs larchevêque Arnold, qui avait été suspens en 999 pour crime de perfidie. « Nous vous permettons par les présentes, en vous rendant votre crosse et votre anneau pastoral, de reprendre l'exercice de vos fonctions archiépiscopaIes, et d'en porter les insignes tels qu'il est d'usage dans la métropole de Reims, de présider avec le pallium aux solennités où c'est l'habitude que vous le portiez, de sacrer les rois et les évêques de votre siège. » D'ailleurs, il n'y a rien de plus convenable que de réserver aux successeurs de saint Remi, qui le premier conféra aux rois très-chrétiens, par le baptême et par la profession de la religion chrétienne, le sacerdoce royal, et leur donna le gage de la couronne du ciel, le droit de sacrer et de couronner nos souverains; par la même raison, les successeurs de saint Boniface sur le siège de Mayence, de saint Eleuthère dans la chaire de Tolède, de saint Germain à Cantorbéry, sont dans l'usage de couronner les empereurs d'Allemagne, les rois d'Espagne et ceux d'Angleterre. Ce qui n'empêche pas que, selon les lieux et les circonstances, il n'ait été dérogé par exception aux prérogatives de l'archevêque de Reims. C'est d'ailleurs, je crois, la pensée qui a dicté à Yves de Chartres sa lettre quatre-vingt-neuvième, où il soutient la légitimité du sacre de Louis VI fait à Orléans par Daimbert, archevêque de Sens. Car dans une autre circonstance il est le premier à reconnaître le privilège de l'archevêque de Reims; en effet, en écrivant au pape Urbain (lettre quarante-huitième), il note que cette métropole « est en possession de la couronne royale; » et dans une autre lettre il proteste «qu'il n'éprouve du privilège de l'Église de Reims ni envie, ni peine, ni tristesse, si les rois de France ressentent pour elle une préférence -telle qu'ils aiment mieux recevoir la couronne des mains de son archevêque que de celles de tout autre. » Toutefois il n'en maintient pas moins la légitimité de l'exception qui s'est produite en faveur de Daimbert. « Nous n'avons rien fait en cette circonstance qu'après de mûres et sages réflexions. Le royaume se trouvait en effet à cette époque troublé par des factieux qui n'avaient d'autre pensée que de faire passer la couronne sur la tête d'un autre prince, ou du moins de l'amoindrir le plus possible (lettre cent quatre-vingt-neuvième). » Quand donc il soutient que le privilège de l'Église de Reims ne repose ni sur la raison, ni sur la loi, ni sur la coutume, il veut seulement montrer que malgré l'usage reçu, « tous les rois de France n'ont point été sacrés dans la métropole ni des mains de l'archevêque de Reims (même lettre), » ce qui est incontestable, et qu'un prélat quelconque n'encourrait pas la peine de l'excommunication, comme le voulaient les députés de Reims, pour avoir sacré sans dispense préalable un roi de France à la place de l'archevêque de Reims et ailleurs que dans son église. Voir le continuateur d'Aimoine, livre V des Gestes des Francs, chap. I, et Hugues, dans la Chronique d'Auxerre, à l'année 1154. Plus tard, en 1179, Louis VII, voulant éviter le retour de pareilles difficultés, reconnut, par lettres patentes, à l'archevêque de Reims le droit exclusif de sacrer les rois de France, privilège que les papes Alexandre III et Innocent III confirmèrent plus tard par des lettres spéciales. Pour plus de détails, on peut consulter l'ouvrage que Guillaume Morlot, archiprêtre de Saint-Nicaise, de Reims, a publié sur cette matière en 1654. C'est un traité très-étendu et très-saxant sur le sacre des rois de France. Pour ce qui est de l'usage du pallium, que le souverain Pontife avait interdit à Samson, rien ne prouve mieux en quelle estime on l'avait à cette époque, que ce que dit saint Bernard, qu'il aurait préféré être privé de la permission de célébrer la sainte messe plutôt que de voir l'usage du pallium retiré à l'archevêque de Reims. Pour l'obtenir, saint Melchior n'avait pas hésité à entreprendre deux fois le voyage d'Irlande à Rome (Note de Mabillon),
LETTRE CCXLVIII. AU MÊME SOUVERAIN PONTIFE.
Lan 1146
Saint Bernard avertit le pape Eugène de se tenir et garde contre les stratagèmes et les prières de l'évêque de Séez, qui faisait tout ce qu'il pouvait pour obtenir de rentrer dans son diocèse.
1. Je n'ai pas besoin, comme bien d'autres, de longs préambules et de beaucoup de paroles pour m'insinuer dans votre esprit; je vais donc vous exposer sur-le-champ le sujet de ma lettre. Je sais qu'un fourbe habile (a) vient de partir pour se rendre auprès de vous, je ne doute pas qu'il n'ait l'espérance de faire quelque dupe, Dieu veuille due ce ne soit pas vous ! il n'en pourrait résulter pour bien des gens qu'une très-fausse et très-dangereuse position. Si c'est toujours un mal de tromper, c'en est presque toujours aussi un grand de se laisser tromper, surtout pour certaines personnes et dans certaines affaires. Plus vous êtes élevé en place, plus votre pouvoir est grand, plus aussi il y a non-seulement de honte mais encore de danger pour vous à vous laisser surprendre, surtout dans les affaires qui sont de votre ressort. Après cela si l'évêque de Séez, un lin renard qui vous prépare un tour de son métier, trouve encore moyen de vous gagner par ses discours artificieux, et obtient de vous la permission de rentrer dans cette portion de la vigne du Seigneur des armées, où il a su faire tant de ravages en si peu de temps, quelle dévastation n'y exercera-t-il pas. Hélas! il en dévorera les malheureux restes, car il n'agira plus en renard, comme auparavant, mais en lionne furieuse, et, laissant la ruse de côté, il n'emploiera plus que la force ouverte pour se venger du peuple et du clergé de cette ville. Soyez donc en garde contre ses ruses habiles afin de prévenir les excès de sa fureur. 2. Ne vous laissez point toucher par sa mine étudiée, sa mise
a A la mort de Jean, évêque de Séez, frère d'Arnoul, évêque de Lisieux, le chanoine séculier Girard qui lui succéda, avait entrepris d'éloigner les chanoines réguliers de la cathédrale de Séez. C'est le crime auquel saint Bernard fait allusion dans celte lettre. Voir aux autres notes.
commune, sa posture suppliante, ses yeux baissés, ses paroles humbles et modestes; défiez-vous de ses larmes qu'il fait couler, dit-on, comme il veut, et qu'il a instruites à mentir; vous savez qu'il est dit de tous ces dehors: « Ne jugez pas d'après eux (Joan., VII, 24). » Ils ont toutes les apparences de la vertu, mais souvent ils n'en ont pas la réalité. Le Seigneur nous a prévenus que les loups empruntent souvent la peau des brebis pour les égorger à leur aise et d'autant plus facilement qu'elles ne se défient pas des loups que leur déguisement les empêche de reconnaître. Il a attaqué de cette manière plusieurs personnes de ce pays qui vous ont écrit en sa faveur. Séduites par ses artifices, elles n'ont pas fait attention à cet avis si prudent et si vrai du Sage : «Il y en a qui, sous une feinte humilité cachent un coeur fourbe et pervers (Eccli., XIX, 23). » Ainsi, sans vous arrêter à ses paroles non plus qu'à ses dehors, voyez quelles sont ses oeuvres, car c'est par là qu'on connaît les hommes. On rapporte de lui bien des choses qui ont de la gravité, et vous en apprendrez bien d'autres encore, si vous voulez faire une enquête pour éclairer votre religion de juge. Pour moi, je passe sous silence tout ce qu'on m'a rapporté à son sujet, car il me semble qu'il n'y a pas moins d'inconvénients à croire tout ce qu'on nous dit qu'à n'en rien croire du tout. Je me contenterai seulement de vous demander pourquoi il s'est soustrait au jugement des juges qu'on lui a donnés, c'est une simple observation due je soumets à votre jugement. S'il s'en prend à ses juges, on sait qu'ils n'étaient pas suspects; s'il allègue la difficulté d'obtenir une bonne justice là où sa cause devait être jugée, personne n'ignore que c'était dans son propre pays, au sein de sa famille, là même où à peu de frais, sans aucun déplacement long et pénible, on pouvait facilement et sans peine juger toute son affaire. Sa raison, car on n'en peut soupçonner d'autre à cet homme rusé, c'était d'échapper par la fuite à la multitude de ses accusateurs, car il sait bien que, faute d'argent, ils ne pourront pas le poursuivre si loin de chez eux. Je dois de la reconnaissance à monseigneur l'évêque de Lisieux a qui, dans cette circonstance, n'a épargné pour la gloire de Dieu, ni sa bourse, ni ses peines. C'est un frère digne de ce nom, il a à coeur d'assurer au frère qu'il a perdu une postérité capable de perpétuer son nom. En travaillant à convaincre et à confondre le méchant, son zèle ne contribue pas peu à votre gloire; aussi est-il juste que vous lui en sachiez quelque gré.
a Il se nommait Arnoul ; c'était un homme aussi pieux qu'éclairé : il est question de lui dans la lettre trois cent quarante-huitièmes
NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON
LETTRE CCXLVIII.
176. D'assurer au frère qu'il a perdu une postérité... Saint Bernard détourne habilement et applique d'une manière assez piquante en cet endroit à l'évêque de Lisieux, nommé Arnoul, cette disposition bien connue de la loi ancienne, par laquelle il était prescrit au frère survivant de donner à son frère mort, des enfants qui pussent perpétuer son nom. Jean, évêque de Séez, frère d'Arnoul, avait soumis les chanoines séculiers de son église à la règle de saint Augustin. Girard, son successeur, ayant entrepris de revenir sur cet état de choses, Arnoul le défendit, soit en dénonçant au souverain Pontife les tentatives de Girard, soit en les combattant de toutes ses forces; c'est ce qui a fait dire à saint Bernard qu'il s'efforçait d'assurer au frère qu'il avait perdu une postérité capable de perpétuer son nom, quand son successeur avait presque réussi à l'éteindre entièrement par ses téméraires entreprises. Le conflit survenu à cette occasion ne dura pas moins d'une vingtaine d'années, comme on peut le voir par une lettre d'Arnoul au pape Alexandre III commençant par ces mots : Est quidem in quo, et qu'on peut lire dans le tome XII de la bibliothèque des Pères. En effet, l'évêque Jean, qui mourut en 1143, eut pour successeur le chanoine séculier Girard II, auquel la cour de Rome ne permit d'occuper le siège de Séez, au dire d'Arnoul, dans la lettre citée plus haut, qu'après s'être soumis lui même à la règle des chanoines réguliers de Saint Augustin. Or, comme on le voit dans cette même lettre, il était accusé d'avoir voulu détruire l'uvre de son prédécesseur en chassant les chanoines réguliers de la cathédrale. C'est à l'occasion de ce grief que saint Bernard écrivit cette lettre contre lui (Note de Horatius).
LETTRE CCXLIX. AU MÊME PAPE.
Saint Bernard recommande au pape Eugène l'abbé de la Chaise-Dieu, élu évêque de Valence.
Si la rareté donne du prix aux choses; il n'y a rien de plus précieux et de plus désirable pour l'Église qu'un saint et bon pasteur; car il n'est rien de plus rare au monde; aussi quand on en trouve un et qu'on a l'occasion de l'employer, il faut s'en emparer, le soutenir de tous ses efforts et empêcher que l'intrigue ou la violence ne mettent obstacle à une promotion aussi avantageuse. On ma rapporté que le prieur de la Chaise-Dieu a été élu d'une voix unanime évêque de Valence (a) par le peuple et le clergé de cette ville; je serais bien surpris que celui-là ne fût pas un bon et digne pasteur. Si vous me demandez sur quoi je me fonde pour augurer ainsi de lui, je vous répondrai : en premier lieu, sur le choix des hommes de bien qui l'ont nommé, car on ne peut leur plaire qu'en leur ressemblant, et en second lieu, or ce 'n'est pas la moindre de mes raisons pour juger comme je le fais, sur le chagrin que son élection cause aux méchants, ce qui n'arriverait pas s'il n'était pas bon. Il est important que Votre Sainteté confirme le choix des gens de bien qui l'ont élu, de peur, si vous l'annulez, que la brigue, et le mouvement que se donneront les méchants ne fassent nommer à sa place quelque sujet, indigne de l'occuper.
a A la mort de Jean, évêque de Valence en Dauphiné, l'an 1145, le prieur de la Chaise-Dieu, nommé Orilhert, fut élu pour lui succéder. Outre cette lettre, saint Bernard en écrivit encore une autre, la deux cent soixante-dixième, en sa faveur.
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