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CINQUANTE-SIXIÈME TRAITÉ.DEPUIS CES PAROLES : « IL VINT DONC A SIMON PIERRE », JUSQUÀ CES AUTRES : « CELUI QUI EST LAVÉ NA PLUS BESOIN QUE DE SE LAVER LES PIEDS ; ET IL EST PUR TOUT ENTIER ». (Chap. XIII, 6-10.)LE LAVEMENT DES PIEDS.
Sétant levé de table et ceint dun linge, le Sauveur sapprocha de Pierre pour lui laver les pieds; à cette vue, Pierre sécria: Non, Seigneur ! Alors, tu nauras point de part avec moi. Lavez-moi donc aussi la tête et les mains. Celui qui est pur na besoin que de se laver les pieds. En effet, si pures que soient notre conscience et nos intentions, nous touchons au monde, au moins par nos pieds, cest-à-dire, nos affections, et il est impossible que ce contact ne nous communique pas quelque souillure.
1. Lorsque le Seigneur lavait les pieds des disciples, « il vint à Simon Pierre, et Pierre lui dit: Seigneur, vous me lavez les pieds? » En effet, qui neût été effrayé de voir le Fils de Dieu lui laver les pieds? Aussi quelle témérité, pour un serviteur, de résister à son maître, pour un homme, de résister à son Dieu ! Néanmoins, Pierre aima mieux prendre ce parti que de souffrir que son Seigneur et son Dieu lui lavât les pieds. Nous ne devons pas croire que seul entre les, autres il ait éprouvé cette répugnance et résisté, tandis que les autres avant lui auraient laissé faire le Sauveur sans lui opposer aucune résistance. Il serait plus facile, sans doute, dentendre en ce sens les paroles de notre Evangile ; car après ces mots : « Jésus commença à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint », il est dit : « Il vint donc à Simon Pierre », comme si Jésus avait déjà lavé les pieds à quelques-uns de ses disciples, et nétait venu quensuite au premier dentre eux. Tout le monde sait, en effet, que le premier des Apôtres était le bienheureux Pierre. Mais il faut bien se garder dentendre ainsi ce que dit Jean. Ce nest pas après les autres que Jésus est venu à Pierre ; mais cest par lui quil commença. Quand il commença à laver les pieds des disciples, il vint à celui par lequel il commença, cest-à-dire à Pierre . effrayé alors comme tout autre laurait été à sa place, Pierre lui dit : « Seigneur, vous me lavez les pieds? » Qui êtes-vous et qui suis-je ? Il faut nous contenter dimaginer ces choses sans nous hasarder à les dire. Car si nos pensées sélevaient à la hauteur dun pareil sujet, notre langue ne pourrait peut-être lexprimer. 2. Mais « Jésus lui répondit et lui dit : Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant; mais tu le sauras plus tard ». Et cependant, effrayé de la grandeur de ce que voulait faire son Maître, Pierre ne voulait pas le souffrir; ignorant pourquoi il le faisait, il ne pouvait souffrir de voir Jésus-Christ sabaisser et se mettre à ses pieds. « De léternité », lui dit-il, « vous ne me laverez les pieds ». Que veut dire : « de léternité? » Jamais je ne le supporterai, jamais je ne le souffrirai, jamais je ne le permettrai ; car ce qui ne se fait jamais ne se fait pas de léternité. Alors, pour réduire ce malade qui résiste et lui montrer le péril où il sexpose, le Sauveur lui dit : « Si je ne te lave », lui dit-il, « tu nauras point de part avec moi ». Il lui dit : « Si je ne te lave », et pourtant il ne sagissait que des pieds; cest ainsi quon dit à un homme : Tu mécrases, quoique le pied seul ait été foulé. Alors Pierre,
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troublé et par lamour et par la crainte, mais craignant encore plus de se voir enlever Jésus-Christ que de le voir sabaisser à ses pieds, lui dit : « Seigneur, non-seulement les a pieds, mais aussi les mains et la tête ». Après une telle menace, non-seulement je ne refuse pas de vous donner à laver mes membres les plus bas, mais jabaisse devant vous les plus élevés pour que vous les purifiiez. Il ny a aucune partie de mon corps que je ne vous laisse laver, plutôt que de mexposer à navoir point. de part avec vous. 3. « Jésus lui dit : Celui qui est lavé, na besoin que de se laver les pieds, et il est pur tout entier » . Ici peut-être quelquun va sémouvoir et sécrier : Mais sil est pur tout entier, à quoi bon lui laver les pieds ? Le Seigneur, assurément, savait ce quil voulait dire, quoique notre faiblesse ne puisse en pénétrer le secret. Cependant, autant que me le permettra ce quil a plu au Seigneur de mapprendre de sa loi, selon mes forces, et selon mes facultés, jessaierai, avec le secours de Dieu, de répondre à cette profonde question. Dabord ces deux expressions ne se contredisent pas, je vous le montrerai aisément. En effet, quelle règle serait blessée, si lon disait : Il est pur tout entier, hors les pieds? il serait sans doute plus conforme à lélégance de dire : Il est pur tout entier, si ce nest les pieds : lun vaut lautre. Le Seigneur dit donc : Il na besoin que de se laver les pieds; « car il est pur a tout entier ». Tout entier, excepté les pieds, ou bien, si ce nest les pieds, quil a besoin de laver. 4. Mais quest-ce que tout cela? A quoi bon toute ces recherches? Quest-ce que cela? Le Seigneur parle, la Vérité nous dit que celui-là même qui est pur a besoin de laver ses pieds. A votre avis, quel sens attacher à ces paroles? Le voici : bien que lhomme soit lavé tout entier dans le baptême, et ici nous nexceptons pas même ses pieds, et nous parlons de sa personne tout entière ; cependant, quand ensuite il vit au milieu des affaires humaines, il est obligé de marcher sur la terre. Alors les affections terrestres sans lesquelles il est impossible de vivre en cette vie mortelle sont comme les pieds par lesquels les choses humaines entrent en contact avec nous, et elles nous touchent; de telle sorte que si nous disons navoir pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité nest point en nous (1). Chaque jour celui qui intercède pour nous nous lave les pieds (2); et chaque jour nous avouons que nous avons besoin de nous laver les pieds, cest-à-dire de redresser même nos démarches spirituelles, puisque dans loraison dominicale nous disons : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (3) ». En effet si, comme il est écrit, « nous confessons nos péchés », assurément celui qui a lavé les pieds de ses disciples « est fidèle et juste, il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de toutes nos iniquités (4) ». Cest-à-dire, il lavera jusquaux pieds avec lesquels nous avançons dans le chemin de la vie. 5. Ainsi lEglise que Jésus-Christ a purifiée dans le baptême de leau par sa parole est sans tache et sans ride (5), non-seulement dans ceux qui sortent de cette vie immédiatement après le baptême, et ne touchent point la terre qui pourrait souiller leurs pieds; mais encore dans ceux à qui Dieu a fait la grâce de ne sortir de cette vie quaprès avoir lavé leurs pieds. Quoiquelle soit pure aussi dans ceux de ses membres qui demeurent ici-bas, puisquils vivent dans la justice, ils ont cependant besoin de laver leurs pieds, parce quils ne sont pas absolument sans péché. Cest pourquoi elle dit dans le Cantique des cantiques : « Jai lavé mes pieds, comment les souiller encore (6) ? » Cest ce quelle dit lorsquelle est forcée de venir à Jésus-Christ et de fouler la terre pour arriver jusquà lui. Mais voici une autre difficulté. Jésus-Christ nest-il point en haut? nest-il pas monté au ciel , et ne sest-il pas assis à la droite du Père? LApôtre ne nous crie-t-il pas : « Si donc vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, recherchez les choses du ciel où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu, cherchez ce qui est en haut, non ce qui est sur la terre (7)? » Comment donc, pour aller à Jésus-Christ, sommes-nous forcés de fouler la terre, puisquau contraire nous devons élever nos coeurs en haut, afin de pouvoir être avec lui ? Vous voyez, mes frères, que le peu de temps qui nous reste aujourdhui ne me permet pas de traiter cette question. Si, par hasard, vous ne voyez guère combien elle a besoin dêtre discutée à fond, moi, je ne le vois que trop; je vous 1. Jean, I, 8. 2. Rom. VIII, 34. 3. Matth. VI, 12. 4. 1 Jean, I, 9. 5. Ephés. V, 26, 27. 6. Cant. V, 3. 7. Coloss. III, 1, 2.
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demande donc de vouloir bien la remettre à une autre fois, plutôt que de la traiter superficiellement ou trop rapidement; pour être prolongée, votre attente ne sera pas trompée; car le Seigneur qui me rend votre débiteur maidera à acquitter ma dette.
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