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VINGT-SIXIÈME TRAITÉ.DEPUIS LENDROIT OÙ IL EST ÉCRIT : « LES JUIFS DONC MURMURAIENT CONTRE LUI, PARCE QUIL AVAIT DIT: JE SUIS LE PAIN VIVANT DESCENDU DU CIEL », JUSQUA CET AUTRE : « CELUI QUI MANGE DE CE PAIN, VIVRA ÉTERNELLEMENT ». (Jean, VI, 41-59.)LA FOI EN JÉSUS-CHRIST.
Parce que les Juifs navaient pas soif de la justice, ils ne comprirent point que Jésus était le vrai pain descendu du ciel ; ils murmurèrent donc en entendant ses paroles : en cela rien détonnant. Pour croire au Christ, il faut être attiré h. la foi par la grâce divine, qui, en nous instruisant, nous amène, dune manière efficace, mais librement, au bien par lorgane le Jésus-Christ, Fils de Dieu incarné. Comme il est le pain de vie, croire en lui, cest avoir la vie éternelle de lâme. La manne du désert na pu la donner aux Israélites, parce quils manquaient de foi : lEucharistie ne la pas davantage procurée fleurs descendants, pour la même raison, car elle nest pain de vie que pour les croyants. Celui donc qui mange ce pain dans les sentiments de la foi et de la charité, possède la vie éternelle de lâme, et le principe de la résurrection de son corps.
1. Nous venons de lapprendre par la lecture de lEvangile Notre-Seigneur Jésus-Christ ayant dit quil était un pain descendu du ciel, les Juifs éclatèrent en murmures et sécrièrent : « Nest-il pas ce Jésus, fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère? Comment dit-il : Je suis descendu du ciel? » Les Juifs étaient loin de soccuper du pain du ciel, et ils ne savaient pas en avoir faim. Par faiblesse, leur coeur ne pouvait ni demander ni recevoir aucune nourriture; ils avaient des oreilles, et nentendaient rien; ils avaient des yeux pour ne rien voir. Car, ce pain de lhomme intérieur exige de lappétit. Voilà pourquoi il est dit ailleurs : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce quils seront rassasiés (1) ». Or, lapôtre saint Paul nous dit que le Christ est notre justice (2). Par conséquent, celui qui a faim de ce pain, doit avoir faim de la justice, mais de cette justice qui descend du ciel et que Dieu donne, et non pas de celle que lhomme se fait à lui-même. Lhomme se fait parfois de lui-même sa propre justice; sil en était autrement, le même Apôtre ne dirait pas, en parlant des Juifs : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et sefforçant détablir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu (3) ». De ce nombre étaient ces autres Juifs, qui navaient aucune idée du pain descendu du ciel, parce que, rassasiés de leur propre justice, ils néprouvaient aucun désir de la justice
1. Matth. V, 6. 2. I Cor. I, 30. 3. Rom. X, 3.
de Dieu. Quest-ce donc que la justice de Dieu? Quest-ce que celte des hommes? Par justice de Dieu, il faut entendre ici, non pas cette perfection qui constitue la sainteté de Dieu, mais celle quil donne à lhomme, afin de létablir dans la sainteté par sa grâce. Quant aux Juifs, en quoi consistait leur justice? En ce quils présumaient de leurs forces, et prétendaient être, en quelque sorte, les parfaits observateurs de la loi, sans aucun aide venu dailleurs : personne ne peut accomplir la loi sans le secours de la grâce, cest-à-dire du pain descendu du ciel. « Car », dit en deux mots lApôtre, « lamour est la plénitude de la loi (1)». Lamour, non de largent, mais de Dieu; non de la terre ou du ciel, mais de Celui qui a fait le ciel et la terre. Doù vient à lhomme cet amour de Dieu? Saint Paul nous le dit. Ecoutons-le: « Lamour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné (2) ». Avant de nous donner le Saint-Esprit, le Sauveur sest donc présenté à nous comme le pain descendu du ciel, et nous a exhortés à croire en lui. Croire en lui, cest manger le pain vivant. Celui qui croit, mange: il se nourrit invisiblement, parce quil renaît dune manière invisible ; cest intérieurement un enfant, un homme nouveau : ce qui le renouvelle, le rassasie par lot même. 2. Les Juifs murmuraient donc contre Jésus; quelle fut sa réponse? « Ne murmurez
1. Rom. XIII, 10. 2. Id. V, 5.
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pas entre vous » ; ce qui voulait dire: Je le vois bien, vous néprouvez aucun désir pour ce pain; vous navez nulle idée de ce quil est; vous ne cherchez pas à vous le procurer. « Ne murmurez pas entre vous: nul ne peut venir à moi, si le Père, qui la envoyé, ne lattire ». Admirable éloge de la grâce : Nul ne vient sans être attiré. Qui attire-t-il? Qui nattire-t-il pas? Pourquoi attire-t-il celui-ci ? Pourquoi nattire-t-il pas celui-là? Autant de questions desquelles tu ne dois pas tétablir juge, si tu ne veux pas te tromper. Je te le dis une fois pour toutes : saisis bien ma pensée. Dieu ne tattire rias encore? Prie-le de le faire. Mes frères, que disons-nous? Si nous sommes attirés vers le Christ, nous croyons donc en lui malgré nous: on notas fait donc violence, et notre volonté reste étrangère à notre acte de foi? Un homme peut entrer à léglise, sapprocher de lautel, recevoir le sacrement, sans aucun consentement de sa part; mais, pour croire, il faut nécessairement le libre concours de la volonté. Si la foi venait du corps, elle pourrait se trouver en des hommes qui ny acquiesceraient nullement; mais elle ne vient pas de là. Ecoute lApôtre : « On croit par le coeur ». Et il ajoute : « Et lon confesse par la bouche, pour parvenir au salut (1) ». Cette confession procède du fond du coeur, Les hommes qui font leur profession de foi ne sont pas rares : Tu as parfois entendu des hommes qui font leur profession de foi; mais tu ne connais pas quel est celui qui ne croit pas réellement, et tu ne peux donner le nom de confesseur de la foi à lhomme que tu reconnais comme incroyant; car la confession consiste à dire ce que pense réellement le coeur: si tu dis le contraire de ce que tu penses intérieurement, tu parles, mais tu ne fais pas de profession de foi. Cest donc par le coeur que lon croit au Christ : personne ne le fait contre son gré, et, pourtant, il semblerait que celui qui y est attiré, le fait malgré lui, et forcément. Comment résoudre la difficulté que présente ce passage : « Nul ne vient à moi, si le Père, qui ma envoyé, ne lattire? » 3. Quiconque est attiré, dira quelquun, marche à contre-coeur. Sil marche à contrecoeur, il ne croit pas; et sil ne croit pas, il ne marche pas davantage. Ce nest pas, en effet,
1. Rom, X, 10.
par la marche que nous nous approchons du Christ : cest par la foi; pour cela, nous navons pas de mouvement à imprimer à notre corps: il suffit davoir au coeur de la bonne volonté. Voilà pourquoi cette femme, qui toucha la robe du Sauveur, la toucha plus que la foule qui se pressait autour de lui. Aussi Jésus dit-il : « Qui est-ce qui ma touché ? » Les disciples étonnés lui répondirent : « La multitude vous presse, et vous demandez qui vous a touché? » Et il répéta: « Quelquun ma touché ». La femme le louche, la multitude le presse; que veut donc dire ce mot : « Ma touché », sinon : a cru? De là vient encore que, après sa résurrection, le Christ sadressa en ces termes à cette autre femme qui voulait se jeter à ses pieds : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore « monté vers mon Père (1) ». A ton avis, je ne suis que ce que tu me vois; ne me touche pas. Quel est le sens de ces paroles? Selon ton idée, je ne suis pas autre que ce que je te semble être. Ne ty trompe pas, il nen est pas ainsi, cest-à-dire : « Ne me touche pas, car je ne suis point encore remonté vers mon Père ». Pour toi, je ne suis pas monté vers mon Père, car je ne me suis jamais séparé de lui. Elle ne touchait point le Sauveur, quand il était sur la terre; comment le toucherait-elle au moment de son retour vers son Père? Cest ainsi, néanmoins, cest de cette manière quil a voulu être touché; ainsi lest-il par tous ceux qui le touchent bien, quoiquil monte au ciel, quil demeure en son Père, et quil lui soit égal. 4. Reporte ton attention sur ces paroles: « Nul ne vient à mol, si mon Père ne lattire». Ne timagine pas que tu sois attiré malgré toi; car lamour entraîne les âmes. Il est des hommes qui pèsent le sens de toutes les paroles, et qui sont loin de comprendre toutes choses, surtout les choses de Dieu; mais nous navons nullement à craindre de les voir nous reprocher ce passage des saintes Ecritures qui se trouve dans lEvangile, et nul dentre eux ne nous dira Si je suis entraîné, comment pourrai-je avoir une foi parfaitement libre? Car je le dis : ce nest pas assez dêtre entraînés volontairement, nous le sommes encore avec plaisir. Quest-ce, en effet, quêtre entraîné avec plaisir? « Mets tes délices dans le Seigneur, et il remplira tous les désirs de ton
1. Luc, VIII, 44-46. 2. Jean, XX, 17.
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coeur (1)». Le coeur qui éprouve la douceur du pain céleste, ressent un véritable plaisir. Or, sil est vrai de dire avec le poète : « Chacun est conduit par lattrait de ses propres penchants (2)»; non par la nécessité, mais par lattrait du plaisir; non par le devoir, mais par la jouissance : à plus forte raison devons-nous dire que celui-là est attiré vers le Christ, qui trouve ses délices dans la vérité, la béatitude, la justice, léternelle vie ; car le Christ est tout cela. Quand les sens corporels ont leurs plaisirs, les facultés de lâme en seraient-elles dépourvues? Et si lâme navait point de jouissances à elle, comment le Psalmiste aurait-il pu dire : « Les enfants des hommes espéreront à lombre de vos ailes; ils seront enivrés de labondance de votre maison; vous des abreuverez au torrent de vos délices; car, en vous est la source de la vie, et dans votre lumière nous verrons la lumière (3)? » Donne-moi un homme qui aime lieu, et il éprouvera la vérité de ce que je dis: donne-moi un homme rempli du désir et de la faim de ce pain céleste, engagé dans le désert de cette vie et dévoré par la soif de Injustice, soupirant après la fontaine de léternelle patrie ; donne-moi un tel homme, et il me comprendra. Mais si je madresse à un homme glacé par le froid de lindifférence, il ne saisira pas mes paroles. Tels étaient les murmurateurs dont parle notre évangile. « Celui que mon Père attire vient à moi ». 5. Mais pourquoi dire : « Celui que mon Père attire », puisque le Christ attire aussi? dans quelle intention le Sauveur a-t-il dit : « Celui que mon Père attire? » Si nous devons être entraînés, soyons-le par celui à qui lépouse animée par lamour adressait ces paroles : « Nous courrons sur tes pas à lodeur de tes parfums (4) ». Remarquons bien, mes frères, et, autant que possible, efforçons-nous de comprendre ce que le Sauveur veut nous faire entendre. Le Père attire à son Fils ceux qui croient au Fils, parce quils reconnaissent Dieu pour son Père; car Dieu le Père sest engendré un Fils égal à lui; lhomme qui reconnaît dans sa pensée que le Fils est égal au Père, et qui, sous lempire de sa foi, sent vivement cette vérité, et la rappelle sans cesse à son esprit, le Père lattire vers son Fils. Arius na vu
1. Ps. XXXVI, 4. 2. Virgile, Eglogue, 2. 3. Ps. XXXV, 8-10. 4. Cant. I, 3.
en Jésus quune simple créature; aussi le Père ne la-t-il pas attiré, car celui-là na le Père en aucune estime, qui ne reconnaît pas le Fils comme son égal. Que dis-tu, ô Arius? O hérétique, quel langage tiens-tu? Quest-ce que le Christ? Ce nest pas le vrai Dieu: il nen est que la créature. Tu nes pas attiré par le Père, puisque tu ne reconnais pas son Fils, loin de là; puisque tu dis positivement quil na pas de Fils: aussi nes-tu ni attiré par le Père, ni attiré vers le Fils; car autre chose est le Fils, autre chose est ce que tu en dis. Au dire de Photin, le Christ nest quun homme: il nest pas Dieu. Les partisans de cet hérétique, le Père ne les attire pas. Le Père a attiré celui qui a dit: « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant ». Vous nêtes ni un Prophète, ni saint Jean, ni un grand saint, mais « vous êtes le Christ Fils » unique « du Dieu vivant », et son égal. Oui, il a été attiré: il la été par le Père; tu en trouves la preuve dans ces paroles du Sauveur: « Simon, fils de Jona, tu es heureux, car la chair et le sang ne tont pas révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux (1) ». Cette révélation du Père nest autre que son attraction. Tu montres à une brebis une branche de feuillage, et tu lattires; offre des noix aux regards dun enfant, et tu lattireras: et il est attiré à lendroit où il court, par laffection, sans dommage pour son corps, sous lempire des sentiments de son coeur. Sil est vrai quun homme se laisse entraîner vers un objet dont les attraits et les délices sollicitent son affection, suivant cet incontestable adage: « Chacun est conduit par lattrait de ses propres penchants » ; le Père, en faisant connaître le Christ, naurait aucun empire sur les coeurs? Mais rien na plus de force que la vérité pour exciter dans une âme dardents désirs. Pour quelle occurrence avoir un meilleur appétit, pourquoi désirer un palais plus apte à juger des saveurs, sinon pour se nourrir et sabreuver de la sagesse, de la justice, de la vérité, de léternité? 6. Mais où serons-nous rassasiés ? Au ciel, nous le serons mieux, plus véritablement, plus parfaitement que partout ailleurs. Car ici, il nous est plus facile, si nous sommes animés dune ferme espérance, davoir faim que dêtre rassasiés; car « bienheureux ceux « qui ont faim et soif de la justice » sur la
1. Matth. XVI, 16, 17.
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terre, « parce quils seront rassasiés » au ciel (1). Aussi, après avoir dit : « Nul ne vient à moi, si le Père, qui ma envoyé, ne lattire », il ajoute : « et je le ressusciterai au dernier jour ». Je le mettrai en possession de ce quil aime, de ce quil espère : il contemplera ce quil a cru ici-bas sans le voir; il se rassasiera de ce dont il a faim, il sabreuvera de ce dont il a soif. Quand cela ? Au moment de la résurrection des morts, car « je le ressusciterai au dernier jour » 7. « Car il est écrit dans les Prophètes: « Tous seront enseignés de Dieu ». O Juifs, pourquoi me suis-je exprimé ainsi? Le Père ne vous a pas encore instruits; comment donc pouvez-vous me reconnaître ? Tous les citoyens de ce royaume seront enseignés de Dieu, et non des hommes. Et si des hommes les instruisent, ce quils comprennent de leurs leçons, leur est donné, leur apparaît, leur est expliqué intérieurement. Que font les hommes en annonçant extérieurement la vérité ? Que fais-je moi-même, en ce moment, en vous adressant la parole ? Je fais retentir à vos oreilles le bruit de mes paroles. Si celui qui se trouve au dedans de vous ne vous les faisait comprendre, à quoi bon vous parler? A quoi bon vous entretenir ? Laction de larboriculteur sexerce au dehors de larbre; celle du Créateur se fait sentir à lintérieur. Celui qui plante et qui arrose, travaille au dehors; cest ce que nous faisons nous-mêmes; mais a celui qui plante nest rien, « non plus que celui qui arrose; cest Dieu seul qui donne laccroissement (2) ». Cest-à-dire : « Tous seront enseignés de Dieu ». Quest-ce à dire : Tous? « Quiconque a entendu le Père et a eu lintelligence, vient à moi ». Remarquez bien la manière dont le Père nous attire : il nous instruit, et, par là, il nous délecte, mais il ne nous force pas. Voilà comme il nous attire « Tous seront enseignés de Dieu » ; il lui appartient de les attirer : « Quiconque a entendu le Père et a eu lintelligence, vient à moi » : il y est attiré, cest le fait de Dieu. 8. Eh quoi donc, mes frères? De ce que quiconque a entendu le Père et a eu lintelligence, vient au Christ, sensuit-il que le Christ ny a contribué en rien par ses instructions? Si les hommes ont eu pour précepteur Dieu le Père, sans néanmoins le voir, à quoi
1. Matth. V, 6. 2. I Cor. III, 7.
leur a servi de voir le Fils? Le Fils parlait, et le Père enseignait. Moi, qui ne suis quun homme, qui est-ce que tinstruis? Qui est-ce, mes frères, sinon lhomme qui entend ma parole? Or, si nétant quun homme, jinstruis celui qui mentend parler, le Père enseigne donc aussi quiconque entend son Verbe; et puisque lhomme qui entend le Verbe reçoit lenseignement du Père, cherche à savoir ce quest le Christ, et tu apprendras quil est le Verbe du Père; car, « au commencement était le Verbe ». On ne peut pas dire : Au commencement, Dieu a créé le Verbe, dans le sens de cette parole: « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre (1) ». Pourquoi? Parce quil nest pas une créature. Apprends à être attiré par le Père vers le Fils : que le Père tenseigne, et que tu écoutes son Verbe. Mais, diras-tu, quel est ce Verbe du Père que je dois entendre? « Au commencement était le Verbe »; il na pas été fait alors, « il était : et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Mais comment, pendant le cours de cette vie terrestre, les hommes peuvent-ils entendre un Verbe de cette nature ? Parce que « le Verbe sest fait chair, et quil a habité parmi nous (2) ». 9. Le Sauveur explique lui-même ces paroles, et nous montre ce quil a voulu nous dire en sexprimant ainsi : « Quiconque a entendu le Père et a eu lintelligence, vient à moi ». Car il ajoute aussitôt ce que nous devons en penser : « Non quaucun ait vu le Père, si ce nest celui qui est de Dieu : celui-là a vu le Père ». Que dit-il? Moi, jai vu le Père : vous, vous ne lavez pas vu; et, pourtant, il vous est impossible de venir à moi, si vous ny êtes attirés par le Père. Mais, quest-ce quêtre attiré par le Père, si ce nest être enseigné de lui ? Etre enseigné de lui, sinon lentendre ? Lentendre, sinon entendre son Verbe, cest-à-dire moi ? Toutefois, parce que je vous dis: « Quiconque a entendu le Père et a eu lintelligence », nallez pas vous dire à vous-mêmes : Mais nous navons jamais vu le Père; comment avons-nous pu recevoir ses instructions ? Car, écoutez-moi, je vais vous le dire : « Non quaucun ait vu le Père, si ce nest celui qui est de Dieu; celui-là a vu le Père ». Je connais le Père, je viens de lui, comme la parole dun homme vient de cet homme; parole, néanmoins, qui ne
1. Gen. 1,1. 2. Jean, I, 1, 14.
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résonnerait pas, qui ne passerait pas, mais qui demeurerait avec celui qui parle et attirerait celui qui écoute. 10. Dans ce qui suit, nous trouvons un avertissement : « En vérité, en vérité, je vous de dis: celui qui croit en moi a la vie éternelle ». Il a voulu par là nous faire connaître qui il était; car il aurait pu nous dire en deux mots: Celui qui croit en moi, me possède; car le Christ est, tout à la fois, le vrai Dieu et la vie éternelle. Aussi, dit-il, celui qui croit en moi va en moi, et quiconque va en moi, me possède. Mais, quest-ce que me posséder? Cest posséder la vie éternelle. La vie éternelle sest revêtue de la mort; elle a voulu mourir, et, pour cela faire, elle na rien trouvé en elle-même; elle ten a emprunté le moyen : tu lui as fourni de quoi mourir pour toi. Il sest revêtu dun corps humain, mais pas à la manière des autres hommes. Son Père est au ciel : il sest, ici-bas, choisi une mère; pour être engendré dans le ciel, il na pas eu de mère: pour lêtre en ce monde, il na pas eu de père. La vie sest donc revêtue de la mort, afin que la mort trouvât sa destruction dans la vie. Car, dit-il, « celui qui croit en moi possède la vie éternelle », non déjà manifestée à nos regards, mais encore cachée à nos yeux. « Le Verbe » est, en effet, la vie éternelle : « au commencement il était en Dieu, et le Verbe était Dieu, et la vie était la lumière des hommes ». Le Christ, vie éternelle, a donné la vie éternelle au corps humain quil a pris; lest venu en ce monde pour y mourir. Mais il est ressuscité le troisième jour. La mort a péri, comme étouffée entre le Verbe incarné et son corps rendu à la vie. 11. « Je suis », dit le Sauveur, « le pain de vie». Les interlocuteurs avaient-ils le droit de se montrer si fiers ? « Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts ». Pourquoi donc vous enorgueillir? « Ils ont mangé la manne, et ils sont morts ». Pourquoi sont-ils morts, même après avoir mangé la manne ? Cest quils croyaient ce quils voyaient, et ce quils ne voyaient pas, ils ne le comprenaient pas non plus. Ils sont donc réellement vos pères, puisque vous leur ressemblez. Mes frères, nous mangeons le pain descendu du ciel; mais ne mourons-nous pas de la mort visible du corps ? Les Juifs du
1. Jean, I, 2, 4.
désert sont donc morts, comme nous mourrons nous mêmes : il sagit bien ici, vous le comprenez, de la mort visible et temporelle de notre corps. Mais sil est question de cet autre genre de mort, vraiment à craindre, dont le Sauveur parle ici aux Juifs, et quont subi leurs pères, je vous assure que Moïse, Aaron, Phinéès et beaucoup de personnages précieux aux yeux de Dieu par leur sainteté, nen ont pas éprouvé lamertume; et, pourtant, ils ont aussi mangé la manne dans le désert. Mais cette pourriture visible, ils en ont compris la signification toute spirituelle, ils lont désirée en esprit et reçue de coeur, et leur âme en a été rassasiée. Nous aussi, nous recevons maintenant un aliment visible; mais autre chose est de recevoir le sacrement, autre chose est den recueillir les fruits. Que de chrétiens participent à la victime du sacrifice, sont frappés par la mort, et ne meurent que pour avoir reçu cet aliment céleste ! Voilà pourquoi lApôtre ne craint pas de dire: « Il boit et mange sa propre condamnation ». Le corps du Sauveur na pas été un poison pour Judas; et cependant il le reçut, et, quand il leut reçu, Satan entra en lui, et cela, non point parce quil avait reçu un aliment empoisonné, mais parce quil était méchant, et quil lavait reçu avec de mauvaises dispositions. Ayez donc soin, nies frères, de manger spirituellement ce pain venu du ciel, et dapporter à lautel un coeur innocent : si vous avez tous les jours des fautes à vous reprocher, que, du moins, elles ne soient pas mortelles. Avant de vous approcher de lautel, faites attention à ce que vous dites « Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons à ceux qui nous doivent (2)». Si tu pardonnes, tu seras pardonné; marche en toute sécurité, tu as devant toi du pain, et non du poison; mais vois bien si tu pardonnes, car si tu ne le fais pas, tu mens, et tu mens à celui que tu ne saurais tromper. Tu peux, en effet, mentir à Dieu, mais le tromper, jamais. Il sait ce que tu fais : il est au dedans de Loi, et il te voit, il te regarde, il texamine, il te juge, et, dès lors, il te condamne ou te récompense. Quant aux Juifs du désert, ils étaient vraiment les pères des interlocuteurs du Christ; car sils étaient méchants, les seconds ne létaient pas moins; sils manquaient de foi, les seconds nen
1. I Cor. XI, 29. 2. Matth. VI, 12.
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avaient pas davantage; sils murmuraient, les seconds murmuraient aussi. Et lon peut dire que si jamais le peuple dIsraël a offensé son Dieu, ça été en murmurant contre lui. Aussi, pour montrer que ceux à qui il parlait étaient bien les fils des Juifs du désert, le Sauveur commence-t-il par leur dire: Murmurateurs, enfants dun peuple qui a murmuré, « pourquoi murmurer entre vous ? Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts », non pas que la manne fût chose mauvaise, mais parce quils lont mangée en mauvaises dispositions. 12. « Cest ici le pain qui est descendu du ciel ». Ce pain a été figuré par la manne, et aussi par lautel du Très-Haut. La manne et lautel étaient des figures: différents en apparence, ils signifiaient une même chose. Ecoute les paroles de lApôtre: « Car vous ne devez pas ignorer, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, quils ont tous passé la mer Rouge, et quils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse dans la nuée et dans la mer, et quils se sont tous nourris du même aliment spirituel ». En fait de nourriture spirituelle, nous avons tous la même: que sil sagit de la nourriture matérielle, ils ont eu la manne, et nous, une autre ; si, au contraire, il est question de la nourriture spirituelle, ils ont eu la même que nous. Mais nos pères se sont montrés bien différents des leurs: nous ressemblons à nos frères, et ils sont animés dun esprit tout opposé. LApôtre ajoute: « Et quils ont bu le même breuvage spirituel ». A eux, un breuvage; à nous, un autre: breuvages dapparences diverses, mais représentant la même chose par leur vertu mystérieuse. Mais comment était-ce « le même breuvage ? Parce quils buvaient de leau de la pierre mystérieuse, eau qui les suivait: et cette pierre « était Jésus-Christ (1) ». En figure, le Christ était Pierre; en réalité, il était Verbe et homme. Et comment ont-ils bu de. cette eau? La pierre a été frappée de deux coups de verge (2); ces deux coups de verge ne sont autres que les deux bras de la croix. « Cest donc ici le pain qui est descendu du ciel, afin que si quelquun en mange, il ne meure point ». Mais il faut bien le remarquer, il sagit ici du sacrement comme vertu, et non du sacrement comme chose visible ; de celui qui le reçoit
1. I Cor. X, 1-4. 2. Nombr. XX, 11.
intérieurement, et non de celui qui le reçoit seulement à lextérieur; du chrétien qui en fait laliment de son coeur, et non du chrétien qui se borne à une manducation purement physique. 13. « Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel». Il est vivant, précisément parce quil est descendu du ciel. La manne était aussi descendue du ciel, mais elle nétait que lombre, tandis que le pain est la réalité. « Si quelquun mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai pour la vie du monde, cest ma chair ». Eh quoi! la chair serait-elle jamais de telle nature quon puisse donner à du pain le nom de chair? On appelle chair ce que ne comporte pas la nature de la chair, et elle le comporte dautant moins, quon appelle de ce nom ce qui ne lest pas. Les Juifs frémirent dhorreur en entendant ces paroles; ils se dirent les uns aux autres que cétait exorbitant; ils prétendirent que cétait impossible. « Cest», dit le Sauveur, « ma chair qui sera donnée pour le salut du monde ». Les fidèles savent ce que cest que le corps du Christ, sils ont soin den faire partie. Quils deviennent donc le corps du Christ, sils veulent vivre de son Esprit. Il ny a, pour vivre de lEsprit du Christ, que son corps. Mes frères, saisissez bien le sens de mes paroles. Dès lors. que tu es un homme, tu as un esprit et un corps. Sous le nom desprit, je désigne ce quon appelle lâme, ce qui fait que tu es homme; car tu es composé dun corps et dune âme. Dis-moi lequel des deux fait vivre lautre? Ton esprit puise-t-il sa vie en ton corps? ou ton corps trouve-t-il la sienne en ton esprit? Tout homme vivant répond à une telle question; pour celui qui sent ait incapable dy répondre, je ne sais, à vrai dire, sil vit. Tout homme vivant répond donc: Il ne saurait y avoir de doute à cet égard: cest mon esprit qui fait vivre mon corps. Si, maintenant, tu veux toi-même ; ivre de lEsprit du Christ, sois lun de ses membres. Serait-ce, en effet, ton esprit qui ferait vivre mon corps? Certainement non; mon esprit fait vivre mon corps, ton esprit fait vivre le tien. Pour le corps du Christ, il ne peut vivre que de lesprit du Christ. Voilà pourquoi, en nous parlant de ce pain, lapôtre saint Paul sexprime ainsi : « Nous ne sommes tous quun seul pain et un seul corps ». O profond
1. I Cor. X, 17.
531 mystère de piété ! ô signe dunité ! ô lien de charité! Celui qui veut vivre, sait où il jouira de la vie, où il la puisera. Quil sapproche et quil croie, quil sincorpore au Christ, il y trouvera la vie; quil ne lui répugne aucunement de sunir à dautres membres; quil ne soit lui-même ni un membre pourri, que lon doive retrancher du reste du corps, ni un membre difforme dont on puisse rougir: quil boit beau, bien proportionné , parfaitement sain; quil ne fasse quun avec le corps du Christ; que, puisant sa vie en Dieu, il vive pour Dieu; quil travaille sur la terre, pour régner un jour dans le ciel. 14. « Les Juifs disputaient donc entre eux et disaient: Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger?» Ils disputaient entre eux, sans aucun doute, parce quils ne comprenaient point que cétait un pain de paix et de concorde, et ne voulaient pas davantage sen nourrir. Car ceux qui mangent ce pain ne se disputent pas entre eux; la raison en est que « nous sommes tous un même pain et un même corps ». Et, par ce pain, « Dieu unit les hommes et les fait habiter dans une même maison (1) ». 15. Ils disputent entre eux et se demandent comment le Seigneur peut donner sa chair à manger; néanmoins, le Christ ne le leur apprend point encore; pour le moment, il se contente de leur dire: « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de lhomme, et si vous ne buvez son sang, vous naurez point la vie en vous ». Vous ignorez pourquoi on mange ce pain et comment on le mange : et, pourtant, « si vous ne mangez la chair du Fils de lhomme, et si vous ne buvez son sang, vous naurez point la vie en vous ». Certes, il ne sadressait pas à des cadavres, mais à des hommes vivants. Aussi, pour ne point leur laisser supposer quil parlait de cette vie terrestre, et les empêcher délever une contestation à ce sujet, il ajouta : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle » ; doù il suit que celui qui ne mange pas ce pain et ne boit pas ce sang, ne la pas; car, si. les hommes peuvent, sans eux, avoir la vie du temps, ils ne peuvent aucunement, sans eux, posséder la vie éternelle. De là, quiconque ne mange point sa chair et ne boit pas son sang, na point la vie
1. Ps. LXVII, 7.
en soi; et quiconque mange sa chair et boit son sang, possède la vie. Pour lun et lautre de ces deux hommes, le Sauveur parle de la vie éternelle. Il nen est pas de même de la no4urriture matérielle que nous prenons pour entretenir en nous la vie du corps. Celui qui nen prend pas ne peut vivre, et celui qui en prend ne peut se promettre de vivre toujours; car il peut arriver que beaucoup de ceux qui en prennent, meurent accablés par la vieillesse ou la maladie, ou victimes dun accident quelconque. Bien différents sont la nourriture et le breuvage dont il est ici question, cest-à-dire le corps et le sang du Seigneur. En effet, si celui qui ne les prend point na pas non plus la vie, celui qui les prend possède certainement la vie, et la vie éternelle. Par cet aliment et ce breuvage, le Sauveur veut donc nous désigner lunité de son corps, lunion de ses membres, qui nest autre que la sainte Eglise, composée des prédestinés, des appelés, des justifiés, des saints glorifiés et de tous les fidèles. La prédestination a déjà eu lieu; la vocation et la justification se sont déjà faites pour les uns, se font maintenant et se feront plus tard pour les autres quant à la glorification, elle nexiste pour nous aujourdhui quen espérance : au ciel elle se réalisera. Le signe sensible de cette mystérieuse chose, cest-à-dire le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ réunis ensemble, se trouve préparé sur la table du Seigneur ici tous les jours, ailleurs, à certains intervalles moins rapprochés ; cest à cette table divine que les chrétiens le reçoivent et y puisent, les uns la vie, les autres la mort. Pour ce dont ce sacrement est le signe, quiconque en devient participant y rencontre non la mort, mais la vie. 16. Les Juifs pouvaient simaginer que la vie éternelle étant promise aux hommes qui prendraient cet aliment et ce breuvage, ceux-ci ne subiraient pas même la mort du corps. Le Sauveur daigna prévenir cette erreur. En effet, après ces paroles : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle», il ajoute aussitôt celles-ci: «Et je le ressusciterai au dernier jour». Dabord sou âme jouira de la vie éternelle, dans le séjour du repos où se réunissent les âmes des saints; quant à son corps, il entrera aussi en possession de la vie éternelle, car il ressuscitera au dernier jour avec tous les morts. [532] 17. « Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage ». Les hommes ne prennent de nourriture et de breuvage que pour apaiser leur faim et étancher leur soif; mais un pareil effet nest véritablement produit que par cet aliment et ce breuvage où trouvent limmortalité et lincorruptibilité ceux qui le reçoivent; il ne peut avoir vraiment lieu que dans la société même des saints, où régneront une paix entière et une parfaite union. Cest pourquoi, suivant lidée quen ont eue déjà avant nous les hommes de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a parlé de son corps et de son sang en les désignant par des objets à la confection desquels concourent plusieurs autres réunis ensemble; car le pain se fait par la réunion dun grand nombre de grains, comme encore le vin se fait avec le jus de plusieurs raisins. 18. Enfin, il indique comment peut se faire ce quil dit et ce que cest que manger son corps et boire son sang. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui ». Prendre cette nourriture et boire ce breuvage nest donc autre chose que demeurer dans le Christ et le posséder en soi-même à titre permanent. Par là même, et sans aucun doute, quand on ne demeure pas dans le Christ, et quon ne lui sert point dhabitation, on ne mange point (spirituellement) sa chair, et on ne boit pas non plus son sang, quoiquon tienne dune manière matérielle et visible soins sa dent le sacrement du corps et du sang du Sauveur; bien plus, en recevant le signe sensible dune si précieuse chose, il le mange et boit pour sa condamnation, parce quil na pas craint de sapprocher dès sacrements du Christ avec une âme souillée. Celui-là seul, en effet, sen approche dignement, qui le fait avec une conscience pure, suivant cette parole de lEvangile: « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce quils verront Dieu (1) ». 19. « Car», dit-il, « comme mon Père, qui est vivant, ma envoyé, et que je vis à cause du Père, ainsi celui qui me mange vivra à cause de moi ». Il ne dit pas: Comme je mange mon Père et que je vis à cause de lui, ainsi celui qui me mange vivra à cause de moi. Car, en participant à la nature du Père, le Fils nen devient point plus parfait,
1. Matth. V, 8.
puisquil a été engendré son égal; mais nous, nous devenons meilleurs en entrant en participation du Fils, en nous unissant à son corps et à son sang, mystère désigné par la manducation et laction de boire dont il a parlé plus haut. Nous vivons donc à cause de lui, puisque nous le mangeons, cest-à-dire puisque nous recevons de lui la vie éternelle, que nous ne pouvions trouver en nous-mêmes; pour lui, il vit à cause de son Père qui la envoyé, parce quil sest anéanti lui-même et quil est devenu obéissant jusquà la mort de la croix (1). Si nous interprétons ces paroles « Je vis à cause de mon Père», daprès cet autre passage: « Mon Père est plus grand que « moi»», il en est du Christ comme de nous; car nous vivons à cause de lui, qui est plus grand que nous; cest pour lui la conséquence de sa mission. Il a été envoyé, cest-à-dire il sest anéanti lui-même en prenant la forme desclave: cette interprétation est juste; on peut la soutenir , tout en continuant à reconnaître que le Fils est, par nature, égal au Père. Car le Père est plus grand que son Fils considéré coin me homme; mais, en tant que Dieu, le Fils lui est égal; car il est, en même temps, Dieu et homme, Fils de Dieu et Fils de lhomme, dans une seule personne, qui est Jésus-Christ. Si lon entend bien dans ce sens les paroles du Sauveur : « Comme mon Père, qui est vivant, ma envoyé, et que je vis à cause de mon Père, ainsi celui qui me mange vivra à cause de moi»; il a voulu dire ceci : Lanéantissement où ma réduit ma mission a eu pour résultat de me faire vivre à cause de mon Père, cest-à-dire, de me faire rapporter à lui, comme étant plus grand que moi, toute ma vie; ainsi, chacun de ceux qui me mangeront vivra à cause de moi, par leffet de cette participation à ma personne. Je me suis humiliés cest pourquoi je vis à cause du Père; le chrétien qui me mange sélève, et, par là, il vit à cause de moi. Que si le Christ a dit: « Je vis à cause de mon Père », parce que le Fils vient du Père et que le Père ne vient pas du Fils, ces paroles ne portent aucune atteinte à légalité du Fils par rapport à son Père. De là il suit évidemment quen disant: « Ainsi celui qui me mange vivra éternellement », le Sauveur na voulu, en aucune manière, nous mettre sur un même pied dégalité avec lui: il na 1. Philipp. II, 8. 2. Jean, XIV, 28.
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fait allusion quau bienfait de sa médiation. 20. « Cest ici le pain qui est descendu du ciel» ; afin quen le mangeant, nous trouvions la vie en lui, parce que nous ne pouvons trouver en nous-mêmes le principe de la vie éternelle. « Vos pères», dit-il, « ont mangé la manne et sont morts; mais celui qui mange ce pain vivra éternellement ». Leurs pères sont morts, cela veut dire: ils ne vivront pas éternellement; car, évidemment, ceux qui mangent le Christ meurent aussi dans le temps, mais ils vivent pour léternité, parce que le Christ est la vie éternelle.
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