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TREIZIÈME TRAITÉ.DEPUIS CET ENDROIT DE LÉVANGILE : « APRÈS CELA JÉSUS VINT EN JUDÉE AVEC SES DISCIPLES », JUSQU'A « MAIS LAMI DE LÉPOUX, QUI SE TIENT DEBOUT ET QUI LÉCOUTE, EST RAVI DE JOIE A CAUSE DE LA VOIX DE LÉPOUX ». (Chap. III, 22-29.)JEAN, TÉMOIN DU CHRIST.
Jusqu'alors Jean avait rendu témoignage au Christ, sans néanmoins affirmer quil fut Dieu. Pour le voir sous son enveloppe mortelle, il faut, comme les anges, le contempler des yeux de l'âme, et se servir de son humanité afin de parvenir jusquà sa divinité. Jean baptisait donc en Enon : Jésus aussi; de là, grande discussion entre les disciples de Jean et les Juifs. Loin de se glorifier, le précurseur en prit occasion de shumilier : Je ne suis pas le Christ, dit-il, je ne suis que lami de lépoux et je défends son épouse par la pureté de ma charité et lunité de ma foi. Les hérétiques, qui pensent avant tout à eux-mêmes, et prêchent la division imitent-ils Jean? Evidemment non. Ne nous laissons donc séduire ni par leurs paroles, ni par leurs prodiges, et conservons la simplicité de la foi dans l'union de la charité.
1. Comme peuvent se le rappeler ceux lentre vous qui ont souci de leur profit spirituel, nous suivons un ordre dans la lecture de lEvangile selon Jean. Eu suivant cet ordre, notas sommes précisément amené à vous expliquer aujourdhui ce que vous venez dentendre. Ce qui a été lu depuis le commencement de lEvangile jusquà la leçon de ce jour, nous lavons expliqué, vous vous en souvenez, Et quand même vous auriez oublié plusieurs des choses que nous vous avons dites , lidée du ministère que nous remplissons sest du moins conservée en vous, Pour ce qui a été dit du baptême de Jean, il se peut que vous nayez pas tout retenu, je ne doute pas cependant que vous nen ayez retenu quelque chose. Vous vous souvenez aussi du motif pour lequel le Saint-Esprit est apparu en forme de colombe; vous vous rappelez également comment nous avons tranché cette difficulté presque inextricable : quest-ce que la colombe a pu faire découvrir [416] à Jean dans la personne de Notre-Seigneur, quil ignorât encore, puisquil le connaissait déjà. Ne lui avait-il pas dit, en effet, au moment où il venait pour recevoir le baptême . « Cest à moi dêtre baptisé par vous, et vous venez à moi ? » Et Jésus-Christ ne lui avait-il pas répondu : « Laisse-moi faire présentement, afin que saccomplisse toute justice (1) ? » 2. Lordre de nos lectures nous ramène donc forcément aujourdhui au précurseur. Cest de lui que parlait à lavance le prophète lsaïe, quand il disait: « On entend la voix de celui qui crie dans le désert: préparez la voie au Seigneur, rendez droits ses sentiers (2) ». En effet, cest en ces termes que Jean a rendu témoignage à Jésus-Christ son Seigneur, et par un privilège de la grâce à son ami. A son tour, le Seigneur et ami de Jean lui a rendu aussi témoignage; car il a dit de lui : « Parmi ceux qui sont nés de la femme, il ny en a pas de plus grand que Jean-Baptiste ». Mais Jésus-Christ sétait proclamé supérieur à Jean ; et ce qui le rendait supérieur au fils dElisabeth, cétait sa divinité. Mais «celui qui est le plus petit », continue-t-il, « dans le royaume des cieux, est « plus grand que lui (3) ». Il lui est inférieur par lâge, mais il est plus grand que lui par sa puissance, par sa divinité, par sa majesté, par la splendeur de sa gloire : car il est « le Verbe qui était dès le commencement, le Verbe qui était en Dieu, le Verbe qui était Dieu ». Dans les lectures précédentes, nous avons vu que Jean rendait témoignage à Notre-Seigneur, au point de le proclamer Fils de Dieu, sans néanmoins déclarer ou nier quil fût Dieu. A cet égard il avait gardé le silence : par conséquent, il ne sétait point prononcé pour la négative, peut-être même avait-il tant soit peu penché pour laffirmative : nous en trouvons, ce me semble, la preuve dans la leçon daujourdhui. Jean lavait donc appelé Fils de Dieu ; mais les hommes nont-ils pas aussi été appelés de ce nom ? Il lavait déclaré si grand, quà lentendre, il nétait pas digne de dénouer les cordons de ses souliers (4). Voilà déjà un degré de grandeur qui donne beaucoup à penser, le plus grand parmi ceux qui sont nés de la femme nétait pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. Cétait le mettre au-dessus des anges et des hommes. Car nous
1. Matth. III, 14, 15. 2. Isa. XL, 3. 3. Matth. XI, 11. 4. Jean, I, 34, 27.
lisons dans lEcriture quun homme ayant voulu se jeter aux pieds dun ange, celui-ci sy opposa. En effet, lApocalypse nous apprend quun ange montra une vision à lApôtre même qui a écrit cet Evangile. Effrayé de la grandeur de ce quil avait vu, Jean se jeta à ses pieds : « Lève-toi » , lui dit lange, « garde-toi de le faire, adore Dieu seul; car pour moi, je suis comme toi et comme les frères, un de ses serviteurs ». Voilà donc un ange qui empêche un homme de se jeter à ses pieds. De là nest-il pas évident que le Christ est supérieur à tous les anges, puisque le plus grand de ceux qui sont nés de la femme a dit quil était indigne de délier les cordons de ses souliers? 3. Néanmoins, Jean va nous dire quelque chose de plus positif : il va nous dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ est Dieu. Nous allons le voir dans cette leçon, car nest-ce pas déjà à lui que sappliquent les paroles du Psalmiste que nous venons de chanter: «Dieu a régné sur toute la terre? » Voilà une parole que refusent dentendre ceux qui restreignent à lAfrique les limites de son royaume. Cest évidemment du Christ quil a été dit: « Dieu a régné sur toute la terre ». Avons-nous, en effet, un roi autre que Jésus-Christ Notre-Seigneur? Oui, il est notre roi. Quelles paroles avez-vous encore entendues lorsquon chantait tout à lheure lun des derniers versets du psaume: « Chantez notre Dieu, chantez notre roi, chantez ». Celui quil appelle notre Dieu, il lappelle aussi notre roi, « chantez notre Dieu, chantez notre roi, chantez avec intelligence ». Garde toi de réduire à une seule partie de la terre la puissance de celui dont tu chantes : « Parce que le roi de toute la terre est Dieu (2) ». Comment est-il le roi de toute la terre, celui qui na été vu que dans une des parties du monde, dans la Judée, à Jérusalem, où il a conversé avec les hommes, où il est né, où il a sucé le lait de sa mère, où il a grandi, où il a bu et mangé, où il a veillé et dormi, où, étant fatigué, il sest assis près dun puits ; où il a été saisi, flagellé, couvert de crachats, couronné dépines, attaché à la croix, percé dune lance, où il est mort et a été enseveli? Comment reconnaître en lui le roi de toute la terre ? Ce qui se voyait dans un lieu nétait que sa chair ; sa chair apparaissait aux yeux de la
1. Apoc. XXII, 8, 9. 2. Ps. XLVI, 3, 7, 8.
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chair ; mais sous les dehors dune chair mortelle se cachait sa majesté immortelle. Quels yeux pouvaient apercevoir cette majesté immortelle voilée par une enveloppe de chair? Il y a dautres yeux que ceux-là, il y a les yeux de lâme. Certes, Tobie nétait pas entièrement privé de la vue quand il donnait à son fils des préceptes de vie (1). Le fils donnait la main à son père pour guider ses pas le père donnait des conseils à son fils pour laider à marcher dans la voie de la justice. Ici je vois réellement des yeux, là jen devine. Les yeux de celui qui donnait des conseils valaient mieux que les yeux de celui qui lui servait de guide. Cétaient de tels yeux que cherchait Jésus-Christ, lorsquil disait à Philippe: «Depuis si longtemps je suis avec vous, «et vous ne me connaissez pas encore». Cétait à de tels yeux quil faisait allusion quand il disait : « Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père (2)». Ces yeux sont les yeux de lintelligence, ces yeux sont les yeux du coeur. Cest pourquoi, après avoir dit : « Dieu est le roi de la terre », le Psalmiste ajoute aussitôt: « Chantez avec intelligence»; cest-à-dire quen disant : « Chantez notre Dieu, chantez », jappelle Dieu notre roi. Vous avez vu notre roi pareil à un homme vivant au milieu des autres hommes, vous lavez vu souffrant, crucifié, mort ; sous le voile de cette chair que vos yeux charnels pouvaient contempler se cachait quelque chose. Quétait-ce? « Chantez avec intelligence », ne cherchez pas à voir avec les yeux du corps ce que vous ne pouvez apercevoir que des yeux de lâme. « Chantez » avec votre langue, en tant que nous lavons vu comme homme au milieu de nous; mais en tant quil « est le Verbe qui sest fait chair et qui a habité parmi nous », que notre corps loue son humanité et que notre âme adore sa divinité. « Chantez avec intelligence», et reconnaissez que « le Verbe sest fait chair et quil a habité parmi nous ». 4. Quà son tour Jean rende témoignage à Jésus-Christ. « Après cela», est-il dit, « Jésus vint en Judée avec ses disciples; il y demeurait avec eux et baptisait». Après avoir été baptisé, il baptisait ; mais il ne donnait pas un baptême pareil à celui quil avait reçu. Le naître baptise après avoir été baptisé par le serviteur, il avait voulu nous indiquer par là
1. Tobie, IV. 2. Jean, XIV, 9.
le chemin de lhumilité, et nous conduire au baptême du maître, cest-à-dire à son propre baptême, en se montrant assez humble pour ne pas dédaigner le baptême de son serviteur. Le baptême du serviteur préparait la voie au maître, et le Seigneur, en le recevant, sest fait la voie de ceux qui viennent à lui. Ecoutons-le, lui-même : « Je suis la voie, la vérité et la vie (1) ». Si tu cherches la vérité, suis la voie qui y mène, car la voie est en même temps la vérité. Le but où tu tends, la voie qui ty conduit, cest la même chose; autre nest pas le chemin, et autre le but où il conduit: tu narrives pas au Christ par une voie différente de lui-même : tu vas au Christ par le Christ. Comment cela? Tu vas par Jésus-Christ homme à Jésus-Christ Dieu, par le Verbe fait chair, au Verbe qui dès le commencement était Dieu, en Dieu; par celui qui est la nourriture des hommes, à celui qui est la nourriture quotidienne des anges. En effet, il est écrit : « Il leur a donné le froment du ciel, lhomme a mangé le pain des anges (2) ». Quel était le pain des anges? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu». Comment lhomme a-t-il mangé le pain des anges? « Et le Verbe sest fait chair, et il a habité parmi nous (3)». 5. Mais parce que nous avons parlé du pain qui fait la nourriture des anges, ne vous les représentez pas comme mangeant à notre manière. Car si telles étaient vos pensées, le Dieu dont se nourrissent les anges serait déchiré en morceaux. Peut-on partager la justice? Mais, me dira encore quelquun : Peut-on se nourrir de la justice? Comment Jésus-Christ a-t-il pu dire : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce quils seront rassasiés (4) ? » Le pain que tu manges pour te restaurer disparaît; pour te rendre la force, il se consume; mange la justice, tu renouvelles tes forces, et elle demeure intacte. Ainsi, quand nous jouissons de la lumière matérielle, son éclat répare en nous les forces du sens de la vue, et pourtant cette lumière nest quun objet corporel perçu par les yeux du corps. Pour être demeurés trop longtemps dans les ténèbres, plusieurs ont senti leurs yeux saffaiblir; car ils avaient comme jeûné en fait de lumière. Privés de leur aliment,
1. Jean, XIV, 6. 2. Ps. LXXVII, 24, 25. 3. Jean, I, 1, 14. 4. Matth. V, 6.
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car la lumière les nourrit, les yeux se fatiguent et saffaiblissent sous linfluence de ce jeûne, en sorte quils ne peuvent même plus supporter cette lumière qui devrait restaurer leurs forces; et sils en sont trop longtemps privés, ils finissent par séteindre, et le sens de la perception visuelle meurt pour ainsi dire en eux. Eh quoi ! parce quelle alimente tous les jours une si grande quantité dyeux, cette lumière diminue-t-elle? Non, les yeux se restaurent et la lumière reste dans son entier. Puisque Dieu a pu faire de la lumière matérielle laliment des yeux du corps, sans quelle en souffre aucune atteinte, pourquoi ne communiquerait-il pas aux coeurs purs une lumière infatigable, toujours entière, incapable de faiblir? Quelle est cette lumière? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu». Voyons si Dieu est en effet une lumière. « En vous est la source de la vie, et « nous verrons la lumière dans votre lumière (1) ». Sur la terre autre chose est une source, autre chose est la lumière. Si tu as soif, tu cherches une source, et pour y arriver tu cherches la lumière ; et sil fait nuit, tu allumes une lampe afin de parvenir à la source. Jésus-Christ est en même temps source et lumière : source pour celui qui a soif, lumière pour celui qui ne voit pas. Ouvrons les yeux pour voir cette lumière, ouvrons la bouche de notre coeur pour boire à cette source; ce que tu bois, tu le vois: tu lentends, Dieu est tout pour toi, parce quil est pour toi lensemble de ce que tu aimes. Si tu ne penses quà des choses visibles, il est sûr que Dieu nen est pas. il nest ni du pain, ni de leau, ni le soleil, ni un vêtement, ni une maison ; car toutes ces choses sont visibles et distinctes les unes des autres. Ce qui est du pain nest pas de leau, ce qui est un vêtement nest pas une maison, et lensemble de tout cela nest pas Dieu; car tout cela est visible. Dieu, au contraire, est tout pour toi. As-tu faim? Il te sert de pain. Es-tu altéré? Il te rafraîchit. Es-tu dans les ténèbres? Il est ta lumière, parce quil reste incorruptible. Es-tu nu? Il sera le vêtement de ton immortalité, lorsque ce corps corruptible aura été revêtu dincorruptibilité, et que ce corps mortel aura été revêtu dimmortalité (2). De Dieu on peut dire tout, et lon nen peut rien dire qui soit digne de lui. Rien de plus riche que cette
1. Ps. XXXV, 10. 2. I Cor. XV, 53, 54.
indigence. Si tu cherches un nom qui lui convienne, tu nen trouves pas, et si tu veux parler de lui, cest à ne pas tarir. Y a-t-il une similitude quelconque entre un agneau et un lion? LEcriture a donné au Christ ces deux noms : « Voici lAgneau de Dieu (1)». Comment est-il un lion? « Le lion de la tribu de Juda a vaincu (2) ». 6. Ecoutons Jean « Jésus baptisait». nous avons déjà dit que Jésus baptisait; comment était-il Jésus? Comment était-il le Seigneur? le Fils de Dieu? le Verbe? Mais « le Verbe sest fait chair». « Jean baptisait aussi dans Ennon, près de Salim». Ennon est le nom dun lac. Comment savons-nous que cétait un lac? «Cest quil y avait là beaucoup deau, et que plusieurs y venaient pour être baptisés; car Jean navait pas encore été mis en prison». Sil vous en souvient, je vous ai déjà dit, et je vous le répète, pourquoi Jean baptisait en voici la raison : il fallait que le Sauveur reçût le baptême. Et pourquoi fallait-il que le Sauveur fût baptisé? Parce que plusieurs se croyant plus privilégiés de la grâce que les autres fidèles, auraient dédaigné de se faire baptiser. Par exemple un catéchumène dans la continence mépriserait le fidèle engagé dans les liens du mariage, et se croirait meilleur. Ce catéchumène dirait peut-être dans son coeur Quai-je besoin de recevoir le baptême pour avoir ce qua celui-là, puisque je vaux mieux que lui? Afin dempêcher la présomption de perdre ceux que le mérite de leur propre justice pourrait enorgueillir, le maître a voulu recevoir le baptême de la main de son serviteur: et, par là, il semblait dire à des fils orgueilleux: Pourquoi vous élever? pourquoi vous mettre au-dessus des autres? Parce que vous avez, lun la prudence, lautre la science, celui-ci la chasteté, celui-là une patience inébranlable? Pensez-vous avoir ces vertus au même degré que moi qui vous les ai données ? Cependant jai reçu le baptême de mon serviteur, et vous, vous dédaignez le baptême de votre maître ! Voilà ce que signifient ces paroles: « Afin que toute justice saccomplisse (3)». 7. En ce cas, dira quelquun, il suffisait que Jean baptisât Notre-Seigneur; quelle nécessité y avait-il pour lui den baptiser dautres? A cela nous avons répondu que si Notre-Seigneur avait seul reçu le baptême de Jean,
1. Jean, I, 29. 2. Apoc. V, 5. 3. Matth. III, 15.
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plusieurs nauraient pas manqué de penser que le baptême de Jean était meilleur que celui de Notre-Seigneur. Voyez, auraient-ils dit, quelle était la valeur du baptême de Jean ! Jésus-Christ seul a été digne de le recevoir ! Le Christ a donc voulu faire voir la supériorité de son propre baptême relativement à celui de Jean : il a voulu que lun fût considéré comme celui du serviteur , et lautre comme celui du Maître; il a voulu nous donner un exemple dhumilité, il sest donc fait baptiser. Mais il na pas été seul à recevoir ce baptême, par la raison que ce baptême ne devait pas être considéré comme préférable à celui du Seigneur. Par là encore, nous vous lavons dit, mes frères, Notre-Seigneur Jésus-Christ a agi de manière à empêcher certains hommes, infatués de la grandeur de leurs mérites, de regarder comme indigne deux la réception de son propre baptême. Quels que soient, en effet, les progrès dun catéchumène dans le chemin de la vertu, il porte toujours te fardeau de ses péchés, et il nen sera déchargé que quand il sera venu recevoir le baptême. De même que les Israélites nont été délivrés des Egyptiens quaprès avoir traversé la mer Rouge (1), ainsi personne ne sera délivré du poids de ses fautes quaprès avoir été plongé dans la piscine du baptême. 8. « Il séleva donc une dispute entre les disciples de Jean et les Juifs, touchant la purification ». Jean baptisait, Jésus-Christ baptisait aussi : les disciples de Jean sen émurent; car si lon venait au baptême de Jean, on accourait en foule à celui de Jésus-Christ. Ceux qui venaient demander le baptême à Jean, celui-ci les renvoyait à Jésus-Christ ceux, au contraire, que le Christ baptisait, il ne les envoyait pas à Jean. Les disciples du Précurseur en furent donc troublés, et comme il arrive dhabitude en pareil cas, une contestation séleva entre eux et les Juifs. Il est facile de limaginer, les Juifs prétendaient que Jésus-Christ était supérieur à Jean, et quen conséquence il fallait aller à lui. Les disciples de Jean nétaient pas éclairés comme ils le furent plus tard ; aussi défendaient-ils le baptême de leur maître. On vint trouver Jean lui-même pour lui faire résoudre la difficulté. Que votre charité soit attentive. Voici qui montre combien lhumilité est utile;
1. Exod. XIV
nous allons voir si dans une circonstance où les hommes pouvaient se tromper, Jean a voulu profiter de leur penchant à lerreur, pour se faire valoir. Il aurait pu dire : vous parlez juste ; cest avec raison que vous discutez : mon baptême est le meilleur. Je vais vous donner une preuve de son excellence, cest que jai baptisé le Christ. Dès lors quil avait baptisé le Christ, Jean pouvait parler ainsi. La belle occasion de sélever, sil avait voulu le faire ! Mais il savait mieux devant qui il devait shumilier. Celui quil précéda par lâge, il a voulu lui céder le pas et proclamer son excellence; car il savait que le Christ était son Sauveur. Auparavant déjà, il avait dit: «Nous avons tous reçu de sa plénitude (1)». Cétait le reconnaître comme Dieu. Si, en effet, il nest pas Dieu, comment tous les hotu mes peuvent-ils recevoir de sa plénitude? Car sil est homme, sans être en même temps Dieu, il reçoit de la plénitude de Dieu, et par conséquent il nest pas Dieu. Si, au contraire, tous les hommes reçoivent de sa plénitude, il est la source, eux y boivent. Quand on boit à une source, cest quon est susceptible davoir soif et de boire. Pour la source, elle na jamais soif, elle na pas besoin delle-même. Les hommes ont besoin de la source, Lorsque leurs entrailles sont enflammées et que leur gorge se trouve sèche, ils courent à la source afin de sy rafraîchir ; la source coule pour rafraîchir les gens altérés. Ainsi en est-il du Seigneur Jésus. 9. Voyons donc ce que Jean répondit : « Ils vinrent à Jean et lui dirent : Maître, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, auquel tu as rendu témoignage, voilà quil baptise maintenant, et tous vont à lui ». Cétait lui dire : Quen dis-tu? Ne faut-il pas les en empêcher, afin quils viennent de préférence à toi? Jean leur répondit: « Lhomme ne peut rien recevoir quil ne lui ait été donné du ciel ». A votre avis, de qui Jean a-t-il voulu parler? de lui-même. Puisque je suis homme, ce que jai, je lai reçu du ciel. Que votre charité soit attentive. « Lhomme ne peut rien recevoir quil ne lui ait été donné du ciel. Vous me rendez vous-mêmes témoignage que jai dit: Je ne suis pas le Christ ». Cétait leur dire : Pourquoi vous tromper vous-mêmes? Comment? cest vous-mêmes qui madressez une pareille question ?
1. Jean, I, 16.
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Pourquoi me dire : « Maître, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain, et à qui tu as rendu témoignage? » Vous savez donc quel est le témoignage que je lui ai rendu. Vous dirai-je, maintenant, quil nest pas celui que je vous ai dit ? Moi qui ai reçu du ciel le privilège dêtre quelque chose, vous me prenez donc pour rien, puisque vous voulez que je parle contre la vérité? « Lhomme ne peut rien recevoir quil ne lui ait été donné du ciel. Vous me rendez vous-mêmes témoignage que je vous ai dit : Je ne suis pas le Christ». Tu nes pas le Christ; mais qui es-tu, puisque tu es plus grand que lui, vu que tu las baptisé ? « Je suis son envoyé »: moi je suis le héraut, lui est le juge. 10. Mais écoute tin témoignage beaucoup plus fort et plus exprès. Voyez donc de quoi il sagit pour nous, voyez ce que nous devons aimer. Remarquez- le bien : aimer un homme à la place de Jésus-Christ, cest commettre un adultère. Pourquoi mexprimé-je ainsi ? Faisons attention à la réponse de Jean. On pouvait se tromper à sors endroit, on pouvait le prendre pour ce quil nétait pas; il rejette loin de lui lhonneur qui ne lui est pas dû, pour sattacher à la Pierre solide de la vérité. A lentendre, qui est le Christ? Quest-il lui-même ? « Celui qui a lépouse est lépoux». Soyez chastes, aimez lépoux. Mais, qui êtes-vous, vous qui nous dites: « Celui qui a lépouse est lépoux? Pour lami de lépoux, qui se tient debout et qui lécoute, il est rempli de joie parce quil entend la voix de lépouse». Le Seigneur notre Dieu, qui sait les pensées de mon coeur et labondance des gémissements dont il est plein, maidera à vous dire ma douleur. Mais, je vous en conjure par ce même Jésus-Christ, suppléez par la pensée à ce que je ne pourrai dire; car, je le sens, mes paroles ne sauraient exprimer lamertume de mes peines. En effet, je vois beaucoup de ces adultères qui veulent posséder lépouse que le Seigneur a rachetée à un si haut prix, quil a aimée en dépit de sa laideur, pour la rendre toute belle, quil a délivrée, quil a richement ornée. Je les vois employer tous les artifices de la parole pour se faire aimer aux dépens (le lépoux. Cest de lépoux que Jean a dit : « Voilà celui qui baptise (1) ». Qui ose savancer et dire : Cest moi qui baptise? Qui ose savancer et dire : Cest
1. Jean, I, 33.
ce que je donne qui est saint; il serait avantageux pour toi dêtre régénéré par moi ? Ecoutons lami de lépoux, au lieu découter les adultères; écoutons celui qui montre du zèle, mais pour un autre que pour lui-même. 11. Mes frères, retournez par la pensée dans vos maisons. Je vous parle dune manière charnelle et terrestre, je vous parle humainement à cause de la faiblesse de votre chair (1). Plusieurs dentre vous sont mariés, plusieurs veulent lêtre, plusieurs qui ne le voudraient pas le sont ; plusieurs qui ne consentiraient jamais à avoir de femmes doivent leur naissance à celles quont épousées leurs pères, Enfin il ny a pas de coeur à labri daffections de cette nature ; il ny a aucun homme, assez différent des autres hommes dans lappréciation des choses humaines, pour ne pas sentir ce que je vais dire. Supposez donc quun mari, partant pour un voyage lointain, recommande sa femme à son ami. Tu es mon ami, lui dit-il, veille, je te prie, à ce que pendant mon absence elle nen aime point dautre que moi. Cet homme chargé de veiller sur la fiancée ou lépouse de son ami, soccupe soigneusement de ne lui en laisser aimer aucun autre; mais il sarrange de façon à se faire aimer lui-même, et à obtenir les bonnes grâces de celle qui lui a été confiée ; ne le jugera-t-on pas digne de lexécration de tout lunivers ? Quil la voie regarder trop hardi ment un homme par la fenêtre ou badiner avec lui, vite il sy oppose ; quel zèle jaloux il y met ! Je le vois empressé, mais je voudrais savoir au profit de qui il déploie tout ce zèle, Est-ce pour son ami absent? Est-ce pour lui-même ? Appliquez ceci à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il a confié son épouse à son ami, et il est parti dans une région lointaine pour prendre possession dun royaume, comme il le dit lui-même dans son Evangile(2). Toutefois il ne cesse pas dêtre présent par sa majesté. On peut tromper lami qui voyage au-delà des mers; néanmoins, malheur à celui qui le trompe ! Mais pourquoi essayer de tromper Dieu, Dieu qui voit le fond des coeurs et qui en sonde tous les replis? Voici cependant un hérétique qui dit : Cest moi qui donne le baptême , cest moi qui sanctifie, cest moi qui justifie. Je ne prétends pas que tu iras à un autre, montre un zèle ardent, jen conviens; mais vois au profit de qui. Sil
1. Rom. VI, 19. Luc, XIX, 12.
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disait: Ne va pas aux idoles, son zèle serait de bon aloi; sil disait : Ne va pas aux devins, son zèle serait dans lordre. Voyons donc au profit de qui il déploie son zèle. Ce que je donne est saint, parce que cest moi qui le donne ; celui que je baptise est véritablement baptisé; celui que je ne baptise point nest pas baptisé, Ecoute maintenant lami de lépoux, il tapprendra à faire du zèle au profit de lépoux. Entends-le dire : « Cest celui-là qui baptise». Pourquoi donc, ô hérétique, prétends-tu tarroger ce qui nest point à toi? Est-il absent à ce point celui qui a laissé ici-bas son épouse? Ignores-tu que celui qui est ressuscité dentre les morts est assis à la droite de son Père? Si les Juifs lont méprisé lorsquil était attaché à la croix, oserais-tu le mépriser aussi? Il est assis dans le ciel, ne loublie pas. Ah! si votre charité savait combien je souffre de pareilles choses ! Mais, je vous lai dit, suppléez par la pensée â ce que je ne puis vous dire. Quand je vous parlerais toute la journée, il me serait impossible de vous communiquer toute ma peine ; jaurais beau me plaindre du matin au soir, je nen finirais pas : ce ne serait pas assez pour moi, je ne dis pas, comme le Prophète (1), davoir une fontaine de larmes, mais de me changer en larmes, de devenir des larmes, de me changer en langues, de devenir des langues. 12. Revenons au Précurseur et voyons de nouveau ce quil dit : « Celui qui a lépouse est lépoux». Ce nest pas mon épouse. Leurs noces ne tinspirent donc aucun sentiment de joie? Au contraire, dit-il, je men réjouis. « Car lami de lépoux, qui se tient debout et qui lécoute, est ravi de joie parce quil entend la voix de lépoux». Ce nest pas dentendre ma voix, qui me réjouit, cest dentendre la voix de lépoux. Moi, je nai quà écouter, et lui na quà parler ; moi, je dois recevoir les rayons de la lumière, et lui est la lumière ; je suis loreille, il est la parole, Aussi, lami de lépoux se tient debout et lécoute. Pourquoi se tient-il debout? Parce quil ne tombe pas. Pourquoi ne tombe-t-il pas? Parce quil est humble. Voyez le Précurseur ; il se tient ferme : « Je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers (2)». Tu thumilies suivant lordre: cest pourquoi, au lieu de tomber, tu te tiens debout, tu écoutes lépoux et tu te réjouis à sa
1. Jérém. IX, 1. 2. Jean, I, 27.
voix. Ainsi faisait lApôtre, cet autre ami de lépoux. Il était rempli de zèle, non point. pour son profit personnel, mais pour celui de lépoux. Ecoute, voici la preuve de son zèle: « Je vous aime pour Dieu dun amour de jalousie. Cette jalousie nest pas à moi, elle nest pas pour moi, cest la jalousie de Dieu». Doù vient votre jalousie, ô grand Apôtre, quelle est-elle? Quel en est lobjet? Qui est-ce qui en profite? « Je vous ai fiancés à cet unique époux Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure ». Que craignez-vous, et pourquoi votre jalousie? « Je crains que, comme Eve fut séduite par les artifices du serpent, de même vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité qui est en Jésus-Christ (1) ». Considérée en son ensemble, lEglise est appelée vierge. Vous le voyez, elle a différents membres qui jouissent de dons divers; les uns ont des femmes, les autres des maris. Ceux-ci ont perdu leurs femmes, et nen cherchent pas de nouvelles ; celles-là sont veuves et ne veulent plus avoir de maris ; ceux-ci ont conservé leur intégrité virginale depuis leur bas âge, celles-là ont voué à Dieu leur virginité. Les dons sont divers, mais tous ceux qui les possèdent ne forment quune seule vierge. Où réside cette virginité? Dordinaire ce nest pas dans le corps. Quelques femmes la possèdent et, sans chercher si ce titre peut appartenir aux hommes , il est certain que dans lEglise cette intégrité du corps appartient à un petit. nombre dentre eux; mais ce membre de lEglise nen est que plus respectable. Pour tous les autres, leur virginité nest pas la virginité du corps, mais celle de lâme. Quest-ce que cette virginité de lâme ? Cest lintégrité de la foi, la fermeté de lespérance, la sincérité de lamour. Voilà la virginité que craignait de voir corrompre par le serpent celui qui brûlait de zèle pour lépoux. En effet, comme la virginité du corps se perd par la corruption de quelquun de ses membres, ainsi les artifices de la langue corrompent la virginité de lâme. Que celui-là donc évite la corruption de lâme, qui veut, avec raison, la virginité de son corps. 13. Que vous dirai-je donc, mes frères? Les hérétiques ont aussi des vierges, et parmi eux il sen trouve même beaucoup. Mais
1. II Cor. XI, 2, 3.
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voyons sils aiment lépoux au point de lui conserver leur virginité. Pour qui doit-on la garder ? « Pour le Christ», dit lApôtre. Voyons si cest pour le Christ, et non pour Donat quils la gardent. Voyons pour qui se garde leur virginité. Vous pouvez bien vite le savoir: Je leur montre lépoux, parce quil se montre lui-même. Jean lui rend témoignage: « Cest celui-là qui baptise ». O vierge, si cest pour cet époux que tu gardes ta virginité, pourquoi courir à celui qui dit : Cest moi qui baptise, puisque lami de ton époux dit au contraire : « Cest lui qui baptise ? »De plus, ton époux règne par tout lunivers, pourquoi corrompre ta virginité en la gardant pour celui qui nen possède quune partie? Quel est ton époux? « Dieu est le roi de la terre entière (1)». Ton époux règne par toute la terre, parce quil la rachetée tout entière. Remarque à quel prix il la rachetée, et tu sauras ce quelle vaut. Quel prix en a-t-il donné?Son sang. Quand a-t-il donné son sang? Quand la-t-il répandu ? Pendant sa Passion. Nest-ce pas à ton époux que tu chantes ou que tu viens de chanter ces paroles, en souvenir du prix dont il a racheté lunivers tout entier : « Ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os, ils mont regardé et considéré attentivement, ils ont partagé mes vêtements et ils ont tiré ma robe au sort? » Tu es lépouse, reconnais la robe de ton époux. Sur quelle robe le sort a-t-il été jeté ? Interroge lEvangéliste. Vois à qui tu as été fiancée. Sache de qui tu as reçu des arrhes. Interroge lEvangéliste, vois ce quil te dit damas le récit de la Passion du Seigneur. «Il y avait là une robe». Voyons ce quelle était: « Dun seul tissu du haut en bas». Cette robe dun seul tissu du haut en bas, que signifie-t-elle, sinon la charité ? Que signifie-t-elle, sinon lunité? Fais attention que cette tunique na pas été partagée même par les bourreaux du Christ; car lEcrivain sacré sexprime ainsi : « Ils se dirent les uns aux autres : ne la coupons pas, mais tirons-la au sort (2)». Les bourreaux du Christ nont donc pas déchiré la robe. Voilà bien ce que vous venez dentendre dire au Psalmiste; et des chrétiens déchirent lEglise ! 14. Mais que dire, mes frères? Essayons de voir de plus en plus clairement ce quil a
1. Ps. XLVI, 8, Jean, XIX, 23, 21.
acheté; car il la acheté, là où il a versé le prix. Pour quelle étendue de terrain la-t-il versé? Sil la versé seulement pour lAfrique, soyons Donatistes : au lieu de nous appeler Donatistes, appelons-nous chrétiens, puisque Jésus-Christ na racheté que lAfrique, et bien quil ne sy trouve pas seulement que des Donatistes. Dans son négoce il na pas gardé le secret sur ce quil achetait: il la inscrit sur ses tablettes. Grâces à Dieu, il ne nous y a pas trompés. Il faut que lépouse en écoute la lecture, pour apprendre à qui elle a voué sa virginité : le texte sen trouve précisément dans le psaume où il est dit: « Ils ont percé mes pieds et mes mains, ils ont compté tous mes os». Ces paroles désignent clairement la Passion de Notre-Seigneur. On donne lecture de ce psaume tous les ans pendant la dernière semaine, aux approches de la Passion du Christ, en présence de tout le peuple attentif. Cette lecture se fait chez eux aussi bien que chez nous. Remarquez bien, mes frères, les paroles du Prophète. Vous y verrez ce que Notre-Seigneur a acheté : on va lire les tablettes commerciales du Christ; vous y verrez ce quil a acheté. Ecoutez: « Les peuples les plus reculés se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui, toutes les nations se prosterneront en sa présence, parce quà lui appartient lempire et quil régnera sur tous les peuples (1) ». Voilà ce quil a acheté, voilà laccomplissement de ces paroles : « Dieu est le Roi de toute la terre ». Voilà ton époux. Pourquoi vouloir condamner à porter des haillons un époux si riche? Fais-y donc attention, il a tout acheté, et tu lui dis: Voilà votre part ! Ah! si, avant de lui parler, tu nétais pas tombée dans la corruption et, qui pis est, dans la corruption non du corps, mais de lâme ! A la place du Christ tu aimes un homme, tu aimes celui qui dit: Cest moi qui baptise, tu nécoutes pas lami de lépoux lorsquil dit : « Cest lui qui baptise » ; et encore: « Celui qui a lépouse est lépoux. Pourquoi dit-il : Je nai pas lépouse, que suis-je donc ? « Lami de lépoux qui se tient debout et qui est ravi de joie à cause de la voix de lépoux (2) ». 15. Evidemment, nies frères, il ne sert de rien aux Donatistes de conserver la virginité, de garder la continence, de donner laumône; aucune de ces oeuvres louangées à si juste
1. Ps. XXI, 17-29. 2. I Cor. XIII, 1.
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titre dans lEglise ne leur est utile, parce quils déchirent lunité, cest-à-dire la tunique de la charité, figurée par celle du Sauveur. Que font-ils ? Plusieurs dentre eux sont de beaux diseurs, ils ont de grandes langues, ils versent des torrents de paroles. Parlent-ils aussi bien que les anges ? Quils écoutent un ami de lépoux, ami jaloux pour le compte de lépoux, et non pour lui-même : « Quand je parlerais le langage des hommes et des anges, si je nai pas la charité, je suis comme un airain sonnant ou une cymbale retentissante ». 16. Mais, disent-ils, nous avons le baptême. Tu en as un, mais il nest pas le tien. Autre chose est de lavoir, autre chose est den avoir la propriété. Tu as le baptême, parce que tu as été baptisé; tu as le baptême et ses lumières, si toutefois tu ne les éteins pas volontairement sous les ténèbres ; et quand tu le donnes, tu le donnes parce que tu en es le ministre et non le maître, tu es un héraut et non un juge. Un juge parle toujours par lorgane de son héraut; pourtant les actes publics ne portent jamais : Le héraut a dit; mais : Le juge a dit. Cest pourquoi, vois si ce que tu donnes tappartient en propre en vertu dun pouvoir inhérent à ta personne. Puisque tu as reçu le pouvoir de le donner, confesse donc avec lami de lépoux que « lhomme ne peut rien recevoir qui ne lui ait été donné du ciel » ; et aussi que « celui qui a lépouse est lépoux, mais que lami de lépoux se tient debout et lécoute ». Plaise à Dieu que tu te tiennes debout pour lécouter, et que tu ne tombes pas pour avoir voulu técouter toi-même ! En écoutant tu serais debout et tu entendrais; mais tu parles, et ta tête se gonfle dorgueil. Pour moi, dit lEglise, parce que je suis son épouse, puisque jai reçu de lui des arrhes et que jai été rachetée au prix de son sang, jécoute sa voix, jécoute aussi la voix de lami de lépoux, si cest à lépoux quil rend gloire et non à lui-même. Que cet ami dise donc: « Celui qui a lépouse est lépoux; pour lami de lépoux, il se tient debout et lécoute, et il est rempli de joie parce quil entend sa voix ». Oui, tu as les sacrements, et jen conviens: tu as lapparence dun sarment, mais tu es séparé du cep; tu ressembles à un pied de vigne, mais je voudrais voir ses racines ; si les racines lui manquent, jamais le cep ne produira de raisins. Et quelles sont ces racines, si ce nest la charité? Ecoute Paul : il va te montrer un sarment , mais un sarment sans racines : «Quand même je connaîtrais tous les mystères, quand jaurais le don de prophétie, quand jaurais toute la foi possible » (quune pareille foi serait grande !) « jusquà transporter les montagnes, si je nai pas la charité, je ne suis rien (1) ». 17. Que personne ne vienne donc vous débiter ces fables: Ponce a fait un miracle, Donat a prié, et Dieu lui a répondu du haut du ciel. Dabord, ceux qui parlent ainsi ou sont trompés ou vous trompent. Supposons encore quils transportent les montagnes ; mais rappelons-nous les paroles de Paul : « Si je nai pas la charité, je ne suis rien ». Voyons si Ponce ou Donat a eu la charité; je le croirais sil navait pas rompu lunité. Mon Dieu ma précautionné contre ces faiseurs de miracles, si je puis mexprimer ainsi, lorsquil a dit « Dans les derniers temps sélèveront des faux prophètes qui feront des miracles et des prodiges de manière à induire en erreur les élus eux-mêmes, si la chose était possible: « voici que je vous lai prédit (2)». Lépoux nous a donc mis sur nos gardes, afin que nous ne soyons pas trompés même par des miracles. Il arrive quelquefois quun déserteur suffit à faire peur à un paysan; mais sil est dans un camp, peut-il se prévaloir des insignes dont il est revêtu ? Non ; car il y a là pour lexaminer des gens qui ne veulent se laisser ni effrayer, ni séduire. Attachons-nous donc à lunité, mes frères; car en dehors de lunité celui même qui fait des miracles nest rien. Le peuple juif se trouvait dans lunité, et néanmoins il nopérait pas de miracles; les magiciens de Pharaon étaient hors de lunité, ce qui ne les empêchait pas de faire des miracles comme en faisait Moïse (3). Je lai dit: il ny en a pas eu dopérés par le peuple juif. Lesquels ont été sauvés par Dieu? Ceux qui faisaient des miracles ou ceux qui nen faisaient pas? Lapôtre Pierre a ressuscité un mort (4). Simon le Magicien a opéré plusieurs prestiges (5) : il y avait alors un grand nombre de fidèles incapables de faire les miracles de Pierre et les prodiges de Simon. Cependant ils ne laissaient pas de se réjouir et pourquoi? Parce que leurs noms étaient écrits dans le
1. I Cor. XIII, 1, 2. 2. Marc, XIII, 22, 23. 3. Exod. VII, 12, 22 ; VIII, 7. 4. Act. IX, 40. 5. Id. VIII, 10.
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ciel. Cest, en effet, ce que le Sauveur disait à ses disciples au moment où ils revenaient de leurs courses apostoliques, et en parlant ainsi il voulait éclairer la foi des peuples. Les apôtres étaient tout fiers de ce quils avaient fait; aussi, lui disaient-ils: « Seigneur, les démons eux-mêmes nous sont soumis à cause de votre nom ». Leurs paroles étaient un aveu digne déloges; ils rapportaient lhonneur de leurs prodiges au nom du Christ. Néanmoins que leur répond Jésus? « Gardez-vous de vous glorifier de ce que les démons vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel (1) ». Pierre a chassé les démons: une pauvre vieille femme, le premier venu dentre les laïques qui a la charité et qui garde lintégrité de la foi nen fait pas autant. Pierre est loeil dans le corps de lEglise, ce laïque en est le doigt; toutefois il appartient à ce même corps dont Pierre fait partie, et bien que le doigt vaille moins que loeil, il nest pas pour cela séparé du corps. Mieux vaut être le doigt et demeurer dans le corps, quêtre loeil et sen voir séparé. 18. Ainsi, mes frères, que personne ne vous
1. Luc, X, 17-20.
trompe, que personne ne vous abuse. Aimez la paix de Jésus-Christ : quoiquil fût Dieu, il a été crucifié pour vous. « Celui qui plante nest rien», dit Paul, « non plus que celui qui arrose; mais cest Dieu qui donne laccroissement». Lequel dentre nous oserait dire quil est quelque chose? Si nous disons que nous sommes quelque chose, si nous ne rapportons pas à Dieu toute la gloire, nous sommes des adultères, nous voulons nous faire aimer au lieu de faire aimer lépoux. Pour vous, aimez le Christ et aimez-nous en lui, cest en lui que nous vous aimons à notre tour. Que les membres saiment entre eux, mais que tous vivent unis sous la direction du chef. Ma douleur ma forcé, mes frères, à vous parler longuement, et pourtant ce que jai dit est peu de chose. Je nai pu achever de vous expliquer ce qui a été lu; mais Dieu me donnera la grâce de le faire en temps opportun. Je ne veux point surcharger vos coeurs : il faut quils aient le loisir de gémir et de prier pour ceux qui sont sourds à ces vérités et qui ne les comprennent pas.
1. I Cor. III, 7.
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