|
|
VINGT-DEUXIÈME TRAITÉ.DEPUIS CES PAROLES: « EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS : CELUI QUE ÉCOUTE MES PAROLES ET CROIT A CELUI QUI MA ENVOYÉ, A LA VIE ÉTERNELLE », JUSQUA CES AUTRES : « PARCE QUE JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTÉ, MAIS LA VOLONTÉ DE CELUI QUI MA ENVOYÉ ». (Chap. V, 24-30.)LE CHRIST, VIE ET RÉSURRECTION.
Ecouter le Sauveur et croire à sa parole, cest la condition requise pour parvenir à la vie spirituelle, qui est la véritable vie, et ne pas être soumis à un jugement de condamnation. La vie spirituelle consiste dans la justice et la charité ; le moment dy arriver dure depuis lavènement du Christ et durera jusquà la fin du monde. Jésus-Christ en est la source, car il la possède en lui-même, et non par emprunt. Quant à la résurrection des corps, il lopérera plus tard, et, alors, il jugera les hommes suivant les règles de la justice éternelle, et la volonté de son Père.
1. A la suite du passage de lEvangile, qui a servi de texte à nos discours davant-hier et dhier, vient celui quon nous a lu aujourdhui nous allons traiter, lune après lautre, les différentes parties de cette leçon, non pas, sans doute, aussi bien quelles le mériteraient, niais,du moins, selon la mesure de nos forces: car, en ce qui vous concerne, il vous est impossible dabsorber toutes les eaux qui découlent de cette source si pure ; vous nen pouvez prendre quen raison de votre capacité. Nous ne pouvons nous-même, dans les instructions que nous vous adressons, vous communiquer tous les enseignements qui proviennent de là ; nous en sommes réduit à vous dire ce que nous sommes à même dy puiser: les accents de notre voix parviendront donc jusquà vous: plaise à Dieu dadresser à vos coeurs des leçons plus étendues que celles qui retentiront dans vos oreilles. Nous ne sommes pas grand ; nous sommes, au contraire, singulièrement petit, et, néanmoins, il nous faut traiter de bien grandes choses ; mais nous avons tout espoir et toute confiance en celui qui, malgré sa grandeur, sest fait petit pour nous. Il nous serait impossible darriver à saisir quelque chose de sa divinité, sil navait pris lui-même notre condition mortelle et nétait descendu jusquà nous pour nous faire entendre le langage de son Evangile ; il est donc indispensable quil nous exhorte et nous invite à le comprendre, quil ne nous abandonne pas en raison de notre bassesse; aussi a-t-il voulu entrer avec nous en participation de ce qui se trouve en nous dabject et de moindre : sans cela, nous serions autorisés à croire que celui qui sest abaissé jusquà notre infirmité na point voulu nous communiquer sa grandeur. En parlant ainsi, jai voulu prévenir, chez les uns, la tendance à me reprocher comme une audace téméraire la tâche que jentreprends de vous expliquer ce passage, et, chez les autres, la crainte désolante de ne point saisir, même avec la grâce de Dieu, les paroles que son Fils a bien voulu leur adresser. Il nous a parlé : nous devons donc le croire, sa volonté est que nous comprenions ce quil nous dit si nous sommes dans limpossibilité de le faire, prions-le, et il nous accordera cette faveur, puisque sans en avoir été prié, il nous a accordé celle de sa parole. 2. Voici le passage mystérieux qui doit nous occuper , écoutez-moi attentivement : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui ma envoyé, a la vie éternelle ». Cest chose indubitable, nous tendons tous à la vie éternelle, et, malgré cela, le Sauveur dit: «Celui qui écoute ma parole et croit à celui qui ma envoyé, a la vie éternelle ». A-t-il voulu que nous entendions sa parole sans la comprendre? Il est certain que si lon acquiert la vie éternelle en écoutant et en croyant la parole de Dieu, on y arrive plus sûrement encore en saisissant cette même parole. Pour avancer dans la piété, il faut la foi, et le fruit de la foi nest autre que lintelligence, et par lintelligence on parvient à la vie éternelle au sein de cette vie, on ne nous lira pas [494] lEvangile ; abstraction faite de ce livre sacré, de toute lecture et de toute interprétation, celui qui nous a donné, pour la vie présente, son Evangile, apparaîtra aux yeux de tous ses fidèles réunis, dont le coeur aura été purifié, et dont le corps, désormais immortel, naura plus à craindre les atteintes du trépas : alors, il les rendra tout à fait purs et les éclairera, et ils vivront, et ils verront « le Verbe qui était au commencement, le Verbe qui était en Dieu ». Maintenant donc, considérons ce que nous sommes, pensons à ce quest celui qui va nous parler. Le Christ est Dieu, et il parle à des hommes : il veut en être compris, quil les eu rende capables ; il veut en être vu, quil ouvre leurs yeux. Ce nest point sans motif quil sadresse à nous, car rien de plus réel que ce quil nous promet. 3. « Celui », dit le Sauveur, « qui écoute mes paroles et croit à celui qui ma envoyé, a la vie éternelle et ne passera point en jugement; mais il passe de la mort à la vie ». Où et quand passons-nous de la mort à la vie, de manière à ne pas entrer en jugement ? En ce monde, on passe de la mort à la vie; en cette vie, qui nest point encore la véritable, on passe de la mort à la vie. En quoi consiste ce passage ? « Celui qui écoute mes paroles et croit à celui qui ma envoyé ». En gardant ces paroles, tu y crois et tu passes. Peut-on passer sans changer de place? Certainement. Le corps garde sa place, et lon passe spirituellement. Où était-on, pour séloigner, et où passe-t-on ? On passe de la mort à la vie. Imagine-toi quun homme se trouve ici, en qui se réalise ce que nous disons. Il est là, il écoute n peut-être ne croyait-il pas encore ; mais en entendant, il croit : tout à lheure, il navait pas la foi, il la maintenant : il est, en quelque manière, sorti du pays de linfidélité, pour entrer dans la région de la foi n son corps est demeuré immobile, son coeur seul est changé de place en ce sens quil sest porté au bien : ceux, en effet, qui sécartent de la règle de la foi, ne se portent-ils pas au mal? Voilà comment en cette vie, qui nest pas, je lai dit, la véritable, on passe de la mort à la vie, de manière à ne pas entrer en jugement. Pourquoi ai-je dit que cette vie nest pas encore la vie? Cest que, si elle était la vie, le Sauveur naurait pas dit à quelquun : « Si tu veux parvenir
1. Jean, I, 1.
à la vie, garde les commandements (1) ». Il na pas dit : Si tu veux parvenir à la vie éternelle; il na pas ajouté le mot: éternelle; il sest borné à dire : « la vie ». Cette vie-ci ne mérite donc pas dêtre appelée la vie, parce quelle nest point la véritable vie. Quelle est la véritable vie, sinon la vie éternelle? Ecoute lApôtre; voici ce quil dit à Timothée : « Ordonne aux riches de ce monde de nêtre point orgueilleux, de ne point mettre leur confiance en des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant qui nous donne avec abondance ce qui est nécessaire à la vie; dêtre charitables et bienfaisants, riches en bonnes oeuvres; de donner de bon coeur, de faire part de leurs biens aux pauvres ». A quoi bon tout cela? Ecoute ce qui suit: « De se faire un trésor et un fondement solide pour lavenir, afin dembrasser la véritable vie (2) ». Puisque les riches doivent se faire un trésor et un fondement solide pour lavenir, afin dembrasser la vie véritable, la vie dont ils sont aujourdhui en possession est donc une vie fausse. Car, pourquoi vouloir embrasser la véritable vie, si déjà tu la possèdes? Tu veux embrasser la vraie vie? Il te faut donc sortir de la vie fausse. Par où passer? Où aller? Ecoute et crois, et tu effectues le passage de la mort à la vie, et tu nentres pas en jugement. 4. Que veulent dire ces paroles: Et tu ne viens pas au jugement? Peut-il y avoir quelquun de meilleur que lapôtre Paul, qui disait : « Nous devons tous comparaître au tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ses bonnes ou à ses mauvaises actions, pendant quil était revêtu de son corps (3)? » Paul a dit : « Nous devons tous comparaître au tribunal de Jésus-Christ » ; et toi, tu oses te promettre de ne pas venir au jugement? Dieu me préserve doser me promettre de moi-même un tel privilège : mais je crois à la parole de celui qui me la promis. Cest le Sauveur qui parle; cest la Vérité qui promet; car le Christ ma dit : « Celui qui écoute mes paroles et croit à celui qui ma envoyé, a la vie éternelle, et il passe de la mort à la vie, et il ne viendra pas en jugement ». Jai donc entendu les paroles de mon Seigneur, et jy ai cru: dinfidèle que jétais, je suis devenu fidèle: suivant lavis quil men a donné, je suis
1. Matth. XIX, 17. 2. I Tim. VI, 17-19. 3. II Cor. V, 10.
495
passé de la mort à la vie, et je ne viens pas au jugement ; et si je mexprime ainsi, ce nest point par leffet de ma présomption, mais en conséquence des promesses de mon Sauveur. Paul parle donc dune manière différente de celle du Christ? Le serviteur se met donc en contradiction avec son Seigneur, le disciple avec son maître, et lhomme avec Dieu? Le Christ na-t-il pas dit, en effet : « Celui qui écoute et qui croit, passe de la mort à la vie, et ne viendra pas au jugement? » Dun autre côté, à entendre lApôtre, « ne faut-il pas que nous comparaissions tous au tribunal de Jésus-Christ? » En vérité, si celui-là ne vient pas en jugement, qui comparaît devant un tribunal, cest à ny plus rien comprendre. 5. Le Seigneur notre Dieu nous révèle et nous enseigne par ses Ecritures dans quel sens nous devons entendre le mot jugement, dont il se sert. Veuillez, je vous prie, me prêter toute votre attention. Parfois le jugement sentend dans le sens de punition, et parfois dans celui de discernement. Cest en ce dernier sens quil est employé dans ce passage: « Il faut que nous comparaissions tous au tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ses bonnes ou à ses mauvaises actions, pendant quil était revêtu de son corps ». Distribuer des récompenses aux bons et des punitions aux méchants, voilà lien en quoi consiste le discernement. Si le mot jugement devait toujours être pris en mauvaise part, le Psalmiste naurait pas dit : « Seigneur, jugez-moi ». A entendre ces paroles du Prophète: « Jugez-moi, Seigneur », quelquun sétonnera peut-être; car lhomme a pour habitude de dire : Que Dieu me pardonne ! Seigneur, épargnez-moi ! Mais lui a-t-on jamais entendu dire: « Jugez-moi, Seigneur? » Il arrive parfois que, dans le psaume, ce verset se répète : le lecteur le dit une fois, et le peuple le chante ensuite. Ne se laisse-t-on pas effrayer? Ne craint-on pas de sadresser à Dieu et de lui dire : « Jugez-moi, Seigneur? » Non, le peuple des croyants chante ces paroles, et il ne pense nullement à se souhaiter du mal, en redisant ce quil a appris dans les saints livres : et quand même il ne le comprendrait point parfaitement, il suppose que ce quil chante est bon. Toutefois, le Psalmiste lui-même a voulu nous donner lintelligence de ses paroles; car il continue, et, dans le verset suivant, il nous montre de quel jugement il a parlé : il a fait allusion, non pas au jugement de condamnation, mais à celui de discernement. Il dit effectivement : « Jugez-moi, Seigneur». Quest-ce à dire : « Jugez-moi, Seigneur? Et séparez ma cause de celle dune nation impie ». Cest donc pour ce jugement de discrétion que « nous devons comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ». Pour le jugement de condamnation, cest de lui quil sagit dans ce passage: « Celui qui écoule mes paroles et croit à celui qui ma envoyé, a la vie éternelle, et il ne viendra pas au jugement, mais il passe de la mort à la vie ». Que veut dire: « Il ne viendra pas au jugement?» Il ne sera pas condamné. Prouvons, daprès les Ecritures, que le mot jugement a été employé dans le sens de punition: vous le verrez tout à lheure; dans la suite même de la leçon qui nous occupe, ce mot na été employé quavec le sens de condamnation et de punition (1). Ecrivant à ceux qui profanaient le corps que vous connaissez en qualité de fidèles, lApôtre dit quelque part, quà cause de leur sacrilège, ils étaient frappés de la main de Dieu. Voici en quels termes il sexprime: « Cest pourquoi il y en a beaucoup parmi vous qui sont malades et languissants, et plusieurs dorment profondément ». Cest pourquoi, aussi, beaucoup dentre eux mouraient. Il ajoute : « Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés de Dieu »; ou, en dautres termes : Si nous nous corrigions nous-mêmes, Dieu ne nous corrigerait pas. « Mais lorsque nous sommes jugés, cest Dieu qui nous reprend, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde (2)». Il en est donc que Dieu juge ici-bas, cest-à-dire quil punit afin de les épargner dans lautre monde : il y en a dautres quil épargne dans la vie présente, pour les punir plus sévèrement dans lavenir : dautres, encore, éprouvent de grandes peines sans être punis néanmoins, lorsque les châtiments de Dieu nont pu les amener au repentir; ils ont méprisé, sur la terre, les sévères leçons de leur Père céleste, aussi subiront-ils larrêt de condamnation quil prononcera contre eux, lorsquil sera leur juge. A la fin du monde, il y aura donc un jugement où Dieu, cest-à-dire le
1. N. 13. 2. I Cor. XI, 30-32.
496
Fils de Dieu, chassera le diable et ses anges, et, avec eux, tous les fidèles et les impies; à ce jugement ne viendra pas celui qui croit maintenant, et qui, à cause de cela, passe de la mort à la vie. 6. Cependant, ne timagine pas que la foi tempêchera de mourir corporellement; ninterprète point dune manière charnelle les paroles du Sauveur, et ne va pas te tenir ce langage: Le Seigneur ma dit: « Celui qui écoute mes paroles et croit à celui qui ma envoyé, est passé de la mort à la vie ». Donc, puisque jai cru, je ne mourrai pas. Sache-le bien, tu mourras; cest une dette que tu dois payer à cause du péché dAdam; car il lui a été dit: « Tu mourras de mort (1) ». Voilà une condamnation que nous avons alors tous encourue: impossible de nous y soustraire, Mais quand tu auras subi la mort du vieil homme, tu seras reçu dans léternelle vie de lhomme nouveau, et tu passeras de la mort à la vie. Pour le moment, travaille à passer à la vie. Quelle est ta vie? La foi. « Le juste vit de la foi ». En quel état se trouvent les infidèles? Dans un état de mort. Au milieu de pareils morts se trouvait corporellement celui à qui le Sauveur disait un jour: « Laisse les morts ensevelir leurs morts (2)». Il y a donc, même en cette vie, des hommes qui sont morts, et dautres qui sont vivants; et tous y semblent être en possession de la vie. Qui sont les morts? Ceux qui nont pas cru. Qui sont les vivants? Ceux qui ont la foi. Quel langage lApôtre tient-il à ceux qui sont morts? « Lève-toi, toi qui dors » ; il parle dun sommeil, et non dune mort. Ecoute ce qui suit : « Lève-toi, toi qui dors, et sors dentre les morts ». Et comme si celui-ci lui disait : Où irai-je? Paul répond : « Et le Christ téclairera (3) ». Au moment où Jésus-Christ téclairera des rayons de la foi, tu passeras de la mort à la vie n puisses-tu y rester, tu ne viendras pas au jugement. 7. Voici quil va lui-même nous expliquer sa pensée ; il ajoute donc : « En vérité, en vérité, je vous le dis ». Il avait dit précédemment : « Il est passé de la mort à la vie ». Nous croirions peut-être pouvoir inférer de ces paroles que le Sauveur a fait allusion à la résurrection future: mais non; aussi veut-il nous faire comprendre en quoi
1. Gen. II, 17 2. Habac. II, 4 ; Rom. I, 17. 3. Math. VIII, 22. 4. Ephés. V, 14.
consiste le passage de la mort à la vie; il veut nous faire comprendre que passer de la mort à la vie, cest passer de linfidélité à la foi, de linjustice à la justice, de lorgueil à lhumilité, de la haine à la charité ; cest pourquoi il continue : « En vérité, en vérité, je vous le dis : lheure vient, et elle est déjà venue ». Y a-t-il rien de plus clair? Il est évident quil nous a donné la clef de ses paroles, et que ce quil nous a dit se fait au moment même où il sadresse à nous : « Lheure vient». Quelle heure? « Et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lentendront vivront ». Nous avons déjà parlé de cette sorte de morts. Que penser, mes frères? Dans cette multitude qui mentend, ny a-t-il aucun mort? Sans doute. Ceux-là vivent et ne sont pas morts, qui croient et agissent selon la règle de la vraie foi; mais, par contre, ceux-là doivent être évidemment comptés parmi les morts, qui ne croient pas, ou qui croient à la manière des démons (1), parce quils tremblent et vivent mal ; parce que, tout en confessant le Fils de Dieu, ils nont pas la charité. Et, toute. fois, nous en sommes encore à cette heure; car cette heure, dont le Christ nous a parlé, nest pas du nombre des douze heures dun même jour. Du moment où il a parlé jusquau temps où nous vivons, et jusquà la fin du monde, il ny aura quune seule heure, et elle a maintenant cours : cest à elle que Jean fait allusion dans ce passage de son Epître : « Mes petits enfants, voici la dernière heure (2) ». Cest donc lheure présente. Que celui qui vit, vive; que vive aussi celui qui est mort : que celui qui gisait au nombre des morts, entende la voix du Fils de Dieu, quil se lève et quil vive. Au tombeau de Lazare, le Christ a élevé la voix, et lhomme qui sy trouvait enseveli depuis quatre jours, est ressuscité. Il sentait mauvais, et, pourtant, il est revenu à la vie de ce monde ; il était enseveli, on avait posé sur lui une pierre : néanmoins, la voix du Sauveur a pénétré au-delà de cette pierre: et ton coeur est si dur que la voix du Christ na pu encore le briser? Lève-toi dans ton coeur, sors de ton sépulcre. Car tu étais mort, tu étais étendu dans ton coeur comme dans un tombeau ; semblables à une pierre, tes mauvaises habitudes pesaient sur toi. Lève-toi et sors. Quest-ce à dire : « Lève-toi
1. Jacques, II, 19. 2. I Jean, II, 18.
497
et sors ? Crois et confesse ta croyance, car celui qui croit, ressuscite, et celui qui confesse, sort de son sépulcre. Pourquoi disons-nous que celui qui confesse sort de son tombeau? Cest quavant de confesser, il nétait pas connu, tandis que, par sa confession, il quitte les ténèbres pour se montrer nu grand jour. Une fois quil a confessé, quest-ce que Dieu dit de lui à ses ministres? Ce quil avait dit près du monument funèbre de Lazare: « Déliez-le et laissez-le marcher (1) ». Comment cela ? Parce que le Christ a dit à ses Apôtres: « Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel (2) ». 8. « Lheure vient et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lentendront vivront. » Qui les fera vivre? La vie. Quelle vie? Le Christ. Comment prouver quils puiseront la vie dans le Christ? Cest quil a dit lui-même: « Je suis la voie, la vérité, et la vie (3) ». Veux-tu marcher? « Je suis la voie ». Veux-tu échapper à lerreur? « Je suis la vérité ». Veux-tu ne pas mourir? « Je suis la vie ». Voici ce que te dit le Sauveur : Tu ne peux aller nulle part que vers moi; tu ne peux marcher que par moi. Cette heure a donc maintenant son cours: tout ce que jai dit a aussi lieu ers ce moment, et ne cesse point de se faire. Les hommes qui étaient morts, ressuscitent . à la voix du Fils de Dieu, ils passent à la vie, et, par leur persévérance à croire en lui, ils vivent de lui. Car le Fils est source de vie; et ceux qui croient en lui viennent y puiser. 9. Mais comment possède-t-il la vie en lui-même? De la même manière que le Père la possède. Ecoute-le, voici ce quil te, dit: Comme le Père a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils davoir en lui-même la vie». Mes frères, je vais vous expliquer de mon mieux ces paroles: elles sont évidemment de nature à porter le trouble dans les intelligences peu développées. Pourquoi le Christ a-t-il ajouté ces mots: « En lui-même? » Il lui aurait suffi de dire: « Comme le Père a la vie, ainsi a-t-il donné au Fils davoir la vie ». Il. a ajouté : « En lui-même ». En effet, le Père a la vie en lui-même, et le Fils aussi la possède en lui-même. Par le fait que Jésus a dit: « en lui-même », il devient évident quil a voulu nous insinuer quelque chose ; il est sûr
1. Jean, XI, 38-44. 2. Matth. XVIII, 18. 3. Jean, XIV, 6.
aussi que ces paroles renferment un sens mystérieux et caché. Frappons, et lon nous ouvrira. O Dieu, que nous avez-vous dit? Pourquoi avez-vous ajouté: « En lui-même?» Lapôtre Paul, à qui vous avez communiqué la vie, ne la possédait-il pas? Indubitablement, il la possédait. Pareillement, les morts auxquels vous rendez la vie, et qui y passent par la foi en votre parole, ne lauront-ils pas en vous, après ce passage? Oui, ils lauront, car tout à lheure jai moi-même expressément dit: « Celui qui écoute mes paroles et croit à Celui qui ma envoyé, a la vie éternelle ». Ceux qui croient en vous ont donc la vie éternelle: pourtant, vous navez pas dit quils lont en eux-mêmes. Mais, en parlant du Père, vous avez dit : « Comme le Père a la vie en lui-même », puis vous avez ajouté relativement à vous : « Ainsi a-t-il donné au Fils davoir en lui-même la vie ». Comme le Père a la vie, ainsi a-t-il donné au Fils de lavoir. Où la-t-il? « En lui-même ». Où a-t-il donné au Fils de lavoir? « En lui-même ». Où Paul lavait-il? Non pas en lui-même, mais dans le Christ. Et toi, fidèle, où las-tu? Non pas en toi-même, mais dans le Christ. Voyons si lApôtre raisonne de la même manière. « Je « vis, mais ce nest pas moi qui vis, cest le « Christ qui vit en moi (1) ». Notre vie, en tant que nôtre, cest-à-dire en tant que résultat de notre volonté propre, ne sera jamais quune vie mauvaise, pécheresse et coupable; mais notre vie bonne nous vient de Dieu et na point sa source en nous-mêmes: cest Dieu qui nous la donne, et nous sommes incapables de nous la procurer. Pour le Christ, il a la vie en lui-même, comme le Père; car il est le Verbe de Dieu. Sa vie nest pas tantôt bonne et tantôt mauvaise, mais lhomme vit tantôt bien et tantôt mal. Celui qui vit mal vit de sa propre vie, et si lon vit bien, cest quon est passé à la vie du Christ. Avant de participer à sa vie, tu étais étranger à ce que tu as reçu depuis, et seulement susceptible de le recevoir. Quant au Fils de Dieu, il ny a jamais eu un seul instant où il ait été privé de la vie et où il ait dû la recevoir ensuite; car, évidemment, sil la recevait, il ne la posséderait pas en lui-même: Quel est, en effet, le sens du mot: « En lui-même? » Cest quil était la vie même.
1. Galat. II, 20.
498
10. Je vais vous dire une chose peut-être encore plus claire. Quelquun, par exemple, allume une lampe; si tu considères la petite flamme qui se montre à cette lampe, fuseras obligé de convenir quelle a la lumière en elle-même; mais, en labsence de la lampe, tes yeux étaient comme morts et ne voyaient rien; mais dès quils laperçoivent, ils ont la lumière, et, toutefois, ils ne lont pas en eux-mêmes. Sils se détournent de la lampe, ils sont plongés dans les ténèbres, sils se tournent de son côté, ils reçoivent léclat de ses rayons. Tant que le feu de cette lampe existe, il brille; mais dès que lu veux lui enlever son éclat, tu léteins nécessairement du même coup; car il lui est impossible de subsister, indépendamment de cet éclat. Quant au Christ, il est une lumière inextinguible, coéternelle au Père, toujours brillante, toujours resplendissante, toujours brûlante; car si elle ne brûlait point, le Psalmiste dirait-il: « Personne ne peut se dérober à sa chaleur (1)? « Plongé dans liniquité, tu es froid: si tu tapproches de lui, tu te réchauffes, mais tu te refroidis aussitôt que tu ten éloignes. Tes péchés tenvironnent dépaisses ténèbres, tourne-toi vers lui, il tilluminera; en lui tournant le dos, tu retomberas dans lobscurité. Par conséquent, tu nes par toi-même que ténèbres: et quand tu viens à être éclairé, tu nes nullement la lumière, bien que tu sois au sein de la lumière. Aussi lApôtre dit-il: « Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur (2) ». Après ces mots: « Mais maintenant vous êtes lumière », il ajoute: « dans le Seigneur ». Pourquoi, lumière? Parce que tu es entré en participation de sa lumière. Eloigne-toi de cette lumière dont les rayons se reflètent sur ta personne, tu retombes dans ta propre obscurité. Il nen est pas ainsi du Christ, il en est tout différemment du Verbe de Dieu. Quen est-il donc? « Comme le Père a la lumière en lui-même, ainsi « a-t-il donné au Fils davoir aussi la lumière en lui-même ». Ainsi, il vit, non parce quil entre en participation de la vie dun autre, mais parce quil possède la vie dès toujours, parce quil est, par essence, la vie même. « Ainsi a-t-il donné au Fils davoir aussi la vie ». Comme il la possède, il a donné au Fils de la posséder. Quelle différence
1. Ps. XVIII, 7. 2. Eph. V, 8.
y a-t-il entre le Père et le Fils? Cest que lun donne et que lautre reçoit. Mais le Fils existait-il au moment où il a reçu? Supposerions-nous que le Christ ait jamais pu se trouver privé de la lumière? Nest-il pas, en effet, cette sagesse du Père, de laquelle il a été dit: « Elle est la splendeur de la lumière éternelle (1) ? » Ces mots : « Il a donné au Fils », ne sont, en dautres termes, que ceux-ci: Il a engendré le Fils, et, en lengendrant, il lui a donné. Comme il lui a donné lêtre, ainsi lui a-t-il donné dêtre la vie; et il le lui donné de manière à ce quil eût la vie en lui. même. Quest-ce à dire, quil eût la vie en lui. même? cest-à-dire, quau lieu de la puise ailleurs, il en fût lui-même la plénitude, et la communiquât à tous les croyants, tant quils vivraient. «Il lui a donc donné davoir la vie en lui-même». Il le lui a donné eu quelle qualité? En tant quil est son Verbe, Celui qui , « au commencement était le Verbe, et le Verbe en Dieu ». 11. De plus, parce que le Verbe sest ni homme, qua-t-il reçu du Père en cette qualité? « Et il lui a donné la puissance de rendre les jugements, parce quil est le Fils de lhomme». En tant quil est Fils de Dieu, « comme le Père a la vie en lui-même, ainsi lui a-t-il donné davoir en lui-même ta vie » ; en tant quil est Fils de lhomme, le Père « lui a donné la puissance de rendre les jugements ». Voilà pourquoi jai dit hier à votre charité quau jugement on verra lhomme, mais quon napercevra pas le Dieu, et quaprès le jugement le Dieu se manifestera aux yeux de ceux qui en seront sortis victorieux, tandis quIl se dérobera à la vue des impies (2). En Jésus-Christ, lhomme se montrera donc au jugement, revêtu de cette forme avec laquelle il est monté an ciel et en redescendra: telle est la raison de ces paroles prononcées par lui : « Le Père ne juge personne, mais il a donné son jugement au Fils (3) ». Il exprime à nouveau cette pensée, quand il dit: « Et il lui a donné la puissance de rendre les jugements, parce quil est Fils de lhomme ». Mais, me diras-tu, pourquoi « le Père a-t-il donné au Fils la puissance de rendre les jugements ? » Y a-t-il eu un seul instant où le Fils nait point possédé le pouvoir de juger? Comment ! « Au commencement, il
1. Sag. VII, 26. 2. V. Traité précédent. 3. Jean, V, 22.
499
était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et rite Verbe était Dieu; toutes choses ont été faites par lui (1)», et il naurait pas eu le pouvoir de porter les jugements? Le motif pour lequel le Père « lui a donné le pouvoir de porter les jugements est le même que celui pour lequel il a reçu ce pouvoir; le voici: « cest quil est le Fils de lhomme » ; car, en tant quil est Dieu, il la toujours eu; mais il la reçu, en tant quil a été attaché à la croix. Celui qui est mort se trouve maintenant au sein de la vie; quant au Verbe rie Dieu, jamais il na subi les atteintes du trépas; toujours il a été vivant. 12, Au sujet de la résurrection, quelquun dentre nous disait peut-être: Voilà que nous sommes ressuscités; celui qui écoute le Christ et croit en lui, passe de la mort à la vie et ne viendra pas au jugement: lheure vient, et elle est déjà venue, où vit celui qui écoute la voix du Fils de Dieu : il était mort, il a entendu cette voix, il est ressuscité. Pourquoi alors parler dune autre résurrection, qui se fera plus tard? Patience! Ne te hâte point de parler ton jugement, car tu tomberais avec lui. li y a dabord la résurrection, dont nous venons de nous entretenir, et qui sopère au temps présent. Les hommes infidèles, les pécheurs, étaient plongés dans un état de mort; en devenant justes, ils viennent à la vie: ils passent de la mort de linfidélité à la vie de la foi; mais de cela tu nes pas en droit de conclure quil ny aura pas plus tard une résurrection de la chair: tu dois le croire, il y en aura une. Ecoute le Sauveur: il ta parlé de la résurrection qui se fait par la foi. De ses paroles on aurait pu conclure quil ny en aura pas dautre: par là, on serait tombé dans lerreur et le désespoir de ces hommes qui ont perverti les pensées dautrui « en disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui renversent la foi de quelques-uns (2) ». A mon avis, voici ce que ces hommes leur disaient: Dès lors que le Seigneur a dit: « Et celui qui croit en moi est passé de la mort à la vie », il est sûr que la résurrection a déjà eu lieu pour les hommes fidèles que linfidélité comptait autrefois dans ses rangs: alors, comment peut-on dire quil y aura une autre résurrection? Grâces soient rendues au Seigneur notre Dieu! Il soutient ceux qui chancellent, il dirige ceux qui hésitent, il
1. Jean, I,1, 3. 2. II Tim. II, 18
499
affermit ceux qui doutent. Ecoute ce quil dit ensuite: ses paroles ne te laisseront aucune liberté de te plonger dans les ténèbres de la mort. Si tu as la foi, quelle soit entière. Que dois-je croire, me diras-tu, pour croire complètement? Ecoute ce que dit le Christ: « Ne vous étonnez pas de cela », cest-à-dire, de ce que le Père a donné au Fils la puissance de faire le jugement: je veux dire, le jugement final. Comment cela? « Ne vous étonnez pas de cela, car lheure vient ». Le Sauveur najoute pas: « Et elle est déjà venue ». Quand il était question de la résurrection opérée par la foi, ne disait-il pas: « Lheure vient, et elle est déjà venue? pour celle des corps morts, il dit: « Lheure vient», et il najoute pas: « Et elle est déjà venue », parce quelle narrivera quà la fin du monde. 13. Quelle preuve me donneras-tu pour massurer que, dans la pensée du Christ, il sagissait de la résurrection des morts? Voici ma réponse: Ecoute patiemment, et tu te donneras à toi-même cette preuve. Continuons donc: « Ne vous étonnez pas de cela, « car lheure vient où ceux qui sont dans les « sépulcres ». Peut-on parler plus clairement de la résurrection des morts? Jusqualors il navait pas dit: « Ceux qui sont dans les sépulcres », mais: « Les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lentendront, vivront ». Il ne dit pas: Les unis vivront, les autres seront condamnés, parce que tous ceux qui croient vivront. Quant à ce qui est des sépulcres, comment sexprime-t-il? «Tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix, et ils en sortiront ». Il ne dit pas: « Ils entendront et vivront ». Car sils se trouvent dans les tombeaux après avoir mené une vie corrompue, ils ressusciteront pour la mort, et non pour la vie. Quels seront ceux qui sortiront des sépulcres? Voyons-le. Tout à lheure, parce quils avaient entendu et cru, les morts revenaient à la vie; remarque-le cependant: aucune différence nexistait entre eux; car le Sauveur na pas dit: Les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et lorsquils lauront entendue, les unis vivront, et les autres seront condamnés. Voici ses paroles: « Tous ceux qui auront entendu, vivront ». Car ceux qui croient, ceux qui ont la charité, vivront, et personne ne mourra. Mais, quand il sagit des tombeaux, il sexprime en ces termes: [500] « Ils entendront sa voix et ceux qui auront bienfait en sortiront pour la résurrection de la vie, et ceux qui auront mal fait, pour la résurrection du jugement ». Voilà bien le jugement, voilà bien la punition dont il a parlé tout à lheure: « Celui qui croit en moi est passé de la mort à la vie, et il ne viendra pas au jugement ». 14. « Je ne puis rien faire de moi-même; comme jentends, je juge, et mon jugement est juste ». Si vous jugez comme vous entendez, qui entendez-vous? Si cest le Père, il est sûr que « le Père ne juge personne; mais il adonné tout jugement au Fils». Vous êtes donc comme le héraut du Père! Alors, quand dites-vous ce que vous entendez? Ce que jentends, je le dis, car je suis ce quest le Père: mon être consiste à parler, car je suis le Verbe du Père. Voilà ce que te dit le Christ. Maintenant, interprète ses paroles. Que veut dire: « Comme jentends, je juge? » Ceci, évidemment: Comme je suis. Car comment le Christ entend-il? Je vous en conjure, mes frères, cherchons. Le Christ entend son Père. Comment le Père lui parle-t-il? Il est sûr que, sil lui parle, il lui adresse la parole; personne, en effet, ne peut dire quelque chose à un autre sans parler. Comment donc le Père peut-il parler au Fils, puisque le Fils est le Verbe du Père? Tout ce que le Père nous dit, il nous le dit par son Verbe. Son Verbe nest autre que son Fils: alors, quelle autre parole peut-il adresser à sa Parole? Dieu est un, il a un Verbe unique, et, dans cet unique Verbe, il contient tout. Quel est donc le sens de ce passage: « Comme jentends, je juge? » Comme je suis du Père, je juge. Donc, « mon jugement est juste ». Si vous ne faites rien de vous-même, ô Seigneur Jésus, comme limaginent les hommes charnels; si vous ne faites rien de vous-même, comment avez-vous pu dire, il ny a quun instant: « Ainsi, le Fils lui-même vivifie qui il veut? » Vous dites maintenant: Je ne fais rien de moi-même, Mais sur quoi le Fils attire-t-il principalement notre attention? Sur ce quil est du Père, Celui qui est du Père, nest pas de lui-même, Que si le Fils était de lui-même, il ne serait pas le Fils: il est du Père. Pour exister, le Père nest pas du Fils, mais le Fils est du Père. Il est égal au Père, et, néanmoins, il est de lui, tandis que le Père nest pas du Fils. 15. « Parce que je cherche, non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui ma envoyé ». Le Fils unique dit: « Je ne cherche pas ma volonté », et des hommes veulent faire la leur ! Lui, qui est égal au Père, il shumilie si profondément, et nous voyons sélever si haut des hommes tombés si bas, et qui ne peuvent se relever sans le secours dune main étrangère! Faisons donc la volonté du Père, la volonté du Fils et celle du Saint-Esprit, parce quune est la volonté, la puissance et la majesté de la Trinité tout entière. Cependant, le Fils dit: « Je suis venu faire, non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui ma envoyé»; la raison en est que le Christ est, non pas de lui-même, mais de son Père. Et sil a paru sous la forme dun homme, cest quil a emprunté cette forme à la créature humaine quil avait tirée du néant.
|