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VINGTIÈME TRAITÉ.

ENCORE SUR CE PASSAGE : « EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE PAR LUI-MÊME, QU’IL NE LE VOIE FAIRE AU PÈRE. QUELQUE CHOSE QUE CELUI-CI FASSE, LE FILS LE FAIT AUSSI COMME LUI ». (Chap. V, 19.)

UNITÉ D’ACTION DANS LA SAINTE TRINITÉ.

 

Quoiqu’il soit dit, dans l’Ecriture, que Dieu se reposa le septième jour, cette parole du Sauveur est vraie : « Le Père agit toujours ». En effet, si le Fils agit, c’est par le Père, car, en lui, voir et être, exister et pouvoir agir sont la même chose; puisque le Père lui a donné l’être, il lui a donc aussi donné ta puissance. De là, néanmoins, il ne suit pas que le Fils soit inférieur au Père étant inséparables l’un de l’autre, et tous deux éternels, loin d’agir l’un sans l’autre, ils agissent par ensemble et pareillement. Pour se faire, autant que possible, une idée de ce mystère, il faut s’élever par de là le monde des esprits jusqu’à Dieu, comme l’apôtre saint Jean.

 

1. L’Apôtre Jean ne s’est pas appuyé sans motif sur la poitrine du Sauveur; il voulait y puiser les secrets d’une sagesse surhumaine et nous transmettre dans son Evangile ce qu’il aurait, par son amour, puisé à cette source. Aussi, les paroles du Christ, qu’il nous rapporte, sont-elles plus mystérieuses et plus difficiles à saisir que toutes celles rapportées par les autres évangélistes : elles ont un sens tellement profond, qu’elles jettent dans le trouble les hommes dont le coeur est perverti, et surexcitent l’intelligence de ceux qui ont le coeur droit. C’est pourquoi j’engage votre charité à fixer toute son attention sur le peu de paroles qu’elle vient d’entendre lire. Voyons si, avec la grâce et le secours du Sauveur, nous pourrons comprendre les paroles qu’il a voulu faire arriver jusqu’à nous, qu’il a prononcées lui-même et fait écrire autrefois pour que nous les lisions aujourd’hui. Que signifient donc les paroles que vous lui avez entendu prononcer tout à l’heure: « En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire par lui-même qu’il ne l’ait vu faire au Père; tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi comme lui? »

2. A quelle occasion ces paroles furent-elles prononcées? Il faut vous rappeler le commencement de la leçon précédente. Dans les cinq portiques de la piscine de Salomon se trouvaient un certain nombre de malades : le Sauveur avait guéri l’un d’eux, et lui avait dit: « Prends ton grabat, et retourne dans ta maison ». Ceci se passait un jour de sabbat. Grand sujet d’émoi pour les Juifs; ils prirent de là prétexte de l’accuser comme violateur et destructeur de la loi. Alors il leur dit : « Mon Père agit toujours, et moi aussi (1)». Ces Juifs comprenaient dans un sens tout charnel l’obligation d’observer le sabbat, et s’imaginaient qu’après avoir travaillé à la création du monde

 

1. Jean, V, 8, 17.

 

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Dieu était jusqu’alors resté plongé dans une sorte d’assoupissement; aussi avait-il sanctifié ce jour-là à partir du moment où il avait, en quelque sorte, commencé à se reposer de ses fatigues. Il est sûr que l’observation du précepte du sabbat, imposée autrefois à nos pères, est chose sacrée (1). Nous autres Chrétiens, nous avons pour lui un respect tout spirituel; en ce jour nous nous abstenons de toute oeuvre servile, c’est-à-dire de tout péché, parce que le Seigneur a dit : « Quiconque commet le péché est l’esclave du péché (2) » et ainsi gardons-nous le repos dans notre coeur; en d’autres termes nous y conservons la tranquillité de l’âme. Tous nos efforts tendent à ce but pendant le cours de cette vie mortelle; il nous sera néanmoins impossible d’arriver à la quiétude parfaite avant notre sortie de ce monde. On dit que Dieu s’est reposé, parce qu’après avoir mis la dernière main à toutes ses oeuvres, il n’a plus fait sortir du néant aucune créature; c’est ce que l’Ecriture appelle le repos du Seigneur, pour nous avertir, qu’à la suite de nos bonnes oeuvres, nous nous reposerons. Nous lisons en effet, dans la Genèse : « Et Dieu fit toutes choses extrêmement bonnes, et il se reposa le septième jour (3) ». O homme, quand tu vois que Dieu s’est reposé après avoir accompli des oeuvres excellentes, tu ne dois donc pas espérer le repos si tu ne fais pas des oeuvres bonnes. Le sixième jour Dieu a créé l’homme à son image et ressemblance et mis le sceau de la perfection sur ses ouvrages, qui étaient tous extrêmement bons; puis, le septième jour venu, il a pris du repos : ainsi ne peux-tu compter sur le repos qu’à la condition de réimprimer sur toi l’image du Créateur, dont le péché a fait disparaître les traits primitivement imprimés en ton âme. Il ne faut pas dire que Dieu a travaillé, parce qu’il a parlé et que toutes choses ont été faites. Quiconque posséderait une aussi grande facilité de travailler, voudrait-il prendre du repos, comme s’il avait éprouvé une grande fatigue? Qu’un homme donne un ordre, et qu’on lui résiste; qu’il commande un ouvrage, et qu’on ne le fasse pas, et qu’il se donne lui-même la peine de le faire, ,je dirai avec raison qu’il s’est reposé, le travail fini. Mais nous lisons tout autre chose dans le livre, déjà cité, de la Genèse: «Dieu dit : Que la lumière se fasse, et 

 

1. Exod. XX, 8-11. — 2. Jean, VIII, 34. — 3. Gen. I, 31; II, 2

 

la lumière se fit : Dieu dit: que le firmament se fasse, et le firmament fut fait (1) »; et toutes choses lurent faites sitôt qu’il eut parlé; le Psalmiste lui-même l’atteste en ces termes: « Il a dit, et tout a été fait; il a commandé, et tout a été créé (2)». Comment, après avoir créé le monde, aurait-il cherché le repos à la manière des hommes qui terminent un travail, celui qui ne s’était point fatigué à donner ses ordres? Ces paroles ont donc un sens caché : elles ont été placées là pour nous avertir de n’espérer le repos d’après cette vie, qu’autant que nous l’aurons mérité par nos bonnes oeuvres. Nous l’avons dit: les Juifs s’étaient scandalisés de voir le Sauveur opérer la guérison d’un homme le jour du sabbat; pour condamner leur impudence et leurs fausses idées, pour leur montrer qu’ils n’avaient pas sur Dieu des pensées justes, Jésus leur dit: « Mon Père agit toujours, et moi aussi». N’allez donc point vous  imaginer que mon Père se soit reposé le septième jour, de telle manière que, à partir de ce moment-là, il n’ait plus rien fait : comme il agit encore aujourd’hui, j’agis aussi moi-même ; toutefois, le Père travaille sans fatigue, et le Fils travaille de même sans éprouver de lassitude. « Dieu a dit et tout a été fait» ; le Christ a dit à un malade : « Prends ton grabat, et retourne en ta maison », et la chose s’est accomplie.

3. Selon la croyance catholique, le Père et le Fils n’agissent point séparément l’un de l’autre. Voilà ce dont je veux, autant que possible, entretenir votre charité; mais c’est bien ici le cas de répéter ces paroles du Seigneur,: « Comprenne qui pourra (3) ». Celui qui ne peut me comprendre ne doit point m’en attribuer la faute : il ne peut en accuser que la lenteur de son esprit; c’est donc pour lui un devoir de se tourner vers celui qui ouvre les coeurs, et de lui demander qu’il fasse pénétrer en lui ses enseignements : et si quelqu’un ne saisissait point ma pensée, parce que je ne la traduirais pas comme il le faudrait, je le prie de pardonner à mon humaine fragilité, et d’implorer en ma faveur le secours d’en haut. Nous avons, au dedans de nous, pour maître le Christ lui-même. Toutes les fois qu’une parole, sortie de ma bouche et venue à vos oreilles, vous paraîtra incompréhensible , tournez-vous intérieurement vers celui qui m’instruit de ce que je

 

1. Gen. I,3, 6, 7. — 2. Ps. XXXII, 9; CXLVIII, 5.— 3. Matth. XIX, 12.

 

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dois vous dire, et vous distribue sa parole au gré de sa généreuse bienveillance. Celui qui sait ce qu’il donne, et à qui il le donne, sera attentif à la demande du chrétien qui le priera, et il ouvrira à l’homme qui frappera à la porte: néanmoins, s’il ne nous accorde pas ce que nous désirons, ne nous croyons point, pour cela, abandonnés de lui; car si parfois il diffère d’octroyer ce qu’on lui demande, il ne laisse personne dans le besoin. Il nous fait attendre, pour mettre notre patience à l’épreuve, mais il ne méprise nullement nos prières. Voyez donc, et remarquez attentivement ce que je veux dire, quoique je ne puisse peut-être m’exprimer comme je le désirerais. Selon les enseignements de la toi catholique, établie par l’Esprit de Dieu dans le coeur de tous les saints pour les prémunir contre toute perverse hérésie, il est certain que le Père et le Fils n’agissent point séparément l’un de l’autre. Qu’ai-je dit? De même que le Père et le Fils, les oeuvres de tons deux sont inséparables. Comment le Père et le Fils le sont-ils? Le Sauveur l’a dit lui-même: « Mon Père et moi nous sommes un (1) ». D’ailleurs, le Père et le Fils ne sont pas deux dieux, mais un seul Dieu : le Verbe et celui dont il est le Verbe, sont un ; ils sont l’Unité : le Père et le Fils, unis l’un à l’autre par l’amour, et, avec eux, leur unique Esprit d’amour, ne font qu’un seul Dieu; en sorte que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne forment qu’une seule et même Trinité. Comme non seulement le Père et le Fils, mais encore le Saint-Esprit, sont personnes égales entre elles et inséparables. ainsi leurs oeuvres sont inséparables : je vais dire encore plus clairement ce que j’entends par ces mots, leurs oeuvres sont inséparables. La foi catholique ne dit pas que Dieu le Père a fait une chose, et Dieu le Fils une autre; mais ce qu’a fait le Père, le Fils l’a fait, et aussi le Saint-Esprit. Toutes choses, en effet, ont été faites par le Verbe quand Dieu a dit, et qu’elles ont été faites, elles ont été faites par le Verbe, par le Christ: car, « au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu toutes choses ont été faites par lui (2) ». Puisque toutes choses ont été faites par lui, Dieu ayant dit: Que la lumière soit faite, «et la lumière ayant été faite », il l’a donc faite dans le Verbe, et il l’a faite par le Verbe.

 

1. Jean, X, 30. — Id. I, 1, 3.

 

 

4. Nous venons d’entendre l’Evangile : nous savons la réponse que Jésus fit aux Juifs indignés de le voir, non-seulement violer le repos du sabbat, mais encore appeler Dieu son Père, et se dire égal à Dieu (1). Voilà ce qui est écrit au commencement du chapitre. Après avoir fait celte réponse à ses ennemis, si injustement indignés, le Fils de Dieu, la Vérité même leur adressa ces autres paroles : « En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire par lui-même, si ce n’est ce qu’il a vu faire au Père ». C’était dire, en d’autres termes : Pourquoi vous scandalisez-vous de m’entendre dire que Dieu est mon Père, et que je suis égal à Dieu ? Je lui suis égal en ce sens qu’il m’a engendré : je lui suis égal en ce sens qu’il n’est pas de moi, mais que je suis de lui. Voilà ce que signifient ces paroles : « Le Fils ne peut rien faire par lui-même que ce qu’il a vu faire au Père ». C’est-à-dire, tout ce que le Fils a le pouvoir de faire, il tient de son Père le pouvoir de le faire. Pourquoi tient-il de son l’ère le pouvoir d’agir? Parce que, sans le Père, il ne serait pas le Fils. Mais comment le Père lui a-t-il donné d’être le Fils? Parce qu’il tient de lui le pouvoir, parce qu’il en a reçu l’être. Pour le Fils, être et pouvoir sont une même chose. Il n’en est pas ainsi relativement à l’homme. Notre fragilité humaine se trouve en un tel état d’infériorité, qu’elle ne peut servir de terme de comparaisons. élevez donc plus haut vos pensées ; et si, par hasard, quelqu’un d’entre nous vient à saisir une partie de ce mystère, et que, effrayé de la soudaine apparition d’une vive lumière, il en conçoive quelque idée de manière à ne point persévérer dans son ignorance, cet homme ne doit pas s’imaginer qu’il comprend tout; car il en deviendrait orgueilleux, et son orgueil lui ferait oublier tout ce qu’il aurait appris. Pour l’homme, autre chose est d’exister, autre chose est de pouvoir. Tout homme qu’il est, il est parfois incapable de faire ce qu’il veut; et parfois, aussi, ce qu’il veut, il peut le faire. L’être et le pouvoir sont donc. choses fort différentes ; si c’était la même chose , on pourrait agir à sa volonté. En Dieu, il n’y a aucune différence entre la substance qui constitue son être et la puissance qu’il a d’agir; tout ce qui est de lui lui est consubstantiel, et tout ce qui est de lui est

 

 

1. Jean, V, 18.

 

 

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ce qui est, parce qu’il est Dieu. Etre et pouvoir ne sont donc pas en lui deux choses différentes; il possède en même temps l’existence et la puissance, parce que la volonté et l’action lui appartiennent toutes les deux. Puisque le pouvoir du Fils vient du Père, par là même la substance du Fils en vient aussi ; et réciproquement, puisque la substance du Fils vient du Père, sa puissance en vient pareillement. Dans le Fils, la puissance ne se distingue pas de la substance elles y sont toutes deux une seule et même chose: la substance pour qu’il existe, la puissance pour qu’il soit à même de faire ce qu’il veut. Aussi, parce qu’il vient du Père, le Fils a-t-il dit : « Le Fils ne peut rien faire par lui-même » ; dès lors qu’il n’existe point par lui-même, il ne peut, non plus, rien faire par lui-même.

5. Il semblerait qu’il s’est fait plus petit que le Père, en disant: Le Fils ne peut rien « faire par lui-même, que ce qu’il a vu faire au Père ». Ici la vaniteuse hérésie relève la tête : je veux parler de l’hérésie qui regarde le Fils commise intérieur au Père, comme ayant un pouvoir, une grandeur, une faculté d’agir bien moins étendus, parce qu’elle ne saisit pas la mystérieuse signification des paroles du Christ. Cependant, que votre charité veuille bien y faire attention; voyez comment ces paroles du Sauveur troublent maintenant leurs idées toutes charnelles. N’ai-je pas dit, tout à l’heure, par avance, que la parole de Dieu trouble les coeurs pervers, et surexcite l’intelligence de ceux qui ont le coeur droit? En m’exprimant ainsi, j’ai voulu surtout faire allusion à celle que rapporte l’évangéliste Jean : ce qu’il dit n’est pas du nombre des choses communes et faciles à comprendre: ce sont de mystérieuses choses. A entendre ces paroles, l’hérétique se redresse et nous dit : Voilà bien là preuve que le Fils est intérieur au Père. Ecoute les paroles du Fils lui-même ; il te dit : « Le Fils ne peut rien faire par lui-même, que ce qu’il a vu faire au Père ». — Attends : l’Ecriture te le recommande: « Ecoute avec douceur ce que l’on te dit, afin de le comprendre (1) ». Supposez que ce passage me jette dans l’embarras, puisqu’en raison de ces paroles : « Le Fils ne peut rien faire par lui-même que ce qu’il a vu faire au Père », je prétends que le Fils

 

1. Eccli. V, 13.

 

est égal à son Père en puissance et en majesté. Ce passage m’embarrasse donc; mais puisque tu crois l’avoir compris, je vais te faire une question : Nous savons, d’après l’Evangile, que le Fils a marché sur la mer (1) : où l’hérétique a-t-il vu que le Père a marché sur les eaux ? A son tour, il se trouble : oui, il se trouble lui-même. Laisse donc de côté ce que tu avais compris, et cherchons ensemble à comprendre. Que faisons-nous donc? Nous avons entendu les paroles du Sauveur: « Le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne l’ait vu faire au Père». Il a marché sur les eaux : le Père n’y a jamais marché: pourtant, « le Fils ne fait rien par lui-même qu’il ne l’ait vu faire au Père ».

6. Retourne avec moi à ce que je disais tout à l’heure : peut-être comprendrons-nous les choses, de manière à sortir, tous les deux, de la difficulté : pour moi, la foi catholique m’apprend le moyen d’en sortir, sans me blesser, sans me butter à aucun obstacle: enfermé dans ton inextricable cercle, tu cherches une issue. Vois par où tu es entré. Peut-être n’as-tu pas même compris ce que j’ai dit : vois par où tu es entré ; écoute donc le Sauveur; voici les paroles qu’il t’adresse: « Je suis la porte (2) ». Ce n’est pas sans cause que tu cherches une issue et que tu n’en trouves pas; car, au lieu d’entrer dans le bercail par la porte, tu y es tombé du haut de la muraille. Agis donc de ton mieux; retire-toi de l’endroit de ta chute, et entre par la porte: ainsi entreras-tu sans te blesser ; ainsi sortiras-tu sans faire fausse route. Viens par le Christ, et ce que tu dis, ne le tire pas de ton propre coeur : ne parle que de ce qu’il te fait connaître. Voici comment la foi catholique triomphe de la difficulté présente. Le Fils a marché sur la mer, il a posé les pieds de son corps sur les flots : sa chair marchait sur les eaux, et sa divinité en domptait le liquide élément. A ce moment où, comme homme, il était porté sur les eaux, et où, comme Dieu, il s’en montrait le maître, le Père n’était-il pas avec lui? Si le Père était alors éloigné du Fils, comment celui-ci a-t-il pu dire : « Mon Père, qui demeure en moi, fait les mêmes oeuvres que moi (3)? » Si le Père demeure dans le fils, et fait les mêmes oeuvres que lui, cette marche du corps du Christ, le Père l’exécutait, et il l’exécutait par son Fils, et

 

1. Matth. XIV, 25. — 2. Jean, X, 7 — 3. Id. XIV, 10.

 

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elle est tout à la fois l’oeuvre du Père et celle du Fils. Je vois l’un et l’autre accomplir ici la nième oeuvre, le Père demeurant inséparablement uni au Fils, et le Fils ne se séparant nullement du Père. Ainsi, tout ce que fait le Fils, il ne le fait que conjointement avec le Père, parce que le Père ne fait rien qu’il ne le fasse avec le Fils.

7. Nous voilà sortis de là. Remarquez-le nous nous exprimons avec justesse en disant que les oeuvres du Père, du Fils et du Saint-Esprit sont celles de ces trois personnes en même temps. Selon ta manière de voir, Dieu a fait la lumière, et le Fils la lui a vu faire ainsi le comprends-tu d’une manière toute charnelle , toi qui veux considérer le Fils comme inférieur au Père, à cause de ces paroles: « Le Fils ne peut rien faire par lui-même que ce qu’il a vu faire au Père ». Dieu le Père a fait la lumière : quelle autre lainière le Fils a-t-il faite ? Dieu le Père a fait le firmament, ce ciel placé entre les eaux et les eaux, Le Fils l’a vu : c’est ainsi que tu conçois les choses avec ton esprit lourd et grossier : puisque le Fils a vu son Père créer le firmament, et qu’il a dit: « Le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne l’ait vu faire au Père ». Montre-moi donc un autre firmament. N’as-tu point perdu ton point d’appui? Bâtis sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, tandis que Jésus-Christ est lui-même la principale pierre de l’angle, les fidèles trouvent dans le Sauveur une paix profonde (1). Ils ne disputent point, et ne se jettent plus dans les erreurs de l’hérésie. Nous comprenons que si le Père a fait la lumière, il l’a faite par le Fils : le firmament est sorti de ses mains par l’opération du Fils : « Car toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait ». Débarrasse-toi donc de ce que j’appellerais, à coup sûr, non pas ton intelligence, mais ta sottise. Dieu le Père a créé le monde: quel autre monde a-t-il créé par son Fils? Dis-moi où est ce monde créé par le Fils? Le monde où nous vivons, de qui, du Père ou du Fils, est-il l’oeuvre? Par lequel des deux a-t-il été fait? Dis-le-nous. Si tu réponds : par le Fils et non par le Père, tu te sépares du Père. Si, au contraire, tu dis par le Père, et non par le Fils, voici ce que t’oppose l’Evangile : « Et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu (2) ».

 

1. Ephés. II, 14-20. — 2. Jean, I, 3, 10.

 

 

Reconnais donc Celui par qui le monde a été fait, et ne te mets pas au nombre de ceux qui n’ont pas connu le Créateur du monde.

8. Le Père et le Fils agissent donc par ensemble. Mais voici: « Le Fils ne peut rien  faire de lui-même ». Ainsi en serait-il, si le Sauveur disait: Le Fils n’existe pas de lui-même. En effet, s’il est le Fils, il est né ; et s’il est né, il tient son existence de celui qui l’a engendré. Pourtant, le Père a engendré son égal, rien ne lui a manqué pour cela : puisqu’il engendrait un Fils coéternel à lui-même, le temps ne lui était pas nécessaire ; et puisqu’il engendrait de lui-même son Verbe , il n’avait à cet effet nul besoin de l’intermédiaire d’une femme. Dès lors, enfin, qu’il n’engendrait point un Fils inférieur à lui, il lui était inutile d’être plus avancé en âge. Quelqu’un dira peut-être que Dieu a eu son Fils dans sa vieillesse, après un grand nombre de siècles. Il n’y a eu ni vieillesse chez le Père, ni accroissement chez le Fils ; l’un n’a point fléchi sous le poids des années, l’autre n’a pas grandi: le Père a engendré son égal; éternel, il a engendré un Fils éternel comme lui. Comment, dira quelqu’un, comment l’Eternel peut-il engendrer un Fils éternel? Comme la flamme, qui ne dure qu’un instant, engendre une lumière de même durée. La flamme et la lumière qui s’en dégagent sont du nième instant, et la flamme n’est pas plus ancienne que la lumière dont elle est le principe. Au moment où naît la flamme, à ce moment-là naît la lumière. Donne-moi une flamme sans lumière, et je te donnerai Dieu le Père privé de Fils. Voici donc le sens de ces paroles: « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il ne l’ait vu faire au Père »: pour le Fils, voir n’est autre chose qu’être né du Père: en lui, voir et être sont une seule et même chose, comme aussi le pouvoir et la substance ne sont pas différents l’un de l’autre. Tout ce qu’il est, il le tient du Père; tout ce qu’il peut, il l’a reçu du Père, car ce qu’il lieu t et ce qu’il est, c’est la même chose, et tout cela lui vient du Père.

9. Mais le Sauveur continue à parler: il jette le trouble dans l’esprit des Juifs qui le comprennent mal, afin de leur faire quitter leur erreur, et de les ramener à une saine appréciation de ses paroles. Il avait dit: « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, qu’il [480]  ne l’ait vu faire au Père ». Nais une manière de comprendre toute charnelle pouvait séduire les âmes et les détourner de la vérité: l’homme pouvait se faire l’idée de deux artisans dont l’un aurait été le maître; l’autre, en qualité d’apprenti, aurait semblé suivre des yeux les mouvements de son patron, pour lui voir faire par exemple un coffre, et en faire, à son tour, un autre sur le modèle du coffre du maître, et par les moyens qu’il lui aurait vu employer. Le Christ voulut donc empêcher dans l’esprit humain l’existence de cette grossière supposition, de deux agents dans la Divinité, qui est toute simple. Aussi continua-t-il en disant: « Tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi pareillement ». Le Père ne fait pas une chose, et le Fils une autre semblable: ils font, tous les deux, les mêmes choses. Car le Sauveur ne dit pas: Le Père fait certaines choses, et le Fils en fait d’autres pareilles; mais voici comment il s’exprime : « Tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi pareillement ». Ce que fait l’un, l’autre le fait: le Père a créé le monde; avec lui et comme lui, le Fils et le Saint-Esprit ont créé ce même monde. S’il y avait trois dieux, il y aurait trois mondes; mais comme il n’y a qu’un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, il n’y a, non plus, qu’un seul monde, que le Père a créé par le Fils dans le Saint-Esprit. Le Fils fait donc ce que fait le Père, et il ne le fait pas d’une manière différente: il fait ce que fait le Père, et il le fait comme lui.

10. Il avait déjà dit: « Il le fait » ; pourquoi a-t-il ajouté: « il le fait pareillement? » C’était afin d’écarter de l’esprit de ses auditeurs toute interprétation maligne ou erronée. Tu vois l’ouvrage d’un homme. L’homme se compose d’un esprit et d’un corps; l’esprit commande au corps, mais, entre l’un et l’autre, se trouve une immense différence. Le corps est visible, l’esprit ne l’est pas: et il n’y a aucune comparaison à établir entre la puissance et l’énergie de l’esprit, et l’énergie et la puissance de n’importe quel corps, fût-il même céleste. L’esprit intime au corps ses volontés, et celui-ci les accomplit, et ce qu’on voit faire à l’esprit, le corps le fait aussi. Le corps fait donc évidemment ce que fait l’esprit, mais il ne le fait point pareillement. Comment fait-il la même chose, sans la faire de la même manière? L’esprit parle en lui-même, il donne ses ordres à la langue, et elle profère les paroles qu’il a lui-même intérieurement prononcées: l’esprit a parlé, la langue aussi: le maître du corps et son serviteur ont agi l’un et l’autre ; mais, avant d’agir, le serviteur a appris de son maître ce qu’il devait faire, et, sur son ordre, il l’a fait. Tous les deux ont donc fait la même chose; mais l’ont-ils faite pareillement? Cependant, dit quelqu’un, comment ne l’ont-ils pas faite d’une manière semblable? Le voici: La parole que prononce mon esprit reste au dedans de moi: celle que ma langue profère va frapper l’air: elle passe, elle n’est déjà plus.. Lorsque tu as dit un mot dans ton esprit, et que ta langue l’a répété, rentre en toi-même, et tu l’y retrouveras. Est-il resté sur ta langue, comme il est resté dans ton esprit? Ce mot, sorti avec sonorité de ta bouche, ta langue l’a créé en le prononçant, et ton esprit, en y pensant; mais les sons émis par ta langue se sont évanouis, et ce qu’a pensé ton esprit continue à exister. L’esprit et le corps ont donc fait la même chose, sans la faire de la même manière. Ce qu’a fait l’esprit, il le conserve en lui-même; ce qu’a fait la langue résonne et va, par les vibrations de l’air, frapper l’oreille. Poursuis-tu les syllabes pour leur donner la durée? Ainsi n’agissent point le Père et le Fils, car ils font la même chose, et ils la font l’un comme l’autre. Si Dieu le Père a créé le ciel qui dure toujours, Dieu le Fils a créé ce même ciel, qui dure toujours. Si le Père à créé l’homme qui meurt, le Fils a fait aussi sortir du néant cet homme, qui est sujet à la mort. Toutes les choses que Dieu a faites pour toujours, le Fils les a faites aussi pour toujours, et celles que le Père n’a faites que pour un temps, le Fils ne les a non plus faites que pour un temps; car non-seulement il les a faites, mais il les a faites pareillement: en effet, le Père les a faites par son Fils, parce que, par le Verbe, il a fait toutes choses.

11. Cherche, dans le Père et le Fils, le manque d’ensemble, tu ne le trouveras pas, lors nième que tu t’élèverais et que tu atteindrais à des régions supérieures à celles de ton âme. Si tu te nourris des idées creuses d’un esprit vagabond, tu t’entretiens avec ton imagination, et non avec le Verbe de Dieu: elle te jette dans l’illusion. Elève-toi au-dessus de ton corps, et prise ton esprit: élève-toi même au-dessus de ton esprit, et saisis Dieu. [481] Impossible d’atteindre jusqu’à Dieu, à moins de t’élever au-dessus de ton âme: à plus forte raison, n’y parviendras-tu pas, si tu t’arrêtes à ce corps grossier. Qu’ils sont loin de priser ce qui est Dieu, ceux qui ont du goût seulement pour leur corps! Jamais même ils n’arriveraient à posséder Dieu,’s’ils se bornaient à avoir du goût pour leur âme. L’homme s’éloigne énormément de la divinité, quand il n’a que des pensées charnelles : entre son corps et son âme se trouve une incalculable distance ; il en est encore , néanmoins une plus grande entre l’âme et Dieu. Si lu occupes ta pensée de ton esprit, tu tiens le milieu: si, de là, tu abaisses tes regards, tu aperçois le corps; si tu les élèves, tu vois Dieu. Porte-les donc plus haut que ton corps, porte-les plus haut que toi-même. Écoute ce que dit le Psalmiste: il t’apprendra comment tu dois priser Dieu. « Jour et nuit, mes larmes sont ma nourriture , parce qu’on me dit sans cesse: Où est ton Dieu?» test comme si les païens nous disaient: Voici nos dieux: où est le vôtre? De telles gens montrent alors des divinités visibles: pour nous, nous adorons un Dieu qu’on ne voit pas. A qui pourrions-nous le montrer? A des hommes qui manquent de tous moyens pour le voir? S’ils ont les yeux du corps pour contempler leurs dieux, nous avons, nous, des yeux tout autres pour apercevoir notre Dieu: encore faut-il qu’il les purifie; sans cela il nous serait impossible de le voir ; car, « bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu (1) ». Le Psalmiste nous dit donc qu’il se troublait, parce qu’on lai disait sanas cesse : « Où est ton Dieu? Je ne puis oublier qu’on me dit sans cesse: Où est ton Dieu ? » Aussi semblait-il vouloir saisir Dieu, et s’écriait-il: « Je repassais ces paroles en mon coeur, et je répandais mon âme en moi-même (2) ». Pour arriver jusqu’à taon Dieu, jusqu’à Celui dont on me disait: « Où est ton Dieu? » je n’ai point répandu mon âme sur mon corps, mais sur moi-même; je me suis élevé au-dessus de moi-même, afin de parvenir jusqu’à lui. Celui qui n’a créé est au-dessus de moi: on ne va à lui qu’à la condition de devenir supérieur à soi-même.

12. Qu’est-ce que ton corps? Ne l’oublie pas: il est sujet à la mort, terrestre, fragile,

 

1. Matth, V, 8. — 2. Ps. XLI, 4, 5.

 

corruptible : arrière donc. Mais notre chair est du temps. Reporte tes pensées sur les autres corps, sur les corps célestes; ils sont plus grands, ils sont meilleurs, ils brillent d’un vif éclat; regarde-les : ils roulent de l’Orient à l’Occident, et ne s’arrêtent pas; les hommes, les animaux eux-mêmes les contemplent. Elève-toi plus haut. — Comment, me diras-tu, comment m’élèverai-je au-dessus des corps célestes, moi qui rampe en quelque sorte sur la terre? — Corporellement, tu ne le peux pas: élève-toi donc sur les ailes de ton âme. Arrière donc aussi les corps célestes : ils ont beau briller, ce ne sont que des corps; quoiqu’ils nous inondent des flots de leur lumière, ce sont des corps. En les considérant tous, tu ne sais peut-être où tu pourrais aller: viens avec moi. — En quel lieu, au-delà des astres, pourrais-je monter? Au-dessus de quel monde m’élèverai-je sur les ailes de mon âme? — As-tu considéré tous ces mondes? — Oui. — En quel endroit t’étais-tu placé pour les contempler? Voyons qui est-ce qui les considère. Ce qui les examine, les discerne, les distingue les uns des autres, et les pèse en quelque sorte dans sa balance, c’est l’intelligence. L’intelligence qui, en toi, a pensé à tous ces mondes, est évidemment préférable à eux tous; elle est un esprit et non un corps. Pour voir où il faut que tu arrives, compare d’abord cette intelligence à ton corps. Ah ! de grâce, ne t’abaisse pas à une pareille comparaison. Compare-la à l’éclat du soleil, de la lune, des étoiles : son éclat le surpasse de beaucoup. Vois d’abord combien elle est prompte : ses pensées ne ressemblent-elles pas à des éclairs qui l’emportent en vivacité sur les plus vifs rayons du soleil? Si tu réfléchis à la marche du soleil levant, qu’elle doit te sembler lente en comparaison de la marche de ton esprit? Tu imagines , en un instant, ce que fera l’astre du jour; il ira d’Orient en Occident, et à peine se lève-t-il, que déjà tu songes à son coucher : par la pensée, tu as fait ce qu’il doit faire, tu as parcouru sa route, et lui la parcourt encore, tant il est lent à la fournir. Que l’esprit humain est une grande chose! Mais pourquoi dire : Il est? Elève-toi même au-dessus de lui, car il a beau être préférable à tout ce qui est matière, il est sujet au changement. Aujourd’hui il sait, demain il ne sait plus: un jour il oublie, un autre jour il se [482] souvient : tantôt il veut, tantôt il ne veut pas: parfois il commet le péché, parfois il conserve la justice. Va donc au-delà de tout ce qui peut changer, qu’il soit visible ou non. Tu t’es placé au-dessus de tous les êtres corporels visibles, du soleil, de la lune et des étoiles, que contemplent nos yeux : place-toi aussi au-dessus de tout être susceptible de variations. Devenu supérieur à la matière, tu en étais arrivé à ton esprit; mais là, encore, tu as trouvé des preuves d’instabilité. Pour Dieu, est-il sujet à vicissitude? Marche donc, ne t’arrête pas à ton esprit : répands ton âme au-dessus de toi-même, afin de parvenir jus. qu’à Dieu; car on te dit : « Où est ton Dieu? »

13. Ne t’imagine pas pouvoir faire ce qui dépasse les forces de l’homme. Jean 1’Evangéliste l’a fait néanmoins. Il s’est élevé au-dessus de son corps, au-dessus de la terre qu’il foulait à ses pieds, au-dessus des mers qu’il contemplait, au-dessus des airs que parcourent les oiseaux, au-dessus du soleil, de la lune et des étoiles, au-dessus de tous les esprits invisibles, au-dessus de son âme, enfin il s’est élevé au-dessus de toutes ces créatures par l’effet de sa raison et de son intelligence. Arrivé à une région supérieure, répandant son âme au-dessus de lui-même, où est-il parvenu? Qu’a-t-il vu? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Si tu vois un ensemble dans la lumière, pourquoi ne pas vouloir qu’il y ait unité dans l’action? Voilà Dieu, voilà son Verbe; Dieu ne fait qu’un avec le Verbe, lorsque le Verbe parle, et, pour parler, il ne se sert point de mots ; pour lui, manifester l’éclat de sa sagesse, c’est parler. Que dit de la sagesse divine la sainte Ecriture? « Elle est la splendeur de la lumière éternelle (1)». Réfléchis à la lumière du soleil, Le soleil est au ciel, il répand ses rayons sur toutes les terres et sur toutes les mers ; et, pourtant, on ne saurait le nier, sa lumière est matérielle. Si tu peux séparer du soleil sa propre lumière, le Verbe peut être aussi séparé de son Père. Je parle du soleil. D’un flambeau s’échappe une flamme unique, toute petite, toute mince : on peut l’éteindre d’un souffle; et, cependant, elle projette son éclat sur tous les objets qu’elle domine. La lumière dont cette flamme est le foyer, se répand de tous côtés; tu la vois sortir de ce foyer, mais la vois-tu s’en séparer? Certainement non. Comprenez donc, mes très-chers frères, que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont inséparablement unis ensemble; que cette Trinité ne fait qu’un seul Dieu, et que toutes les oeuvres de ce Dieu unique sont tout à la fois les oeuvres du Père, et celles du Fils, et celles du Saint-Esprit. Pour ce qui suit et fait partie du discours de Notre-Seigneur Jésus. Christ, rapporté dans l’Evangile, nous vous l’expliquerons; car demain nous devons vous adresser la parole. Venez donc nous entendre,

 

1. Sag. VII, 26.

 

 

 

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