SERMON XXXIII
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SERMON XXXIII. L'odeur de vos parfums est au-dessus de tous les aromates. (Cant. 4.)

 

1. Ce jour, illustré par l'anniversaire de la résurrection de notre Seigneur, me contraint de parler encore des parfums dans le discours que je commence. Aujourd'hui les saintes femmes viennent, portant des parfums, Nicodème vient aussi portant un mélange de myrrhe et d'aloës du poids de cent livres, environ : Marie Madeleine a pris les devant pour venir oindre le corps de Jésus, selon ce qui se pratiquait pour les sépultures. Vous voyez que de choses mystérieuses se trouvent dans ces onguents. Oui, de grands mystères; et qui est propre à les expliquer? qui assignera la différence qui établit la distinction entre ces onguents, qui exposera dignement la vertu renfermée en chacun! Pour traiter ce sujet, l'expérience est nécessaire, il ne faut point de conjectures. Il n'est pas facile à chacun de disserter sur ces parfums, cela est réservé à celui que l'onction aura instruit. Aujourd'hui le Seigneur a reçu, plus que tous ses autres compagnons, l'huile de la joie, il ne l'a cependant pas reçue sans ses compagnons. Comment aurait-il pour compagnon celui qui ne le félicite pas, qui ne se réjouit pas avec lui, qui ne ressuscite pas avec lui à une joie toute nouvelle? C'est une occasion opportune de vous entretenir de ces parfums : mais ce jour est encore plus propre à nous en pénétrer et à nous en faire répandre l'odeur. Vous me demandez un discours, et moi je vous demande la senteur de ces aromates. Pourquoi, avec les saintes femmes, visitez-vous le tombeau de Notre Seigneur Jésus-Christ, si vous n'y apportez aucun parfum spirituel? La chair du Seigneur a été aujourd'hui glorieusement transformée à cause de l'huile. N'est-il pas digne également que nos coeurs soient changés, et qu'ils deviennent une huile spirituelle, huile de transport et de joie? J'entreprenais de parler des parfums, et voici que notre parole s'est arrêtée à l'huile. Quel rapport existe-t-il entre ces choses? Une grande relation les unit, et, si le parfum et l'huile ne sont pas entièrement une même chose, ils ont, en un sens, quelque rapprochement et quelque ressemblance. L'huile en effet adoucit, bien qu'elle n'ait pas de parfum : elle n'a pas de senteur agréable, mais elle vous oint avec profit. En ce passage., ce n'est pas tant l'onction que l'odeur, qui est vantée dans les parfums de l'épouse. « Et l'odeur de vos parfums, » s'écrie l'époux, « surpasse tous les aromates. »

2. Toute âme ne possède pas en abondance ces onguents odoriférants, beaucoup peuvent dire ce que, dans le livre des rois (IV. Reg. IV, 2.), une femme répondait au prophète : « il n'y a dans ma maison qu'un peu d'huile pour m'oindre. » Cette personne n'a pas en sa possession, des onguents composés d'essences odoriférantes, mais seulement un peu d'huile ordinaire pour l'onction. Marie Madeleine, cette femme qui appartient non à la loi, mais à l'Evangile, apporte un parfum de nard précieux, non pas à petite dose, mais du poids d'une livre entière. (Marc. XIV, 3.) Et Simon lui-même est repris par le Seigneur pour n'avoir pas oint sa tête d'huile, quand Madeleine l'a arrosée de ses parfums. (Luc. VII, 44.) Vous voyez comment les parfums, et les parfums suaves, sont préférés à l'huile? Car outre qu'ils ont pour effet d'oindre le corps, ils se recommandent aussi par l'odeur bienfaisante et spirituelle, qui s'exhale d'eux. L'onction est plus restreinte, l'odeur se répand sur plusieurs; lors même qu'un seul est oint, il n'est pas seul à sentir. Cette vertu est commune, si elle se fait éprouver à tous. L'onction est donc pour vous, l'odeur est pour les autres et pour vous. Il est bien oint et il répand une bonne senteur, celui qui aime le bien devant Dieu, et le procure devant les hommes. « Réjouissez-vous dans le Seigneur, » dit saint Paul, « réjouissez toujours, je vous le dis derechef, réjouissez-vous, que votre modestie soit connue de tous les hommes. » (Philipp. IV, 4.) Rapportez la joie aux parfums, et la modestie connue au parfum. Entendez comment saint Paul lui-même, désigne l'odeur par cette connaissance. « Dieu manifeste par nous, dit-il, « l'odeur de sa connaissance en tous lieux. (II Cor. II, 14.) Voici donc un bien bon onguent, voici donc une bien bonne odeur : l'allégresse spirituelle éprouvée en Dieu, et la modeste manifestation de la vertu au dehors, la joie et la renommée. II est bien oint, celui a qui le Seigneur plait dans la joie de l'intérieur de sa conscience, qui se réjouit en lui ; il répand une bonne odeur, celui qui avec saint Paul plaît à tous en toutes choses et ne leur plaît que dans le Seigneur : les parfums de la joie intérieure et de la grâce se font sentir en celui dont l'extérieur est modeste, la conduite réglée et la parole savante. Il est bien oint celui qui se glorifie dans le Seigneur : et il répand une senteur agréable, celui par qui le Seigneur est glorifié devant les hommes. Et celui qui exhale cette senteur, en respire lui aussi le parfum, s'il ne se glorifie pas d'être loué, mais s'il tressaille de voir le Seigneur honoré par lui.

3. « L'odeur de vos parfums est au-dessus de tous les aromates. » Vous voulez que je vous indique la différence qui existe entre les onguents et les aromates? Le texte même du cantique parait les distinguer, quand ne repoussant pas les aromates, il leur préfère les parfums. Autant donc qu'il m'est possible de rencontrer de distinction entre des choses si semblables et si rapprochées, il semble que dans les onguents, on peut voir les dons des grâces conférées dans le Saint-Esprit : dans les aromates, les devoirs eux-mêmes, dévotement rapportés à Dieu. Dans les couvres et dans les offices, se trouve la grâce naturelle de l'honnêteté: dans les onguents, c'est la grâce du Saint-Esprit qui charme. Vous lisez que le Seigneur Jésus fut oint dans l'esprit et dans la vertu : pareillement il a été convenable que son épouse lui fût semblable, et qu'elle reçût l'onction de l'esprit et de la vertu. Les aromates des vertus sont bons, et ils paraissent exhaler d'eux-mêmes une odeur agréable : mais leur parfum est encore plus suave quand elles reçoivent l'onction de l'esprit qui en multiplie la douceur. Les oeuvres et les vertus peuvent nous être communes avec ceux qui sont dehors

il n'en peut être ainsi des onguents. De plus, bien qu'elles soient belles par elles-mêmes; procédant du saint-Esprit, elles ont un charme plus grand. Comment ceux qui voient les saintes oeuvres glorifient-ils Dieu, si ce n'est parce qu'ils comprennent que la. bonne action vient de lui et retourne à lui? S'il est en moi des actes louables, ils me sont encore plus agréables alors qu'on les attribue à la grâce de Jésus-Christ, que son onction répandue en moi est exaltée, que son esprit s'y fait sentir, bien davantage que lorsqu'on y loue la puissance de ma liberté, ou le résultat de mon habileté. Et sans l'onction de l'esprit, la nature n'a plus sa liberté, sa vertu, sa vérité et l'acte, son mérite. Car sans la grâce du saint Esprit et la foi de Jésus-Christ, l'effort de la volonté reste sans fruit, la vertu qui paraît, n'est qu'apparente, et l'acte n'obtient pas la récompense de la vie éternelle. Aussi « l'odeur de vos parfums est au-dessus de tous les aromates. » Parce que ces aromates, quels qu'ils soient, ne répandent le parfum de leur pure suavité, que lorsqu'on trouve en eux tout à la fois et l'odeur de la grâce spirituelle et l'abondance des onguents.

4. Voulez-vous que je vous indique un onguent, dont l'odeur suave l'emporte sur tous les aromates des dons distribués dans le sein de l'Eglise? Quelle odeur y est plus suave que le parfum de la miséricorde et du pardon? Combien ont couru attirés par sa suavité et se sont attachés par ce moyen, au corps du Christ, s'identifiant avec lui? Cette senteur embaume, puisqu'en un moment elle chasse la puanteur engendrée par la corruption antique, et par le péché inoculé dès les premiers jours du genre humain. Cette pécheresse de la cité, nommée Marie, dans quel état de fidélité se trouvait-elle quand elle se jeta aux pieds de Jésus, dans la maison de Simon, le lépreux! Quelle répugnance elle causa à Simon, qui ne put supporter l'horreur de sa présence! dans quelle situation, dis-je, elle s'approcha de Jésus! (Luc. VII, 39) et voici qu'à présent se répand dans tout le monde la bonne odeur de la pénitence, de la dilection et de la grâce qu'elle emporta en sortant. La grâce de Jésus-Christ n'est pas cruelle : dans le banquet durant lequel cette femme lava, essuya et parfuma les pieds du Seigneur, la pécheresse fut lavée, purifiée, ointe et préférée au Pharisien d'après le témoignage du Seigneur lui-même. La clémence de Jésus-Christ n'est pas avare, elle n'est pas lente : elle donne toujours plus et elle rend sur l'heure ce qu'on fait pour elle. Qu'y a-t-il d'étonnant si l'indulgence va au-devant du pécheur pénitent, quand la patience l'attire à la pénitence? Cette femme surprise en adultère, et laissée au milieu de la place, voyez comment elle rendit sensible la clémence de Jésus, elle qui auparavant exhalait la mauvaise odeur de l'impureté. (Joan VIII, 4). Parcourez l'Evangile, à toutes les pages vous trouverez que Jésus est prompt à pardonner et large dans l'indulgence qu'il accorde. Bien que le pécheur soit mort depuis quatre jours et qu'il exhale la puanteur d'une faute publiée partout; quand Jésus l'appelle et le fait sortir du sépulcre d'une mauvaise habitude, quand Jésus le délie et verse dans son âme la grâce du pardon, à l'instant disparaît, à la présence de cet onguent, toute la puanteur et la pourriture ancienne. Car qui reprochera ce que n'impute plus le Seigneur? qui rappellera des écarts qu'il remet lui-même? Ce qu'il a détruit lui-même ne peut plus répandre de mauvaise odeur. « Seigneur, » disait Marthe, « il y a quatre jours qu'il est mort et déjà il sent mauvais. » (Joan. XI, 19). Marthe, vous vous trompez, Jésus ne fuit pas les exhalaisons fétides, bien plutôt, c'est lui qui a coutume de chasser les puanteurs. Il a donné l'exemple à son Eglise, pour que nous fassions envers les autres ce qu'il a daigné faire pour nous : voilà les onguents qu'il lui a laissés.

5. Combien en est-il qui, dans leur désespoir, se seraient livrés à toute sorte d'impureté et d'avarice, qui se seraient précipités dans le gouffre de tous les vices, s'ils n'avaient pas été retenus par l'odeur de ce médicament? Je serais dans la tribulation, dit un passage, si je ne connaissais pas les miséricordes du Seigneur : les miséricordes qui sont dans le chef, et les miséricordes qui sont dans son corps, c'est-à-dire, dans son église. Car l'Eglise a reçu du Seigneur ce qu'elle a livré à ses enfants : elle a reçu, dis-je, la miséricorde en présent; elle l'a reçue aussi en charge, elle a été établie ministre avec office de distribuer les miséricordes. Il est bon de communiquer la miséricorde, il est mieux d'être touché de miséricorde. Cette compassion que votre place vous oblige d'avoir, éprouvez-la, et tirez-la du fond du coeur. Exprimez en vous l'affection du Christ, puisque vous en avez pris et la place et la charge. Vous êtes le ministre de celui qui est riche en miséricorde. Qu'on ne vous trouve jamais dur pour les autres. Donnez à ceux qui sont serviteurs comme vous, la mesure de cet onguent au temps voulu. Si vous êtes infidèles dans ce qui est à autrui, qui vous donnera ce qui doit vous revenir? Que votre sentiment soit celui de la miséricorde, car il est l'effet du pardon qu'accorde le Seigneur. Celui qui a une conscience blessée, porte une plaie cachée dans sa poitrine : il se confiera avec assurance à vous, s'il sent en vous l'odeur de ce parfum. Si vous saviez ce qui est écrit : « c'est la miséricorde que je veux et non le sacrifice » (Matth. XII, 7.) jamais vous n'auriez condamné des innocents. Ce n'est pas ainsi que vous agissez, Seigneur, telle n'est pas votre conduite, vous ne condamnez pas les innocents, vous ne proscrivez pas même les coupables, mais vous les corrigez. « Celui qui est juste me corrigera dans sa miséricorde, » dit le Psalmiste, «l'huile des pécheurs ne touchera jamais ma tête. (Ps. CXL, 5.) Le sage distingue en ce lieu entre l'huile et l'huile : entre l'huile de l'adulation et l'huile de la compassion. L'une adoucit et blesse : l'autre adoucit et guérit. Est-ce qu'à votre jugement, au-dessus de tous les parfums, ne domine pas celui qui fait disparaître avec tant de facilité toutes les fautes? Rentré en lui-même, le jeune prodigue en respira avec abondance, dans la région éloignée, les émanations qui s'échappaient du coeur de son père, et au milieu des pourceaux qu'il gardait, la clémence de l'auteur de ses jours commença à se faire sentir à lui. (Luc. XV, 17.) Aussi fut-il attiré et se mit-il à courir vers son père. Voyez la grâce facile et riche du Seigneur Jésus : il faut se réjouir et prendre un repas avec ce fils repentant. Il loge dans la maison de Zachée, il met un publicain au rang de ses disciples (Luc. XIX, 9) et après avoir ressuscité Lazare, il assiste à un banquet avec lui. ( Joan. XII, 2). Il ne sait faire des reproches quand il a pardonné : il n'use point de demi-clémence : il reçoit dans la faveur de sa familiarité ceux à qui il accorde rémission de leurs fautes.

6. L'onguent de la miséricorde est donc excellent, il remet les péchés; il prévient, il accompagne, il multiplie les mérites, il a un parfum qui surpasse la douceur de tous les aromates, parce que l'Eglise entière des Saints, est plus basée sur la miséricorde que sur les mérites. Cet onguent du pardon est le dernier sacrement. Il s'étend et il sert à tous, aux pécheurs et aux justes. Car il en est d'autres qui sont réservés aux saints et destinés seulement à leur utilité particulière. Il est des onguents qui guérissent, il en est qui raniment : il en est qui sanctifient : il en est qui réjouissent et délectent. Les premiers font disparaître la maladie, les seconds donnent de l'ardeur à ceux qui sont déjà guéris : ceux de la troisième classe sanctifient les hommes et les mettent en état d'accomplir le ministère qui leur sera confié : tel est l'onguent qui sacre les rois et les prêtres: ceux de la quatrième, ne se rapportent pas au travail, mais au repos, non à la charge de gouverner, mais à l'amour, mais à la gloire, mais aux délices, mais aux transports de l'époux et de l'épouse. Il est bon de rester sous l'influence de ces parfums; mais puisque dans un autre endroit on a assez longuement traité de la distinction qui existe entr'eux, montrons, en peu de paroles, les diverses manières de s'en servir dans les onctions. Parmi les hommes, les uns sont touchés, les autres sont aspergés, les autres oints, les autres pénétrés. Relisez le Pentateuque, parcourez l'Evangile, et appliquez à la morale, les modes divers que vous trouverez -usités dans les onctions qui ont été faites extérieurement sur les corps. Je ne m'occupe donc plus en ce moment de la valeur des parfums, j'expose la manière de les employer en faisant des onctions. Les uns les reçoivent une fois, d'autres fréquemment, d'autres toujours. L'abondance est excellente si la grâce l'accompagne. Cette double qualité se trouve dans les parfums de l'épouse, on y trouve et l'abondance et la suavité, leur odeur surpasse la senteur de toutes les poudres aromatiques.

7. Nous avons donné cet éloge à l'Eglise envisagée en général : appliquons nos paroles à quelque personne considérée en particulier dans cette grande société, à celle qui, par son amour exceptionnel, et sa familiarité intime avec le Seigneur, mérite le nom d'épouse; créature privilégiée, en qui se sentent avec les parfums que réclame la nécessité de la position, ceux qui confèrent la dignité, et produisent les délices de l'âme. Je ne croirai pas que cette âme heureuse soit touchée sur un point, ou même sur plusieurs seulement par l'huile sacrée, je la regarderai comme inondée. et comme imbibée de cette liqueur sainte, pour faire savourer ainsi de vives jouissances à son époux. Ce bien-aimé a des réservoirs d'aromates qui débordent les uns dans les autres, ainsi qu'il convient à des richesses royales. Il est à croire que dans la personne de la reine se font sentir des parfums plus exquis. On ne vous dit cependant rien de la vertu de ces parfums, on se borne à vanter la suavité de leur odeur. Content d'avoir parlé des délices qu'ils procurent, l'époux ne dit pas l'effet que produit leur onction, et parmi les délices, il signale celles qui enflamment davantage l'amour spirituel. L'onction se sent par le toucher, quand elle est faite sur la chair. L'odeur échappant au toucher, ne se laisse sentir que par l'esprit. La liqueur du parfum s'écoule peu-à-peu vers la terre : l'odeur, au contraire, gagne avec facilité les régions supérieures, elle monte au cerveau et récrée en occupant le lieu qui est le siége des sens. L'odeur des parfums, est donc plus subtile et plus noble que leur liqueur. Dans l'éloge de l'épouse, il a conséquemment fallu rappeler de préférence ce qu'il y avait en elle de plus délicat, de plus approprié aux jouissances spirituelles et de moins rapproché de la matière. D'autres âmes ont besoin des parfums et de l'huile, pour adoucir ou changer les mouvements de la chair. Mais la bien-aimée vivant, non plus dans la chair, mais bien selon l'esprit, ainsi qu'il convient à une épouse du Seigneur, est remplie de délices spirituelles. « L'odeur de vos parfums dépasse en suavité toutes les poudres aromatiques. » Bien qu'il ne soit fait mention que de l'odeur, ce n'est peut-être pas l'odeur qui agit seule, l'onction opère aussi. « Ceux qui appartiennent au Christ, » dit l'Apôtre, « ont crucifié leur chair avec leurs vides et leurs concupiscences. » (Gal. V, 24.) Où est l'onction, le crucifiement ne semble point nécessaire. Le crucifiement mortifie, l'onction transforme. L'un est accompagné d'un sentiment de douleur, l'autre adoucit. L'onction est suave, et cependant efficace, sans lésion aucune, par l'huile de l'allégresse et de la joie, elle préserve la chair des atteintes de la corruption, elle enlève la souillure et ne fait souffrir aucune blessure. Des onguents précèdent, des onguents accompagnent la passion du Seigneur Jésus : cela vous apprend, si vous éprouvez des souffrances dans votre corps, à les adoucir en faisant couler avec abondance ces parfums au-dessus. Jésus-Christ reçut deux onctions, afin de ne pas sentir l'opprobre de la croix, et afin de recevoir, en sa personne, l'état nouveau de là résurrection, faisant éclater par ce mystère la grâce que procure l'onction spirituelle. Il est donc excellent cet onguent dont (pour employer ces termes) la liqueur transforme la chair et l'odeur délecte l'âme.

8. Et pour résumer brièvement ce que nous avons dit, l'onction, c'est le transport de l'esprit, l'odeur, c'est la prière. L'onction, c'est la joie spirituelle ; l'odeur, c'est la connaissance de ce qui se passe dans l'esprit, produite au dehors par la renommée . l'onction, c'est la délectation intérieure; l’odeur, c'est le désir que produit agréablement l'expérience des jouissances qu'on a ressenties : aussi « l'odeur de vos parfums est préférable à tous les aromates.» Ce désir que produit l'ivresse des délectations célestes, la soif de jouir qui émane avec abondance de l'onction du Saint-Esprit semblable à une odeur très-suave, dépasse tout parfum de la prière, et toute violence du désir de l'âme. Excellent désir, qui a la force de la prière, et ne tonnait pas l'ennui de l'affliction. C’est l'épouse à qui l'on rapporte le privilège de cet onguent et de cette odeur. Qu'y a-t-il d'étonnant, que celle qui a reçu une onction plus spéciale, exhale des odeurs plus exquises? Est-il surprenant de voir celle qui goûte des douceurs plus tendres, désirer avec plus d'avidité? Il est juste que celle qui s'attache davantage à Dieu, prie avec plus d'instance. Unie à l'époux, elle est devenue avec lui un seul esprit. C'est pourquoi ou ne sent rien autre chose en elle que l'esprit, cet esprit qui l'a pénétrée et qui prie pour elle avec des affections inexprimables. Aussi l'odeur de ces parfums est au-dessus de tous les aromates. Et dans l'Apocalypse, vous lisez le passage où il est parlé des «coupes remplies de parfums qui sont les prières des saints. » (Ap. V, 8.) Les aromates, comme l'Exode nous l'apprend, servent à un double usage, ils sont employés pour les onctions, ils sont brûlés sur le feu. (Exod. XXV et XXX.)

9. Ne vous semble-t-il pas que pareillement, en cet endroit, l'un et l'autre se trouvent réunis dans les éloges que l'on fait de l'épouse? Ses parfums sont des onctions et ils répandent de très-suaves odeurs leur senteur l'emporte sur toutes les poudres aromatiques. L'onguent (ainsi qu'il a été dit) c'est la perception des dons : l'odeur, c'est l'action de grâces parce qu'on les a reçus, c'est le désir des biens éternels, c'est une espèce de sentiment d'humilité ressenti au milieu des grâces les plus élevées. Car la prière, de celui qui s'abaisse pénètre les nues. (Eccl. XXXV, 21.) Voyez-vous comment s'élève l'encens de la prière qui est humble? Le Pharisien monta au temple pour y prier : mais l'odeur de sa prière ne sut pas s'élever. (Luc. XVIII, 2.) Il repasse en son esprit les dons qu'il a reçus du ciel, et il en fait la revue comme si c'étaient des parfums. « Je ne suis pas, » dit-il, « comme le reste des hommes, voleur, injuste, adultère. » Vous entendez comment il se glorifie d'avoir été oint de la grâce plus que les autres. Sa gloire consiste dans la confusion de ses frères. Ce n'est pas un grand éloge, il le tient néanmoins pour grand. Il y trouve un parfum qui est au-dessus, non pas des aromates , mais au-dessus de l'odeur de soufre qu'exhalent les autres. Vous avez ouï à qui il se préfère ; écoutez maintenant ce que présentent de grâce les parfums qui font son orgueil. «Je jeûne deux fois par semaine; je donne la dame de tout ce que je possède; et si j'ai porté tort à quelqu'un je lui rends quatre fois davantage. » Ces bonnes oeuvres sentent les principes de la loi Judaïque, ils ne sont pas selon la doctrine de l'Evangile. Il ne jeûne pas toujours, il ne renonce pas à tous les biens qu'il possède, de manière à ne pouvoir pas donner les prémices ou les dîmes. Il rend quatre fois plus qu'il n'a pris, il ne souffre pas qu'on lui enlève son bien, à celui qui lui en ravit une portion, il n'abandonne point le reste, il ne dit pas qu'il tient les injures pour non reçues. O Pharisien! au milieu de ces oeuvres qui sentent l'infirmité et la faiblesse, tu es rempli d'un orgueil excessif. Tu ne pries pas, tu fais outrage au Publicain qui se tient tout près de toi. Tu rends témoignage de toi, ton témoignage a une valeur médiocre. Dans ta prière, il est deux choses qui sentent mauvais, bien loin d'avoir une odeur agréable, c'est ta superbe et ta négligence. Ta superbe, qui éclate dans les reproches que tu adresses au Publicain : ta négligence, qui apparaît en ce que tu ne demandes rien du tout. Comment, remplie de vapeurs et du néant de l'orgueil, cette prière ne serait-elle pas languissante ? Tu ne pries pas, ô Pharisien, tu ne fais que t'exalter toi-même. Tu rends témoignage de toi-même, ton témoignage n'est pas vrai. Il est peu considérable en ce qui regarde tes oeuvres, faux en ce qui concerne le sentiment qui t'élève au-dessus des autres. Car voici le témoignage de la vérité : « Je vous le dis en vérité, le Publicain descendit en sa maison justifié par lui. Car « ce n'est pas celui qui se flatte lui-même qui est approuvé, mais bien celui que le Seigneur daigne louer.» (II Cor. X, 18.) Aussi, bienheureuse est l'âme à qui la vérité elle-même adresse un éloge si éclatant : « l'odeur de vos parfums surpasse tous les aromates. » Un grand témoignage fut rendu au Publicain, mais celle à qui s'adressent de telles louanges en reçoit un qui est bien plus grand. Le Publicain « descendit justifié par le Pharisien; » c'est-à-dire, par cet homme superbe. et injuste, « dans sa demeure : » mais l'odeur des parfums de l'épouse dépasse toutes les senteurs des poudres aromatiques. Grand éloge, mais l'épouse ne reçoit pas de témoignage de l'homme, elle n'en attend que de celui qui scrute les coeurs, qui, par la foi et la charité, réside et opère dans l'intérieur de son âme. Elle ne se vante pas, elle ne blâme pas les autres. « Ses lèvres distillent le miel. » C'est le passage qui vient à la suite, mais nous ne pouvons le développer aujourd'hui. Le discours de demain satisfera votre avidité, et fera retentir à vos oreilles la joie et l'allégresse dans le Seigneur Jésus. Qu'il daigne nous l'accorder, lui qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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