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CINQUANTE-NEUVIÈME TRAITÉ.DEPUIS LE PASSAGE OU NOTRE-SEIGNEUR DIT : « EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS, LE SERVITEUR NEST PAS PLUS GRAND QUE SON MAITRE », JUSQUÀ CET AUTRE : « MAIS CELUI QUI ME REÇOIT, REÇOIT CELUI QUI MA ENVOYÉ ». (Chap. XIII, 16-20.)IMITER JÉSUS-CHRIST.
Les paroles du Sauveur, qui vont du v. 16 au v. 20, se résument en celles-ci : Si vous vous rappelez que vous êtes mes disciples, vous suivrez mon exemple, et vous serez bienheureux, car vous serez dautres moi-même, vous serez les représentants de mon Père.
1. Nous venons dentendre, dans le saint Evangile, Notre-Seigneur nous parler et nous dire: « En vérité, en vérité, je vous le dis le serviteur nest pas plus grand que son maître, ni lapôtre plus grand que celui qui la envoyé. Si vous savez ces choses, vous serez bienheureux quand vous les pratiquerez » . Il parlait ainsi parce quil
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avait lavé les pieds de ses disciples, pour nous enseigner lhumilité et par ses préceptes et par son exemple. Mais, afin de pouvoir, avec laide de Dieu, traiter plus longuement ce qui offre plus de difficulté, ne nous attardons pas à ce qui est clair et facile. Ayant donc dit ces paroles, le Seigneur ajouta: « Je ne dis pas cela pour vous tous , je sais ceux que jai élus; mais pour que saccomplisse cette parole de lÉcriture: Celui qui mange le pain avec moi lèvera son talon contre moi », cest-à-dire, me foulera aux pieds. On voit de qui il parle, et Judas le traître se trouve atteint par ces paroles. Donc il ne lavait pas élu; puisque dans ces paroles il le distingue de ceux quil avait élus. Aussi, en disant: « Vous serez bienheureux quand vous ferez ces choses, je ne le dis pas de vous tous » ; car il y en a un parmi vous qui ne sera pas bienheureux et qui ne fera pas ces choses. « Je sais, moi, ceux que jai élus ». Qui sont-ils ? Evidemment ceux qui seront bienheureux en faisant ce que leur a commandé et ce que leur a appris à faire celui qui peut rendre les hommes des bienheureux? Le traître Judas, dit-il, na pas été élu. Que signifie donc ce quil dit dans un autre endroit: « Nest-ce pas moi qui vous ai choisis tous les douze, et cependant lun de vous est un démon (1) ? » Ne serait-ce point parce que Judas avait été élu pour une chose pour laquelle il était nécessaire; mais non pour cette béatitude dont Jésus vient de dire: « Vous serez bienheureux , si vous faites cela ? » Il ne le dit pas de tous ses disciples ; car il sait ceux quil a élus pour partager cette béatitude. Il nétait pas de ce nombre, celui qui mangeait son pain, pour lever contre lui son talon. Pour eux, ils mangeaient un pain qui était leur Seigneur; mais lui mangeait le pain de son Seigneur pour se tourner contre lui. Eux mangeaient la vie, et lui sa condamnation; « car », dit lApôtre, « celui qui mange ce pain indignement , mange sa condamnation (2). Je vous dis ceci « dès maintenant avant que la chose arrive; afin que lorsquelle arrivera, vous reconnaissiez que je suis » ; cest-à-dire, que je suis celui dont lÉcriture a voulu parler quand elle a dit: « Celui qui mange du pain a avec moi lèvera contre moi son talon ». 2. Ensuite il continue et dit: « En vérité,
1. Jean, VI, 71. 2. I Cor. XI, 29.
en vérité, je vous le dis: Quiconque reçoit celui que jaurai envoyé, me reçoit, et qui me reçoit, reçoit celui qui ma envoyé ». Notre-Seigneur a-t-il voulu nous faire comprendre quil y a la même distance entre lui et son Père, qui est Dieu, quentre celui quil envoie et lui-même? Dieu nous garde de le penser, car ce serait établir je ne sais quels degrés à la manière des Ariens. Les Ariens, en effet, lorsquils entendent ou quils lisent ces paroles de lÉvangile, ont recours, pour établir leur doctrine, à ces degrés, qui leur servent non pas à monter à la vie, mais à se précipiter dans la mort. Aussitôt ils disent Comme il y a une grande distance entre lapôtre du Fils et le Fils lui-même, quoique le Fils ait dit: « Quiconque reçoit celui que jai « envoyé, me reçoit v, cette même distance existe entre le Fils et le Père, quoique le Fils ait dit: « Qui me reçoit, reçoit celui qui ma envoyé » . Mais si tu parles ainsi, ô hérétique, tu oublies tes degrés. Si, en effet, à cause de ces paroles de Notre-Seigneur, tu établis la même distance entre le Fils et le Père, quentre lapôtre et le Fils, où placeras-tu le Saint-Esprit? Il sera donc entre lapôtre et le Fils, et le Fils sera beaucoup plus éloigné de lApôtre que le Père ne lest du Fils. Peut-être, pour conserver cette distance égale entre le Fils et lApôtre et entre le Père et le Fils, diras-tu que le Saint-Esprit est égal au Fils? Mais cest ce que tu nadmets point. Où donc le placeras-tu si tu supposes que la distance entre le Père et le Fils est la même quentre le Fils et lApôtre ? Réprime plutôt ton audace et ta présomption, et ne cherche pas dans ces paroles à prouver que la distance du Père au Fils est la même que celle qui se trouve entre le Fils et lApôtre. Écoute plutôt le Fils: voici ce quil dit: « Le Père et moi a nous sommes un (1) ». Cest ainsi que la vérité ne ta laissé aucun droit de soupçonner quil y a de la distance entre le Père et son Fils unique; ainsi Jésus-Christ est la pierre qui a renversé les degrés et brisé les échelles. 3. Mais puisque nous avons réfuté lerreur des hérétiques, comment, à notre tour, entendrons-nous ces paroles de Notre-Seigneur. « Quiconque reçoit celui que jaurai envoyé me reçoit; et qui me reçoit, reçoit celui qui a ma envoyé ? » Si nous voulons dire que ces paroles : « Qui me reçoit, reçoit celui qui ma
1. Jean, X, 30.
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envoyé », ont été prononcées pour montrer que le Père et le Fils sont dune seule et même nature, il semblera conséquent de conclure de ces autres paroles. « Quiconque reçoit celui « que jaurai envoyé, me reçoit », que le Fils et lApôtre sont de même nature aussi. On pourrait à la vérité le comprendre ainsi sans grand inconvénient; car il est composé de deux substances, ce Géant qui sest élancé pour parcourir sa carrière (1). Le Verbe sest fait chair (2); cest-à-dire, Dieu sest fait homme. Alors il pourrait sembler que Notre-Seigneur a dit: « Quiconque reçoit celui que jaurai a envoyé, me reçoit » , comme homme ; « mais qui me reçoit» comme Dieu, « reçoit celui qui ma envoyé ». Or, quand il prononçait ces paroles, Notre-Seigneur navait point en vue lunité de sa nature; mais il
1. Ps.XVIII, 6. 2. Jean, I, 14.
recommandait, dans la personne de lenvoyé, lautorité de celui qui lenvoie. Que chacun donc, en recevant celui qui est envoyé, reconnaisse en lui celui qui lenvoie. Si donc, en Pierre, tu vois Jésus-Christ, dans le disciple tu rencontreras le maître; si tu vois le Père dans le Fils, tu rencontreras dans le Fil: le Père éternel; de cette façon, vous recevez sans aucune erreur dans lenvoyé celui qui lenvoie. Le peu de temps qui nous reste ne me permet pas de traiter, sans labréger, ce qui suit dans lEvangile. Recevez donc, mes très-chers frères, ce que nous vous avons dit comme de saintes brebis reçoivent leur nourriture; si vous trouvez quil y en a assez, rassasiez-vous avec profit; si vous trouvez quil y en a trop peu, ruminez-le pour donner plus ample satisfaction à vos désirs.
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