|
|
SERMON XXXIV. Vos lèvres, ô mon épouse, sont un rayon qui distille le miel, etc. (Cant. IV, 11.)
1. « Vos lèvres, ô mon épouse, sont un rayon qui distille le miel, le miel et le lait sont sous votre langue; l'odeur de vos vêtements est comme une odeur d'encens. » Ce sont des paroles extrêmement douces qui viennent d'être maintenant adressées à l'épouse. Mais vous demandez comment elles s'accordent avec celles qui précèdent. Qu'il me suffise de vous avoir fait remarquer une fois, que les éloges ne sont pas astreints à la loi de l'enchaînement qui régit les discours ordinaires. Ils ne se captivent pas à suivre un ordre exact, ils promènent leurs élans en toute liberté. Dans les passages qui renferment des louanges, on n'est pas en droit d'exiger de la suite : et il ne faut pas les rejeter si on ne peut y en assigner. Après avoir vanté les parfums, de suite on se met à louer la beauté des lèvres de l'épouse. Que savez-vous, si ce n'est en la vertu de ces parfums que tant de grâce s'est répandue sur ses lèvres? Parcourez l'évangile, et vous y trouverez un éloge semblable fait de l'époux. « L'esprit du Seigneur est sur moi, » dit le Sauveur, « parce qu'il m'a oint : il m'a envoyé prêcher l'Evangile aux pauvres, (Luc. IV, 18.) Il a donc fallu que l'épouse fut assimilée à son époux en ce ministère, il a fallu qu'elle reçut, elle aussi, l'onction pour accomplir l'oeuvre de la prédication de l'Evangile. Car l'esprit se répand et pour donner la charge et pour la faire remplir. L'une et l'autre viennent de lui, la place dans le ministère et la grâce de la bien remplir. Sans la grâce, la charge est inutile, et sans la charge, l'usage de la grâce serait présomptueux. « Comment prêchera-t-on si on n'est point envoyé. » Ou comment sera-t-on envoyé si on ne reçoit pas l'onction? ainsi qu'il est écrit. (Rotin. X, 15.) «L'esprit du Seigneur m'a oint; il m'a envoyé pour prêcher aux pauvres. » L'esprit saint élève à l'office, il ouvre la bouche et aide à en remplir les devoirs. Voilà pourquoi en faisant l'éloge de l'épouse, le bien-aimé parle d'abord des parfums, et ensuite de la douceur de ses lèvres, parce que, bien qu'elle profère des paroles bien suaves, ce n'est pas elle qui parle, mais bien l'esprit de son époux qui s'exprime en elle. Entendez ce que Jésus, l'époux, promet à la primitive église, c'est-à-dire, aux apôtres qui reçurent les prémices de l'esprit : « Je vous donnerai une parole et une sagesse, auxquelles tous vos ennemis ne pourront pas résister. (Luc. XXI, 15.) Grande est la vertu de la parole de Dieu, elle peut vaincre ceux qui s'opposent à elle, et attirer ceux qui ne lui font pas obstacle. Voilà ce qu'il y avait à dire de son éloge : ce qui est à exposer maintenant, se rapporte plus à la douceur qu'à la controverse. « Vos lèvres sont comme un rayon de miel. » Il lui est familier, c'est chose innée chez l'épouse de proférer des paroles douces. Quand il lui arrive de faire de durs reproches, c'est un procédé qui lui est étranger et emprunté à des pays éloignés, ce n'est pas la tendance de sa nature, elle n'y est pas portée d'elle-même, c'est la contrainte seule qu'il y pousse. Les paroles douces sortent de son propre fonds : les propos sévères ne viennent pas de l'âpreté de sa bouche, la méchanceté de ceux qui les entendent les a seule provoqués. C'est donc une qualité propre et familière de l'épouse que le bien-aimé exalte par ces paroles : « Vos lèvres sont un rayon de miel. 2. Mais parce que vous avez entendu quelque peu parler de lenchaînement qui relie cet éloge aux paroles qui précèdent, vous voulez que je vous développe le sens qu'il contient. Il renferme ces trois sujets de louanges, la douceur, la plénitude, la sobriété. La douceur se fait remarquer dans le genre, la plénitude dans l'abondance et la sobriété dans leffusion . Que dis-je leffusion ? C'est plutôt une distillation. « Vos lèvres sont,un rayon qui distille le miel. » Qu'est-il nécessaire de s'arrêter à développer chacun de ces détails. Vous savez,en effet, que le rayon de miel ne donne que de la douceur, et qu'il ne coule, que lorsqu'il est arrivé à sa plénitude. Il déborde de son trop plein, mais il ne l'épanche pas entièrement. Aussi « vos lèvres » sont un rayon qui ne répand point, mais qui « distille » seulement le miel. On trouve donc sur les lèvres,de l'épouse uniquement la douceur, entièrement la douceur et la douceur avec mesure. Elle la possède pleinement, elle ne la répand point entière, ment, seulement dans la mesure qu'exige la capacité dé cens qui l'écoutent. Voulez-vous aussi entendre l'épouse parler de ses lèvres? «Que vos paroles, ô Seigneur, sont douces à mon gosier, elles sont plus agréables à ma bouche que le miel., » (Ps. CXVIII, 103.) Elles sont bien douces les lèvres;de l'épouse: Les paroles du Seigneur en découlent. Cette douceur est la douceur même, des paroles, divines. Car elle ne parle pas de son propre, fond, mais elle fait entendre comme les accents. de Dieu : voilà pourquoi la grâce est répandue sur ses lèvres. Apprenez, en partie maintenant, quel miel distille le rayon de la parole divine, et comment elle est mesurée à chacun, selon la capacité que Dieu lui a donnée. Elle remet, elle promet et elle donne d'avance. Elle remet les péchés, elle permet ce qui sent l'infirmité, elle promet les biens qui sont éternels, et elle fait goûter, par anticipation, quelques-unes des délices qui accompagneront leur. possession. Elle parle la sagesse au milieu des par, faits, non la sagesse de ce monde, mais la sagesse de Dieu cachée dans les mystères, :et parmi ceux qui ont le sens moins spirituel, elle pense ne rien savoir autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié, Elle exhorte à la perfection, elle ne contraint personne à y tendre, mais plutôt elle console les pusillanimes, elle accueille les faibles et si, elle corrige ceux qui ne sont, pas en repos, ses réprimandes elles-mêmes respirent la tendresse maternelle. Elle éprouve de la compassion pour celui qui pèche, elle est pleine d'indulgence pour celui . qui revient, elle ne calcule, pas ses pardons, et ne, leur , assigne point, de terme qui ne puisse pas être dépassé, elle qui a reçu ordre de pardonner septante fois sept fois par jour, à celui qui viendrait, autant de fois lui dire ses fautes. 3. Voyez combien grande est la douceur qui règne sur les lèvres de l'épouse, toutes les fois que vous tombez dans le mal, autant de fois, si vous vous convertissez, elle distille sur vous le bien, et le nombre des pardons n'épuise jamais sa bonté.. A l'imitation des anges de ,pieu, elle n'insulte pas le pécheur, mais bien plutôt elle tressaille; de joie quand elle le voit faire pénitence. (Luc. XV, 10.) Il est bon par conséquent de prêter l'oreille aux discours qui tombent de sa bouche. Le Seigneur écoute favorablement ses prières, et ainsi elle exécute et attire, votre, affection, afin de vous manifester celle qui l'anime de son côté. Dites, épouse, ce que vous dites, car votre bien-aimé vous entend avec avidité, ou bien parler de lui ou bien converser avec lui. Mais quand l'épouse s'adresse à son époux lui-même, alors elle fait entendre les accents de la plus douce lèvre, elle emploie un langage qu'on n'entend pas d'ailleurs. Alors les lèvres de son coeur distillent le miel d'une délectation vraiment divine, ou plutôt elles ne le distillent pas, elles le font jaillir, parce qu'à ce moment heureux, son âme tout entière se convertit en affections suaves. inexprimable réciprocité qui du coeur de l'épouse, fait couler des ruisseaux de miel,dans l'âme du bien-aimé, et les fait refluer ensuite 'du cur de l'époux dans l'intérieur de celle qu'il chérit. Car ces ruisseaux de miel, reviennent aux lieux d'où ils sortent pour refluer encore. Délicieux rayons de -miel placés., sur les lèvres de l'époux et de l'épouse, allant de l'un à l'autre. et répandant, de toutes parts; la douce, rosée d'un tendre amour. L'époux fait tomber d'en-haut la grâce : l'épouse fait jaillir d'en-bas l'action de grâce. Jésus lui-même produit dans l'âme qu'il aime, les gouttes de cotte rosée de miel. Ce sont des gouttes de rosée extrêmement délicieuses que ces sentiments de l'amour divin; liquéfiée par leur ardeur, Pâme s'exhale en gouttes de miel, à la vue de celui qu'elle aime, en présence de son Dieu. Aussi ses lèvres sont comme un rayon qui distille -le miel parce que le feu qui consume l'esprit ainsi embrasé est extrêmement doux: transport qui passe vite à cause de cette extase enivrante, qui ravit l'âme à elle-même, et à cause de l'interruption qui ne manque pas de survenir bientôt. 4. «Vos lèvres sont un rayon qui distille le miel. » Je regarde comme entièrement purifiées, ces lèvres sur lesquelles Jésus lui-même croit savourer une douceur de miel. Les lèvres d'Isaïe touchées par les pinces et le charbon de l'autel, perdent leur souillure. (Is. VI, 6.) « Le Seigneur, » dit un autre prophètes « a étendu sa main, et il a touché ma bouche. » (Jerem 1, 9.) L'épouse ne désire pas ce charbon, le contact de ce doigt; ce qu'elle veut, cest des toucher la bouche du bien-aimé « qu'il me baise; » dit-elle, «d'un baiser de sa bouche :» (Cant. I, 1.) Les lèvres appellent impérieusement les lèvres. Les douceurs ne failliraient pas ainsi des lèvres de l'épouse, si les lèvres de l'époux ne s'étaient pas imprimées sur elles. De quoi se réjouit-il sinon de l'enivrement de ce baiser qu'il a ravi sur les lèvres de son épouse quand il dit : « vos lèvres sont un rayon qui distille le miel. » S'il parle ainsi, c'est à cause de ce baiser de la vérité. « Vos lèvres; » dit-il. « sont un rayon de miel qui goutte le miel, et le lait est dans votre langue. » Ce terme indique particulièrement la grâce de l'élocution. Les lèvres s'emploient aussi pour embrasser, la langue ne sert qu'à parler. Ce n'est pas la douceur seule qui se trouve dans le son que produit la langue, mais sous cette langue sont réunis « le miel et le lait. » Il est une feinte douceur que la langue fait sonner, mais qu'elle ne ressent nullement. Cette douceur est bien peu,de chose, quand elle se trouve toute sur les lèvres et sur la langue, sa plus grande partie n'étant pas sous la langue! La douceur de l'épouse n'est pas seulement sur sa langue, elle n'y est pas toute, mais, comme lassure celui qui le connaît si bien : « le miel et le lait sont sous votre langue. » Aussi elle prononce des paroles bonnes : paroles aussi bien de miel que de lait, à cause de la majesté de Dieu et en vertu du mystère de l'incarnation. La langue et les lèvres sont comme un canal d'argent par lequel, de la fontaine du coeur, s'échappent des ruisseaux de lait et de miel. Ce sont là deux choses douces, chacune est douce à sa manière. Le lait est pour les petits enfants, comme s'exprime saint Paul. (I Cor. III, 1.) Et le même apôtre fait entendre parmi les parfaits une sagesse douce et divine et presque semblable au miel. (I. Cor. II, 6.) 5. Les uns n'ont que du miel sous leur langue, et n'y ont pas de lait; les autres n'y ont que du lait et point de miel. L'un et l'autre se trouvent également réunis sous la langue de l'épouse. Le miel ne coule pas, il tombe plutôt goutte à goutte. L'époux en effet ne prodigue pas à chaque pas, et sans réserve, les manifestations sublimes et profondes des secrets célestes et les mystères de la divinité, il ne donne pas le lait à boire sans discerner les personnes. « Le miel, » dit-il, « et le lait sont sous votre langue. » Son discours en effet ou n'est pas dépourvu de douceur intérieure, ou il n'égale pas cette même douceur. Il est toujours aisé de prononcer des paroles douces à celui qui a le miel et le lait sous sa langue. Heureuse langue, qui répand ses paroles comme le rayon des gouttes de miel, et que le lait, destiné aux enfants, distend comme une mamelle qui distille le miel et fait couler le lait. Toute clameur, toute amertume et tout blasphème est écarté de ses lèvres, ainsi que le porte la recommandation de l'Apôtre. (Eph. IV, 31.) Sous cette langue il n'y a pas, comme le marque un psaume, de fatigue et de douleur : (Ps. X, 7.) « C'est le miel et le lait, » dit l'époux, « qui s'y trouvent. Les lèvres de la prostituée sont un rayon de miel, et sa gorge est plus brillante que l'huile. » (Prov. V, 3.) Cependant le miel et le lait ne sont point sous sa langue; ils ne se trouvent point dans son intérieur, ils n'occupent point le terme de sa carrière, « mais sa fin est amère comme l'absinthe, et incisive comme un glaive à deux tranchants. » Au livre des proverbes le même écrivain dit de la femme forte : « la force et la beauté forment son vêtement, et elle rira à son dernier jour. » (Prov. XXXI, 25.) Ce rire spirituel et vraiment heureux, sa bouche le commence déjà, et il est comme la douceur qui se cache sous sa langue. Maintenant cachés, ce miel et ce lait monteront en s'échauffant, et éclateront au dernier jour en pleine joie. Cette allégresse alors ne sera en aucune manière comprimée par le silence sous la langue; longtemps retenue, elle éclatera et remplira toute sa bouche; la bouche, veux-je dire, de cette femme qui a pour vêtement la force et la grâce. Voyez comment il ne faut point qu'on trouve dépouillée, celle qui attend qu'on lui rende les joies qu'on lui a promises. 6. Qui sait si ce ne sont point là les vêtements dont il est parlé ensuite dans ce même passage du cantique : «l'odeur de vos habits est comme la fumée de l'encens? j'ai couvert, » dit le Psalmiste, « mon âme dans le jeûne. » (Ps. LXVIII, 11.) Et encore : « j'humilierai mon âme dans le jeûne, et ma prière sera repliée en mon sein. » (Ps. XXXIV, 13.) Le jeûne est un bon vêtement, en son sein, la prière habite comme dans un lieu secret. C'est là un habit qui a un sein : « ma prière reviendra en mon sein. » Vous avez ici, si vous y prenez garde, deux choses, dans le jeûne, le vêtement de la force, et dans la prière, l'odeur de l'encens. « Ma prière, » dit-il, « retournera en mon sein. » Pourquoi, dit-il, « en mon sein? » Peut-être a-t-il par là donné à entendre le défaut de la prière tiède et mal faite, qui se dissipe dès le premier instant; voilà sans doute pourquoi il dit qu'elle revient à son sein, c'est-à-dire qu'elle se termine au point d'où elle sort? Mais comment se replie-t-elle, et revient-elle, si elle périt? La prière qui retourne en son sein, paraît donc plutôt être celle qui obtient promptement l'effet de sa' demande et jouit, sinon entièrement encore, en partie du moins, de la récompense promise aux désirs humbles et fervents. La prière aimante et enflammée a une grande douceur : et tandis qu'elle s'élève semblable à l'encens en présence du Seigneur, elle respire elle-même le sentiment suave de son propre parfum. N'est-ce pas un bon vêtement, que la vapeur de ce nuage qui couvre et entoure l'âme de celui qui l'offre au Seigneur ! Il est très-bon assurément. Pour nous, poursuivons ainsi que nous l'avons entrepris, d'expliquer les vêtements en les comparant aux couvres extérieures. 7. Les bonnes oeuvres en effet couvrent la difformité première de l'homme, et empêchent qu'on ne l'impute à péché; elles lui donnent de plus un charme et une beauté, qui lui font obtenir la grâce de Dieu. Les bons vêtements donc sont les bonnes oeuvres : elles ornent et elles intercèdent. Qu'elles ornent, c'est chose manifeste : mais l'ornement qui revêt tous les hommes ne sent pas l'encens, il n'a pas le caractère de la prière. Tel est celui dont les actions et la patience, rendues publiques, respirent l'ostentation et la vaine jactance, et nullement la prière instante, le désir de plaire au Seigneur, et la grande envie d'obtenir sa grâce. Comment l'odeur de vos vêtements se disposera-t-elle comme le parfum de l'encens? L'homme qui fait toutes ses actions pour plaire à Dieu, à qui il s'est rendu agréable, et pour mériter ses bonnes grâces, est l'heureux mortel dont les habits exhalent les senteurs de l'encens. L'encens ne doit s'offrir, et ne s'offre en effet qu'à Dieu : voilà pourquoi l'odeur de ces vêtements est semblable à celle de l'encens : parce que ce qu'il fait, soit en publie, soit en secret, il l'opère tout afin d'obtenir les complaisances divines'. I:huile dans les vases, l'odeur dans les habits, pourvu que ce soit l'odeur de l'encens, signifient le même mystère. Que demande-t-il au Seigneur sinon les joies spirituelles et ses éternelles délices, celui qui a en horreur, et repousse toute autre délectation ? « Mon âme a eu soif de vous, » s'écrie le Psalmiste, «par combien de cris ma chair vous appelle? » (Ps. LXII, 1.) Vous voyez par ces paroles, comment le vêtement de la chair remplit l'office de la prière, puisqu'on dit qu'il a soif de Dieu. Est-ce que la chair, affligée par des pénitences volontaires, ne s'efforce pas de fléchir le Seigneur, et de l'amener à être propice et favorable? Les supplices, quil supporte pour Dieu, sont comme autant de supplications adressées à cet être adorable. L'aumône faite au pauvre par un sentiment de miséricorde, prie : pourquoi les délectations de la chair, réprimée selon la règle, n'auraient-elles pas, elles aussi, l'efficacité de la prière ? Le châtiment de la volupté est comme une expression de désirs, et de désirs qui appellent une jouissance autre et meilleure. L'effet de la prière fervente se produit dans le coeur et s'y reproduit. L'encens fait sentir ses parfums dans le vêtement de l'abstinence extérieure. Excellente parure qui fait que l'âme n'est pas tant revêtue de chair, que du jeûne et de la privation des jouissances grossières. La continence virginale est un excellent habit : elle exhale une odeur suave comparable à celle de l'encens, soit pour ceux qu'elle aime, soit pour elle-même qui le chérit. Quoique ce soit qu'elle offre avec amour, en l'offrant,. elle ne peut s'empêcher d'éprouver une vive délectation. Car toutes les douceurs que l'on vante en elle, elle les ressent et les goûte. Elles viennent de son coeur et elles y séjournent. Un rayon de miel est sur ses lèvres, le miel est sous sa langue et ses habits répandent l'odeur de l'encens. Toutes ces choses que lon sent avec tant de plaisir, et dont on jouit avec tant de ravissement, sont aussi près que possible d'elle. « Les paroles de ma bouche », disait David, « vous plairont, et la méditation de mon coeur est constamment devant vous, » (Ps. XVIII, 5.) En ce passage vous trouverez l'un et l'autre de ces biens : et pour que rien ne manque au comble de la grâce, sous le terme d'habits, on désigne un troisième bien, la qualité des couvres. Des lèvres, tombent les paroles : sous la langue, coulent les méditations douces comme le miel : l'ornement des vêtements répand une odeur d'encens. 8. Que pensez-vous qui manque à la gloire de celle en qui la bouche, l'âme et l'action plaisent également? Ce nombre comprend tout, mais l'ordre s'y trouve renversé. C'est par les couvres en effet qu'il faut commencer, et non par la parole. Les actions et les paroles du centurion Corneille furent en effet reçues et exaucées en premier lieu. (Act. X, 4.) La foi purifia ensuite les coeurs : et enfin sur lui et sur les siens descendit le saint Esprit et ils parlaient diverses langues, Les apôtres, eux aussi, après l'ascension du Seigneur, persévéraient tous ensemble dans la prière : les jours de la promesse étant accomplis, ils fluent remplis de l'Esprit saint, et se dispersant, ils prêchèrent en tous lieux. D'abord ils répandirent leur âme dans la prière, ensuite l'Esprit enflamma leurs coeurs , et ainsi ils communiquèrent aux autres la grâce qu'ils avaient reçue en eux. Par l'attente et le désir, ils se tournèrent en premier lieu vers le Seigneur : ensuite le Seigneur s'inclina vers eux, et enfin convertis eux-mêmes, ils réforment et confirment leurs frères. Que vous considériez dans les apôtres, soit la sainteté de la vie, soit l'influence de Dieu, soit le ministère de la prédication, tout cela leur sert de vêtements, tout cela les couvre et les orne. Qu'est-il resté en eux de nu ou des tâches anciennes, eux qui brillent de l'éclat joyeux de la doctrine et de la sainteté ? C'est pourquoi la beauté est grande en eux; mais l'abondance de leurs oeuvres n'est pas moins considérable. Est-ce que ces vêtements ne répandent pas une odeur? Quel est leur parfum? N'est-il pas comparable à celui qu'exhale l'encens ? Lorsqu'ils distribuaient, à ceux qui étaient serviteurs comme eux, l'argent de leur maître; ils n'ont pas souffert que la moindre partie en restât secrètement sur eux, ils n'en ont rien détourné frauduleusement : ils secouent de leurs mains, même la rétribution de la louange et rapportent tout à: la gloire de Dieu. Semblables au ciel, ils sont revêtus d'une éclatante lumière, mais le firmament chante, non sa gloire, mais la gloire de Dieu. Saint Paul vous a ourdi par ses paroles des habits indissolubles et légers;. et selon votre capacité, il vous dispose un vêtement, formé, pour ainsi parler, d'intelligence et de lumière; les sentences de la sagesse humaine n'y entrent cependant pas, composé uniquement qu'il est, de la doctrine inspirée par l'esprit de Dieu. (I. Cor. II, 4.) Aussi les vêtements qui l'habillent, ou qu'il a disposés pour vous, n'exhalent que les par uns de l'encens. L'affectation et la recherche trop grande dans les paroles, semble indiquer l'attachement à la vaine gloire; et ceux qui, sans viser à la beauté du discours, poursuivent dans les matières subtiles, les considérations trompeuses et hardies, en s'aventurant trop pour obtenir une vaine faveur, avancent quelquefois des blasphèmes. Ces vêtements-là n'ont nullement l'odeur de l'encens. On n'excepte rien dans les ornements de l'épouse, puisqu'on dit généralement : « L'odeur de vos habits est semblable à celle de l'encens. » O heureux serais-je si l'un ou l'autre de mes habits exhalait une odeur pure d'encens que ne corromprait aucun mélange étranger ! Car, que tous les habits, sans exception, répandent ce parfum, personne, à mon jugement, n'est arrivé à ce point, s'il n'a pas encore mérité d'être placé au rang des épouses par Jésus-Christ notre Seigneur, l'époux des épouses.
|