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CENTIÈME TRAITÉ.

SUR LES DERNIÈRES PAROLES DE LA MÊME LEÇON. (Chap. XVI, 43-45.)

 

LA VRAIE GLOIRE.

 

Le Saint-Esprit faisant connaître Jésus-Christ et donnant aux Apôtres le courage de l'annoncer, le glorifiera véritablement, car il ne peut se tromper ni sur la personne du Sauveur ni sur quoi que ce soit : gloire pure et solide, bien différente de celle que peuvent se procurer les hommes sujets à errer. Le Saint-Esprit ne se trompe pas, car, procédant du Père et du Fils, il reçoit de l'un la science de l'autre.

 

1. Lorsque Notre-Seigneur promit à ses disciples que le Saint-Esprit viendrait en eux, il leur dit : « Il vous enseignera toute vérité » ; ou bien, comme nous lisons dans quelques exemplaires : « Il vous conduira dans toute « vérité; car il ne parlera pas de lui-même, « mais il dira tout ce qu'il entendra ». Sur ces paroles de notre Evangile, nous avons déjà exposé ce qu'il a plu au Seigneur de nous révéler. Maintenant, portez votre attention sur celles qui suivent : « Et il vous annoncera », dit Notre-Seigneur, « les choses à venir ». Il n'y a rien ici qui doive nous arrêter, parce que tout est facile à comprendre; il ne s'y trouve aucune difficulté dont on puisse nous demander l'explication. Mais quant à ce qu'il ajoute : « C'est lui qui me glorifiera, parce qu'il recevra du mien, et il vous l'annoncera », il ne faut pas le laisser passer sans une grande attention. « C'est lui qui me glorifiera ». Ces paroles peuvent s'entendre en ce sens, qu'en répandant la charité dans le coeur des fidèles et en faisant d'eux des hommes spirituels, il leur a fait connaître que le Fils est égal au Père, tandis qu'ils ne le connaissaient auparavant que selon la chair et croyaient qu'il était un homme comme les autres hommes. On peut encore, et sans craindre de se tromper, entendre ces paroles en ce sens, qu'après avoir puisé dans la charité une grande confiance et avoir répudié toute crainte, ils annoncèrent Jésus-Christ aux hommes et qu'ainsi sa renommée s'est répandue dans tout l'univers. Par conséquent, lorsqu'il dit : « C'est lui qui me glorifiera », c'est comme s'il disait : C'est lui qui vous enlèvera. toute crainte et vous inspirera pour moi un amour si vif que vous

m'annoncerez avec plus d'ardeur, que vous répandrez par toute la terre la bonne odeur de ma gloire, et que vous propagerez l'honneur de mon nom. Ce qu'ils devaient faire dans le Saint-Esprit, il dit que le Saint-Esprit le fera lui-même en eux; car il s'exprime encore ainsi en un autre endroit : « Ce n'est pas vous qui parlez, mais c'est l'Esprit de votre Père qui parle en vous (1) ». Le verbe grec doxasei, qui se trouve employé ici, les interprètes latins l'ont traduit, les uns par « clarifiera », les autres par « glorifiera » ; car le mot grec doza, racine du verbe doxasei, signifie tout à la fois clarté et gloire; mais comme la gloire produit l'éclat, et que l'éclat produit aussi la gloire, il s'ensuit que ces deux expressions signifient la même chose. Or, les plus célèbres des anciens auteurs latins ont défini la gloire un grand renom accompagné de louanges. Lorsque fa gloire de Jésus-Christ se fut répandue dans le monde, il ne faut pas croire qu'elle procura un avantage quelconque à Jésus; tout l'avantage fut pour le monde. Lorsqu'on loue le bien, l'avantage n'est pas pour le bien qui est louangé, mais pour ceux qui le louent.

2. Remarquez-le toutefois : il y a aussi une fausse gloire; elle est fausse quand tous ceux qui louent se trompent soit pour les choses, soit pour les hommes, soit pour les hommes et les choses. Ils se trompent pour les choses, quand ils regardent comme bon ce qui est mauvais; ils se trompent dans les hommes, quand ils regardent comme bon celui qui est mauvais; ils se trompent dans les uns et les autres, quand ils regardent comme vertu ce qui est vice, et que l'homme bon ou mauvais

 

1. Matth. X, 20.

 

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auquel on prodigue des louanges, parce qu'on lui suppose cette fausse vertu, ne la possède pas réellement. Par exemple : donner son bien aux histrions, c'est un grand vice et non une vertu : et, vous le savez, on ne tarit pas en éloges pompeux sur le compte de ceux qui le font. Car il est écrit : « Le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et celui a qui fait le mal est béni (1) ». Ici, les louangeurs se trompent non pas relativement aux hommes, mais par rapport aux choses; car ce qu'ils croient bon est mauvais. Et ceux qui se livrent à ces honteuses largesses sont bien tels que les soupçonnent et les voient évidemment ceux qui les louent. Supposé, au contraire, quelqu'un qui feint d'être juste et ne l'est pas, puisqu'il n'agit pas pour Dieu, c'est-à-dire pour la vraie justice, et que dans tout ce qu'il paraît faire de louable devant les hommes, il ne cherche et n'aime que la gloire qui vient des hommes; si ceux qui parlent de lui fréquemment avec louanges pensent qu'il vit uniquement pour Dieu d'une manière aussi honorable, ceux-là se trompent, non sur la chose, mais sur le compte de l'homme. Ce qu'ils croient bon , est bon en effet; mais celui qu'ils croient bon, n'est pas bon réellement. Mais si, par exemple, on regardait comme bonne la connaissance de la magie, et si un homme passait pour avoir délivré sa patrie par le moyen de cet art, bien que, dans le fait, il l'ignore entièrement, et que par là il acquît auprès des impies une réputation élogieuse, c'est-à-dire la gloire; ceux qui le loueraient ainsi se tromperaient sur la chose et sur l'homme; sur la chose, car ce qu'ils regardent comme bon est réellement mauvais; sur l'homme, car il n'est pas ce qu'ils pensent : aussi la gloire acquise de ces trois manières est-elle fausse. Mais lorsqu'il s'agit d'un homme juste par Dieu et pour Dieu, c'est-à-dire véritablement juste et qu'on en parle avec louanges à cause de sa justice, sa gloire est -véritable; cependant il ne faut pas croire que ces louanges font le bonheur du juste ; ceux qu'il faut féliciter, ce sont ceux-là mêmes qui le louent; car ils jugent sainement des choses et ils aiment la justice. A bien plus forte raison, la gloire du Seigneur Jésus a profité, non pas à lui, mais à ceux auxquels a profité sa mort.

3. Toutefois la gloire dont il jouit parmi les

 

1. Ps. IX, 3.

 

hérétiques n'est pas véritable, bien que ceux-ci semblent souvent parler de lui avec louanges ; ce n'est pas une vraie gloire, parce qu'ils se trompent et sur la chose et sur la personne; en effet, ils regardent comme bon ce qui ne l'est pas, et, à leurs yeux, Jésus est ce qu'il n'est pas réellement. Que le Fils unique ne soit pas égal au Père, ce n'est pas Une bonne chose; comme ce n'est pas une bonne chose que le Fils unique de Dieu ne soit qu'un homme et ne soit pas Dieu, que la chair de la Vérité ne soit pas une vraie chair. De ces trois propositions que je viens d'énoncer, la première est soutenue par les Ariens, la seconde par les Photiniens, et la troisième par les Manichéens. Mais comme rien de tout cela n'est bon, et que Jésus-Christ n'est rien de tout cela, ils se trompent et sur la chose et sur la personne. Et ils ne donnent pas une vraie gloire à Jésus-Christ, quoique parmi eux on semble souvent parler de lui avec éloge. Tous les hérétiques, et il serait trop long de les énumérer, qui n'ont pas des sentiments vrais sur Jésus-Christ, se trompent, parce qu'ils n'ont pas non plus des idées justes sur ce qui est bien et sur ce qui est mal. Les païens, quoique plusieurs d'entre eux aient loué Jésus-Christ, se trompent également sur la personne et sur la chose, car ils parlent, non pas selon la vérité de Dieu, mais bien plutôt selon leur propre opinion; ils disent qu'il était un homme , un habile magicien. Ils méprisent les chrétiens comme des ignorants, et ils louent Jésus-Christ comme un magicien; ainsi montrent-ils ce qu'ils aiment, mais ils n'aiment pas Jésus-Christ; car ce qu'il n'était pas, c'est ce qu'ils aiment. Ils se trompent donc et sur la personne et sur la chose, puisque c'est mal d'être magicien et que Jésus-Christ ne l'était pas, puisqu'il est bon. Comme nous n'avons rien à dire ici de ceux qui méprisent et blasphèment Jésus-Christ, puisque nous parlons de la gloire dont il a été honoré dans le monde, nous dirons que le Saint-Esprit ne l'a glorifié de sa vraie gloire que dans la sainte Eglise catholique. Hors de là, en effet, c'est-à-dire chez les hérétiques et même chez certains païens, sa vraie gloire n'a pu se trouver sur la terre, pas même là où l'on semblait parler souvent de lui avec éloge. Aussi, la vraie gloire qu'il trouve dans l'Eglise catholique (82) est ainsi chantée par le Prophète : « Mon Dieu, élevez-vous au-dessus des cieux, et que votre gloire soit sur toute la terre (1) ». Qu'après son exaltation le Saint-Esprit dût venir et le glorifier, c'est ce qu'annonçait le Psalmiste, c'est ce qu'avait promis Jésus-Christ lui-même ; nous en voyons maintenant l'accomplissement.

4. Quant à ce que dit le Sauveur : « Il recevra du mien et vous l'annoncera », écoutez-le avec des oreilles catholiques, comprenez-le avec des esprits catholiques. Il ne s'ensuit pas, en effet, comme l'ont pensé quelques hérétiques, que le Saint-Esprit soit moindre que le Fils; comme si le Fils recevait du Père, et le Saint-Esprit du Fils, en raison de différences qui existeraient dans leur nature. Loin de nous de le croire; loin de nous de le dire; loin de tout coeur chrétien même de le penser. Du reste, Notre-Seigneur tranche lui-même la difficulté et nous explique aussitôt ce qu'il a voulu dire : « Toutes les

 

1. Ps. CVII, 6.

 

choses », dit-il, « qu'a le Père, sont miennes ; c'est pourquoi j'ai dit qu'il recevra du mien et vous l'annoncera ». Que voulez-vous de plus? Le Saint-Esprit reçoit donc du Père et le Fils aussi; parce que dans cette Trinité, le Fils est né du Père, et que le Saint-Esprit en procède. Celui qui n'est pas né d'un autre et qui ne procède de personne, c'est le Père seul. Mais dans quel sens le Fils unique a-t-il dit : « Toutes les choses que le Père a, sont miennes? » Certes, ce n'est pas dans le sens dans lequel il a été dit à ce fils non unique, mais l'aîné des deux : « Tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi (1) ». Nous le constaterons avec soin, si le Seigneur nous en fait la grâce, à l’occasion de ce passage où le Fils dit au Père : « Et tout ce qui est à moi est à vous, et ce qui est à vous est à moi (2) ». Il faut, en effet, terminer ce discours ; ce qui suit demandant, pour être traité, un exorde différent.

 

1. Luc, XV, 31. — 2. Jean, XVII, 10.

 

 

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