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ONZIÈME TRAITÉ
(Prêché un peu avant Pâques, daprès le n° 1, et un Dimanche, daprès le traité suivant n° 1.)
DEPUIS LENDROIT OÙ IL EST ÉCRIT : « PENDANT QUE JÉSUS ÉTAIT A JÉRUSALEM, À LA FÊTE DE PÂQUES, PLUSIEURS CRURENT EN LUI », JUSQUÀ « SI QUELQUUN NE RENAÎT DE LEAU ET DU SAINT-ESPRIT, IL NE PEUT ENTRER DANS LE ROYAUME DE DIEU ». (Chap. II, 23-25; III, 1-5).LA SECONDE NAISSANCE.
Beaucoup croyaient au Christ, mais il ne se fiait pas à eux; ils croyaient en lui à cause de ses miracles. De ce nombre fut Nicodème, fidèle image des catéchumènes Cet homme vint de nuit à Jésus pour être éclairé. il avait encore des pensées charnelles; cest pourquoi il ne jugeait point sainement des choses spirituelles et ne comprenait pas quil pût y avoir une seconde naissance puisée en Dieu et dans l'Eglise. Comme la naissance corporelle, la naissance spirituelle est unique. Ainsi, parmi les enfants d'Abraham dIsaac et de Jacob, il sen est trouvé pour recevoir la vie dune esclave, et qui ont néanmoins hérité de leur père; dautres étaient nés dune mère libre et nont eu aucune part à lhéritage paternel. De même, parmi les enfants de lhérésie plusieurs seront sauvés, et parmi ceux de lEglise catholique plusieurs seront condamnés Lhérétique et le catholique doivent donc, pour parvenir au salut, non pas lutter avec celui qui a reçu le baptême catholique et qui vit spirituellement, comme Israël luttait avec Isaac, et Esaü avec Jacob; mais se rapprocher de lui par la soumission et sunir à lui par les liens de la charité.
1. Le Seigneur nous a ménagé lheureuse occasion de lire aujourdhui ce passage, tout en suivant lordre que nous nous sommes tracé; car votre charité doit lavoir remarqué, nous avons entrepris de méditer et de traiter, par ordre, toutes les parties de lEvangile selon saint Jean. Cest donc une favorable coïncidence que vous ayez entendu lire aujourdhui ces paroles de lEvangile : « Si un homme ne renaît de leau et de lesprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu ». Le moment est en effet venu de vous exhorter, vous qui êtes encore catéchumènes et qui, malgré votre foi en Jésus-Christ, portez cependant encore le poids de vos péchés. Or, aucun homme chargé de ses péchés ne verra le royaume de Dieu ; aucun homme, si ce nest celui à qui ils auront été remis, ne régnera avec le Christ; et ils ne peuvent être remis quà celui qui renaît de leau et de lEsprit. Mais examinons attentivement la teneur de ces paroles, afin que ceux qui sont négligents à se débarrasser du fardeau de leurs fautes, apprennent avec quel empressement ils doivent le faire. Ah ! sils portaient quelque lourd fardeau, comme du bois, des pierres, fût-ce même quelque objet de valeur, comme du blé, du vin ou de largent, combien ils auraient hâte de sen défaire ! Ils portent le fardeau de leurs péchés, et ils ne montrent aucun empressement à sen décharger. Il ny a pas de temps à perdre, il leur faut salléger au plus vite, ce fardeau les écrase et les enfonce dans labîme. 2. Vous venez de lentendre: Pendant que Jésus-Christ Notre-Seigneur « était à Jérusalem à la fête de Pâques, plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles quil faisait». «Beaucoup crurent en son nom ». Que lisons-nous ensuite? « Cependant Jésus ne se fiait pas à eux ». Que signifie ce langage? Ils croyaient en son nom et « Jésus ne se fiait pas à eux? » Est-ce que par hasard ils ne croyaient pas en lui, tout en feignant dy croire ? Etait-ce à cause de cela que Jésus ne se fiait pas à eux? Mais lEvangéliste ne dirait pas : « Plusieurs crurent en son nom », sil n'avait dessein de témoigner que leur foi était véritable. Voilà une mystérieuse chose, une chose vraiment singulière : il y a des hommes qui croient en Jésus-Christ, et Jésus ne se fie pas à eux. Cest précisément parce que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, quil a volontairement souffert; sil ny avait pas consenti, il naurait pas souffert, de même que, sil leût voulu, il ne serait pas né; il aurait pu vouloir naître, mais sans vouloir mourir; et tout se serait accompli selon sa volonté, par cette raison quil est le Fils tout-puissant dun Père tout-puissant. Prouvons-le par des [400] exemples. Lorsque les Juifs voulurent semparer de lui, il leur échappa. Cest lEvangile qui le dit : «Et comme ils voulurent le précipiter du haut de la montagne, il échappa de leur main sans avoir reçu aucun mal (1)». Après que le traître Judas le leur eut vendu, croyant bien quil était en son pouvoir de livrer son maître et son Seigneur, ils se saisirent de sa personne: à ce moment-là même le Sauveur leur fit voir que, sil souffrait, cétait volontairement, et non par nécessité. En effet, comme les Juifs sapprêtaient à le saisir, « il leur dit : Qui cherchez-vous? Ils répondirent Jésus de Nazareth. Cest moi », leur dit-il. « A cette parole ils reculèrent et tombèrent par terre (2) ». Dès lors quil les renversait par terre rien quen leur répondant, il montrait sa puissance, et il faisait voir davance que quand ils sempareraient de lui, ce serait par un libre effet de sa volonté. Sil a souffert, sa miséricorde en a donc été la cause. En effet, il a été livré pour nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification (3). Ecoute ce quil dit lui-même : « Jai le pouvoir de donner ma vie, et jai le pouvoir de la reprendre : personne ne me lôte; mais je la donne moi-même, afin de la reprendre (4) ». Puisquil avait ce pouvoir, puisquil se lattribuait dans ses discours et le prouvait par ses oeuvres, pourquoi ne se fiait-il pas à eux? Pouvaient-ils lui nuire ou lui faire du niai eu dépit de sa volonté? Pourquoi ne se fiait-il pas à eux, puisquils croyaient en lui? Ceux dont lEvangéliste a dit : « Plusieurs crurent en son nom », sont les mêmes dont il est dit « Mais Jésus ne se fiait pas à eux». Pourquoi? « Parce quil les connaissait tous et quil « nétait pas besoin que personne lui rendît témoignage de lhomme, sachant bien lui-même ce qui était dans lhomme ». Comme architecte il savait mieux ce quil en était de son oeuvre, que loeuvre elle-même ne savait ce qui était en elle. Créateur de lhomme, il connaissait dans lhomme ce que lhomme sa créature ny connaissait pas lui-même. Ne prouvons-nous pas par Pierre quil ne connaissait pas ce qui était en lui lorsquil disait: « Avec vous jusquà la mort? » Ecoute, voici la preuve que le Seigneur connaissait ce qui était en l'homme : Toi, avec moi, jusquà la mort? « En vérité, en vérité je te le dis,
1. Luc, IV, 29, 30. 2. Jean, XVIII, 4-6. 3. Rom. IV, 25. 4. Jean, X, 18.
avant que le coq chante tu me renieras trois fois (1) ». Lhomme ne savait donc pas ce qui était en lui-même ; mais le Créateur de lhomme savait ce qui était en lhomme. Toujours est-il que plusieurs crurent en son nom, et que Jésus ne se fiait pas à eux. Que dire, mes frères? La suite nous expliquera peut-être ce quil y a de mystérieux dans ces paroles. Que plusieurs aient cru en Jésus-Christ, cest évident, rien de plus vrai, personne nen peut douter;- lEvangile ledit, lEvangéliste latteste, et son témoignage est véritable; de même, que Jésus-Christ ne se soit pas fié à eux, la chose est certaine, aucun chrétien nen doute; lEvangile le dit aussi et le même Evangéliste laffirme. Comment donc plusieurs ont-ils cru en son nom, et comment ne -sest-il pas fié à eux? Voyons la suite. 3. « Il y avait parmi les Pharisiens un homme, nommé Nicodème, un des premiers Juifs. Il vint de nuit vers Jésus et lui dit: « Rabbi » (Rabbi, vous le savez, veut dire Maître), «nous savons que vous êtes un maître venu de Dieu, car personne ne peut faire les miracles que vous faites, si Dieu nest avec lui ». Ainsi ce Nicodème était du notable de ceux qui croyaient en son nom, en raison des prodiges et des merveilles quil opérait. Cest, en effet, ce que lEvangile marque plus haut : « Comme il était à Jérusalem à Pâques, le jour de la fête, plusieurs crurent en son nom.». Pourquoi crurent-ils ? Il le marque ensuite : « Voyant les miracles quil opérait». Et de Nicodème quest-il dit? «Il y avait un des principaux dentre les Juifs, nommé Nicodème, qui vint la nuit vers Jésus et lui dit : Rabbi, nous savons que vous êtes un maître venu de Dieu ». Celui-là croyait donc en son nom. Pourquoi croyait-il? Le voici : « Car personne ne peut faire les miracles que vous faites, si Dieu nest avec lui ». Puisque Nicodème était du nombre de ceux qui avaient cru au nom de Jésus-Christ, cherchons maintenant dans ce même Nicodème le motif pour lequel Jésus-Christ ne se fiait pas a eux. « Jésus lui répondit: « En vérité, en vérité je vous le dis, si lhomme ne renaît une seconde fois, il ne peut voir le royaume de Dieu ». Jésus se fie donc à ceux qui sont nés une seconde fois. Les autres croyaient en son nom, et cependant Jésus ne se fiait pas à eux. Tels sont les caté
1. Matth. XXVI, 33, 34; Luc, XXII, 33, 34.
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catéchumènes. Ils croient déjà en Jésus-Christ, et cependant Jésus ne se fie pas à eux. Que votre charité y fasse attention, et elle comprendra ce que je veux dire. Si nous demandons à un catéchumène: Crois-tu en Jésus-Christ? il répond: Jy crois, et il fait sur lui-même le signe de la croix. Il porte la croix de Jésus-Christ sur son front, et jl nen rougit pas. Voilà donc quil croit en son nom. Demandons-lui cependant: Manges-tu la chair du Fils de lhomme et bois-tu son sang? Il ne sait ce que nous disons, parce que Jésus-Christ ne se fie pas encore à lui. 4. De ce nombre était Nicodème; aussi aient-il à Notre-Seigneur. Mais il y vient de nuit. Cette circonstance nest peut-être pas indifférente à notre sujet. Il vint à Notre-Seigneur, et il y vint de nuit; il vint à la lumière, et il vint au milieu des ténèbres. Quant à ceux qui sont nés de nouveau de leau et de lEsprit, que leur dit lApôtre ? « Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière en Notre-Seigneur; marchez donc comme des enfants de lumière (1) ». Et encore « Mais nous qui sommes enfants du jour, soyons sobres (2) ». Ceux donc qui sont nés une seconde fois étaient auparavant enfants de la nuit, et ils tout maintenant enfants du jour; ils étaient ténèbres, et ils sont lumière. Cest pourquoi Jésus se fie déjà à eux; ils ne viennent pas à lui pendant la nuit, comme Nicodème, ils ne cherchent pas la lumière au milieu des ténèbres. De tels hommes professent hautement leur foi; aussi Jésus sapproche-t-il deux; il opère en eux le salut, comme il la dit lui-même: « Si vous ne mangez la chair du Fils de lhomme, et si vous ne buvez son sang, nous naurez pas la vie en vous ». Quant aux catéchumènes, le signe de la croix quils portent sur le front prouve quils font partie de la grande famille. Ils en sont les serviteurs; puissent-ils en devenir les enfants! Dès lors quils appartiennent à la grande famille, ils ne sont pas considérés comme rien. Quand le peuple dIsraël mangea-t-il la manne dans le désert? Après quil eut passé la mer Rouge. Que signifie cette mer Rouge ? Ecoute lApôtre : « Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez comment nos pères ont tous été sous la nuée, et comment tous ont passé la mer ». Et comme si tu lui demandais
1. Ephés. V, 8. 2. I Thess. V, 8.
pourquoi ils ont passé la mer, il ajoute : « Et tous ont été baptisés par Moïse dans la nuée et dans la mer (1) ». Si la mer, qui nétait quune figure, a pu opérer un tel effet, que nopérera pas la réalité du baptême ? Si le passage figuratif dIsraël au travers des eaux de la mer Rouge a conduit ce peuple jusquà la manne, quest-ce que le Christ donnera à son peuple, quand celui-ci aura effectué le véritable passage et quil aura traversé les eaux du baptême ? Par son baptême il fait passer tous ceux qui croient en lui; il fait disparaître tous leurs péchés comme sils étaient des ennemis acharnés à leur poursuite; il agit à légard de ces péchés de la même manière que Dieu a agi à légard des Egyptiens dans la fluer Rouge. Où les fait-il passer, mes frères? Où les fait passer par son baptême, ce Jésus figuré par Moïse, le conducteur des Juifs au travers de la mer Rouge ? Où les fait-il passer ? A la manne. Quest-ce que cette manne ? « Je suis », dit-il, « le pain vivant descendu du ciel (2) ». Les fidèles reçoivent la manne; mais auparavant ils ont traversé la mer Rouge. Pourquoi la mer Rouge? Dabord, pourquoi la taler? Ensuite, pourquoi la mer Rouge ? Cette mer Rouge figurait le baptême de Jésus-Christ. Doù vient que le baptême de Jésus-Christ est rouge ? Cest parce quil a été consacré par le sang de Jésus-Christ. Où donc Jésus-Christ conduit- il ceux qui croient en lui et qui ont été baptisés? A la manne. Jai dit à la manne. Ou sait ce qua reçu le peuple juif, le peuple dIsraël on sait ce que Dieu a fait tomber du ciel pour le nourrir; et les catéchumènes ignorent ce que reçoivent les chrétiens. Quils rougissent donc de leur ignorance, quils passent par la mer Rouge,quils mangent la manne, afin de croire au nom de Jésus, et de voir Jésus se fier à eux en retour. 5. Pour toutes ces raisons, mes frères, considérez ce que répondit à Jésus ce Nicodème qui était venu à lui pendant la nuit. Il était venu vers Jésus; mais il y était venu pendant la nuit. Aussi lui parle-t-il encore du milieu des ténèbres de sa chair. Il ne comprend pas ce que lui dit le Seigneur, ce que lui dit la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde (3). Déjà le Seigneur lui a dit : « Sil ne renaît de nouveau, nul homme ne verra le royaume de Dieu. Nicodème lui répond:
1. I Cor. X, 1, 2. 2. Jean, VI, 51. 3. Id. I, 9.
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« Comment lhomme peut-il naître de nouveau, quand il est vieux ? » LEsprit lui parle et il na que des idées charnelles, il juge les choses suivant ses idées charnelles, parce quil na pas encore goûté la chair du Christ. En effet, lorsque le Seigneur Jésus eut dit : « Celui qui naura pas mangé la chair du Fils de lhomme et qui naura point bu son sang naura pas la vie », ceux qui le suivaient furent scandalisés et se dirent les uns aux autres : « Ce discours est dur, qui peut lentendre ? » Selon eux, Jésus voulait dire quon pourrait le couper eu morceaux comme un agneau, le faire cuire et le manger. Un pareil langage leur faisait horreur; aussi se retirèrent-ils loin de lui et ils ne voulurent plus le suivre dans la suite. Après quoi lEvangile ajoute : « Le Seigneur resta seul avec les douze. Et ceux-ci lui dirent: Seigneur, voici quils vous ont abandonné. Et Jésus leur dit : Est-ce que vous voulez aussi vous en aller? » Par là, il voulait leur montrer quil navait pas besoin deux, mais queux avaient besoin de lui. Que personne ne simagine faire peur au Christ, quand on linvite à se faire chrétien; comme si en devenant chrétien tu le rendais plus heureux ! Cest un bien pour toi dêtre chrétien; mais si tu ne les pas, le Christ nen souffrira aucun dommage. Ecoute le Psalmiste : « Jai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu, parce que vous navez pas besoin de mes biens (1). Vous êtes donc mon Dieu, parce que vous navez pas besoin de mes biens ». Si tu es sans Dieu, tu es plus petit; si tu es avec Dieu, il nen est pas plus grand. Pour être avec toi, Dieu nen est pas plus grand, mais sans lui tu es plus petit. Prends donc en lui de laccroissement. Ne te soustrais pas à lui, comme sil devait devenir plus faible par ton éloignement. En tapprochant de lui tu te fortifieras tu taffaibliras, au contraire, en ten éloignant. Avec toi il nacquiert rien; sans toi, il demeure dans son entier. Aussi lorsquil eut dit aux disciples : « Est-ce que vous voulez aussi vous en aller? » Pierre, cette pierre, lui répondit au nom de tous : « Seigneur, à qui irions-nous? Vous avez les paroles de la vie éternelle ». Son Palais avait savouré comme il le fallait la chair du Seigneur. Le Seigneur leur expliqua sa pensée en ces mots : « Cest lesprit qui vivifie ». En effet, après quil
1. Ps. XV, 2.
eut dit : « Si lhomme ne mange la chair du Fils de lhomme, et sil ne boit son sang, il naura pas la vie en lui », il voulut les empêcher dentendre ces paroles dune manière charnelle. Aussi leur dit-il : « Cest lEsprit qui vivifie; pour la chair, elle ne sert de rien; les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie (1) ». 6. Le goût de cet esprit et de cette vie, ce Nicodème venu à Jésus-Christ pendant la nuit ne lavait pas encore. Jésus liai dit : « Si lhomme ne renaît de nouveau, il ne verra pas le royaume de Dieu ». Imbu didées charnelles, et ne savourant pas encore la chair du Christ, il dit : « Comment un homme peut-il naître de nouveau, quand il est déjà vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et en sortir de nouveau? » Cet homme ne connaissait quune manière de venir au monde, celle par laquelle on est enfant dAdam et dEve ; il ne connaissait pas encore celle qui nous fait enfants de Dieu et de lEglise; il ne connaissait que les parents qui engendrent pour la mort, il ne connaissait pas encore ceux qui engendrent pour la vie; il ne connaissait que les parents qui engendrent des successeurs, il ne connaissait pas encore ceux qui, parce quils vivent toujours, engendrent des co-partageants de leur éternité. Il y a deux sortes de naissance, il nen connaissait quune. Lune tient de la terre, lautre du ciel; lune de la chair, lautre de lesprit; lune de la mortalité, lautre de léternité; lune de lhomme et de la femme, lautre de Dieu et de lEglise. Mais toutes deux nont lieu quune fois; ni lune ni lautre ne peuvent être renouvelées. Nicodème avait une idée juste de la naissance selon la chair: ainsi dois-tu penser de la naissance selon lesprit. Quel était le raisonnement de Nicodème ? « Un homme peut-il entrer dans le sein de sa mère et naître une seconde fois ? » De nième si quelquun veut te faire naître vine seconde fois selon lesprit, réponds lui avec Nicodème : « Un homme peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître une seconde fois ? » Une fois déjà je suis né dAdam; Adam ne peut mengendrer de nouveau : je suis né une première fois du Christ, le Christ ne peut mengendrer de nouveau; on ne peut rentrer dans le sein de sa mère, par conséquent il est impossible
1. Jean, VI, 54-69.
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de rentrer dans les eaux du baptême. 7. Celui qui naît de lEglise catholique vient en quelque sorte de Sara ; il naît de la femme libre. Celui quai naît de lhérésie, naît de lesclave, quoiquil descende dAbraham. Que votre charité remarque la grandeur de ce mystère. Dieu fait un serment : voici ce quil dit: « Je suis le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob ». Ny a-t-il pas dautres patriarches? Ny a-t-il pas avant eux le saint Noé, qui seul, parmi tous les hommes, mérita avec toute sa famille dêtre préservé du déluge et de devenir en sa personne et en celle de ses enfants la figure de lEglise ? Portés sur le bois, ils échappent au déluge (1). Depuis, ny a-t-il pas eu les grands hommes qui nous sont connus, que célèbre lEcriture, par exemple Moïse, ce serviteur fidèle dans toute la maison de Dieu (2)? Cependant, eux seuls sont nommés comme sils étaient seuls à lavoir mérité. « Je suis le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob, cest là mon nom pour léternité (3) ». Grand mystère ! Dieu a tout pouvoir pour ouvrir et ma bouche et votre coeur, afin que je puisse vous lexpliquer comme il a daigné me le faire entendre, et que vous puissiez recevoir ce que je vous en dirai de la façon la plus avantageuse à votre salut. 8. Ces patriarches étaient donc au nombre de trois: Abraham, Isaac et Jacob. Vous le savez, Jacob a eu douze fils, qui sont devenus la souche du peuple dIsraël. Jacob, en effet, sappelait Israël, et le peuple dIsraël se composait de douze tribus, et chacune delles se rattachait à chacun des douze fils dIsraël. Abraham, Isaac et Jacob, voilà donc trois pères, et de ces trois pères un seul peuple. Ces trois pères étaient comme ce peuple en germe, ils en étaient les représentants ; et ce peuple primitif était la figure du peuple de Dieu actuel. En effet, le peuple juif était la figure du peuple chrétien. Là était la figure, ici la réalité là était lombre, ici le corps ; car lApôtre a dit: « Or, ces choses leur arrivaient en figure ». Cest la parole de lApôtre. Et encore: « Ces choses », dit-il, « ont été écrites pour nous qui arrivons à la fin des temps (4)». Ramenez maintenant votre pensée à Abraham, Isaac et Jacob. Nous voyons quils out des enfants de leurs femmes libres et de leurs servantes. Nous trouvons aussi la prospérité des unes
1. Gen. VII, 7. 2. Nomb. XII, 7 3. Exod. III, 6, 15. 4. I Cor. X, 11.
bien distincte de celle des autres. La servante nindique rien de bon : « Chassez la servante et son fils ; car le fils de la servante ne sera pas héritier avec le fils de la femme libre ». LApôtre nous rappelle ce passage, et nous explique quen ces deux fils dAbraham étaient figurés les deux Testaments, lAncien et le Nouveau. A lAncien Testament appartiennent les amateurs des choses temporelles, les amateurs du siècle ; au Nouveau appartiennent les amateurs de la vie éternelle. Aussi, ta Jérusalem terrestre était la figure de la Jérusalem den haut, notre mère qui est au ciel. Ce sont les paroles de lApôtre (1). Cette cité, loin de laquelle nous vivons comme des exilés, vous la connaissez, vous en avez souvent entendu parler. Mais, chose remarquable t dans ces diverses naissances, cest-à-dire dans ces progénitures, dans ces enfants des femmes libres et des servantes, nous trouvons quatre races dhommes figurant dune manière complète et davance, le peuple chrétien. De la sorte, il ny a plus lieu ne sétonner que Dieu, parlant de ces trois patriarches, ait dit : « Je suis le Dieu dAbraham, le Dieu dIsaac et le Dieu de Jacob ». En effet, mes frères, remarquez bien ce qui se passe dans luniversalité du peuple chrétien des méchants engendrent des bons, ou des bons engendrent des méchants; ou des bons ont pour pères de pareils queux, ou des méchants nont pour enfants que des méchants ; en dehors de ces quatre hypothèses, il nen existe pas dautre. Je répète, faites-y attention, retenez bien: Remuez-vous; pas de dormeurs. Pour ne pas être pris, apprenez quelles sont les quatre catégories dorigine parmi les chrétiens. Ou les bons naissent de parents bons ; ou les méchants viennent de parents bons; ou les méchants viennent de gens mauvais; ou les bons viennent de personnes méchantes. Rien de plus clair, ce me semble. Les bons naissent des bons, quand celui qui baptise est bon et que ceux qui sont baptisés croient comme il faut et sont légitimement comptés parmi les membres de Jésus-Christ. Les méchants naissent des méchants, lorsque celui qui baptise est mauvais, que ceux qui sont baptisés sapprochent de Dieu avec un coeur double et ne conforment pas leurs moeurs à la règle quon leur douane à léglise, pour faire deux, non pas de la paille, mais du bon grain. Combien
1. Gen. XXI, 10; Galat. IV, 22-30.
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dindividus appartiennent à cette catégorie, votre charité le sait. Les bons naissent des méchants : ainsi un adultère donne le baptême, mais celui qui le reçoit est justifié. Les méchants naissent des bons; quelquefois ceux qui donnent le baptême sont saints, mais ceux qui le reçoivent ne veulent pas marcher dans a voie des commandements de Dieu. 9. Je le suppose, mes frères, on nignore pas dans 1Eglise ce que je viens de dire, et, tous les jours, des exemples viennent corroborer mes paroles. Considérons ce qui a eu lieu chez nos pères, les premiers chrétiens, et nous verrons que parmi eux, comme parmi nous, se sont rencontrées ces quatre sortes dorigines. Les bons naissent des bons : Ananie a baptisé Paul (1). Comment les méchants naissent-ils des méchants? LApôtre parle de certains prédicateurs de lEvangile qui, suivant lui, ne lannoncent pas avec des intentions pures, mais quil tolère dans la société chrétienne. « Quimporte », ajoute-t-il, « pourvu que le Christ soit annoncé, de quelque manière que ce puisse être, soit par occasion, soit par un vrai zèle, je men réjouis (2)». Etait-il malveillant , et se réjouissait-il du mal dautrui ? Non; mais il parlait ainsi, parce que la vérité et le Christ étaient annoncés par lorgane même des méchants. Si ces derniers baptisaient de leurs pareils, les méchants baptisaient les méchants ; sils baptisaient de ceux quaverti Jésus-Christ, lorsquil dit « Faites ce quils disent, mais ne faites pas ce quils font (3)», les méchants baptisaient les bons. Enfin les bons baptisaient les méchants, comme il arriva lorsque Philippe baptisa Simon le Magicien (4). Voilà donc bien quatre sortes dorigines, mes fières ; je les répète à nouveau, retenez-les, comptez-les, faites-en la distinction, évitez les mauvaises, conservez les bonnes. Les bons donnent naissance .aux bons, lorsque les saints baptisent les saints ; les méchants donnent naissance aux méchants, lorsque baptisants et baptisés vivent dans limpiété et linjustice ; les méchants donnent la vie aux bons lorsque les baptisants sont mauvais et que les baptisés sont bons; les bons engendrent les méchants, lorsque ceux qui baptisent étant bons, ceux qui sont baptisés vivent mal. 10. Comment reconnaître ces diverses
1. Act. IX, 18. 2. Philipp. I, 18. 3. Matth. XXIII, 3. 4. Act. VIII, 13.
catégories parmi les enfants de ces trois hommes dont Dieu dit: « Je suis le Dieu dAbraham, le Dieu dIsaac et le Dieu de Jacob ? » Nous rangeons leurs servantes parmi les méchants, et leurs femmes libres parmi les bons; ces dernières enfantent les bons : Sara met au monde Isaac (1) ; les servantes enfantent les méchants : Agar met au monde Ismaël (2). Dans la seule famille dAbraham, nous rencontrons la catégorie des bons engendrés par les bons, et celle des méchants engendrés par les méchants. Mais la naissance des méchants par le ministère des bons, où en est la figure? Rébecca, femme dIsaac, était une femme libre : lisez néanmoins. Elle a mis au monde deux jumeaux, dont lun était bon et lautre méchant. La sainte Ecriture te le dit ouvertement par la voix de Dieu : « Jai aimé Jacob et jai haï Esaü (3) ». Rébecca a donc eu ces deux fils: Jacob et Esaü ; lun deux est choisi, lautre est mis de côté ; lun succède à lhéritage de son père, lautre se voit déshérité. Dieu ne tire pas son peuple dEsaü, il le tire de Jacob. Une même semence, fruits divers ; même sein , enfants .différents! La femme libre qui a enfanté Jacob nest-elle pas la même qui a enfanté Esaü ? Ces deux jumeaux sentrechoquaient dans le sein de leur mère ; au moment de cette lutte il a été dit à Rébecca : « Il y a deux peuples dans ton sein (4) ». Deux hommes, deux peuples : le peuple bon, le peuple méchant. Mais enfin, tous deux sentrechoquaient dans le même sein. Combien de méchants se rencontrent dans lEglise ! Ils sy trouvent avec les bons, dans le même sein, en attendant le moment suprême où se fera le discernement des uns et des autres. Les bons crient contre les méchants, les méchants se récrient contre les bons, et tous luttent ensemble dans les entrailles de la même mère. Y resteront-ils donc toujours? A la fin on viendra à la lumière, le mystère de la naissance, annoncé ici en allégories, sera mis à découvert; alors se vérifieront ces paroles: « Jai aimé Jacob, et jai haï Esaü. » 11. Déjà, mes frères, nous avons remarqué la naissance des bons opérée par les bons: Isaac est né de la femme libre; et celle des méchants opérée par les méchants : Ismaël est né de la servante ; celle des méchants
1. Gen. XXI, 3. 2. Id. XVI, 15. 3. Malach. 1,2, 3; Rom. IX, 13. 4. Gen. XXV, 22, 24.
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opérée par les bons : Esaü est né de Rébecca: où trouvons-nous trace de bons engendrés par des méchants? Reste Jacob, cest lui qui doit parfaire lensemble des quatre catégories dorigines quil nous faut trouver dans la race des trois patriarches nommés dans lEcriture. Jacob a eu pour épouses des femmes libres et des servantes; femmes libres et servantes lui donnent des enfants; et ces enfants sont les douze fils dIsraël (1). Si tu examines de quelles mères ils sont nés, lu verras que les uns sont venus de femmes libres, les autres de servantes; mais que tous indistinctement ont eu le même père. « Eh quoi ! mes frères ? ceux dont les mères étaient des servantes, ne sont-ils pas entrés en possession de la terre promise, concurremment avec leurs frères? Nous y rencontrons tout à la fois les enfants de Jacob nés de femmes libres, et ses enfants nés de servantes, et tous étaient bons. Le titre de servantes afférent aux mères des derniers ne leur a porté aucun préjudice, parce quils ont reconnu dans le même père leur commune origine et ainsi ils ont partagé lhéritage avec les autres. Ceux qui avaient pour mères des servantes, nont donc aucunement souffert de la nature de leur origine; ils sont entrés en possession du royaume et de la terre promise comme leurs autres frères: ils ont tous reçu une part égale : la condition servile de leur mère ne leur a porté aucun préjudice; car leur origine paternelle a seule prévalu. De même en est-il pour ceux qui ont reçu le baptême de la main des méchants; ce sont, en quelque sorte, des servantes qui les ont mis au monde; pourtant, commue ils ont été engendrés par la parole de Dieu que symbolisait Jacob, quils se consolent : ils partageront lhéritage avec leurs frères. Que celui dont le père est bon soit tranquille, seulement quil nimite pas sa mère, si sa mère est une servante. Garde-toi dimiter une mauvaise servante qui montre de lorgueil. Pourquoi, en effet, les enfants de Jacob nés de servantes, sont-ils entrés comme leurs frères en possession de la terre promise, tandis quIsmaël, né aussi dune servante, a été privé de lhéritage? Pourquoi? Parce que lui était orgueilleux et que les autres étaient humbles. Ismaël releva la tête et voulut séduire son frère en jouant avec lui. 12. Il y a là un grand mystère. Ismaël et
1. Gen. XXIX, XXX, XXXV.
Isaac jouaient ensemble; Sara les vit et dit à Abraham : « Chasse la servante et son fils; car le fils de la servante ne sera pas héritier avec mon fils Isaac ». Et comme la tristesse sétait emparée dAbraham, le Seigneur confirma les paroles de sa femme. Voilà bien la preuve quil y avait un mystère; car je ne sais ce que préparait pour lavenir cette circonstance. Sara voit jouer ces enfants, et elle dit : « Chasse la servante et son fils ». Quest-ce que cela, mes frères? Quel mal Ismaël avait-il fait au petit Isaac en jouant avec lui? En jouant avec Isaac, il se jouait de lui, ce jeu cachait une dérision. Il y a assurément là un grand mystère, que votre charité y fasse attention. Ce jeu, lApôtre lappelle une persécution; il donne à ce jeu le nom de persécution, car il dit : « Comme alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon lesprit, ainsi en est-il encore aujourdhui »; cest-à-dire quaujourdhui encore ceux qui sont nés selon la chair persécutent ceux qui sont nés selon lesprit. Quels sont ceux qui sont nés selon la chair? Les amateurs du monde, les amateurs du siècle. Quels sont ceux qui sont nés selon lEsprit? Les amateurs du royaume des cieux, ceux qui aiment le Christ, ceux qui désirent la vie éternelle,, qui servent Dieu sans préoccupation intéressée. Ismaël joue avec Isaac, mais lApôtre dit quil le persécute. Cest pourquoi, après avoir dit ces paroles : « Comme alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon lEsprit, ainsi en est-il encore aujourdhui », lApôtre montre de quelle persécution il veut parler, et il ajoute : « Mais que dit lEcriture? Chasse la servante et son fils, car il ne sera pas héritier avec mon fils Isaac (1) ». Nous cherchons en quel endroit de lEcriture se lisent ces paroles, afin de voir si, avant de jouer, Ismaël sétait livré à quelque voie de fait à légard dIsaac; et nous remarquons que Sara a parlé ainsi pour avoir vu les enfants jouant ensemble. Ce qua vu Sara et ce que lEcriture appelle un jeu, lApôtre lappelle une persécution. Combien davantage vous persécutent ceux qui vous séduisent en se jouant de vous; qui vous disent: Viens, viens; fais-toi baptiser chez nous; chez nous se trouve le vrai baptême. Ne joue pas, il ny a quun vrai baptême; cest un jeu : tu ty laisseras prendre
1. 1. Gen. XXI, 9-12 ; Galat. IV, 29, 30.
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et il te fera beaucoup de mal. Il vaudrait mieux pour toi gagner Ismaël et lui faire mériter une part dans le royaume. Mais Ismaël fait la sourde oreille, parce quil veut jouer. Pour toi, garde lhéritage de ton père et sois attentif à ces paroles : « Chasse la servante et son fils; car le fils de la servante ne sera pas héritier avec mon fils Isaac». 13. Les hérétiques osent soutenir que les rois ou les princes catholiques leur font dordinaire souffrir persécution. Quelle persécution endurent-ils? Quelques châtiments corporels. En ont-ils réellement enduré, et jusquà quel point? Cest à eux de le savoir et de consulter à cet égard leur conscience. Quoi quil en soit, supposons quils aient eu à endurer des peines corporelles, la persécution quils font souffrir est bien autrement cruelle. Prends-y garde; quand Ismaël veut jouer avec Isaac, quand il te flatte, quand il te fait loffre dun autre baptême, réponds-lui: Jai déjà le baptême, Si ce baptême est véritable, celui qui veut ten donner un autre veut se jouer de toi. Mets-toi en garde contre le persécuteur de ton âme. Ce que les Donatistes ont pu quelquefois souffrir de la part des princes catholiques, cest dans leur corps quils lont souffert, on na pas persécuté leur âme en lui imposant lerreur. Ecoutez et voyez, dans ce qui a eu lieu autrefois, le signe et lindice de ce qui devait arriver plus tard; Nous voyons que Sara frappe Agar, Sara était libre. Agar la servante ayant voulu regimber, Sara sen plaignit à Abraham et lui dit: « Chasse la servante, elle sest montrée insolente envers moi ». Et comme si Abraham y était pour quelque chose, elle se plaignit de lui. Abraham tenait à sa servante, non par amour du désordre, mais uniquement par désir davoir des enfants, Sara la lui ayant donnée pour cette fin. Il répondit : « Cest ta servante, fais-en ce que tu voudras ». Et Sara la châtia rudement, en sorte quAgar senfuit de devant sa face. La femme libre châtie la servante, et lApôtre ne donne pas au châtiment le nom de persécution. Le fils de la servante joue avec son maître, et ce jeu, lApôtre lappelle une persécution. Le châtiment infligé par la maîtresse ne sappelle point persécution, et le jeu du serviteur est qualifié de cette dénomination. Quest-ce qui vous en semble, mes fières ? Ne comprenez-vous pas ce que cela signifiait? Ainsi quand il plaît à Dieu danimer les puissances contre les hérétiques, les schismatiques et contre ceux qui veulent ruiner lEglise, qui essaient de faire disparaître Jésus-Christ, qui blasphèment son baptême, que nul ne sen étonne. Cest Dieu qui excite Sara à châtier Agar. QuAgar se reconnaisse, quelle shumilie; en effet, lorsquAgar se fut humiliée et quelle eut quitté sa maîtresse, un ange vint se présenter à elle et lui dire : « Que fais-tu, Agar, servante de Sara? » Et comme elle se plaignait de sa maîtresse, que lui répondit lange? « Retourne à ta maîtresse (1)». On la châtie donc, mais cest pour la contraindre à revenir; plaise à Dieu quelle revienne, car alors son enfant, comme les enfants de Jacob, entrera en possession de lhéritage conjointement avec ses frères. 14. Les hérétiques sétonnent de ce que les princes chrétiens se déclarent contre ces hommes détestables qui veulent détruire lEglise. De bonne foi, pourraient-ils demeurer tranquilles? Mais alors, comment rendre compte à Dieu de lexercice de leur puissance? Que votre charité remarque ce que je vais dire, à savoir que cest une obligation imposée aux princes par leur titre de chrétiens, de donner pendant leur règne la paix temporelle à leur mère la sainte Eglise, puisquelle leur a donné la vie spirituelle. Lisons le récit des visions et des actions prophétiques de Daniel. Les trois jeunes gens louent le Seigneur au milieu des flammes, le roi Nabuchodonosor sétonne de les entendre chanter les louanges du Seigneur et de voir les flammes sélever inoffensives autour deux. Dans un sentiment de ladmiration, que dit le roi Nabuchodonosor? Je ne parle ici ni dun juif, ni dun circoncis; je parle de celui. là même qui avait tait élever sa statue, et qui avait forcé tout le monde à ladorer. Profondément ému par le cantique des trois enfants, témoin de la puissance divine qui se manifestait jusque dans la fournaise, que dit-il? « Je ferai un décret pour tous les peuples et toutes les nations de mon empire ». Quel décret? « Quiconque blasphémera le Dieu de Sidrac, de Misach et dAbdénago, sera mis à mort et sa maison ravagée (2) ». Tel fut lacte de sévérité accompli par ce roi étranger, pour empêcher le blasphème contre le Dieu dIsraël; car il lavait vu préserver des atteintes du feu
1. Gen. XVI, 5-9. 2. Dan. III.
les trois jeunes gens, et les hérétiques ne permettent pas à des rois chrétiens de sévir quand on veut faire disparaître Jésus-Christ; Jésus-Christ qui préserve du feu éternel,non pas trois enfants, mais lunivers tout entier et les rois avec lui? Car, remarquez-le, mes frères, Dieu na préservé ces trois enfants que dun feu passager. Le Dieu des Macchabées nétait-il pas le même que celui des trois jeunes hébreux? Ceux-ci ont été mis à labri des flammes, les autres ont perdu sur dus bûchers la vie de leur corps; mais en revanche leur âme a persévéré dans lobservation des commandements de la loi. Les premiers ont été ostensiblement délivrés, les autres ont été couronnés, mais dune manière cachée (1). Mieux vaut être délivré des flammes de lenfer que dun feu allumé par les hommes. Si donc le roi Nabuchodonosor a loué Dieu, a célébré son nom et lui a rendu gloire parce quil avait délivré des flammes ces trois jeunes gens; sil la honoré, au point de publier ce décret par tout son royaume : « quiconque blasphémera le Dieu de Sidrac, de Misach et dAbdénago, il sera mis à mort et sa maison ravagée », les princes chrétiens pourraient-ils demeurer dans une froide inaction, quand ils voient, non pas trois enfants délivrés dune fournaise, mais leurs propres personnes mises à labri des flammes de lenfer; quand ils saperçoivent quon veut faire disparaître du milieu des chrétiens le Christ, leur libérateur; quand ils entendent donner à un chrétien ce conseil: Dis que tu nes pas chrétien? Voilà ce que les hérétiques trouvent bon de faire; mais ils ne trouvent pas bon quon les en punisse. 15. Considérez cependant ce quils font et ce quils endurent. Ils tuent les âmes et on les châtie dans leur corps; ils donnent la mort éternelle, ils se plaignent de souffrir la mort temporelle. Et pourtant, que souffrent-ils ?
1. II Mach. VII.
Ils nous vantent sans cesse je ne sais quels martyrs que leur aurait faits la persécution. Par exemple, un Marcule précipité du haut dun rocher; un Donat de Bagaïes, jeté dans un puits. Quand les autorités romaines ont-elles ordonné des supplices de ce genre? A quelle époque ont-elles fait jeter un coupable dans un précipice? Quest-ce que répondaient les nôtres? Jignore ce qui sest passé; mais encore une fuis , que répondent les nôtres? Selon eux, ces martyrs se sont précipités eux-mêmes , et ils ont fait retomber sur les autorités lodieux de leur mort. Rappelons-nous la manière dont agis. sent ordinairement les autorités romaines, et voyons à qui il faut en croire. Les nôtres disent quils se sont précipités eux-mêmes; mais puisquils ne sont pas les disciples de ceux qui ont choisi ce genre de mort sans y être contraints par personne, ne les croyons pas; toutefois, y a-t-il rien détonnant à ce quils aient fait ce quon fait dordinaire dans leur parti? Jamais les autorités romaines nont usé de ce genre de supplice. Quest-ce, dailleurs, qui les empêchait de les faire mourir en public ? Rien. Mais ceux qui ont voulu se faire honorer après leur mort, nont pas imaginé de moyen plus capable de se rendre illustres. Quoi quil en soit, au fond, je lignore. En tous cas, ô Donatistes, si lEglise vous a infligé quelque châtiment corporel, cest Sara qui a puni en vous Agar; « revenez à votre maîtresse ». Il nous a fallu nous arrêter ici trop longtemps pour quil nous soit maintenant loisible de vous expliquer en entier tout le texte évangélique dont nous vous avions donné lecture. Mes frères, que ceci suffise à votre charité; car ce que nous vous dirions maintenant pourrait vous faire oublier ce que nous vous avons dit. Retenez-le, répétez-le, sortez dici pleins dun feu qui enflamme les plus froids.
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