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VINGT-HUITIÈME TRAITÉ.DEPUIS CES PAROLES DE LÉVANGILE : « APRÈS CELA, JÉSUS SAVANÇA DANS LA GALILÉE », JUSQUÀ CES AUTRES: « TOUTEFOIS, NUL NE PARLAIT OUVERTEMENT DE LUI, DANS LA CRAINTE DES JUIFS ». (Chap. VII, 1-13.)LE DIEU HOMME.
Jésus-Christ était en même temps Dieu et homme; comme Dieu, possédant une puissance infinie; comme homme, souffrant et donnant à ses membres fidèles lexemple de ce quils peuvent et doivent faire. pour éviter les persécutions des Juifs, il s'était retiré en Galilée, Au moment de la scénophagie, ses parents, hommes charnels, auraient voulu le décider à se rendre à Jérusalem pour ly voir opérer des miracles et acquérir un renom. Mais lheure de la gloire nétait pas encore venue pour lui; elle ne devait sonner quaprès une vie dhumiliations et doublis; aussi ne monta-t-il au temple que vers le milieu de la fête, et en secret, afin de ne pas mériter les éloges des mondains. Ainsi doit-il en être de nous pendant le pèlerinage de cette vie : nous ne devons chercher à être connus et glorifiés de personne ici-bas : la gloire du ciel est la seule à laquelle nous devons tendre.
1. Dans ce chapitre de lEvangile , mes frères, Notre-Seigneur Jésus-Christ se propose souvent comme homme à notre foi ; car mes paroles et ses actes y tendent sans cesse à nous faire reconnaître en lui le Dieu et lHomme le Dieu qui nous a créés, lhomme qui nous a recherchés; le Dieu éternellement avec son Père, lhomme avec nous dans le temps. Il naurait point recherché sa créature, sil nétait devenu semblable à elle. Mais rappelez-vous-le bien; que vos coeurs en conservent toujours le souvenir : le Christ sest fait homme sans cesser dêtre Dieu. Tout en restant Dieu, il sest revêtu de lhumanité quil avait créée. Aussi, quand sa grandeur divine se cacha sous la faiblesse de lhomme, il nen conserva pas moins sa puissance suprême, et nous ne devons voir, dans son incarnation, quun moyen de nous servir dexemple au milieu de nos douleurs. Il est, en effet, tombé au pouvoir de ses ennemis, il na été mis à mort quau moment où il y a consenti. Mais parce quil devait sadjoindre des membres, cest-à-dire des fidèles qui ne posséderaient pas la même puissance que lui, puisquil était Dieu, il se cachait, il se dérobait aux poursuites des Juifs, comme pour éviter la mort, et ainsi donnait-il à entendre que plus tard ses membres suniraient à lui, et quil serait en chacun deux. Car le Christ nest pas seulement chef : il est aussi corps, et pour être dans sa perfection, il faut quil soit tête et corps tout ensemble. Ce que sont ses membres, il lest donc lui-même; mais ce quil est, ses membres ne le sont pas de prime-abord. Si ses membres nétaient pas un autre lui-même, dirait-il : « Saul, pourquoi me persécuter (1)? » Car ce nétait pas lui en personne que Saul persécutait sur la terre : cétaient ses membres, cest-à-dire ses fidèles ; néanmoins, il ne les appelle ni ses saints, ni ses serviteurs, ni enfin, dune manière plus honorable : ses frères ; en parlant deux, il dit : Moi, ou, en dautres termes mes membres, dont je suis le chef. 2. Daprès ce qui précède, le chapitre quon vient de lire ne nous offrira aucune difficulté; car souvent nous y verrons se réaliser dans le chef ce qui devait avoir ensuite lieu dans le corps. « Après cela, Jésus savança dans la Galilée, car il ne voulait point aller dans la Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir ». Voilà bien ce que jai dit : le Sauveur servait dexemple à notre fragilité. Il navait rien perdu de sa
1. Act. IX, 4.
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puissance, mais il nous consolait dans notre faiblesse. Car suivant la remarque que jen ai faite, il devait arriver que quelque fidèle se cacherait pour échapper aux recherches de ses persécuteurs ; et afin quon ne pût faire à ce chrétien un crime de sa fuite, le Christ sest dérobé le premier aux poursuites des Juifs ; il nest arrivé aux membres que ce qui était dabord arrivé au chef. « Il ne voulait point aller dans la Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir». Comme sil ne pouvait voyager au milieu des Juifs, sans quils le fissent mourir. Il donna, quand il voulut, la preuve du pouvoir quil avait de leur échapper ; car, au moment de sa passion, ils cherchèrent à mettre la main sur lui ; alors il leur dit : « Qui cherchez-vous? « Ils lui répondirent : Jésus. Et il leur dit : Cest moi ». Certes, il ne se cachait pas ; il se faisait nettement connaître. A cette réponse, ils ne purent se tenir debout ; mais, « reculant en arrière, ils tombèrent (1) ». Or, parce quil était venu en ce monde pour souffrir, ils se relevèrent, semparèrent de sa personne, le traduisirent au tribunal de Pilate et le mirent à mort. Mais quel fut le résultat de leur conduite? LEcriture nous le dit quelque part : « La terre fut livrée aux méchants (2)». Il abandonna son corps entre les mains des Juifs, afin que le prix de notre rédemption sen échappât, comme du sein dune bourse déchirée. 3. « Or, la fête des Juifs, appelée scénophagie, était proche ». Quétait-ce que la scénophagie? Ceux qui lisent 1Ecriture le savent. En ce jour de fête, les Juifs se faisaient des tentes pareilles à celles qui leur servaient dabri dans le désert, après la sortie dEgypte. Ce jour là était un jour de fête, une grande solennité. Les Juifs la célébraient, comme pour se rappeler le souvenir des bienfaits de leur Dieu, et de fait, ils se préparaient à faire mourir ce même Dieu. Or, en ce jour de fête, (les Juifs en solennisaient plusieurs, et ils donnaient à celui-ci le nom de scénophagie, parce quil nétait pas le seul, mais quil y en avait encore dautres ;) « les frères » du Seigneur Christ vinrent lui parler. Vous nignorez pas le sens quil faut donner au mot « frères » du Seigneur : ces paroles nont rien de nouveau pour vous. On donnait le nom de frères du Seigneur aux parents de la
1. Jean, XVIII, 4-6. 2. Job, IX, 24.
vierge Marie. LEcriture donne habituellement le nom de frères à tous les parents, et à ceux qui étaient presque parents ; nous ne nous exprimons pas de la même manière, parte que cet usage nest pas entré dans nos moeurs. Parmi nous, en effet, qui est-ce qui saviserait de donner le nom de frère à son oncle et au fils de sa soeur? A des parents de ce degré, lEcriture le donne pourtant. Effectivement, Abraham et Loth sont appelés frères, quoiquAbraham fût loncle paternel de Loth (1). Il en est de même de Laban et de Jacob, et cependant celui-ci était le neveu de celui-là (2). Ainsi, rappelez-vous que les frères du Seigneur nétaient autres que les parents de Marie ; car elle ne donna jamais le jour à dautres enfants. De même, en effet, que le sépulcre dans lequel fut déposé le corps du Sauveur ne servit de tombeau à personne, ni avant ni après ; de même, Marie ne conçut aucun homme dans son sein, ni avant ni après Jésus-Christ. 4. Nous venons de dire quels étaient ces frères du Seigneur, écoutons maintenant ce quils ont dit : « Partez dici, et allez en Judée, afin que vos disciples aussi voient les oeuvres que vous faites ». Les disciples du Sauveur connaissaient ses oeuvres, mais ceux. ci ne les connaissaient pas. Car, en qualité de frères, cest-à-dire de parents, ils pouvaient bien regarder le Christ comme un de leurs proches; mais à cause de leur parenté, il leur répugnait de croire en lui. LEvangile lui-même nous le dit : nous noserions le penser de nous-mêmes, mais nous en sommes sûrs pour lavoir entendu. Ils ajoutent cet avertissement: « On ne fait rien en secret, lorsquon cherche à se faire connaître. Si vous faites ces choses , montrez-vous vous-même au monde ». « Car », dit immédiatement lEvangéliste, « ses frères mêmes ne croyaient point en lui ». Pourquoi ne croyaient-ils pas en lui ? Parce quils recherchaient la gloire de ce monde ; car si les frères du Sauveur semblent lui donner un conseil, cest quils veulent assurer sa renommée. Vous faites des merveilles, manifestez-les donc au grand jour ; cest-à-dire, montrez-vous à tous, afin que tous proclament vos louanges. Cétait la chair qui parlait à la chair, mais la chair séparée de Dieu, à la chair unie à Dieu: la prudence de la chair parlait au Verbe, qui
1. Gen. XI, 27, 31; XIII, 8; XCV, 14. 2. Id. XXVIII, 2 ; XXIX, 10,15.
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sest fait chair et qui a habité parmi nous (1) ». 5. Que répondit à cela le Seigneur? « Or, Jésus leur dit : Mon temps nest point encore venu; mais votre temps est toujours prêt ». Eh quoi ! le temps du Christ nétait-il pas encore arrivé? Pourquoi donc le Christ était-il menu, si son temps ne létait pas encore? Navons-nous pas entendu dire à lApôtre: « Mais lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils (2)? » Si donc le Christ a été envoyé dans la plénitude des temps, il la été quand il a dû lêtre ; il est venu, quand il a fallu quil vînt. Quel est donc le sens de ces paroles : « Mon temps nest pas encore arrivé? » Comprenez bien, mes frères, dans quelle intention lui parlaient ces hommes, peu semblaient lui donner des conseils comme à un frère. Ils lengageaient à acquérir de la gloire ; dominés par je ne sais quel sentiment mondain et terrestre, ils le priaient de ne point rester dans lobscurité et loubli. A des gens qui le conjuraient de penser à la gloire, dire; « Mon temps nest pas encore venu », cétait dire : Le temps de ma gloire nest pas encore arrivé. Voyez combien est profond le sens de ces paroles on lui parlait dacquérir de la gloire , pour lui, il a voulu que sa pudeur fût précédée par les humiliations la voulu que le chemin pour arriver à lélévation fût celui de lhumilité. Ceux de ses disciples qui désiraient sasseoir, lun à sa droite, lautre à sa gauche, recherchaient aussi la gloire : ils considéraient le but, mais ils ne considéraient pas la voie à suivre. Afin quils pussent arriver à la céleste patrie selon les règles de la justice, le Sauveur les ramena au chemin qui y conduit. La patrie est élevée ; humble est la voie. La patrie, cest la vie du Christ : la voie, cest sa mort. Le séjour du Christ, voilà la patrie ; sa passion, voilà le chemin qui y mène. Pourquoi prétendre entrer dans la pairie, si lon refuse den suivre le chemin? Enfin, telle fut sa réponse à ceux qui recherchaient la grandeur : « Pouvez-vous boire le calice que je boirai moi-même (3)? » Voilà par quel chemin on arrive lélévation que vous désirez. Le calice dont il leur parlait était celui des humiliations et des souffrances. 6. Il dit ici dans le même sens : « Mon temps nest pas encore venu, mais votre temps », cest-à-dire la gloire mondaine,
1. Jean, 1, 14. 2. Galat. IV, 4. 3. Matth. XX, 21, 22.
« est toujours prêt ». Voilà bien le temps dont le Christ, cest-à-dire le corps du Christ, parle par la bouche du Prophète . « Quand le temps sera venu pour moi, je jugerai les justices (1) ». Maintenant, cest le temps, non pas de juger les méchants, mais de les supporter. Que le corps du Christ supporte donc et tolère à présent les iniquités de ceux qui se conduisent mal : quil ait aujourdhui pour lui la justice ; plus tard, il exercera le jugement : cest par la pratique de la justice quon arrive à juger les pécheurs. Voici ce que lécrivain sacré dit, en un psaume, à ceux qui supportent les iniquités de ce monde: « Le Seigneur ne rejettera point son peuple». Ce peuple souffre au milieu des méchants, des pécheurs, des blasphémateurs, de ceux qui murmurent et médisent contre lui, qui le persécutent et le font périr, quand ils le peuvent. Oui, il souffre, « mais le Seigneur ne rejettera point son peuple; il ne délaissera pas son héritage, jusquan jour où la justice rendra les jugements (2)». « Jusquà ce que la justice», qui se trouve aujourdhui dans ses saints, « rendra ses jugements », au moment où saccomplira pour eux celle parole, que leur a adressée le Sauveur : « Vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus dIsraël (3) ». LApôtre avait déjà la justice, mais il nexerçait pas encore le jugement dont il parle, quand il dit : « Ignorez-vous que nous jugerons les anges (4)? » Que ce soit donc pour nous maintenant le temps de bien vivre : plus tard, viendra le temps de juger ceux qui auront mal vécu. « Jusquau jour où », suivant le Psalmiste, « la justice rendra les jugements ». Ce sera le temps du jugement, dont le Christ a dit, tout à lheure: « Mon temps nest pas encore venu». Ce sera le temps de la gloire, et alors viendra dans la grandeur celui qui est venu dans les abaissements. Celui qui est venu pour être jugé viendra pour rendre ses jugements celui qui est venu pour mourir de la main de gens morts, viendra juger les vivants et les morts. « Il viendra, notre Dieu », dit le Psalmiste; « il apparaîtra et sortira de son silence (5) ». Pourquoi : « Il apparaîtra? » Parce que, quand il est venu, il sest caché. Alors il ne gardera pas le silence, parce que, quand il est venu, il sest caché, « il a été conduit à la
1. Ps. LXXIV, 3. 2. Id. XCIII, 14, 15. 3. Matth. XIX, 28. 4. I Cor. VI, 3. 5. Ps. XLIX, 3.
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mort comme une brebis, et pareil à un agneau qui se tait devant celui qui le tond, il na pas ouvert la bouche (1) ». Il viendra et ne se taira pas. « Je me suis tû : me tairai-je toujours (2)? » 7. Mais quest-ce qui est nécessaire à ceux qui ont la justice? Ce que nous lisons dans le psaume précité: «Jusquau jour où la justice rendra les jugements; et près delle seront ceux qui la possèdent et ont le coeur droit ». Vous désirez peut-être savoir quels hommes ont le coeur droit. Selon le langage de lEcriture, les hommes au coeur droit sont ceux qui endurent les peines de la vie sans en accuser Dieu. Voyez, mes frères, combien est rare cet oiseau dont je parle. Quand un homme voit fondre sur lui quelque malheur, je ne sais vraiment de quelle manière il court pour accuser plus vite le Seigneur, tandis quil ne devrait accuser que lui-même. Quand tu fais un peu de bien, tu ten vantes; et quand il tarrive quelque infortune, tu en accuses Dieu. Cest là le propre dun coeur tordu, et non la preuve dun coeur droit. Corrige-toi de cette distorsion et de cette méchanceté de ton coeur, et alors tu agiras dune manière toute différente. Que faisais-tu précédemment? Tu attribuais à toi-même le bien qui te venait de Dieu, et tu attribuais à Dieu le mal dont tu étais lauteur. Si tu changes ton coeur et lui donnes une autre direction, tu loueras le Seigneur dans ses bienfaits, et tu taccuseras toi-même au milieu de tes maux. Voilà ce que font les hommes dun coeur droit. Enfin, le Prophète navait pas encore ce cur droit quand le spectacle de la félicité des méchants et les peines des justes le révoltaient; mais il était corrigé, quand il disait: « Que le Dieu dIsraël est bon pour ceux qui ont le coeur droit! » Quand je navais pas encore le coeur droit, « mes pieds se sont presque égarés, mes pas ont presque chancelé ». Pourquoi? « Parce que je me suis indigné contre les pécheurs, en voyant la paix des impies (3) ». Jai vu, dit-il, les méchants au sein du bonheur, et, en cela, la conduite de Dieu ma déplu ; car jaurais voulu que jamais il ne permît aux méchants dêtre heureux. Il faut que lhomme le comprenne bien : Jamais Dieu ne permet pareille chose ; et si lon croit les méchants heureux, cest parce quon ne sait pas en quoi
1. Isa. LIII, 7. 2. Id. XLII, 14 suiv. les Septante. 3. Ps. LXXII, 1-3.
consiste le bonheur. Ayons donc le coeur droit; le temps de la gloire nest pas encore venu pour nous. Il faut dire à ceux qui aiment le monde, comme laimaient les frères du Seigneur : « Votre temps est toujours prêt, mais le, nôtre nest pas encore venu ». Ne craignons pas de leur tenir nous-mêmes ce langage. Et parce que nous formons te corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, parce que nous sommes ses membres, parce que nous le reconnaissons avec bonheur pour notre chef, répétons encore une fois ces paroles quil a daigné prononcer lui-même à cause de nous. Quand les amateurs de ce monde nous insultent, répondons-leur : « Votre temps est toujours prêt; le nôtre nest pas encore venu». Car lApôtre nous a dit : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ ». Mais notre temps, quand viendra. t-il? « Lorsque Jésus-Christ, qui est notre vie, paraîtra, vous paraîtrez avec lui dans la gloire (1) ». 8. Que dit ensuite le Sauveur? « Le monde ne peut vous avoir en haine ». Que veulent dire ces paroles? Sans doute : le monde ne peut haïr ceux qui laiment, les faux témoins; car vous appelez bien ce qui est mal, et mal ce qui est bien. « Mais pour moi, il me déteste, parce que je rends de lui ce témoignage que ses oeuvres sont mauvaises. Quant à vous, montez à cette fête ». Quest-ce à dire : « Cette fête? » Où vous désirez trouver la gloire de ce monde. Quest-ce à dire : « cette fête? » Où vous prétendez vous réjouir dune joie charnelle, où vous oubliez les joies éternelles. « Moi, je ny monte point encore, parce que mon temps nest pas accompli ». Vous cherchez, en ce jour de fête, à acquérir de la gloire humaine ; mais « mon temps», cest-à-dire le temps de ma gloire, « nest pas encore venu ». Mon jour de fête ne devancera ni ne dépassera les jours solennels de la loi, mais il durera toujours : ce sera alors vraiment la fête; ce sera une joie sans fin, une éternité sans limites, une lumière sans ombres. « Et leur ayant ainsi parlé, il demeura en Galilée. Et, quand ses frères furent partis, il monta aussi à la fête, non pas publiquement, mais comme en secret ». Il ne monta donc pas « pour cette fête », parce quil ne voulait pas sattirer une renommée mondaine; il désirait leur donner un conseil
1. Colos. III, 3, 4.
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salutaire, apporter un remède à la faiblesse de leurs vues trop humaines, les porter à penser aux fêtes de léternité, détourner de ce monde leurs affections, et les reporter vers lieu. Mais pourquoi « monta-t-il comme en secret à la fête? » Le Seigneur le sait. A non avis, par ce fait, même quil est monté anime en secret à la fête, il a voulu nous donner un enseignement; car la suite nous apprendra quil est monté à Jérusalem au milieu même de la fête, cest-à-dire pendant ces jours de fête, afin de prêcher en public; mais lEvangile se sert de ces mots : « comme en secret», pour dire que le Sauveur navait pas lintention de sattirer les louanges des hommes. Il est évident que le Christ monta en secret à la fête, puisque, ce jour-là, il se cochait; ce que jai dit moi-même est encore chose cachée pour beaucoup. Aussi, puisse-t-on le connaître! Puisse le voile se soulever, et ce qui nous était inconnu, nous apparaître clairement. 9. Tout ce qui a été dit à lancien peuple dIsraël dans les nombreuses pages de la loi le Dieu, tout ce qui se faisait soit dans les sacrifices, soit dans les choses du sacerdoce, soit dans les jours de fête, soit dans les circonstances relatives au culte rendu à Dieu par les Juifs, tout ce qui leur a été dit et commandé na été que la figure de ce qui devait avoir lieu plus tard. Et quest-ce qui devait avoir lieu? Ce qui sest accompli en Jésus-Christ, Voilà pourquoi lApôtre a dit: « Toutes les promesses de Dieu ont en lui leur vérité (1) » : cest-à-dire, se sont réalisées en lui. Il ajoute, en un autre endroit : « Toutes ces choses qui leur arrivaient, étaient des figures, et elles ont été écrites pour nous instruire, nous qui nous trouvons à la fin des temps (2)». Il a dit ailleurs: « Jésus-Christ est la fin de la loi (3) »; et encore: « Que personne ne vous condamne pour le manger, ou pour le boire, ou à cause des jours de fête, des nouvelles lunes et des jours de sabbat, puisque toutes ces choses nont été que lombre de celles qui devaient arriver (4) ». Si tout cela nétait que lombre de lavenir, ainsi en était-il de la scénophagie. De quoi ce jour de fête pouvait-il être la figure? Cherchons à le savoir. Je vous ai dit ce quétait la scénophagie: cétait la fête des tabernacles, instituée en
1. II Cor. I. 20. 2. I Cor. X, 11. 3. Rois, X, 4. 4. Coloss. II, 16, 17.
mémoire de ce que le peuple juif, délivré de la captivité dEgypte, et marchant dans la solitude du désert vers la terre promise, avait habité sous des tentes. Examinons bien ce quétait cette fête, et remarquons quelle sera aussi notre fête à nous, qui sommes les membres du Christ, si tant est que nous en soyons les membres ; au cas que nous soyons ses membres, cest leffet de la grâce, et non pas celui de nos mérites. Reportons donc sur nous notre attention, mes frères: nous avons été conduits hors de lEgypte, où, comme un autre Pharaon, le démon nous tenait sous sa dépendance : esclaves de nos désirs terrestres, nous y faisions des ouvrages de boue, et dans ce travail, nous souffrions beaucoup; aussi, le Sauveur sadressant à nous, comme à des ouvriers qui fout des briques, nous a-t-il dit « Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés (1) ». Le baptême nous a fait sortir de là et traverser la mer Rouge : elle était vraiment rouge, cette mer, puisque ses eaux ont été sanctifiées par le sang du Christ: tous les ennemis qui nous poursuivaient, la mort nous en a délivrés: en dautres termes, tous nos péchés ont été effacés. Aujourdhui, avant darriver à la terre de promission, cest-à-dire au royaume éternel, nous sommes au désert, nous habitons sous des tentes. Ceux qui me comprennent, habitent sous des tentes, et il devait se faire que plusieurs comprendraient. Celui-là habite sous une tente, qui se reconnaît comme voyageur sur la terre celui-là se reconnaît comme étranger ici-bas, qui soupire après la patrie. Or, puisque le corps du Christ se trouve sous les tentes, le Christ y est aussi; mais alors ce mystère nétait pas connu, il était encore caché, car la lumière était encore voilée par lombre, et quand elle parut dans son éclat, les ombres seffacèrent. Le Christ ne se manifestait pas; il assistait à la fête de la scénophagie, mais cétait en secret. Aujourdhui, il ny a plus de mystère; aussi reconnaissons-nous que nous voyageons dans la solitude ; et si nous le reconnaissons, nous y sommes véritablement. Quest-ce à dire : dans la solitude? Dans le désert. Pourquoi dans le désert? Parce que nous sommes, en ce monde, dans une terre où le manque deau nous fait souffrir de la soif. Mais puissions-nous avoir soif! Nous serons abreuvés, car: « Bienheureux ceux qui
1. Matth. XI, 28.
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ont faim et soif de la justice, parce quils seront rassasiés (1) ». Et, dans cette solitude, notre soif sera étanchée par leau sortie de la pierre; « car la pierre, cétait le Christ ». On la frappée de la verge pour en faire sortir de leau; et pour la faire jaillir on a frappé la pierre par deux fois (2). Il y eut, en effet, deux bras à la croix. Tout ce qui se faisait autrefois en figure, se réalise donc en nous. Ce que lEvangéliste a dit du Sauveur a donc un sens caché : « Il monta à la fête, non pas publiquement, mais comme en secret ». Ce mot : « en secret », était une figure, puisque réellement, en ce même jour de fête, le Christ se cachait: et ce jour de fête lui-même signifiait le pèlerinage des membres du Sauveur. 10. « Les Juifs donc le cherchaient à la fête», avant quil y montât. Car ses frères y étaient montés les premiers : pour le Christ, il ne sy rendit point au moment où ils pensaient et désiraient ly voir. Ainsi accomplissait-il cette parole quil leur avait adressée: Je nirai pas « à cette fête», cest-à-dire, au jour où vous voudriez my voir, au premier ou au second jour. Ensuite, ou, comme sexprime lEvangéliste, « au milieu de la fête », il y monta : cest-à-dire il sy rendit, quand il ne resta plus à solenniser quun nombre de jours égal à celui quon avait déjà fêté. Autant quil est permis de le supposer, cette fête se célébrait pendant plusieurs jours. 11. « Ils disaient donc Où est-il? Et il y avait un grand murmure à cause de lui dans la foule ». Doù provenait ce murmure? De leur désaccord. Et pourquoi ce désaccord? « Parce que les uns disaient : Il est bon, et les autres répondaient : Non, il séduit le peuple ». Il faut appliquer ces paroles à tous ses membres, car deux tous on le dit encore aujourdhui. Quune grâce spirituelle se fasse remarquer en quelquun, les uns disent : « Il est bon », les autres sécrient : « Non, il séduit la foule ». Doù cela vient-il ? De ce que « notre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ (3)». Les hommes ne disent-ils pas aussi pendant lhiver: Cet arbre est mort? Ce figuier, par exemple, ce poirier ou tout autre arbre fruitier ressemble à un arbre sec, et tant que dure lhiver, la vie ne se manifeste nullement en eux ; mais en été, on ly aperçoit, comme au jugement on verra
1. Matth. V, 6. 2. I Cor. X, 4 ; Nombr. XX, 11. 3. Coloss. III, 3.
que nous vivons; notre été, ce sera le moment de la manifestation du Christ. « Dieu, notre Dieu, viendra publiquement, et il ne gardera pas le silence (1). Un feu dévorant marchera devant lui » ; et ce feu « consumera ses ennemis (2) ». Il réduira en cendres les arbres arides. On reconnaîtra les arbres arides, quand le souverain Juge dira : « Jai eu faim, et vous ne mavez pas donné à manger » ; de lautre côté, cest-à-dire à la droite, apparaîtront la multitude des fruits et la beauté des feuilles : leur verdeur ne sera autre chose que léternité. Aux uns il sera dit comme à du bois sec: « Allez au feu éternel (3). Voilà que la hache est déjà placée à la racine de larbre, et tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu (4)». Que les hommes disent donc de toi, si tu profites en Jésus-Christ, quils disent : « Il séduit la foule ». On en dit autant de Jésus. Christ lui-même et de son corps. Rappelle-toi que le corps du Christ est encore en ce monde, quil se trouve encore dans laire; remarque aussi comment le froment y est injurié parla paille : on les foule tous les deux aux pieds; la paille est écrasée, le froment est débarrassé de son enveloppe. Ce qui a été dit du Seigneur doit, par cela même, être un sujet de consolation pour tout chrétien contre qui se disent les mêmes choses. 12. « Toutefois, nul ne parlait ouvertement « de lui, dans la crainte des Juifs». Mais quels étaient ceux qui gardaient le silence à son égard, dans la crainte des Juifs? Evidemment, cétaient ceux qui avaient dit : « Il est bon»; et non pas ceux qui avaient dit : « Il séduit la foule ». Les paroles de ceux-ci faisaient un bruit pareil au bruit des feuilles sèches. On entendait clairement ces mots : « Il séduit la foule » ; ces autres: « Il est bon », passaient plus rapides, et comme un simple murmure, Mais aujourdhui, mes frères, quoique nait point encore apparu cette gloire du Christ où nous puiserons limmortalité , aujourdhui son Eglise se dilate à tel point, et, par sa grâce, se répand de telle manière en tous lieux, quà peine on entend dire : « Il séduit la foule», et que de toutes parts retentissent hautement ces autres paroles : « Il est bon ».
1. Ps. XLIX, 3. 2. Id. XCVI, 3. 3. Matth. XXV, 42, 41. 4. Id. III, 10.
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