SERMON XLIV
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SERMON XLIV. J'ai tiré le verrou de ma porte pour introduire le bien-aimé : mais il avait disparu et il était parti. Mon âme s'est liquéfiée dès qu'il a parlé. (Cant. V, 6.)

 

1. Aujourd'hui, mes frères, nous allons parler de l'ouverture de la porte. Car le discours d'hier nous a amenés, dans les dernières considérations, à nous entretenir de l'opération qui est comme un acheminement à cette ouverture : voilà une fort bonne opération qui porte toujours avec elle l'espoir et l'apparence de l'immortalité et de l'incorruptibilité, et qui ne sème point dans la chair de crainte d'en recueillir la corruption. Plût au ciel que je puisse dire en vérité que j'ai toujours de la myrrhe dans mes mains. « Si quelqu'un » dit Jésus, « fait la volonté de mon père, il connaîtra ma doctrine. » (Joan. VII. 17.) Voilà comment la pratique de la piété ouvre entrée à la vérité. Actes certes très-bons, que la tempérance et la discrétion modèrent, et que la dévotion remplit de son onction suave. C'est avec raison que ce sont des mains parfumées qui ouvrent au Christ, dont le nom se tire de l'onction qui l'embaume. Et peut-être ne sait-il entrer que par une porte ainsi imbibée des parfums. C'est pourquoi on fit dans le temple de petits passages en bois d'olivier, pour ménager une entrée dans le saint des saints. Car la substance de cet arbre donne la liqueur qui sert aux onctions. On les appela de petits passages, on appela étroite l'entrée laissée par ces oliviers : mais pour ce qui est de l'abondance de la grâce, vous y entrerez sans difficulté : là se trouvent l'intelligence pénétrante et les mystères secrets. Vous entrerez sans difficulté si vous voulez y employer l'huile de la dévotion et de la charité. Et je pense que c'est un témoignage convenable, qui a été rendu du temple, en ces termes : « le temple de Dieu est saint, c'est vous qui êtes ce temple. (I Cor. III, 17.) Ayez donc en votre temple, des entrées par lesquelles le Pontife suprême entre seul dans le secret reculé de votre coeur. Fermez la porte, ramenez le verrou dans sa gâche, excepté lorsque votre bien-aimé frappera et voudra entrer. S'il n'y a pas de porte, l'entrée en sera livrée à tout passant. Si la porte est fermée sans que le verrou l'assujettisse, n'ayant pas de force qui la retienne, elle cédera facilement à la première impulsion. Ayez la porte de la circonspection et la force de la constance. Regardez avec précaution, résistez avec constance. Que l'ignorance et l'oubli ne vous surprennent pas; que la méchanceté ne s'introduise pas. Et si vous préférez cette distinction, par la porte, entendez une préméditation attentive, et par la force qui la retient fermée, la prière. Soutenue par une si forte barrière, votre porte ne sera pas exposée aux attaques de l'ennemi. « Le Seigneur a fortifié, » chante le Psalmiste, «les gonds de vos portes. » (Ps. CCXLVII, 2.) N'est-il pas vrai qu'il vous semble entendre par ces gonds et ces portes, la porte et la force qui la retient? L'une et l'autre sont nécessaires, mais contre les coups de l'ennemi. Dès que vous entendez le coup et la voix du bien-aimé, dès que vous sentez sa main subtile tendue par la fente de la porte, tirez le verrou, ouvrez, que toutes les difficultés cèdent. S'il est possible, enlevez en entier le mur qui se dresse entre vous et le bien-aimé, afin qu'il se donné à vous sans obstacle. Que la présence de l'époux change votre inquiétude, au sujet des attaques des démons, en sécurité; quittez le souci de repousser l'ennemi, et remplacez-le par la pleine jouissance du bien-aimé. Il avait appris à ouvrir celui qui dit «Mon coeur est prêt, ô Seigneur, mon coeur est prêt. » (Ps. CVII, 1.)

2. Comment Jésus a-t-il besoin de porte, lui qui, dans l'évangile, dit : «Je suis la porte? » (Joan. X, 7.) Admirable raison. Il est la porte et il frappe à la porte. II veut entrer, celui par qui sera sauvé quiconque entrera en lui, et en lui se trouveront des pâturages abondants. Il existe une grande variété de portes. On en trouve une dans les merveilles de la nature, une autre dans les sacrements de l'Eglise, une autre dans les influences de la grâce. Par la première de ces ouvertures, conduite par la raison naturelle, la sagesse, qui a tout créé, se révèle à nous par ses oeuvres, et nous parvenons à obtenir une certaine portion de vérité : vous y rencontrerez la connaissance de la divinité, mais non point la distinction des personnes qui s'y trouve. Dans cette ouverture, on ne distingue point les personnes, et on n'accorde pas la grâce. Aussi ne faut-il pas s'y tenir toujours, ou y frapper avec trop d'insistance. Par la seconde, étant initiés aux sacrements du salut, nous entrons dans l'unité de l'Eglise, dans la communion des saints. Dans cette seconde porte, il est des fidèles qui se trouvent dedans, de manière à être presque dehors, jusqu'à ce qu'ils s'approchent de la troisième, que nous expliquons par l'arrivée familière vers les sentiments de l'amour, vers l'abondance de la jouissance et de la contemplation du bien-aimé. Ce passage si secret, si intime, n'est pas ouvert à tous; il ne donne accès qu'à l'épouse. Dans Ezéchiel vous trouvez plusieurs sortes de portes qu'il serait trop long d'expliquer en ce moment. (Ezech. XL et XLI.) Cependant, je regarde comme peu important de savoir si c'est vous qui allez vers l'époux, ou bien si c'est l'époux qui vient vers vous: vous paraissez aller vers lui, lorsque vous prenez comme les devants, et le priez le premier : il vient vers vous, lorsqu'il frappe le premier, arrivant à l'improviste, et lorsqu'au moment où vous ne pensiez à rien de semblable, il vous émeut en vous faisant éprouver une douceur inespérée.

3. Quand il frappe en cette manière à votre porte, ne tardez pas, levez-vous, hâtez-vous, de crainte qu'il ne disparaisse. Car vous lisez en ce passage : « j'ai tiré le verrou pour ouvrir à mon bien-aimé; mais il avait disparu et était parti. » Pourquoi vous retirez-vous, ô bon Jésus? Pourquoi disparaissez-vous? Pourquoi priver votre épouse de ce qui fait l'objet de ses désirs? Vous excitez son ardeur et vous lui enlevez le plaisir de la satisfaire. Peut-être vous agissez de la sorte pour exciter davantage son avidité et pour enflammer davantage ses désirs. Il en est ainsi, il en est tout-à-fait ainsi. Ces tromperies de l'amour embrasent davantage le fendu coeur aimant, et, en le trompant, le portent au comble de sa ferveur. Combien étaient courtes les apparitions du Seigneur après sa résurrection, combien subites, combien vite interrompues! A peine reconnu de quelques-uns, de suite il disparaît. Il ne veut pas que d'autres le touchent. Pour d'autres, il se présente les portes fermées, n'ayant pas besoin de passer par les ouvertures ordinaires. La porte qui s'ouvre le plus pour lui, c'est celle qui se ferme à toutes les autres affaires. Quand on croit le tenir, il prive de sa présence agréable il arrive à la dérobée, et s'en revient de même. Car la joie de la contemplation est comme un point. Elle s'en va vite et s'élève excellemment au-dessus de toute capacité humaine. Où elle va, nous ne pouvons la suivre d'un pas égal tant que nous sommes dans cette chair. « J'ai dit, » s'écrie Salomon, « je deviendrai sage : et la sagesse s'est retirée davantage de moi, et elle était plus éloignée que dans le principe. » (Eccle. VII, 24.) Sa présence enseigne, mieux que son absence, combien sa majesté est éminente. Plus elle est véhémente, plus rapide est son passage : « il avait disparu, » dit-elle, « et il était parti. « O bon Jésus, était-ce pour quitter sitôt votre épouse, que vous êtes venu à elle? «Il avait disparu, » dit-elle, et il avait passé. Qu'est-ce à dire, «il avait passé? » Il m'avait passée, il avait dépassé mes forces, il m'a dépassée. Il m'a passée parce que je ne pouvais ni le porter ni subsister. La parole de Dieu est un glaive. Jésus est un glaive, il transperce l'âme sans retard et sans difficulté : il ne subsiste plus, lorsque l'âme liquéfiée ne peut supporter sa violence. Il est tout de flamme. Aussi comme la cire se fond devant le feu, ainsi l'âme s'embrase en sa présence. « Mon âme s'est liquéfiée, » dit-elle, « dès que le bien-aimé a parlé. » Voyez comment à cette parole brûlante, il a fondu pour ainsi dire l'âme de son épouse.

4. « J'ai tiré le verrou de la porte pour ouvrir à mon bien-aimé, mais déjà il avait disparu et avait passé. » Il en fut ainsi dans la manifestation du Seigneur ressuscité, qui fut faite aux deux disciples qui allaient à Emmaüs ;dès que leurs yeux furent ouverts pour reconnaître Jésus, aussitôt il s'évanouit de leur présence et il traversa leur coeur comme ils l'avouent eux-mêmes. Il était ardent dans leur poitrine tant qu'ils causaient avec le divin maître, mais. quand Jésus se montra, leur âme fut liquéfiée dans cette vision brûlante,sans pouvoir obtenir qu'elle fut constante et solide. Que veut dire que Jésus s'évanouit, sinon qu'ils ne purent soutenir la gloire de son apparition? Il entre dans le coeur de sa bien-aimée comme un fleuve de paix, mais il passe vite comme un torrent de feu, faisant liquéfier d'amour l'âme qu'il inonde, qu'il refait, qu'il dépasse. Que douce est cette heure, où l'âme fondue est mêlée à ce torrent de feu : qu'elle est subtile en ce moment, combien spiritualisée et mobile! Elle n'a pas de tiédeur, pas de dureté, pas de rudesse : elle n'est que brûlante et liquéfiée. Ce sont là deux choses qui ont beaucoup de liaison, le liquide et le chaud. En elle consiste la pratique de la contemplation. Ce qui est liquide prend plus vite la chaleur : la chaleur reçue réciproquement rend plus liquide encore le corps qu'elle a trouvé à l'état fluide. Ce que j'appelle chaud et liquide, c'est, pour employer d'autres termes, ce qui est enflammé et sincère ou pur. Le chaud consiste en ce que l'âme aime; le sincère et le liquide, en ce qu'elle reproduit en elle-même une certaine ressemblance avec le bien-aimé. Le chaud se fait sentir parce qu'elle bride : le liquide consiste en ce qu'elle reçoit la forme de l'image de celui qu'elle chérit. Ce qui est liquide n'a rien d'impur, rien de lent, laisse voir facilement et suit de même. Mais le corps liquide n'a pas tant de qualités quand la chaleur ne s'y fait pas sentir. Véritablement liquide, qui reçoit son. éclat de la pureté du bien-aimé, et qui se hâte, prompt, pressé et loin de lui, à la poursuite de l'époux déjà parti. « Il a passé, dit l'épouse, « et il est allé loin de moi, » il m'a dépassée tout entière. Passage rapide, mais plein de violence dans sa rapidité, qui a laissé après lui mon âme liquéfiée, plus largement répandue, s'efforçant d'arriver jusqu'au lieu du passage du bien-aimé, et n'osant rien en sa présence. A cette voix pleine d'allégresse, j'ai été liquéfiée aussitôt qu'il a parlé. « Mon âme a été liquéfiée, » dit-elle. Que signifie « s'est liquéfiée ? » C'est-à-dire, elle a crû, elle a couru, elle s'est clarifiée. Croissant au-dessus d'elle-même, courant vers lui, tirant de lui sa clarté. Croissant par la vertu, courant par ses désirs, brillant des éclats de la vérité; c’est-à-dire encore, large, mobile et luisante.

5. C'est peut-être de cet état de liquéfaction qu'il lui vient que ses mains distillent la myrrhe, son âme s'est liquéfiée. Pourquoi passer sous silence la troisième parole que notre cantique porte en ce lieu? La voici rattachée à tout l'ordre qui y règne: « ales entrailles se sont émues, mes mains distillent, mon âme s'est liquéfiée. » Même en le lisant rapidement, on peut remarquer en ce passage un enchaînement d'idées bien établi : il n'est pas facile cependant, d'indiquer la raison de la gradation qui s'y trouve indiquée. Dans toutes les parties, un certain mode est indiqué, plus grand dans la seconde que dans la première, et plus grand dans la troisième que dans la seconde. C'est plus de distiller que d'être agité, comme se liquéfier est mieux que distiller. Tous ces effets, l'épouse les doit à la présence de son époux, c'est à cause de lui que ses entrailles sont émues, que ses mains distillent et que son âme est liquéfiée. Ils sont produits par le toucher de sa main et le son de sa voix, tous par son toucher et (pour ainsi dire) par son passage. Parce quelle le touche, elle est agitée : elle distille parce qu'il la saisit et la dépasse en un souffle violent, lui dont vous entendez la voix, ne sachant d'où il vient ni où il va. Aussi l'âme de l'épouse s'est liquéfiée dès que le bien-aimé a parlé. La voix est plus subtile que (a main, elle émeut avec plus de force et passe avec plus de rapidité. La parole de Jésus contient plus de doctrine subtile et sublime que n'en peuvent produire plusieurs exemples de bonnes oeuvres. Ce discours, qu'il adressa à ses disciples sur la majesté de la divinité, est au-dessus de tout modèle, la promesse et la gloire à venir qui sera manifestée en nous, surpasse toute expérience. Si vous ouvrez la porte de votre esprit pour la comprendre et la saisir, aussitôt ce beau sujet disparaît et s'enfuit : aussi passez-vous en l'état d'amour d'un coeur liquéfié. Dites à cette voix du bien-aimé : « Votre science est devenue admirable au-dessus de moi : elle s'est montrée avec force, et je ne puis m'approcher de sa hauteur. » (Ps. CXXXVIII, 6.) Et mon âme s'est liquéfiée, défaillant dans cette considération et ne pouvant, à cause de l'irrésistible et extrême douceur qu'elle goûte, continuer ainsi de se fixer en cet état d'admiration. C'est à cause de ces sentiments, ou d'autres de ce genre, qu'elle s'écrie : « mon âme s'est liquéfiée dès que le bien-aimé a parlé.

6. Ne pensez-vous pas, pour vous dire quelque chose qui soit en dehors de la suite du texte, et pour en tirer un surcroît de considérations, afin d'exhorter ceux qui m'entendent, ne pensez-vous pas, dis-je, que cette parole blâme la dureté de certaines personnes dont les entrailles, gelées par une trop grande rigidité, ne distillent aucune rosée de miséricorde, ne sont émues d'aucun sentiment de tendresse à l'égard des pénitents; âmes dures qui ne se sentent pas touchées par la main miséricordieuse de Jésus, qui ne sont pas enflammées par ses discours, et ne l'entendent pas quand il frappe dehors par la main du pénitent? Je crains que le Seigneur ne les quitte et ne passe outre, je tremble qu'ils ne le trouvent pas, lorsqu'ils le chercheront, et qu'il ne les exauce point quand ils crieront vers lui. Pourquoi vos entrailles s'endurcissent-elles envers vos enfants, comme s'ils n'étaient pas vôtres? Vous pourriez peut-être les regarder d'un oeil sévère, et passer à côté en les laissant. avec orgueil derrière vous, s'ils n'appartenaient qu'à vous, et n'étaient point les fils de votre Seigneur. Que vous seriez durs, s'il fallait donner du vôtre, vous qui distribuez les biens du Seigneur avec tant de réserve et d'avarice, même à ses propres enfants ! « Il a distribué, » dit le Psalmiste, « il a donné aux pauvres. » (Ps. CXI, 9.) Mais peut-être vous ne savez pas qu'ils sont pauvres? Que serait-ce si Dieu vous disait : vos yeux n'ont pas vu ma misère ? En votre livre ne sont inscrits que les parfaits, vous n'avez jamais eu souci de ceux qu'il fallait travailler à rendre parfaits. Mauvais médecin qui ne sert pas aux malades, et qui peut-être blesse ceux qui se portent bien. Si vous ne voulez pas chercher la brebis qui s'égare, allez au moins au-devant de celle qui revient. Ouvrez la porte de la miséricorde, et si vous n'accueillez point le pénitent à cause de Jésus-Christ, recevez Jésus-Christ dans le pénitent. Que votre âme se fonde et répande la rosée de la miséricorde et qu'elle s'enflamme à la voix de Jésus qui crie et qui frappe. La voix de ce pénitent, la voix de ce pauvre, c'est la voix de Jésus. Aussi, quand vous entendez ses accents, que votre âme soit attendrie, et se laisse aller à des sentiments de clémence, afin qu'avec l'épouse, vous puissiez dire : «mon âme s'est liquéfiée dès que l'époux a parlé. » Ecoutez et méditez ce qu'il répondit à Marie Madeleine, à la femme surprise en adultère, à la Samaritaine, à la Chananéenne, à Zachée, à Pierre, au Centurion. A tant de paroles remplies de sa bonté et de sa clémence, quel coeur ne s'attendrirait, quelles entrailles ne seraient émues? A des souffles si chauds venus du midi, pourrait se fondre la glace que même des siècles auraient entassée dans la poitrine la plus dure. O Dieu, je me sens pénétré par une huile onctueuse, et mon âme se fondra dans une tendresse semblable, toutes les fois que je considèrerai les oeuvres, les' paroles et les commandements de votre miséricorde. C'est là votre parole pleine de feu, et votre serviteur l'aime. (Ps. CXVIII, 140.) Il l'aime parce qu'il en a besoin : aussi mon âme la chérit, et dans sa joie, elle se fond dès que vous parlez.

7. Tout saint doit éprouver cette liquéfaction. Car celle dont nous venons de parler est proprement le sentiment des parfaits, ils ne (éprouvent pas toujours, mais dans le temps opportun. Et pour ne pas emprisonner dans un silence infructueux ce qui m'est suggéré, je vous dirai en peu de mots ce que j'ai encore compris de cette liquéfaction. Ne voyez-vous pas le corps qui subit ce changement de fusion, comment, d'abord ébranlé dans sa rudesse et dans son immobilité, il tâche de s'abandonner lui-même et de sortir de ses limites; il sort et coule de sa masse et de son volume premier ; il s'évanouit ensuite, il suit la direction imprimée par celui qui le fait couler, et le conduit dans des places inférieures, ou bien il y entre de sa propre impulsion, devançant souvent les efforts de celui qui le mène. Les corps liquéfiés ont une grande facilité, et une propension docile pour se plier au mouvement qui leur est imprimé. Vous comprenez déjà, je le pense, par ces corps liquéfiés, une grande aptitude à l'obéissance, et les sentiments d'une âme aisée à conduire. Cette humilité, ce n'est pas la crainte qui l'inspire, c'est la chaleur de l'amour qui la forme dans le coeur. La crainte brise violemment l'esprit, l'amour l'adoucit, et, le rendant fort tendre, il le façonne à sa fantaisie. L'humilité, provenant de la charité, ne souffre point d'ennui; de son propre poids, elle tend à la dernière place, se reposant quand elle est parvenue au degré le plus bas. Vous voyez déjà dans cette liquéfaction, clairement exposée en abrégé, la nature de cette humilité et de cette obéissance généreuse. Voulez-vous des témoignages? « Le Seigneur m'a ouvert l'oreille, » (Is. L, 5.) pour que je l'écoute comme mon maître. Vous avez entendu parler le Seigneur, entendez l'amour tendre du disciple. « Je ne contredis pas, je ne suis pas allé en arrière.» Vous avez ouï comment il obéit : voyez à quel degré de bassesse il descend. « J'ai livré mon corps à ceux qui le frappaient et mes joues à ceux qui les meurtrissaient : je n'ai pas détourné mon visage de ceux qui m'insultaient, de ceux qui crachaient sur moi. » (Ibid.) Est-ce que ce divin Sauveur ne s'abaissa pas à souffrir des insultes blessantes et grossières? Il ne résista pas avec force, mais il se liquéfia et devint impressionnable à l'influence de la parole brûlante de Dieu. Celui donc qui se laisse aller à de pareils sentiments d'humilité et d'obéissance, n'offrant pas à la grâce une masse froide et glacée résistant à ses efforts, a quelque droit de s'appliquer avec gloire cette parole : « mon âme s'est liquéfiée dès que mon bien-aimé a parlé. « O étonnante puissance de la parole grandement pleine de feu! Elle enflamme le coeur, elle ébranle les reins, elle réduit l'âme à rien en présence de son Dieu : elle la fait se liquéfier et défaillir, de sorte qu'elle n'est plus avec elle même, mais que, comme le contiennent ces paroles qui suivent, elle dit : « Je suis toujours avec vous. » Aussi elle n'est pas en elle-même, elle n'est plus avec elle-même, mais avec son Dieu ; toujours elle obéit et, autant qu'il est en elle, elle poursuit son bien-aimé, sans l'atteindre, en toute occasion, au gré de ses désirs, ou de cette manière excellente qui est propre à l'épouse se trouvant vis-à-vis de son époux. Car voici ce qui vient à la suite . « j'ai cherché et je l'ai pas trouvé : je l'ai appelé et il ne m'a pas répondu. » Mais ce passage veut être développé dans un discours à part, une autre fois, et demande plus de loisirs. Que ce que nous avons dit suffise pour la faiblesse de nos forces, mais non pour la grandeur du sujet, c'est-à-dire de cette liquéfaction de l'âme de l'épouse aux accents de Jésus-Christ, son bien-aimé, qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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