SERMON XIII
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SERMON XIII. Je l'ai tenir, je ne le laisserai point partir, etc. (Cant. III, 4.)

 

1. L'explication de ce passage nous occupe encore : « Je l'ai saisi et ne le lâcherai point. » Faut-il tant de soin et de zèle pour retenir votre bien-aimé après l'avoir saisi? S'il est époux, il répond d'une façon pareille à celle qui l'aime : Comment ne s'attache-t-il pas à vous de lui-même et ne vous étreint-il pas de son propre mouvement? Enfin, le zèle impatient de ceux qui aiment a ce caractère; repoussé, il revient avec importunité, et une vive ardeur ne tonnait pas la pudeur. Or, maintenant vous dites : « Je ne le lâcherai pas, » comme s'il s'efforçait de fuir s'il n'était pas retenu avec effort. S'il aime, comment voudra-t-il partir, ou se laissera-t-il arracher? Ou bien, est-ce un soupçon d'amour qui vous inquiète et une crainte inutile de le perdre, dans votre grand désir de le garder ? Il n'y a pas cependant de crainte vaine, là où l'issue de l'affaire est incertaine. La frayeur n'est pas inutile au milieu des dangers. Ce qu'il a plus à redouter, c'est notre légèreté naturelle. Car l'époux est Dieu, et il ne change pas. Votre légèreté innée vous met bien près de la chute, et si vous n'êtes solidement attachée, vous serez facilement emportée par l'instabilité d'un esprit sans consistance.

2. Mais appliquons ces paroles à l'Eglise primitive. Elles paraissent lui convenir, quand, animée d'une confiance prophétique, elle défendait, contre les attaques des persécutions, les droits de la foi et de la charité. Voyez combien de malheureux se sont efforcés ou de détruire ou de souiller cette union spirituelle de Jésus-Christ et de l'Eglise. Considérez les débuts de cette société sainte, quand elle était allaitée, et que, nouvelle fiancée, elle se hâtait pour recevoir les premiers embrassements de Jésus. O bon maître, que de fureurs, que de fraudes elle eut à subir en ces jours! Il fallait qu'il y eut des hérésies, il fallait que des persécutions éclatassent afin qu'elle s'attachât avec d'autant plus de force à son bien-aimé, qu'elle se voyait arrachée avec plus de violence à sa foi et à la confession de sa gloire. «Qui, s'écrie l'un des apôtres, au nom de toute l'Eglise, qui nous séparera de la charité du Christ? (Rom. VIII, 35.) » On ne vit pas en eux se corrompre la vérité de la foi; on n'y vit point captive la liberté du témoignage. « A cause de Sion, dit le sage, je ne me tairai pas, et à cause de Jérusalem, je ne me reposerai jamais (Is. LXII, 1.) » Battus dans la synagogue, les disciples reçoivent l'ordre de garder le silence. Mais, à cause de Sion, ils ne se taisent nullement; et pour l'amour de cette Jérusalem charnelle, ils ne reposent point. Synagogue vraiment charnelle, qui éteignit en elle l'esprit vivifiant et s'efforça de l'éteindre dans l'Eglise. Elle ne voulut pas connaître le Christ, et à cause de ce crime, elle flet livrée au sens réprouvé. Elle rejeta la pierre éprouvée, la pierre choisie; elle prit le parti de la loi et méconnut le Christ; elle prit la clef de la science, n'y entra pas, et ne permit pas aux autres d'y entrer. Pourquoi nous fermes-tu la porte, quand le Christ nous fa ouverte? Sur son épaule est la clef de la maison de David, qui ouvre et personne ne ferme, qui ferme et personne n'ouvre. (Is. XXII, 22.) Elle ouvrit pour les Gentils et ferma pour les Juifs. L'aveuglement est, en effet, sur Israël en partie, afin que la plénitude des nations entrât. La Judée est aveugle, et sous le voile de la lettre, elle ne sait pas trouver une issue. La synagogue prêche le voile, elle réprouve la vérité, ne les présentant pas ou ne les divisant point comme il convient. Elle diviserait sagement, si elle distinguait l'observation de la lettre de son interprétation; si elle assignait un temps à son antiquité et un temps à sa nouveauté. Il y a un temps pour coudre et un temps pour déchirer. Tout à la fois, l'un a été ordonné et l'autre prédit. Mais la figure se trouvait dans l'un et l'autre était sous la figure. Et l'Eglise divise et déchire ce qui avait été cousu, et si parfois elle connaît la lettre selon la chair, la synagogue ne connaît plus celui qu'elle tenait enveloppé sous les symboles, et elle l'abandonne quand il est découvert.

3. L'Eglise dit : « Je le tiens et ne le lâcherai pas. » La synagogue Je réprouve, et même adresse des reproches; mais l'Eglise ne craint pas, en entendant la voix qui blâme et qui murmure, en se trouvant en face de l'ennemi et du persécuteur. Le serviteur méchant dit dans son cœur : « Mon maître tarde à venir. (Matt. XXIV, 48.) » Et alors il frappe les serviteurs du Seigneur, parce qu'ils connaissent et annoncent l'arrivée du Juste; mais eux, à cause de Sion, ne se taisent pas, et à cause de Jérusalem, ils ne se donnent point de repos. Les ennemis peuvent frapper leur corps ; ils ne peuvent séparer leur âme de l'union avec le Christ. Les fouets inculquent plus fortement dans leur coeur l'amour de Jésus. Flagellés, menés en prison, traînés devant les tribunaux, ils se réjouissent dans toutes ces épreuves, parce qu'ils ont été trouvés dignes de souffrir de la honte pour son nom sacré. « Je l'ai saisi, je ne le lâcherai pas. » L'Eglise l'a tenu, parce qu'elle n'a pas craint. Elle n'aurait pas craint, quand même la terre serait ébranlée, et quand même les puissances supérieures de ce monde seraient plongées contre elle dans un abîme d'amertume. Elle est liée à son époux par un lien qui ne pouvait être rompu, par le lien de la charité, qui ne peut être brisé, car la charité ne manque jamais; elle agit avec confiance parce qu'elle s'est liée par l'amour. Qui s'attache au Seigneur devient un esprit avec lui (I Cor. VI, 17) ; mais là où est l'esprit Seigneur, là est la liberté. Ainsi, elle agit en liberté et elle maintient invariable la confession de son espérance. Et pourtant alors la foi était chose vaine, et sa confession acte digne de confusion. Que dis-je de confusion ? La foi exposait aux derniers périls. Les fidèles ne pouvaient pas cependant craindre ceux qui font périr le corps. L'Esprit de vie, le seigneur Jésus-Christ était devant leurs yeux. C'est pourquoi ils souffrirent plus facilement d'être arrachés de leur propre chair que d'être séparée de sa charité. Pour tenir l'époux, elle n'a rien retenu de son corps. Aussi,           elle dit : « Je l'ai tenu et ne le laisserai point partir.»  Elle tint bon au milieu de tant d'hérétiques qui pervertissaient et d'ennemis qui persécutaient, et lorsque notre foi étaient encore au berceau.

4. « Jusqu'à ce que je l'introduise dans la maison de ma mère. » Maintenant notre foi est arrivée au lieu de sûreté. On ne l'attaque de ouvertement. Ceux qui la persécutaient lui ont fait soumission, et ceux qui la pervertissaient se sont mis à diriger les autres à sa lumière. Elle a été introduite des champs dans la maison, de la mer dans le port. La fureur des princes qui la persécutaient s'est changée yen. bienveillance, et les objections subtiles des hérétiques, résolues par la vérité sincère de la foi catholique, ont gardé le silence. A présent, notre foi, Jésus-Christ, a été arraché aux contradictions du peuple. Il a été placé à la tête des nations; il n'est plus un signe de contradiction. Après les combats que tant de martyrs ont souffert pour la foi du Christ, après que l'Église a brisé les violences de tant de tyrans, pulvérisé les objections de tant d'hérétiques; maintenant que, dans la croix, il n'y a plus de scandale, mais de la joie ; que nous sommes devenus pour ce monde, non un spectacle d'opprobre, mais un triomphe de la grâce ; après tant de périls surmontés, ne vous semble-t-il pas que l'Église du Christ a introduit son bien-aimé comme du lieu du travail et du combat dans le lit du repos et de la paix?

5. Vous voyez donc que, dans les débuts de l'Église naissante la diligence fut nécessaire pour que le bien-aimé, si longtemps désiré et enfin si heureusement trouvé, ne fût pas arraché à son épouse. Qu'arrivera-t-il maintenant par la suite, quand cet époux est en sûreté, et qu'il est entré par la foi dans le lit nuptial? Faudra-t-il se livrer à la paresse et dire adieu à la précaution? Sera-t-il en danger dans la paix, celui qui n'a pas connu le péril . dans la tempête? Ne court-il pas de péril celui qui meurt? « Sans les oeuvres, la foi est morte (Jacob. II, 17). » L'apôtre recommande la foi, la foi qui opère par la charité (Gal. V, 6). Là où se trouve l'action de l'amour ou l'amour de l'action, là est la vie de la foi. Riais si la vérité se trouve dans la croyance, la liberté dans le témoignage, et s'il n'y a pas la vie par la dilection, un tel lien n'est pas triple et il se rompt facilement. C'est une liberté imaginaire, celle qui ne sort pas de la racine de la charité, et un témoignage de ce genre ne se base pas tant sur sa propre liberté que sur la licence d'autrui. Elle est précaire, non propre; elle dépend de la faveur des princes, elle ne procède pas de la chaleur de la foi. C'est par la chaleur de la charité que la foi reçoit le mouvement de la vie. Elle est paresseuse, surtout là où le danger menace, si par l'heureuse influence de l'amour elle ne prend pas la liberté de confesser tout haut ses sentiments. Autrement, la confession expire sur les lèvres d'un mort, comme s'il n'existait pas.  Sans la charité, la foi est donc vaine et la confession inutile. L'apôtre dit que le Christ habite par la foi dans nos coeurs (Eph. III, 17). Est-ce par cette foi morte ? Si la vérité est au-dedans et la vie au-dehors, le Christ est divisé, car il est vérité et vie. Vous n'avez pas encore introduit votre bien-aimé, quand il est à moitié dehors. Que dire donc s'il n'est pas le bien-aimé ? Comment est-il aimé, si la charité n'est pas unie à la foi? Ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus (Rom. VI, 4) ; mais c'est pour lui qu'il ne meurt plus; prenez garde qu'il ne meure pour vous, ou plutôt que vous ne mouriez pour lui; autrement, quelle pourra être l'affection d'un défunt ou la charité que l'on entretient avec un mort.? A quel titre sera-t-il appelé, votre bien-aimé, s'il n'y a pas en vous de dilection? Si le Christ habite en votre coeur par la foi, et s'il est dehors, au point de vue de la charité, je crains, bien plus, il est certain qu'il est partagé ou mort en vous. « Je vis, dit saint Paul, ce n'est plus moi, c'est Jésus qui vit en moi. (Gal. II, 20.) »

6. Vous pouvez, vous aussi, employer les mêmes paroles, si pourtant, avec le même apôtre, vous pouvez dire : «la charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs, par l'esprit saint qui nous a été donné. » (Rom. V, 5.) Mais cette vie est laborieuse dans les uns, libre dans les autres et elle se passe pour d'autres, dans des délices spirituelles. Que si encore vous avez courbé la tête sous le joug de la chair, et si votre coeur ouvre une entrée facile, et un accès familier aux princes des ténèbres, si vous avez prostitué votre âme à d'impudique amants, quel sera en vous l'accord de Jésus-Christ avec Bélial? quelle société de la lumière avec les ténèbres? Mais, si pour l'amour de Jésus, vous avez déclaré la guerre aux vices et à l'esprit qui souffle les vices, vous tenez à la vérité, votre bien-aimé, mais vous n'êtes pas encore en pleine sûreté. Vous êtes agité, vous ne jouissez pas de la tranquillité du lit nuptial. La foi est dans le port, mais il vous reste à briser, ou du moins à fuir l'entraînement d'une mauvaise coutume, et le flot des tentations qui sortent du dedans ou viennent du dehors. Tenez constamment le bien-aimé dans les dangers, de peur qu'il ne vous échappe, jusqu'à ce que vous l'introduisiez dans la maison de votre mère et dans l'appartement de celle qui vous a donné le jour. Tenez-le avec effort, de crainte que si vous étiez peu attentionné et moins attentif il ne vous échappât. Vous le tenez par la foi, vous le tenez par votre profession, tenez-le par vos mœurs, tenez-le par votre conduite, rie le lâchez pas. Du reste, le combat, à présent, ne roule pas sur la vérité de la foi, mais le fort de la lutte s'est porté contre les bonnes moeurs et la vie honnête. Dans ces jours-ci passent des temps pleins de périls, et il s'y trouve des hommes s'aimant eux-mêmes, cupides, orgueilleux, chercheurs, et ce qui est pire, provocateurs de péchés. Au début de la foi chrétienne une grande persécution se déchaîna contre ce nom; ce qui éclate aujourd'hui, c'est la corruption assez prononcée et trop lente à guérir. Les exemples mauvais gâtent les bonnes mœurs. Tirez-nous, ô bon Jésus, à l'odeur de vos parfums, de crainte qu'un souffle mauvais s'exhalant, du voisinage, ne corrompe en nous le sel de la sagesse. « Que votre discours, » dit St. Paul, « soit toujours assaisonné de sel dans la grâce. » (Col. IV, 6.) Est-ce le discours seul, et n'est-ce pas plutôt la vue, Fouie, la démarche et tout l'extérieur qui doit être imbibé de sel? « Plaisez à tous en tout, comme moi, » dit le même apôtre. (Cor. X, 83), que si les premiers de l'Eglise sont affadis; les peuples, comment seront-ils aspergés de sel ?

7. Et nous, mes frères, qui faisons profession de la vie religieuse, nous devons être le sel de la terre. Si le sel s'affadit en nous, par quel moyen lui rendrons-nous sa vertu? Le prêtre est devenu comme le peuple, afin que le peuple devienne, avec plus de licence, comme le prêtre. Les moines se conforment avec soin au monde, et ceux qui sont dans le monde défendent leur erreur avec assez d'habileté et trop de vérité par notre exemple. Pasteur et peuples, séculiers et religieux se forment et s'excitent aux vices par leurs exemples réciproques. Ce sont des greniers pleins, répandant de côté et d'autre l'esprit pestilentiel d'une vie honteuse ou tiède. Hélas! avec quelle bouche avide du coeur, nous attirons ce mauvais esprit et nous respirons cet air corrompu! Cette pourriture s'introduit de tous côtés par les fenêtres. O bon Jésus! quand verrons-nous, si jamais on le voit, et la foi intègre et pareillement les moeurs pures! Quand arrivera-t-il que, de même qu'il y a paix avec la vérité, aussi il n'y ait plus de lutte pour la vertu? Quand vous embrasserons-nous entièrement et à notre gré dans le lit de la contemplation et du repos? Il en est peu dans l'Eglise qui soient arrivés à cet état, mais cependant ils disent en partie : « Je l'ai tenu, je ne le quitterai pas, jusqu'à ce que je l'introduise dans la demeure de ma mère, et dans le lit de celle qui m'a mis au monde. » La face de l'Eglise n'offre pas tout entière cet aspect, elle l'offre néanmoins dans sa plus grande partie, en sorte qu'elle peut dire : « Je l'ai saisi, je ne le lâcherai pas, jusqu'à ce que je l'introduise dans la maison de ma mère et dans le lit de celle qui m'a donné le jour. » La foi est plus répandue, les oeuvres de la charité sont restreintes. N'est-il pas vrai que cette distinction se fait remarquer dans l'universalité de ceux qui croient, n'est-elle pas aussi en chacun de nous? Quel est celui qui sent, à un égal degré, en son âme l'intégrité d'une foi vraie et inébranlable et celle des sentiments pieux et sérieux? Il est vraiment grand, si la grandeur est pour quelqu'un, celui qui de même qu'il ne titube pas dans la foi, n'est pareillement point troublé par les passions de l'esprit. C'est d'un chrétien de ce genre que je prononce qu'il est pleinement entré dans les secrets du lit nuptial. La tranquillité du caser est un excellent lit. La sagesse travaille avec les autres, mais l'esprit du Seigneur se repose avec celui qui est humble et pacifique, et son séjour est dans la paix. Mais qu'ici s'arrête notre discours, ou que plutôt nos sentiments se reposent dans le secret de cette couche, afin que l'entretien qui suivra exprime avec plus d'abondance, ce que l'expérience nous aura appris, avec l'aide de notre Seigneur Jésus-Christ, qui avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne Dieu dans tous les siècles. Amen.

 

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