SERMON IV
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SERMON IV. Je me lèverai et parcourrai la ville; à travers les places et les rues, je chercherai mon bien-aimé. (Cant. III, 2.)

 

1. Cette marche n'est pas une divagation, c'est une recherche. Car si celle qui parcourt erre, elle ne s'écarte pas, elle ne dépasse pas les barrières de la cité, ni les lieux que l'époux a coutume de visiter. Elle fait le tour, mais elle marche à l'intérieur, dans les rues et les places de la ville. Car la sagesse se montre joyeusement dans ces chemins et sa voix retentit sur les places. C'est pour cela que l'épouse y promène ses pas, parce qu'elle connaît l'endroit où elle peut plus facilement rencontrer son bien-aimé. « Je ferai le tour, dit-elle, cherchant dans les places et les rues.» Vous le faites souvent ce circuit, ô âme heureuse, et l'accès vous en est familier, tous les détails de cette cité vous sont commis : les détours et les recoins cachés, les passages étroits des quartiers et les larges avenues des places. Le roi vous a introduite dans le cellier de ses vins. Ne vous a-t-il pas conduite dans toutes les autres retraites encore plus cachées? Tout vous est ouvert; vous pouvez passer partout, et l'expérience vous fait sentir que vous êtes tout-à-fait libre pour entreprendre ce parcours. Aussi, ce n'est pas comme qui hésite, c'est avec assurance que la bien-aimée dit : « Je parcourrai la cité. » Et quelle consolation n'éprouve-t-elle pas, mes frères, de voir chemin faisant et de fouler fréquemment sous ses pas les endroits où avaient coutume de se poser les pieds de celui qu'elle aime? Je ne sais comment cela se fait, mais les lieux où nous avons éprouvé quelques jouissances les rappellent plus vivement à notre mémoire; ils les dépeignent avec suite aux yeux de notre esprit, et alors ce que nous y avons goûté nous l'espérons encore. Pour moi, je regarderai ces endroits, non comme corporels, mais bien comme des situations spirituelles propres aux exercices de l'âme ; c'est dans eux par conséquent que nous entendons placer le circuit dont il s'agit.

2. Ce circuit est un mouvement ou de souvenir ou de recherche. Il fait le tour, celui qui se rappelle ce qu'il connaît, ou tire des choses qu'il sait déjà celles qu'il ne sait pas encore. Il fait le tour, celui qui rumine les connaissances acquises ou scrute avec attention des questions nouvelles. C'est faire un circuit que de repasser avec ordre et suite ce que la foi et la raison nous ont déjà appris. C'est opérer un circuit, que de passer, à l'aide de ce que nous tenons, à ce qui est plus caché, et d'y pénétrer intimement. L'un de ces passages est un mouvement de jouissance, l'autre un acte de raison. L'un est plus aimable, l'autre plus intellectuel. Et, bien que le premier paraisse mieux convenir à l'épouse, nous ne lui refuserons néanmoins ni l'un ni l'autre. Soit qu'elle repasse ce qu'elle connaît, soit qu'elle explore ce qu'elle ignore, en tout, elle ne cherche que le foyer de l'amour. Bon est le circuit qui se fait par la raison, mais quand la raison se contient dans les règles de la foi, n'en dépasse pas les limites, allant de la foi à la foi, ou de la foi à l'intelligence. La raison, quoiqu'elle dépasse les bornes de la fui, n'a pas d'autre objet que ce qui est contenu dans la foi. Dans la raison, il n'y a pas plus de certitude que dans la foi, on y trouve la sérénité : aucune ne, trompe ou n'hésite. Où il y a hésitation ou erreur, il n'y a pas intelligence; où il y a hésitation, il n'y a pas de foi. Et si la foi parait pouvoir admettre l'erreur, cette foi n'est pas la vraie foi, la foi catholique : c'est une crédulité erronée. La foi (pour parler ainsi), tient et possède la vérité droite, l'intelligence la voit nue et sans voile.; la raison s'efforce de la manifester. La raison, courant entre la foi et l'intelligence, s'élève à l'une, mais se règle par l'autre. La raison veut quelque chose de plus que croire. Quoi plus ? voir. Autre chose est croire, autre chose est voir : mais elle ne s'efforce de voir que les données, que ce qu'elle conçoit par la foi. Et si elle ne peut encore voir sans mélange, elle essaie, par quelques efforts proportionnés, de conjecturer ce qu'elle a acquis par une foi solide. La raison s'efforce de s'élever sur la foi; cependant elle s'appuie sur la foi et est retenue par elle. D'abord, elle est dévote, ensuite prudente, et en troisième lieu sobre; et (pour ainsi parler) la raison aide, et l'intelligence voit. Ce circuit est bon; conduit par la raison, l'esprit y marche en scrutant, mais il ne s'éloigne pas de la foi, il y est instruit par la foi, et s'y tient attaché à la foi. Il se trompe entièrement s'il ne rapporte pas tout à l'examen de la foi, et s'il n'astreint pas la marche précipitée de la raison à la gravité sage et mûre de la foi. Bonne est cette marche où la justice de Dieu se révèle de la foi vers la foi. Bonne est cette marche dans laquelle on va de clartés en clartés comme poussé par l'esprit du Seigneur. Bon est ce circuit, par lequel, oubliant ce qui est en arrière, on s'élance vers ce qui est en avant, pour s'efforcer de le saisir. Excellente est cette course, dans laquelle on ne saisit pas toujours des vérités nouvelles et cachées, mais où l'on rumine dans une affection nouvelle et fraîche ce qui a été précédemment connu; dans laquelle on ne pénètre pas de suite ce qui reste à voir, mais on revoit souvent ce qui a déjà été pénétré. Heureux circuit! L'épouse ne l'ignore pas. C'est pourquoi elle dit avec confiance : « Je me lèverai et ferai le tour de la ville. »

3. Quelle ville pourra mieux mériter ce nom que celle dont il est écrit «On a raconté de vous des choses glorieuses, E cité de Dieu (Ps. LXXXVI, 3.) » L'ensemble de la création peut être convenablement appelé cité de Dieu; c'est Dieu qui l'a bâtie, c'est Dieu qui l'a disposée. Elle est certes glorieuse, et par la beauté et par l'ordre qui éclatent en elle. Quant aux actions justes que produit la licence de l'esprit dépravé, elles sont en elles-mêmes moins glorieuses : il n'est pas en leur pouvoir d'échapper à l'ordre du gouvernement divin, ordre qu'elles n'ont point en vue. Ceux-là seuls sont vraiment glorieux qui se conforment à la volonté du ciel, appliqués à conserver la grâce de leur premier état, ou à la réparer si elle s'était altérée en eux. Ils sont glorieux de deux manières : par la condition naturelle, qui leur est commune avec les autres hommes, et par la conformité volontaire au bon plaisir de Dieu qui les dirige et qui les règle, en quoi ils s'élèvent au-dessus des autres. L'ensemble de la création est donc appelé cité de Dieu; elle est gouvernée, en effet, par les lois de sa volonté. C'est Dieu qui donne à toutes les créatures la beauté de l'être selon leur propre genre, l'efficacité dans l'usage auquel elles s'emploient et la relation avec l'ensemble, afin que chacune soit belle en elle-même, ne soit pas inutile dans le tout et ne répugne en rien aux autres. Que les êtres soient régis par le mouvement de la nature ou par la volonté du libre arbitre, ou par l'instinct de la grâce divine, par tous ces mobiles réunis ou par l'un d'eux séparé, chacun d'eux reçoit de l'influence divine qui opère invisiblement en son intérieur le mode et le mouvement. Le mode qui est comme la loi de l'ordre; le mouvement qui est la loi de l'action. De Dieu vient non-seulement la puissance radicale de produire tout mouvement, mais aussi le mouvement de toute faculté ; de sorte que de lui découlent et la force et le mouvement de la force. Le mouvement de la mauvaise intention tient de lui d'être un mouvement, mais ne tient pas de lui d'être un mauvais mouvement. Ce n'est pas de Dieu que vient qu'il soit dirigé vers une fin moins réglée, mais c'est lui qui fait que, par une admirable disposition, le désordre rentre dans, l'ordre.

4. Voyez la vente de Joseph et sa descente en Egypte; Pharaon sortant et poursuivant Israël, l'armée engloutie et le peuple élu sauvé; considérez comment tous ces événements se rapportent aux saints mystères de l'Incarnation, de la Passion de Jésus-Christ et de notre salut; une âme diligente trouvera de semblables exemples en plusieurs endroits. Les péchés commis ne pourraient servir à de nouveaux mystères, si la divine Providence ne faisait sentir en ceci, par des moyens cachés, son opération adorable. Car tons ces événements anciens ne sont pas survenus tellement par hasard et sans direction, qu'un sage ordonnateur et qu'un sage observateur n'aient fait qu'adapter seulement ensuite de nouveaux mystères; mais bien plutôt ils ont été préparés non par l'homme mais par le Seigneur, afin de signifier d'avance les sacrements du Sauveur. Pourquoi Jésus-Christ a-t-il été mené à sa passion, à telle heure, à tel jour, et a-t-il subi un tel genre de mort? Qui niera qu'il y ait ici du mystère, ou n'y verra que l'effet du hasard ? Le jour où l'homme est créé, c'est ce même jour qu'il est réparé; à l'heure où il subit sa condamnation, il a reçu le pardon. Le bois introduit la mort, le bois rend la vie. Et je ne sais qui dira que toute cette suite n'a pas été réglée d'avance par le Seigneur, mais qu'elle est arrivée d'une façon ordinaire et humaine. Voyez le temps où se mange l'agneau pascal, voyez l'hostie sans tâche, voyez l'heure de la sortie d'Égypte, voyez la grâce qui vous a arraché de l'erreur, de la vanité du siècle et de la corruption de votre naissance, et vous croirez que tout cela s'est fait sans la providence de Dieu, le juif l'opérant sans y faire attention? Tous ces détails, dis-je, qui harmonisent si bien le bois de la croix, le temps, l'heure, le jour et toutes les circonstances qui peuvent être observées par un sage, vous les attribueriez à la folie des juifs et non à la sagesse divine ? Ce salutaire remède de la Passion concourrant avec les sacrements antiques pour ne constituer qu'une seule et pareille forme, il faut en exclure entièrement et le hasard et les vues de l'homme pour y placer le bon plaisir de Dieu. Dans Isaïe, vous trouverez qu'il a été dit à Ezéchias : « Tout ceci a été donné aux Chaldéens (Is. XXXIX, 6.) » En disant que tout a été donné, Isaïe déroule non-seulement une prédiction prophétique, mais il fait sentir encore une sentence rendue par un juge équitable. Après ces textes et les autres que l'on rencontre dans la suite des Écritures, qui doutera que la puissance et la sagesse du Seigneur n'inspirent pas, mais règlent de concert, par de justes lois, les volontés coupables des créatures raisonnables? Que s'il en est ainsi, encore moins peut-on révoquer en doute que les mouvements des autres animaux, conduits par un attrait naturel ou par l'influence des sens ou de l'imagination, n'échappent pas, au gré de la raison, au gouvernement d'en haut. Et pour tout conclure d'un mot, l'essence des êtres en vertu de laquelle ils existent dans tel ou tel genre, ou l'existence par laquelle ils sont, ou l'usage par lequel ils produisent des effets, le très juste, le très-puissant et le tressage médiateur les meut, les change et les retient par les règles éternelles et immuables de ses décrets, et régit toute la création comme une cité très-bien disposée et très-bien réglée par l'effet d'une justice qui ne s'écarte jamais.

5. L'ensemble de la création est-il donc cette cité que l'épouse se propose de parcourir? Les sages de ce siècle ont parcouru les créatures de ce monde, et, dans l'habileté du travail qui brille en elles, ils ont admiré la sagesse de Dieu qui en était l'auteur. Je parle de l'oeuvre de la sagesse et non de cet ouvrage dont il est dit : « Mais Dieu, notre roi avant les siècles, a opéré le salut au centre de la terre (Ps. LXXIII, 12.») Par le travail, ils ont connu l'ouvrier, mais ils ne l'ont pas glorifié, ou ne lui ont pas rendu grâces. L'âme fidèle parcourt et retourne tout à la gloire de Dieu, et invite toute créature à le glorifier, pour s'exciter elle-même par là à lui rendre grâces, et la vue de cet ensemble développe en son coeur la flamme de l'amour divin. Salomon fit ce tour, et il disputa depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope. Il le fit dans l'Ecclésiaste, et, après qu'il eut parlé du mouvement des éléments, il en vint aux actions de l'homme, afin d'aller de la vanité des choses qui passent à la vérité qui demeure toujours. Job fit ce tour; bien plus, il fut conduit par le Seigneur; il visita les fondements de la terre,-la ligne, lés bases, la pierre angulaire, les astres du matin, la joie des enfants de Dieu, les rivages de la mer, son lit, son vêtement et les haillons nuageux qui couvrent son enfance, les fers, les gonds, les portes, le lever du point du jour, le séjour de l'aurore, et les natures de quelques autres êtres. Car il était trop long de les énumérer toutes, toutes auraient excité l'admiration de celui qui les aurait examinées avec attention, et l'amour de celui qui les aurait considérées avec un sentiment de piété. Le spectacle de ces créatures est proposé uniformément à tous ceux qui ont l'usage de la raison, et elles prêchent par leur beauté manifeste la majesté de celui qui les créa. Cependant, sous un voile si beau, plus beaux sont les sacrements de notre salut et les dons multiples des grâces célestes qui s'y trouvent cachés.

6. En dernier lieu, David, à la fin des psaumes, après avoir excité toute créature à louer Dieu, s'écrie : « Chantez an Seigneur un cantique nouveau, que sa louange éclate dans l'assemblée des saints. » (Psalm. CXLIX.) Cantique vraiment « nouveau, » dont la matière ne vieillit pas, dont la grâce ne se fatigue pas, chant toujours nouveau par l'amour, plus nouveau encore par l'usage qui s'en fait. Vraiment nouveau, il renouvelle les esprits des hommes et les élève à la béatitude éternelle. Enfin on lit : «Ne vous rappelez pas les choses premières, ne regardez pas celles qui sont anciennes, moi aussi je fais du nouveau. » (Is. XLIII. 18.) Oui, du nouveau qui ne se trouve pas dans les lois de la nature qui ont leur cours depuis les temps antiques. « Que sa louange éclate dans l'assemblée des saints. » Quelle éclate par privilège de sa propre excellence, non point seulement par mesure d'équité mais par le don gratuit de la sainteté qui nous a été communiqué. « Que sa louange éclate dans l'assemblée de saints : » parce que l'acte des saints la fait paraître de telle sorte que c'est l'affection qui cherche à la produire et se la propose pour but. Les saints, en effet, reçoivent excellemment les dons de la grâce, ils éprouvent la dévotion et ils paient leur tribut de leurs remerciements. Dieu trouve un certain privilège à être loué dans l'assemblée des saints : hors de l'église il est loué par le ministère insensible et muet des créatures sans raison, et par celui des hommes, qui est vain aussi. Pour les êtres privés de sentiments, c'est leur condition, dans les hommes que le baptême n'a pas régénérés, c'est une connaissance quelconque, mais dans les uns comme dans les autres ce n'est point l'amour. L'amour pour le Créateur manque dans les premiers et il n'est pas saint dans les autres. « Que sa louange éclate dans l'assemblée des saints. » Le saint examine tout et le pèse autant qu'il lui est possible, les choses qui ont été créées, comment elles existent naturellement; celles qui ont été réglées, comment elles ne restent pas' sans ordre et sans direction, et celles qui ont été prédestinées comme elles sont heureusement; en sorte que par ce moyen il obtient, selon ses forces, la connaissance de l'auteur de tout; il enflamme son zèle et sent l'affection ravir son coeur.

7. Voilà la cité spirituelle, voilà l'assemblée des saints que l'épouse entreprend de parcourir. Dieu bon, quelle matière à d'utiles considérations! Qui pourrait assez estimer combien belles, combien nombreuses sont les méditations à faire sut 'lés-' sacrements, les exemples et les miracles ? Lés premiers se rapportent au salut, les seconds à la pratique, les troisièmes à la preuve de la vérité. Mais que dire, lorsque des mystères, l'esprit s'élève à admirer les récompenses éternelles des mérites acquis dans lé temps? Comme il est inondé de cette joie selon d'immenses désirs? « Enfants des hommes, pourquoi aimez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge? (Psalm. IV 13.) » Pourquoi détournez-vous votre âme vers des jouissances étrangères, pourquoi poursuivez-vous avec fatigue des délices caduques? Vous tenez, comme à la main, les mystères, objet de votre foi, mystères faciles à graver dans la mémoire, profonds à méditer, éternels dans leur durée, pleinement suffisants pour tous. Enfants des hommes, mieux que cela, fils du très-haut, élèves de la religion, qui foulez aux pieds, ce pavé des lieux où se pratique la perfection régulière, pourquoi votre gosier altéré soupire-t-il après les eaux bourbeuses et dédaigne-t-il celles qui viennent du ciel? Pourquoi admettez-vous clans votre esprit des pensées à la réalisation desquelles vous ne mettez pas la main? Ce que vous ne voudriez pas faire, pourquoi le ruminer avec soin dans votre pensée? Vous avez souvent expérimenté que tout ce luxé de honte que l'on médite en son âme aboutit promptement au remords. C'est une honte que de le dire, c'est un tourment que de le faire. Changez donc la matière de vos méditations mais gardez-en la ferveur. N'est-il pas bien honteux de diminuer votre zèle, alors que vous lui donnez une direction meilleure? Je vous le dis de même que vous avez employé votre esprit à des pensées aimant à voir la corruption, de même employez-le présentement aux pieuses considérations de la vérité qui est si belle. « Entourez Sion, » dit le Psalmiste, « et étreignez-la » (Psalm. XLVIII. 13.) Entourez-la par vos méditations, étreignez-la par votre amour. Entourez-la afin de la bien saisir et de la placer dans l'intime de votre être. L'étreinte dit plus que le circuit. L'étreinte embrasse le tout, le circuit passe d'un point à un autre. Le circuit parait l'emporter en ceci : ce que nous étreignons, nous le tenons dans l'ensemble et sans discernement des détails, tandis que' dans circuit nous examinons à loisir chaque point tour-à-tour. L'un se contente d'embrasser à la fois le tout, l'autre parcourt successivement les parties qui le composent.

8. L'esprit qui a faim et qui cherche, si quelques biens ne le rassasient pas toujours, en cherche d'autres; il roule dans une sorte de cercle, emporté par le mouvement d'un désir qui court, jusqu'à ce que sa faim soit satisfaite et qu'il arrive à ce terme de sa marche où il ne trouve pas de terme. Aucun des biens créés, vu sa manière d'être, n'est infini, et c'est pourquoi l'esprit qui fait le tour les parcourt tous, ne trouvant pas de repos là où il trouve une fin. Celui-là sénl est le repos et le rassasiement de l'amour qui est là fin do tout et dont rien n'est la fin. C'est la raison pour laquelle l'épouse dans sa marché traverse toutes les créatures afin d'arriver à lui. « Je me lèverai, » dit-elle, « et je parcourrai la cité. » Je passerai par tous les êtres, cherchant celui qui j'aime sans le trouver nulle part. « Les choses invisibles qu sont en lui, comprises, sont vues par les êtres qui ont été faits. (Rom. I,  20) : Cependant je ne suis ni pleinement instruite parle témoignage, ni pleinement embrasée par le rôle d'aucune créature, même excellente et ressemblant au Créateur. Autant cette image est éloignée de la vérité, autant est faible, lent et inefficace ce ministère de la créature à faire connaître son auteur. « Je parcourrai donc la cité, » atteignant tous les êtres, les dépassant tous, les atteignant en tant' qu'ils présentent de lui une image variée; les dépassant, là où ils subsistent en-deçà de la perfection. « Je parcourrai la cité, » cherchant partout le rafraîchissement et sentant le dégoût. Comment ne me reposerait-elle pas, la créature qui porte quelque gage de mon bien-aimé, qui m'en offre quelque indice, m'en rappelle le souvenir et m'en fournit la connaissance? Mais comment ne sentirai-je pas l'ennui, lorsque je pense que je n'ai de lui qu'une image qui me trompe, qu'une ombre qui me retient, que je ne possède pas la vérité simple et nue? « Je parcourrai la cité, » parce que dans toute sa belle enceinte partout je suis récréée, mais nulle part satisfaite.

9. Ce circuit ne me fatiguera pas, jusqu'à ce qu'une entrée plus pleine me soit ouverte pour pénétrer dans le sanctuaire de Dieu et que je voie clair dans ses dernières révélations. Là s'arrêtera notre marche, lorsque nous aurons été comblés des biens de votre. maison, Seigneur, lorsque j'aurai compris dans ses dernières splendeurs celui qui est le premier et le dernier, le commencement et la fin. Oh! quel mouvement alors, aller de lui vers lui, aller et revenir : aller par le désir, revenir par la délectation, quand toujours sa présence rassasie et sa jouissance enflamme le désir, quand l'esprit de celui qui le voit et le possède tend vers lui par la volonté et se trouve contenté par sa jouissance ! Il en est ainsi de ces animaux pourvus d'yeux et d'ailes, placés « au milieu et autour du trône de Dieu. (Ap. IV, 6.) « Au milieu » parce qu'ils sont arrivés à l'intime de leur voeu, « autour » parce que ils sont emportés par un désir sans cesse     renaissant. « Au milieu, » parce que leur souhait est déjà accompli, « autour » parce qu'ils ne peuvent comprendre, tout l’être de Dieu. Ils sont admis « au milieu » par la grâce, et « autour, » ils sont comme exclus par la différence de nature. Ils sont « au milieu, » car ils sont unis par la contemplation et « autour » parce que la comparaison les sépare de Dieu. Quel est ce siège, sinon celui dont parle l'apôtre, la lumière inaccessible que le Seigneur habite. (I Tim. VI, 16.) Quelque clairvoyants que soient ces bienheureux animaux, Dieu les illumine afin qu'ils comprennent autant qu'ils le peuvent, et il les dépasse, pour qu'ils ne puissent tout le saisir. O quelle grande matière de contemplation! quelles sont larges les places qui se développent dans cette infinité de lumière; combien réserrés, unis et étendus les carrefours dans cette simplicité, dans cette charité, dans cette éternité! Ces rues sont belles et ces sentiers pacifiques. On ne se trompe pas, on ne se fatigue pas en les suivant. Partout on y rencontre l'époux et (pour ainsi parler), il se présente avec un visage joyeux et se fait sentir au coeur de l'épouse, de manière qu'on n'a plus besoin de chercher notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne aux siècles des siècles. Amen.

 

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