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QUARANTIÈME TRAITÉ.DEPUIS CET ENDROIT : « CEST POURQUOI JÉSUS LEUR DIT : QUAND VOUS AUREZ ÉLEVÉ LE FILS DE LHOMME » , JUSQUÀ CET AUTRE : « ET VOUS CONNAITREZ LA VÉRITÉ, ET LA VÉRITÉ VOUS AFFRANCHIRA ». (Chap. VIII, 28-32.)LE CHRIST DIEU.
Le Sauveur proclamait sa divinité, mais la gloire de sa résurrection et les prodiges qui devaient la suivre , étaient destinés à la faire briller dun vif éclat, à convertir un grand nombre dhommes. Oui, de tous ces événements devait ressortir la preuve que le Christ est, quil a été engendré avant tous les temps par le Père, quil est la vérité même. Ces événements sont pour nous un puissant motif de persévérer dans la foi; notre persévérance nous conduira des ombres de la foi à la claire vue de la vérité.
1. Vous avez déjà entendu lire un grand nombre de passages tirés du saint Evangile selon saint Jean, Evangile que vous voyez entre nos mains. Ces passages, nous vous les avons expliqués de notre mieux avec le secours de la grâce divine. Nous vous lavons dit, cet Evangéliste a choisi de préférence, comme thème de son livre, la divinité du Sauveur, selon laquelle il est égal à son Père et Fils unique de Dieu; cest pourquoi Jean a été comparé à un aigle, parce que laigle est, de tous les oiseaux, celui qui sélève le plus haut dans les airs. Apportez donc une extrême attention à écouter la suite de cet Evangile : je vous en expliquerai successivement tous les textes, comme le Seigneur me permettra de le faire. 2. Nous vous avons parlé à loccasion de la leçon précédente, et nous vous avons dit en quel sens on doit comprendre que le Père est
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véridique et que le Fils est la vérité. Le Seigneur Jésus ayant dit : « Celui qui ma envoyé est véridique (1) », les Juifs ne comprirent pas quil avait voulu leur parler de son Père. Il ajouta ce que vous venez dentendre lire : « Quand vous aurez élevé le Fils de lhomme, alors vous saurez que je suis, et que je ne fais rien de moi-même, mais que je dis ces choses ainsi que mon Père ma a enseigné ». Quest-ce que cela? Il semble navoir dit rien autre chose que ceci cest, quaprès sa passion, ils sauraient qui il était. Sans aucun doute, parmi ses auditeurs, il en discernait un certain nombre quil connaissait, quil avait choisis, par un effet de sa prescience, avec ses autres saints, dès avant la constitution du monde, et qui devaient croire en lui après sa passion : voilà ceux que nous recommandons sans cesse à votre imitation, et que nous vous proposons comme vos modèles, en vous priant instamment de suivre leurs traces. Après la mort, la résurrection et lascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ , le Saint-Esprit est descendu den haut; des prodiges éclatants ont été opérés au nom de Celui que les Juifs avaient persécuté et méprisé, puisquils lavaient fait mourir à la vue de ces merveilles, ces hommes furent saisis dun sincère repentir; et alors on vit se convertir et croire au Christ ceux qui lavaient persécuté et mis à mort, et le sang quils avaient cruellement répandu, la foi en fit pour eux un breuvage; il apercevait déjà ces trois mille, ces cinq mille Juifs parmi ses auditeurs (2) au moment où il disait : « Quand vous aurez élevé le Fils de lhomme, alors vous saurez que je suis ». Cétait dire, sous une autre forme : Jattends, pour me faire connaître à vous, que toutes les circonstances de ma passion aient eu lieu; à lheure opportune, vous connaîtrez que je suis. Tous ceux qui lécoutaient ne devaient pas, pour croire en lui, attendre sa mort; car lEvangéliste ajoute un peu après: «Comme il parlait encore, beaucoup crurent en lui », et pourtant le Fils de lhomme navait pas encore été élevé. Il parlait de son exaltation douloureuse, et non de son exaltation glorieuse, de son exaltation en croix, et non de son exaltation dans le ciel; parce quil a été élevé pendant quil était attaché à linstrument de son supplice ; alors, il sest fait
1. Jean, VIII, 26. 2. Act. II, 37, 41; IV, 4.
obéissant jusquà la mort de la croix (1). Tous ces événements devaient saccomplir de la main même de ceux qui devaient croire en lui ; car il leur avait dit : « Lorsque vous a aurez élevé le Fils de lhomme, alors vous saurez que je suis ». Pourquoi cela, sinon afin que tout homme, si criminel quil se reconnût intérieurement, pût nourrir encore des pensées despoir, en voyant le pardon accordé au crime de ceux qui avaient fait mourir le Christ? 3. Le Sauveur remarqua donc ces hommes dans la foule qui lentourait, et il leur dit ci. Quand vous aurez élevé le Fils de lhomme, « alors vous saurez que je suis ». Vous savez déjà ce que veut dire ce mot : « Je suis ». Il est inutile dy revenir encore : vous parler trop longuement dun si grand mystère, ce serait sexposer à vous ennuyer. Rappelez. vous ces paroles : « Je suis Celui qui suis»; et: « Celui qui est ma envoyé (2) »; et vous comprendrez ces paroles du Christ : « Alors, vous saurez que je suis », et aussi que le Père est, et que le Saint-Esprit est. Cest relativement à lui que toute la Trinité a sa raison dêtre. Notre-Seigneur parlait en qualité de Fils : il ne voulut pas que ces paroles. «Alors a vous connaîtrez que je suis », pussent donner lieu et laisser prendre pied à lerreur des Sabelliens, cest-à-dire des Patripassiens; je vous ai dit au sujet de cette erreur : Ne vous y attachez pas, écartez-vous-en avec soin; elle consiste à prétendre, comme vous le savez, que le Père et le Fils ne diffèrent lun de lautre que par le nom, et quen réalité ils sont une seule et même chose. Pour nous faire éviter cette erreur, et afin quon ne le prît pas pour le Père, le Sauveur, après avoir dit : « Alors vous connaîtrez que je suis », ajouta immédiatement : « Et que je ne fais rien de moi-même, mais que je dis ces a choses comme mon Père ma enseigné ». Devant cette porte ouverte à son erreur, le disciple de Sabellius avait déjà commencé à se réjouir ; mais à peine sy était-il comme furtivement glissé, que la lumière de cette déclaration vint le confondre. Parce quil avait dit : « Je suis », tu avais cru quil était le Père. Ecoute, il va te prouver quil est le Fils : « Je ne fais rien de moi-même ». Quest-ce à dire : « Je ne fais rien de moi-même ? » Je ne suis pas de moi-même. Le
1. Philipp. II, 8. 2. Exod. III, 14.
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Fils est, en effet, Dieu engendré du Père; mais le Père nest pas Dieu engendré du Fils. Fils est Dieu de Dieu: le Père est Dieu, mais il nest pas Dieu de Dieu. Le Fils est lumière de lumière : le Père est aussi lumière, mais non de lumière. Le Fils est, tuais il y a quelquun de qui il est : le Père est, mais il ny a personne de qui il soit. 4. Parce que le Christ a ajouté : « Je vous dis ces choses comme mon Père ma enseigné », quaucun dentre vous, mes frères, ne se laisse aller à des pensées charnelles ; car, par un effet de la faiblesse humaine, notre manière de penser se règle daprès ce que nous avons accoutumé de faire ou de noir. Ne vous figurez donc pas que vous avez sous les yeux deux hommes, dont lun serait le Père, et lautre le Fils. Ne timagine pas que le Père parle à son Fils, comme tu fais toi-même lorsque tu parles à ton enfant, pour linstruire et lui apprendre à parler lui-même du quil retienne tes paroles, quaprès les avoir retenues, il les traduise en mots, les rendant bien distinctement, syllabe par syllabe, et les portant aux oreilles des autres telles que les siennes les ont reçues. Nayez point de pareilles idées, car vous forgeriez des idoles dans votre coeur. Il ne faut point supposer que la Trinité ait lapparence et les membres dun homme, une figure de chair, tous ces sens visibles, la stature et les mouvements du corps, lusage de la langue, une parole articulée : nous ne pouvons imaginer que la forme desclave, dont le Fils unique de Dieu sest revêtu quand le Verbe sest fait chair pour habiter parmi nous (1). Ici, ô fragilité humaine, je ne tempêche nullement davoir des pensées en rapport avec ce que tu connais : je ty force, au contraire. Si ta foi est véritable, voilà ce que tu dois penser du Christ, en tant quil est né de la Vierge Marie, et non entant quengendré par Dieu le Père. On la vu enfant ; il a pris de laccroissement, il a marché, il a eu faim et soif, et enfin, il a souffert, il a été attaché à la croix, il a été mis à mort, on la enseveli comme un autre homme, et cest avec la forme dun homme quil est ressuscité, quil est monté au ciel en présence de ses disciples, et quil viendra nous juger. La parole des anges, que cite lEvangéliste, ne laisse aucun doute à cet égard . « Il viendra tel que vous lavez vu monter au
1. Jean, I, 14.
ciel (1) ». Quand tu cherches à te faire une idée de la forme desclave dont le Christ sest revêtu, il faut, si tu as la foi, penser à une forme humaine ; mais si tu veux te faire une idée de ce quil est, quand sappliquent à lui ces paroles : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu (2) » ; loin de ton esprit toute image de lhomme ! Loin de ton imagination tout objet qui se mesure à la manière dun corps, tout ce qui peut tenir clans lespace, ou faire partie dune masse si démesurée quelle soit: que de pareilles imaginations ne trouvent jamais accès dans ton coeur. Figure-toi, si cest possible, la beauté de la sagesse : fais-toi une idée de la beauté de la justice. Y a-t-il là une forme ? de la grandeur ? des couleurs ? Il ny a rien de tout cela, et pourtant, la sagesse et la justice existent ; sil en était autrement, on ne les aimerait pas, on nen ferait nul éloge ; et si on ne les aimait pas et quon nen fît pas léloge, elles resteraient étrangères à nos affections et à nos moeurs. Mais on voit des hommes devenir sages ; où en est la cause, sinon dans lexistence même de la sagesse ? O homme, tu ne peux voir ta sagesse avec les yeux de ton corps : tu es incapable de ten faire une idée pareille à celle que tu te fais des objets matériels, et tu oses te représenter la sagesse de Dieu sous la forme dun corps humain ? 5. Aussi, mes frères, comment expliquer ceci ? Le Fils a dit : « Je vous dis ces choses comme mon Père ma enseigné ». De quelle manière le Père lui a-t-il parlé ? Lui a-t-il seulement parlé? Pour instruire son Fils, le Père a-t-il prononcé , des paroles, comme tu en prononces toi-même, lorsque tu donnes des leçons à ton enfant ? Quelles paroles peut-il adresser à sa Parole ? Les paroles quil adresserait à sa Parole unique seraient-elles en grand nombre ? La Parole du Père a-t-elle eu des oreilles pour les approcher de la bouche du Père ? Autant didées charnelles, quil faut éloigner de ton esprit. Je vous adresse ce discours, et peut-être avez-vous compris mes paroles : évidemment, je vous ai parlé ; mes paroles ont retenti, et le bruit quelles ont fait est venu frapper vos oreilles pour aller, au moyen du sens de louïe, porter mes pensées jusquà votre coeur, si vous les avez saisies. Supposez quun homme,
1. Act. I, 11. 2. Jean, I, 1.
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sachant le latin, mait entendu, quil mait toutefois entendu sans rien comprendre à ce que jai dit : cet homme na pas saisi ma pensée ; néanmoins le bruit des paroles sorties de ma bouche est venu frapper ses oreilles aussi bien que les vôtres : il a entendu le même bruit, les mêmes syllabes ; mais aucune idée na été par là éveillée dans son esprit. Pourquoi ? Parce quil na pas compris. Pour vous, si vous êtes entrés dans ma pensée, quelle en a été la cause ? Jai fait du bruit à votre oreille, mais ai-je porté la lumière dans vos âmes ? Evidemment, si ce que jai dit est vrai, non-seulement cette vérité est venue frapper vos oreilles, mais encore elle a été comprise par votre intelligence : deux choses ont donc eu lieu, remarquez-les bien : vous avez entendu et vous avez compris. Cest par le moyen de mon organe que vous avez entendu ; mais par qui vous est venue lintelligence de ce que je vous ai dit ? Je vous ai parlé à loreille pour vous faire entendre ; qui a parlé à votre esprit pour vous faire comprendre? On nen peut douter; quelquun a parlé à votre coeur, dabord pour que le bruit de mes paroles produise une sensation sur votre ouïe, et ensuite pour quun rayon de la vérité vienne répandre son éclat sur ce même coeur : quelquun a parlé à votre âme, et ce quelquun, vous ne pouvez lapercevoir : si vous mavez compris, mes frères, il est sûr que votre âme a aussi entendu parler. Lintelligence est un don de Dieu. Qui donc a fait entendre à votre âme mes paroles, si vous en avez saisi le sens Celui-là même à qui le Psalmiste disait « Donnez-moi lintelligence, afin que japprenne à connaître vos décrets (1) ». Par exemple, lévêque a parlé. Qua-t-il dit ? demande quelquun. Tu lui expliques ce qua dit lévêque, et tu ajoutes : il a dit vrai. Alors un autre qui na pas compris, tadresse cette question : Qua dit lévêque, ou bien, que louanges-tu dans ses paroles ? Tous les deux mont entendu ; jai parlé à lun et à lautre ; mais Dieu lui-même a parlé à lun deux. Nous est-il permis de passer, par comparaison, du petit au grand ? Il y a entre lui et nous une si grande distance ! Néanmoins, Dieu opère en nous je ne sais quoi dincorporel et de spirituel : ce nest pas un son qui frappe nos oreilles, ce nest pas une couleur
1. Ps. CXVIII, 73.
qui se fasse distinguer de nos yeux ; ce nest pas non plus une odeur que perçoive notre odorat, ce nest pas davantage une saveur que puisse apprécier notre palais, ni un objet dur ou tendre sur lequel puisse agir le sens du toucher : pourtant, cest quelque chose quon peut facilement sentir, sans pouvoir, dailleurs, lexpliquer daucune façon. Si, comme javais commencé à le dire, Dieu parle à nos coeurs sans leur faire entendre aucun bruit, comment parle-t-il à son Fils ? Autant que possible, mes frères, faites-vous-en une idée dans le sens que je vous ai dit ; sil est permis détablir une comparaison entre les grandes choses et les petites, mettez-vous dans cet ordre didées. Le Père a parlé à son Fils dune manière incorporelle, parce quil la incorporellement engendré. Il na pas instruit son Fils, comme sil lavait engendré sans lui communiquer, en même temps, la science ; mais dire quil la instruit, cest dire quil la engendré sachant tout : par conséquent, ces paroles : «Mon Père ma instruit », signifient: Mon Père ma engendré, possédant la science, comme la vérité est simple de sa nature, (peu de personnes le comprennent ). Pour le Fils, être et savoir sont une seule et même chose: il tient donc la science de celui de qui il tient lexistence : il nen a pas reçu, dabord lêtre, et ensuite le savoir ; mais, en lengendrant il lui a communiqué la science, de la même manière quen lengendrant il lui a communiqué lexistence. Car, suivant que je lai dit, la vérité étant simple de sa nature, être et savoir ne sont pas, pour elle, une chose et une autre, mais une seule et même chose. 6. Voilà ce que le Sauveur dit aux Juifs, puis il ajouta : « Et Celui qui ma envoyé est avec moi ». Il lavait déjà dit auparavant; mais la chose était si importante, quil ne cesse dy revenir : « Il ma envoyé, et il est avec moi ». Sil est avec vous, Seigneur, lun ne sest pas séparé de lautre pour accomplir sa mission : vous êtes venus tous les deux. Quoique tous les deux soient ensemble, un seul, néanmoins, a été envoyé, et lautre la envoyé, parce quêtre envoyé, cest sincarner, et que lIncarnation est le fait, non pas du Père, mais du Fils seul. Le Père a donc envoyé le Fils, mais il ne sen est pas, séparé; car il se trouvait là où il la envoyé. De fait, où nest pas Celui qui a fait toutes [605] choses? Où nest -pas Celui qui a dit. « Je remplis le ciel et la terre (1) ? » Mais le Père serait peut-être partout, tandis que le Fils ne se trouverait quà un endroit? Écoute lÉvangéliste : « Il était en ce monde, et le monde a été fait par lui (2) ». Donc, dit-il, « Celui qui ma envoyé », Celui dont lautorité a été la cause de mon Incarnation, parce quelle était exercée sur moi par mon Père, Celui-là « est avec moi et il ne ma pas abandonné ». Pourquoi ne ma-t-il pas abandonné ? « Il ne ma pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît ». Son égalité avec le Père est de « toujours ». Elle ne date pas dune époque où elle aurait commencé pour se continuer ensuite : elle est sans commencement comme sans fin. La génération de Dieu na pas commencé dans le temps, parce que Celui qui a été engendré a lui-même créé tous les temps. 7. « Comme il parlait de la sorte, plusieurs crurent en lui ». Pendant que je parle moi-même, puissent bon nombre de ceux qui sinspiraient dautres idées, me comprendre et croire en lui ! Il y a peut-être en effet des Ariens dans la multitude qui mécoute : je noserais supposer quil sy trouve des Sabelliens, de ces hommes qui ne voient quune différence de nom entre le Père et le Fils : leur hérésie est trop vieille ; elle a peu à peu perdu ses forces. Pour celle des Ariens, on croirait lui voir faire quelques mouvements, comme semble en faire un cadavre qui tombe en pourriture, ou du moins, comme en fait dhabitude un homme arrivé à ses derniers moments : il faut donc en tirer ceux qui lui restent encore fidèles, comme le Christ a tiré de lerreur un grand nombre de ses auditeurs. La cité de Dieu ne les comptait pas au nombre de ses habitants ; mais beaucoup dentre eux sont venus y fixer leur demeure à la suite dune foule détrangers. Voilà comment, pendant que Jésus parlait, beaucoup de Juifs crurent en lui. Pendant que je parle moi-même, puissent les Ariens croire, non pas en moi, mais avec moi ! 8. « Jésus disait donc aux Juifs, qui avaient cru en lui : Si vous persévérez en ma parole ». Il dit : « Si vous persévérez », parce que vous avez été initiés, parce que vous avez commencé à être dans ma parole. « Si vous persévérez », cela sentend dans la foi qui
1. Jérém. XXIII, 24. 2. Jean, I, 10.
sest établie en vous, puisque vous croyez, où parviendrez-vous ? Voyez où lon aboutit en commençant de la sorte. Tu as établi avec joie les fondements de lédifice, dirige tes regards vers son couronnement. Pars de cette humble base, et tu arriveras à un point bien autrement élevé. La foi se fonde sur lhumilité : la connaissance, limmortalité et léternité y sont étrangères ; elles ne connaissent que la grandeur, une élévation exempte de toute défaillance, une incessante stabilité. Au sein de ce séjour, on ne redoute aucun combat malheureux avec des ennemis, on néprouve aucune crainte de déchoir. Ce qui commence par la foi est grand, mais on le méprise, comme les ignorants ont lhabitude de tenir peu de cas des fondements dun édifice. On creuse une fosse large et profonde, puis des pierres y sont jetées pêle-mêle ; le ciseau de louvrier ne les a point polies; on ny voit rien de remarquable. La racine dun arbre ne charme point les yeux ; cest delle, néanmoins, quest sorti tout ce qui, dans cet arbre, peut flatter la vue. Tu regardes la racine et tu néprouves aucun plaisir : tu es saisi dadmiration en considérant larbre. Insensé, pourquoi tébahir ? cet arbre nest-il pas sorti dune racine dont laspect ne dit rien à ton âme ? La foi des croyants semble avoir peu de prix, car tu nas pas de balance pour en supputer le poids. Écoute donc, je te dirai où elle aboutit : vois combien elle est précieuse ! Le Seigneur ne dit-il pas lui-même en un autre endroit : « Si vous aviez de la foi a comme un grain de sénevé (1) ? » Quoi de plus faible, quoi de plus fort ? quoi de plus petit, quoi de plus énergique ? Vous aussi, dit-il, « si vous persévérez dans ma parole »; à laquelle vous avez cru, où parviendrez-vous ? « Vous serez véritablement mes disciples ». Quel avantage nous en revient? « Et vous arriverez à la connaissance de la vérité ». 9. Mes frères, quelle récompense le Sauveur promet-il aux croyants ? « Et vous connaîtrez la vérité ». Eh quoi ! nétaient-ils pas arrivés à la connaître, quand il leur parlait ? Et sils ny étaient pas arrivés, comment ont-ils cru ? Ils nont point cru pour avoir connu la vérité , ils ont cru pour la connaître ; car nous croyons pour connaître, mais nous ne connaissons pas pour croire ;
1. Matth. XVII, 19.
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parce que nous connaîtrons ce que loeil de lhomme na point vu, ce que son oreille na point entendu, ce que son coeur na jamais compris (1). Quest-ce, en effet, quavoir la foi, si ce nest croire ce que tu ne vois pas? La foi est donc la croyance à ce que tu ne vois pas ; la vérité est la contemplation de ce que tu as cru. Le Sauveur la dit lui-même ailleurs. Cest dabord pour imposer le joug de la foi, que le Christ a vécu sur la terre. Il était homme, il sétait fait humble: tous le voyaient, mais tous ne le connaissaient pas; condamné par beaucoup, mis à mort par la multitude, il nétait regretté que dun petit nombre, et encore le peu de personnes qui le pleuraient ne le connaissaient-ils point pour ce quil était en réalité. Voilà comme les éléments primitifs du corps de la foi et de lédifice qui devait sélever plus tard. Cest dans cette pensée que le Christ a dit quelque part: « Celui qui maime, observe mes commandements ; et celui qui maime sera aimé de mon Père, et je laimerai aussi, et je me montrerai à lui (2) ». Ceux qui lentendaient, le voyaient déjà: néanmoins, il leur promettait de se montrer à eux, sils laimaient. Il en est de même ici : « Vous connaîtrez la vérité ». Eh quoi ! ce que vous avez dit nest-il pas la vérité ? Oui, cest la vérité, mais on la croit encore, parce quon ne la voit pas. Si lon persévère dans ce quon croit, on parvient à ce que lon doit voir. Aussi le saint évangéliste Jean dit-il dans son épître : « Mes bien-aimés, nous sommes les enfants de Dieu ; mais ce que nous serons un jour ne paraît pas encore ». Nous, sommes déjà quelque chose, et nous serons autre chose. Que serons-nous de plus que ce que nous sommes ? Ecoute : « Ce que nous serons un jour napparaît pas encore : nous savons que, quand il viendra dans sa gloire, nous serons semblables à lui ». Comment cela ? « Parce que nous le verrons tel quil est (3) ». Magnifique promesse ! Mais cest la récompense de la foi. Tu désires la récompense, travaille donc pour la mériter. Si tu crois, tu as le droit dexiger la récompense de ta foi ; mais si tu ne crois pas, de quel front la demandes-tu ? « Si donc, vous persévérez dans ma parole; vous serez vraiment mes disciples », et par là, vous contemplerez la vérité même, telle quelle est : vous ne la connaîtrez pas au moyen de
1. Isa. LXIV, 4; 1 Cor. II, 9. 1 Jean, XIV, 21. 3. I Jean, III, 2.
paroles humaines : lorsque Dieu aura fait briller à nos yeux les rayons de son éblouissante lumière, selon lexpression du Psalmiste : « Seigneur, vous avez fait briller à nos yeux léclat de votre visages (1) », cette lumière vous la fera voir. Nous sommes la monnaie de Dieu, mais nous ressemblons à des pièces dor sorties du trésor divin : lerreur a effacé les traits de la vérité que Dieu avait imprimés dans notre âme : parce quil nous avait formés, il est venu nous réformer; il réclame la monnaie qui lui appartient, comme César réclame la sienne ; cest pourquoi il a dit: « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (2) ». A César, la monnaie vous-mêmes, à Dieu. Alors donc, les traits de la vérité seront imprimés dans nos coeurs. 10. Que dirai-je maintenant à votre charité? Ah ! si seulement notre coeur soupirait tant soit peu après cette gloire ineffable ! Si nous sentions que nous sommes ici-bas en un lieu dexil ! Si nous en gémissions au lieu de concentrer nos affections sur ce bas monde ! Si nous tendions sans cesse, par les efforts dune âme pieuse, vers celui qui nous a appelés ! Nos désirs, cest le fond de notre coeur : si nous leur donnons toute lénergie possible, nous obtiendrons la récompense. Les divines Ecritures, les assemblées du peuple, la célébration des saints mystères, le saint baptême, le chant des louanges de Dieu, et les explications que nous donnons de lEvangile contribuent non-seulement à semer et à faire germer en nous ce désir, mais encore à laugmenter et à lui donner de telles proportions, quil soit capable dembrasser ce que loeil de lhomme na point vu, ce que son oreille na point entendu, ce que son coeur na jamais compris. Mais aimez avec moi. Celui qui aime Dieu, naime pas beaucoup les richesses. Jai touché du doigt la plaie, mais je nai pas osé dire quil naime pas les richesses; jai dit quil ne les aime pas beaucoup, comme si on pouvait leur donner ses affections, à condition de ne pas les aimer beaucoup. Ah ! si nous aimions Dieu comme nous le devons, nous naimerions pas du tout largent. La fortune serait pour toi un moyen de vivre ici-bas avec moins de difficulté, mais elle ne servi. rait pas à aiguiser tes convoitises : tu lutiliserais à adoucir les besoins, et non à te procurer du plaisir. Aime Dieu, si ce que tu
1. Ps. IV, 7. 2.Matth. XXII, 21.
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entends, si ce que tu loues a produit sur ton âme quelque impression. Sers-toi du monde, mais nen deviens pas lesclave. Tu y es entré, tu y fournis ta carrière, tu y es venu, non pour y rester, mais pour en sortir : tu y fais ton chemin, mais il nest pour toi quune hôtellerie. Use des richesses, comme le voyageur, arrêté dans une hôtellerie, use de la table, du verre, de lamphore, du lit dont il ne se sert quen passant, puisquil doit bientôt partir. Si vous êtes tels que je viens de le dire, que ceux dentre vous qui le peuvent, élèvent leur coeur et mécoutent ; si vous êtes ce que jai dit, vous arriverez à posséder ce que le Christ vous a promis. De votre côté, nul besoin de grands efforts, car celui qui vous a appelés est tout-puissant. Il vous a appelés, invoquez-le ; dites-lui : Vous nous avez appelés, nous vous invoquons : nous avons entendu votre voix, écoutez notre prière : conduisez-nous à la récompense que vous nous avez promise, achevez en nous ce que vous y avez commencé ; ne délaissez point vos dons, ne négligez pas votre champ: que votre moisson trouve un jour place dans vos greniers. Ici-bas les épreuves surabondent, mais celui qui a créé le monde, est plus fort quelles. Les épreuves surabondent, mais on ny succombe pas, lorsquon espère en Celui qui nest sujet à aucune défaillance. 11. Je vous ai, mes frères, adressé cette exhortation, parce que la liberté, dont nous parle Notre-Seigneur Jésus-Christ, nest pas de ce monde. Voyez ce quil a ajouté : « Vous serez vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira ». Quest-ce à dire : « Elle vous affranchira? » Elle vous rendra libres. Enfin, les Juifs charnels, et qui jugeaient des paroles du Sauveur dans un sens charnel, non pas ceux qui croyaient en lui, mais ceux de lassemblée qui ny croyaient pas, se regardèrent comme insultés, parce quil leur avait dit : « La vérité vous affranchira ». Ils sirritèrent donc de ce que le Sauveur les avait traités desclaves: Pourtant, ils en étaient de véritables : aussi leur explique-t-il en quoi consiste lesclavage, et leur fait-il connaître les caractères de la liberté quil promet pour lavenir. Mais , pour aujourdhui , il serait trop long de disserter de cette liberté et de cette servitude.
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