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QUARANTE-SIXIÈME TRAITÉ:DEPUIS CE PASSAGE : « JE SUIS LE BON PASTEUR », JUSQUÀ CET AUTRE : « MAIS LE MERCENAIRE SENFUIT, PARCE QUIL EST MERCENAIRE ET QUIL NE SE PRÉOCCUPE POINT DES BREBIS ». (Chap. X, 11-13.)LE PORTIER, LE MERCENAIRE ET LE LOUP.
Jésus-Christ, tout à la fois porte et pasteur, est aussi le portier ; cest. en effet, par sa grâce, que nous le connaissons ; il souvre lui-même à nous en nous enseignant la vérité qui est lui-même. Bien différents du bon Pasteur sont les mercenaires qui soccupent de leurs intérêts propres avant de soccuper des intérêts de leur troupeau. Il y a si peu de bons pasteurs, que les mercenaires sont indispensables: il faut les écouter dans ce quils disent, sans les imiter dans ce quils font. Quant au loup, cest le démon ; par la crainte, il met en fuite le mercenaire, mais il ne peut faire trembler le bon pasteur.
1. Au moment où le Seigneur Jésus parlait, il avait sous les yeux toutes ses brebis du présent et de lavenir, parce quau nombre de celles qui lui appartenaient se trouvaient même celles qui devaient faire, plus tard, partie de son troupeau ; aussi, dans la circonstance dont il sagit, sadressait-il à ses brebis présentes et à venir, et non-seulement à elles, mais à nous, mais à tous ceux qui, dans la suite des temps, entreraient dans son bercail. A tous il montre en quelle qualité il a été envoyé vers eux, et, dans ses paroles, tous reconnaissent la voix de leur pasteur. « Je suis le bon pasteur ». Il najouterait pas le mot bon, sil ny avait pas de mauvais pasteurs. Mais les pasteurs mauvais sont des voleurs et des brigands, ou, du moins, sont-ils, le plus souvent, des mercenaires. Nous devons chercher à reconnaître et à distinguer les différents personnages auxquels il a fait allusion, et à bien savoir quel est leur caractère propre. Le Sauveur nous a déjà aidés à comprendre deux choses mystérieuses, quil nous avait précédemment indiquées, sans nous en donner pour ainsi dire la clef. Nous savons déjà quil est la porte : nous avons aussi appris quil est le pasteur. La leçon dhier nous a fait connaître clairement qui sont ceux qui méritent dêtre considérés comme des voleurs et des brigands ; dans celle daujourdhui, le Christ nous dit les traits distinctifs du mercenaire et du loup : hier, il nous a encore parlé du portier. Du nombre des bons se trouvent donc la porte, le portier, le pasteur et les brebis : les brigands, les voleurs, les mercenaires et le loup se rencontrent parmi les méchants. 2. Par lEvangile, nous savons que Notre-Seigneur Jésus-Christ est en même temps la porte et le pasteur ; mais qui est le portier ? Le Christ nous a dit quil est la porte et le pasteur : quant au portier, il nous a laissé le soin de chercher ce quil cri est. Quen est-il donc, du portier ? « Le portier lui ouvre ». A qui ouvre-t-il ? Au pasteur. Quouvre-t-il au pasteur ? La porte. Et qui est-ce qui est la porte ? Le pasteur lui-même. Si le Seigneur Jésus navait donné cette explication, sil navait dit : « Je suis le pasteur, je suis la porte (1) », quelquun dentre nous aurait-il osé dire que le Sauveur est le pasteur et la porte tout à la fois? Sil avait dit : « Je suis le pasteur », sans dire : « Je suis la porte », il nous aurait fallu chercher à découvrir ce que cétait que la porte, et peut-être serions-nous restés devant la porte, pour ne pas avoir deviné juste. Sa grâce et sa miséricorde ont bien voulu nous éclairer à ce sujet ; il nous a parlé du pasteur, et nous a dit quil létait lui-même : il nous a instruits au sujet de la porte ; à son dire, elle nest, non plus, autre que lui. Il nous a laissé à deviner ce quil en est du portier. Que dirons-nous donc nous-mêmes du portier ? Qui est-il ? Quel que soit celui qui nous semble mériter ce titre, prenons garde de le regarder comme supérieur à la porte elle-même, car, dans les maisons où se trouve un portier, il lui est supérieur. Cest en effet le portier qui est préposé à la porte, et non la
1. Jean, X, 3, 9.
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porte au portier ; cest le portier qui garde la porte : la porte ne garde pas le portier. Je noserais dire que quelquun est supérieur à la porte, car je sais qui elle est ; je nai à cet égard aucune incertitude ; je ne me trouve nullement abandonné à des conjectures personnelles : toute supposition purement humaine mest interdite. Dieu a parlé : la vérité a élevé la voix pour minstruire, il nest pas à ma disposition de changer les paroles de celui qui ne change pas. 3. Dans une question si obscure, je dirai donc ce qui me semble être le mieux : que chacun choisisse ce qui lui convient, sans perdre pour cela le sentiment de la piété, selon quil est écrit : « Ayez pour Dieu des sentiments pieux , et cherchez-le dans la simplicité de votre coeur (1) ». Nous devons peut-être regarder le Sauveur comme étant le portier. Dans les réalités, il y a entre le pasteur et la porte une différence bien autrement tranchée quentre le portier et la porte; et pourtant, le Christ nous a affirmé quil est en même temps le pasteur et la porte : pourquoi ne pas supposer quil est aussi le portier? Si nous examinons la nature des choses, nous verrons que, daprès lidée que nous nous faisons des pasteurs et ce que nous voyons, le Seigneur Jésus nen est pas un : il nest pas davantage une porte, puisquil nest pas sorti des mains dun artisan. Mais si, dans les limites dune certaine similitude, nous disons que le Christ est pasteur et porte en même temps, jose ajouter quil est aussi brebis. Une brebis est soumise à lautorité du pasteur, et toutefois le Sauveur est, en même temps, pasteur et brebis. Où vois-tu quil est pasteur ? Ici même, lis lEvangile : « Je suis le bon pasteur ». Comment tassurer quil est brebis ? Interroge le Prophète : « Il a été conduit à la mort, comme une brebis (2) ». Interroge lami de lEpoux : « Voilà lAgneau de Dieu, voilà Celui qui efface le péché du monde (3) » . En continuant toujours la même comparaison, je vais vous dire quelque chose de plus étonnant encore. Lagneau, la brebis et le pasteur sont unis par les liens dune tendre amitié, et les brebis trouvent dhabitude dans le pasteur, leur soutien contre les attaques des lions. Néanmoins, il est dit du Christ, brebis et pasteur tout ensemble : « Le lion de la tribu de Juda a vaincu (4) ».
1. Sag. I, 1. 2. Isa. LIII, 7. 3. Jean, I, 29. 4. Apoc. V, 5.
Comprenez tout cela, mes frères, dans le sens dune comparaison, et non dans celui de la réalité vraie. Nous voyons habituellement les bergers sasseoir sur une pierre, et garder, de lendroit où ils se sont assis, le troupeau qui leur est confié : il est sûr que le berger vaut mieux que la pierre sur laquelle il a pris son siège. Cependant, le Christ est pasteur et pierre. Tout ceci soit dit par comparaison. Si, maintenant, tu me demandes à savoir ce quest en lui-même le Seigneur Jésus, je te réponds : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu (1) ». Si tu cherches à savoir ce quil est en réalité, je te dirai : Cest le Fils unique du Père, engendré pour toujours et de toute éternité ; il est égal à son Père, toutes choses ont été faites par lui : non plus que dans le Père, on ne peut voir en lui aucun changement, et, quoiquil se soit revêtu dune forme humaine, il na subi dans son être aucune vicissitude; par son incarnation, il est devenu homme, et il est, en même temps, Fils de lhomme et Fils de Dieu. Tout ce que je viens de dire, cest la réalité : ici, pas de comparaison. 4. Par rapport à certaines ressemblances, il ne doit nullement nous répugner de considérer la porte comme étant le portier même. Quest-ce, en effet, que la porte? Cest lendroit par où nous entrons dans une maison. Qui est le portier? Celui qui ouvre la porte. Quel est celui qui souvre lui-même, si ce nest celui qui se fait connaître? Le Sauveur avait dit quil était la porte, et nous ne lavions pas compris; à ce moment-là même, la porte était fermée pour nous; celui qui nous la ouverte nest autre que le portier. Inutile de chercher une autre explication; je ne vois à cela aucune nécessité, mais peut-être en aurais-tu la volonté ; si tel est ton désir, ne divague pas, ne cherche pas en dehors de la Trinité. Veux-tu quune personne différente de la seconde soit le portier? Suppose que cest le Saint-Esprit: certainement, il ne dédaignera pas dêtre le portier, puisque le Fils na pas dédaigné dêtre la porte. Regarde donc le Saint-Esprit comme étant le portier; parlant du Saint-Esprit à ses disciples, le Sauveur lui-même a dit : « Il vous enseignera « toute vérité (2) ». Qui est la Porte? Le Christ. Quest-ce que le Christ? La Vérité. Qui est-ce
1. Jean, I, 1. 2. Id. XVI, 13.
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qui ouvre la porte, sinon Celui qui enseigne toute vérité? 5. Mais que dire du mercenaire? Au moment où il en parlait, le Sauveur ne la pas rangé au nombre des bons. « Le bon pasteur », dit-il, « donne sa vie pour ses brebis; mais le mercenaire et celui qui nest point berger, à qui nappartiennent point les brebis, voit venir le loup et délaisse les brebis, et senfuit, et le loup les ravit et les disperse ». Ici, le mercenaire ne remplit point le rôle dune bonne personne, et pourtant il est utile à quelque chose; on ne lui donnerait pas le nom de mercenaire, sil ne recevait pas un salaire de celui qui loue ses services. Quel est donc ce mercenaire dont la conduite est coupable et dont on ne peut néanmoins se passer? Mes frères, daigne le Sauveur nous éclairer lui-même, afin que nous comprenions bien ce que sont les mercenaires, et que nous ne soyons jamais du nombre de pareilles gens ! Quest-ce donc quun mercenaire? Il y a, dans lEglise, certains préposés dont lapôtre Paul a dit: « Ils cherchent leur propre avantage, au lieu de «chercher celui de Jésus-Christ ». Que veulent dire ces mots: « Ils cherchent leur propre avantage? » Ils naiment pas gratuitement le Christ; ils ne cherchent pas Dieu pour lui-même. La recherche des avantages temporels absorbe leurs moments; le bénéfice quils peuvent retirer fait lobjet de leurs plus ardents désirs; ce quils souhaitent, cest dêtre honorés par leurs semblables. Quand un préposé de lEglise aime tout cela, il va, à cause de tout cela, jusquà servir Dieu, et quiconque est de ce caractère est un homme vendu, un homme qui na pas droit de se compter au nombre des enfants. Cest de telles gens que le Sauveur a dit encore : « En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense (1) ». Ecoute ce que dit du saint homme Timothée lapôtre Paul: «Jespère quavec la grâce du Seigneur Jésus, je vous enverrai bientôt Timothée, afin que je sois aussi consolé ensachant ce qui vous intéresse. Car je nai personne en si parfaite union avec moi, ni qui se montre si véritablement occupé de vous par leffet dune sincère amitié ; tous en effet cherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (2) ». Placé au milieu de mercenaires,
1. Matth. VI, 5. 2. Philipp. II, 19-21.
le véritable pasteur na pu sempêcher de gémir. Il a cherché à découvrir un homme qui aimât sincèrement le troupeau du Christ, et parmi ceux qui se trouvaient en ce temps-là autour de lui, il nen trouva aucun. Excepté lapôtre Paul et Timothée, lEglise du Christ ne renfermait alors personne qui fût occupé du troupeau par leffet dune sincère amitié; et il était arrivé quau moment du départ de Timothée, aucun autre enfant de Dieu ne se rencontra auprès de lui; il nétait environné que de mercenaires, tout « occupés de leurs « propres intérêts», et complètement «étrangers à ceux du Christ ». Quoique animé des meilleurs sentiments damitié à légard du troupeau, lApôtre préféra envoyer cependant de Dieu et rester seul au milieu des mercenaires. Nous rencontrons, nous aussi, des mercenaires; mais Dieu seul a le droit de les juger; Celui qui sonde les coeurs, les juge, et pourtant il nous arrive parfois de les apprécier au juste. Ce nest pas, en effet, sans raison que le Christ lui-même a dit des loups : « Vous les connaîtrez par leurs oeuvres (1) ». Beaucoup sont éprouvés par la tentation, et alors apparaissent leurs sentiments intimes ; plusieurs aussi restent inconnus. Le troupeau du Christ doit donc avoir des chefs, et des chefs qui soient ou des enfants du père de la famille ou des mercenaires. Si ces préposés sont des fils de Dieu, ce sont des pasteurs ; et sils sont pasteurs, comment se fait-il quil ny ait quun seul pasteur, sinon parce que tous les autres sont les membres de ce pasteur unique dont ils sont aussi les véritables brebis? Oui, ils sont les membres de lunique brebis qui est le Christ, « car il a été conduit à la mort comme une brebis ». 6. Remarquez-le, cependant: les mercenaires sont indispensables, il en est beaucoup dans lEglise pour travailler à leur avantage temporel; néanmoins, ils prêchent le Christ, et, par leur intermédiaire, sa parole se fait entendre, et les brebis suivent, non pas le mercenaire, mais la voix du pasteur qui leur arrive par lorgane du mercenaire. Ecoutez le Sauveur, il va vous montrer du doigt des mercenaires : « Les scribes et les pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse; faites ce quils disent; mais ce quils font, ne limitez pas (2) ». A-t-il voulu dire autre chose que ceci : Ecoutez la voix du pasteur, même
1. Matth. VII, 16. 2. Id. XXIII, 2.
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quand des mercenaires vous la transmettent? Parce quils sont assis sur la chaire de Moïse, ils vous enseignent la loi de Dieu ; cest donc par leur intermédiaire que Dieu vous instruit. Ne les écoutez pas sils veulent vous dire des choses qui viennent deux-mêmes ; ne faites pas non plus ce quils vous commandent en leur propre nom. De telles gens cherchent leurs intérêts, et non ceux de Jésus-Christ; pourtant aucun mercenaire na osé dire au peuple chrétien: Cherche ton avantage, oublie celui de Jésus-Christ. Le mal quil fait, il ne le prêche pas du haut de la chaire du Christ ; sil fait du mal, ce nest pas en disant bien, cest en faisant mal. Saisis la grappe de raisin, mais prends garde aux épines. Pour vous qui mavez compris, cest bien; mais à cause des personnes dont lintelligence est moins vive, je vais me répéter, de manière à me mettre plus à leur portée. Comment ai-je pu dire : Saisis la grappe de raisin, et prends garde aux épines, quand le Seigneur dit lui-même : « Recueille-t-on des a raisins sur des épines, ou des figues sur des ronces (1) ? » Ses paroles sont la pure vérité; néanmoins, je nai rien dit de faux en mexprimant ainsi : Saisis la grappe de raisin, et prends garde aux épines. En effet, le raisin provenant de la racine de la vigne, pend au cep; mais il arrive parfois que le sarment qui le supporte, sintroduit en grandissant dans un buisson dépines; et alors le buisson porte un fruit qui nest pas le sien. La vigne na pas produit dépines, mais le sarment est allé sappuyer contre un buisson dépines. Il ne faut rien faire autre chose que descendre jusquaux racines. Cherche celles de lépine ; elle est complètement indépendante de la vigne; cherche ensuite doù provient le raisin, et tu verras quil sort de la racine de la vigne par lintermédiaire des sarments. La chaire de Moïse était donc la vigne, les moeurs des Pharisiens étaient les épines. Doctrine pleine de vérité, mais transmise par des méchants; sarment provenant du cep de vigne, raisin parmi les épines. Cueille ce raisin avec précaution, pour ne pas te blesser la main en voulant saisir le fruit, et si celui qui te dit de bonnes choses se conduit mal, écoute-le, mais ne limite pas. « Ce quils disent, faites-le » ; cueillez les raisins ; mais « ce quils font, ne limitez pas » : prenez garde aux épines.
1. Matth. VII, 16.
Quand même la voix du pasteur se ferait entendre à vous par lorgane de mercenaires, écoutez-la et ne devenez pas vous-mêmes mercenaires, puisque vous êtes les membres du pasteur. Le saint apôtre Paul avait dit: « Je nai personne qui se montre si parfaitement occupé de vous par leffet dune sincère amitié, car tous cherchent leur intérêt et non celui de Jésus-Christ ». En un autre endroit, il établit une distinction entre les mercenaires et les enfants de Dieu, et voici ce quil dit; écoutez bien ses paroles : «Quelques-uns prêchent Jésus-Christ par un esprit denvie et de contention, mais dautres le font avec une intention droite : les uns prêchent Jésus-Christ par amour, sachant que jai été établi pour la défense de lEvangile ; dautres le prêchent par jalousie, et non pas avec des vues pures, croyant me susciter une plus grande affliction dans mes liens ». Cétaient des mercenaires qui portaient envie à lapôtre Paul. Pourquoi étaient-ils jaloux de lui, sinon parce quils recherchaient les avantages de cette vie ? Or, remarquez ce quil ajoute : « Mais quimporte? Pourvu que Jésus-Christ soit annoncé de quelque manière que ce puisse être, soit par occasion, soit par un vrai zèle, je men réjouis et je men réjouirai (1) ». Le Christ est la vérité ; que les mercenaires prêchent la vérité par occasion, que les enfants de Dieu lannoncent par amour désintéressé, peu importe; les enfants de Dieu attendent patiemment lhéritage éternel du Père ; les mercenaires ne désirent rien tant que le salaire temporel promis par celui qui loue leurs services; ils menvient la renommée que jai acquise parmi les hommes ; puisse cette renommée devenir moins grande, et la divine renommée du Christ être répandue en tous lieux par les prédications des mercenaires aussi bien que par celles des enfants de Dieu, puisqu « elle est annoncée, soit par occasion, soit par un vrai zèle ! » 7. Nous venons de voir ce quest le mercenaire. Pour le loup, qui est-il, sinon le démon? Quest-ce qui a été dit du mercenaire? « Lorsquil voit venir le loup, il senfuit, parce que les brebis ne lui appartiennent pas, et quil ne sen inquiète nullement ». Lapôtre Paul était-il de ce caractère? Non. Et lapôtre Pierre? Non plus.
1. Philipp. I, 15-18.
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Et les autres Apôtres, excepté Judas, le fils de perdition? Pas davantage. Ils étaient donc des pasteurs? Oui, dans toute la force du terme. Jen ai déjà fait la remarque; ils étaient des pasteurs, parce quils étaient les membres du pasteur par excellence. Ils étaient fiers de leur chef: ils vivaient sous son autorité dans lunion la plus intime, ne formant quun seul corps animé dun même esprit, et ainsi appartenaient-ils tous à un seul pasteur. Sils étaient des pasteurs et non des mercenaires, pourquoi donc prenaient-ils la fuite, quand ils souffraient persécution ? Seigneur, veuillez nous lexpliquer. Jai vu, dans une épître, que Paul sest enfui; on la descendu dans une corbeille le long de la muraille, pour échapper à ses persécuteurs (1). Il ne sinquiétait donc que médiocrement du troupeau, puisquil labandonnait à lapparition du loup ? Pardon, il sen inquiétait, car il recommandait ses brebis, par ses prières, à la garde du pasteur qui réside dans le ciel ; quant à lui, il se conservait pour leur plus grande utilité en prenant la fuite, suivant ce quil a dit quelque part: « Il est avantageux pour vous que je demeure en cette vie (2) ». Le pasteur lui-même leur avait dit à tous : « Si lon vous persécute dans une ville, fuyez dans une autre (3) ». Daigne le Seigneur nous donner la solution de cette difficulté ! Seigneur, vous avez dit vous-même à ceux en qui vous vouliez trouver des pasteurs fidèles, et dont vous vouliez faire vos membres : « Si lon vous persécute, prenez la fuite ». Vous leur faites donc injure quand vous reprochez aux mercenaires de senfuir à la vue du loup. Nous vous en prions, indiquez-nous le sens mystérieux de vos paroles. Frappons, mes frères; le gardien de la porte, qui nest autre quelle-même, viendra souvrir devant nous. 8. Quel est le mercenaire qui prend la fuite en voyant venir le loup ? Celui qui cherche ses propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ, qui nose point reprendre librement le pécheur (4). Un homme, nimporte lequel, a péché, il a commis une grande faute ; ce serait un devoir de lui adresser des reproches, de lexcommunier; mais en lexcommuniant, on sen ferait un ennemi ; il tendrait des piéges, et ferait autant de mal que possible. Celui qui cherche son intérêt et non
1. II Cor. XI, 33. 2. Philipp. I, 24. 3. Matth. X, 23. 4. I Tim. V, 20.
lintérêt de Jésus-Christ, redoute de perdre lobjet de ses désirs : pour conserver lavantage dune amitié humaine, pour ne pas sexposer à linconvénient de linimitié dun homme, il garde le silence, il ne fait aucun reproche. Le loup saisit à la gorge une brebis : le démon persuade à un fidèle de commettre ladultère, et tu nélèves pas la voix, et tu ne réclames pas ! O mercenaire, tu as vu venir le loup, et tu as pris la fuite ! Il répond peut-être en disant : Mais me voici , je ne me suis pas enfui. Tu tes enfui, puisque tu as gardé le silence; et tu as gardé le silence, parce que tu as été dominé par la crainte. Tu es ici de corps, mais, desprit, tu as pris la fuite. Ce nétait point ainsi que se conduisait Celui dont voici les paroles: « Quoique je sois absent de corps, je suis néanmoins avec vous en esprit (1) ». Avait-il pris la fuite en esprit, lui qui, malgré son absence corporelle, flétrissait dans ses lettres linconduite des fornicateurs ? Nos affections sont des mouvements de notre âme. La joie en est la dilatation; la tristesse, le rétrécissement; la cupidité en est la marche en avant; la crainte, la fuite en arrière. Ton esprit se dilate lorsque tu éprouves du plaisir; il se contracte si tu ressens de la contrariété; il sélance quand tu désires quelque chose; il recule dès que tu deviens accessible à la crainte. Cest en ce sens quil est dit dans lEvangile que le mercenaire senfuit à la vue du loup. Pourquoi ? « Parce quil ne sinquiète nullement des brebis ». Pourquoi « ne sinquiète-t-il pas « des brebis? Parce quil est un mercenaire » . Quest-ce à dire : « Il est un mercenaire? » Il cherche une récompense dans le temps, et dans léternité il naura pas même une demeure. Nous aurions encore à creuser et à discuter avec vous bien des questions, mais il nest pas. convenable de vous fatiguer. Vous servez le même Maître que nous, et nous vous distribuons les aliments quil met à notre disposition ; vous êtes les brebis du Seigneur, nous vous conduisons dans ses pâturages et nous en profitons avec vous. Comme il ne faut refuser à personne la nourriture nécessaire, ainsi ne faut-il jamais surcharger un estomac faible dune trop grande quantité daliments. De là il suit que votre charité ne doit pas se formaliser de me voir marrêter aujourdhui en présence de questions
1. Coloss. II, 5.
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quil importerait, ce me semble, délucider aussi; mais plus tard, aux jours où nous devrons vous adresser la parole, on nous récitera de nouveau, au nom du Seigneur, la leçon qui nous a déjà servi de thème; et alors, avec laide den haut, nous vous entretiendrons sur ce sujet avec plus de soin.
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