SERMON XVI
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SERMON XVI. Soixante des plus forts dans Israël entourent le lit de Salomon. (Cant. III, 7.)

 

1. Oh ! comme elle monte, dégagée, l'épouse ; elle s'élève presque sans ressentir le poids de son corps, et entièrement délivrée de la corruption de la chair ! Quel sera le poids de la chair là où le corps est comparé à la fumée? Quelle est la corruption, lorsque ce n'est pas la chair dissolue, mais des aromates brûlés qui l'exhalent ? Elle monte, bien dégagée, digne de partager la couche de Salomon. Je lis qu'Esther fut ointe et parfumée, afin d'adoucir les étreintes du roi par la suavité de ces essences. (Esth. II). Ici, l'épouse. n'emploie pas ces parfums pour plaire à son époux, mais elle s'est liquéfiée, pour ainsi dire, par l'odeur même du parfum. Tous ne comprennent point cette parole, tous ne peuvent jouir de ces délices. Si tous en jouissaient, tous en seraient privés; c'est là une belle variété, c'est une pieuse charité, parce que autre est celui qui jouit, autre est celui qui protège. Les loisirs des uns sont assurés et consacrés à la joie, parce qu'ils sont entourés de la garde d'autres personnes. C'est pourquoi « soixante des plus forts d'Israël entourent le lit de Salomon. » Notre Salomon ne veut pas que les délices que l'on goûte dans sa couche soient troublées, que de si doux sentiments soient affaiblis ; il ne veut pas qu'on essaie même de les déranger : il aime les choses en paix celui qui est nommé pacifique. Quel est notre Salomon, sinon Jésus-Christ? « C'est lui qui est notre paix, il    a réuni en un les choses séparées. (Eph. II, 14.) » Par son sang, il a pacifié non-seulement ce qui est sur la terre, mais encore ce qui est au ciel. « La règle de notre paix est sur lui. (Is. XIII, 5). » Il a supporté la correction de la peine qui nous était due, afin de nous obtenir la paix de la justice. Il a été puni, vous avez été grâcié; vous avez aussi été puni, mais votre châtiment n'a pu vous procurer la paix. Une victime immonde était hors d'état de purifier ceux qui étaient impurs, non-seulement les autres, mais encore elle ne se pouvait sanctifier elle-même. Un châtiment s'appesantissait donc sur nous; mais cette discipline n'enfantait point la paix. Une sentence de mort et de souffrance était portée contre nous, mais notre injustice n'était pas effacée. Vous étiez lié par le décret du juge, mais votre culpabilité subsistait; la peine se faisait sentir et la paix ne venait pas. O joug malheureux et lourd qui pèse sur les fils d'Adam. ! tu brises, et tu ne protèges pas; tu punis et tu n'expies point; tu détruis et tu ne réconcilies jamais; tu consumes la substance de la chair sans atteindre la faute. Qu'y a-t-il entre toi et la paix ? Quand donneras-tu la paix à celui qui est dans les liens du péché ? Quand produiras-tu la grâce, toi qui n'enlèves pas la tache? Car la justice et la paix se sont embrassées. La discipline de notre paix est sur celui qui nous a produit des faits pacifiques de. justice. Lui seul, il a été appelé notre véritable Salomon, parce « qu'en ces jours, la justice s'est levée pour nous avec l'abondance de la paix (Ps. LXXI, 7). » Paix véritablement abondante qui suffit, non-seulement pour effacer les péchés passés, mais qui s'étend encore à tous les siècles. Elle répand ses flots copieux jusqu'à ce que la haine soit enlevée, jusqu'à ce que cesse le travail de nos variations, le travail de notre mortalité, le travail de nos défaillances, qui se succèdent alternativement. Paix vraiment débordante, qui n'est pas accordée selon la mesure du mérite. Car elle ne trouve pas de mérite : elle le produit. Comment n'est-elle pas abondante, la paix qui a remis l'offense et a augmenté la première grâce donnée à l'homme? Dans le Paradis, l'homme avait la paix par laquelle il ne pouvait pas être entraîné malgré lui; mais il ne portait pas en lui la vertu de pouvoir revenir quand il le voudrait, après être sorti. Il avait reçu la grâce de pouvoir ne pas sortir; il n'avait pas celle de pouvoir rentrer quand il voudrait. La paix est beaucoup plus étendue dans la grâce du Christ; elle s'offre d'elle-même après des excès renouvelés; elle ne repousse pas, mais bien plutôt elle rappelle les pénitents. Paix tout-à-fait abondante, que nulle faute ne peut épuiser; qui est plus prompte à pardonner qu'à punir. Commençant à la rémission des péchés, elle étend la richesse de ses bienfaits jusqu'à rendre l'homme participant de la nature divine. Qui s'attache au Seigneur devient un même esprit avec lui. (I Cor. VI,17.)

2. Vous voyez jusqu'où s'étendent les copieux résultats de ce pardon, c'est au point qu'on peut l'appeler non plus la paix, mais l'unité avec Dieu. O bienheureux voisinage qui a vu disparaître le mur mitoyen des inimitiés! Heureux voisinage à la vérité, mais voisinage qui n'est pas encore à l'abri des attaques. Notre ennemi tente encore d'envahir ces confins, d'arracher ces abris qui leur servent de limites. Nous avons, en Jésus-Christ, la paix avec Dieu le Père, mais nous ne l'avons pas contre les assauts de l'ennemi commun. Cette paix abondera quand le dernier ennemi, quand la mort sera détruite. Jusqu'à ce moment, si nous n'avons pas la paix qui nous met à l'abri de ses attaques, nous avons une protection contre lui. Jésus sera notre paix quand l'Assyrien viendra dans notre terre et en foulera aux pieds les frontières. Cet ennemi peut attaquer les barrières spirituelles qui l'avoisinent, il ne peut rien sur celles qui sont plus éloignées : il peut courir à travers nos terres, il ne peut s'y fixer. Le Christ sera notre paix, lorsque l'Assyrien aura foulé aux pieds notre domaine. Nous avons un double voisinage; voisinage avec Dieu, et voisinage avec le monde; voisinage avec l'esprit et voisinage avec la chair. Et s'il a été dit à plusieurs : « Vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'esprit. « (Rom. VIII, 9); ceux-là même sont proches de la chair, ou parce qu'ils en ont la substance ou parce qu'ils en éprouvent les soucis. L'ennemi se servant de notre chair, comme d'un retranchement, en sort pour infester de près les régions contiguës de l'esprit, et en use comme d'une citadelle rapprochée pour dresser des embûches. Mais le Christ sera alors notre paix quand l'Assyrien aura foulé aux pieds nos confins. Voilà notre Salomon, notre pacifique, qui nous obtient la paix au-dessus de la paix : la paix avec son Père, la paix contre l'ennemi, et qui établira autour de nous la paix comme une frontière assurée. (Psalm. CXLVII, 14.) O voisinage et voisinage, que vous êtes différents! Combien l'un est fécond en joies et l'autre en scandales ! O frontière et frontière! combien l'une est habitée avec joie, et l'autre gouvernée avec peine ! Dans l'une et l'autre, le Christ et la limite mitoyenne, ici réparant, ici réunissant, là commençant, ici achevant. Car la sagesse atteint de cette fin à cette fin avec force, disposant tout en elle avec suavité. (Sag. VIII, 1.) Cette fin est la couche de l'époux. C'est pourquoi il est dit de la femme forte : « Son prix l'emporte sur ce qui vient des pays les     plus éloignés. (Prov. XXXI, 10.) « Son prix, » c'est pour ce prix qu'il se dépense, qu'il s'estime, et c'est lui qui remplit son désir avide. Qu'est-il autre chose, sinon le lit et l'embrassement de l'époux? La fin dernière est celle au-delà de laquelle ni l'avidité ne peut s'étendre, ni la faculté parvenir. La fin est là où vous défaillez, où vous êtes comme épuisé, où vous commencez à être un autre, tout dans le Christ, et le Christ tout seul en vous. O paix véritable, ô paix complète, alors que les scandales seront arrachés du royaume de Dieu, que la frayeur sera bannie de nos demeures, qu'il n'y aura pas fin et fin, qu'il n'y en aura qu'une seule, celle que nous venons d'exposer. La fin seule qui unira et conformera à Dieu: la fin qui jouit des délices de la couche et non celle qui emploie le glaive.

3. Maintenant, pour que les jouissances de ce lit ne soient pas troublées, il faut une garde puissante. C'est pourquoi «soixante des plus vaillants d'Israël entourent le lit de Salomon. » Et dans l'Evangile vous lisez : « quand le fort aimé garde sa maison, tout ce qu'il possède est en paix. » (Luc. XI, 21.) Au lieu que nous expliquons, il est parlé d'une garde plus puissante, parce que le lit a plus de charme que le foyer, et on tient plus à une épouse qu'à une possession ordinaire. Je lis qu'à la porte du Paradis, un ange fait la garde tenant à la main un glaive de feu. (Gen. III, 24.) Est-ce que le lit de Salomon n'est pas une sorte de Paradis? «Notre lit est tout fleuri. » (Cant. I, 15.) Jésus est la fleur de la campagne, l'arbre de vie. Un lit de ce genre est un Paradis de délices. Voyez comment des jouissances si grandes sont entourées d'une garde étroite? Soixante vaillants, parmi les plus guerriers d'Israël, entourent la couche de Salomon. Je ne me livre pas en ce moment à de grandes considérations sur ce nombre; il parait désigner ceux qui se recommandent, et par la justice de leurs oeuvres, et par la connaissance qu'ils ont de la loi. Ils sont des vaillants d'Israël, ceux qui sont forts par la foi, qui se tiennent dans la foi et se comportent virilement; qui peuvent tout, mais en celui qui les fortifie, c'est-à-dire, le Christ. Il est bien mal fort celui qui s'élève contre la science de Dieu, qui se montre contr'elle inflexible et rigide: sa force est la force des pierres et son cœur est d'airain, au point que le malheur ne lui donne pas d'intelligence, tels sont ceux dont saint Paul dit : « Est-ce que nous rivalisons avec le Seigneur?» (I Cor. X. 22.) Sommes-nous plus forts que lui? Il n'est pas des vaillants d'Israël, celui qui, blessé, ne souffre pas; qui frappé, ne sent rien, demeurant insensible à tous les coups du glaive à deux tranchants d'une langue aiguisée, et se faisant gloire de regimber contre l'aiguillon de la sagesse. Telle ne fut pas Marie dont le glaive perça l'âme comme une cire molle. Plaise à Dieu que la parole puissante s'empare facilement de moi; que son efficacité opère en moi, que ce glaive pénètre dans l'intime de mon être, et que mon coeur devienne une arme pour combattre les iniquités spirituelles.

4. Pourquoi mettez-vous la main aux fortes entreprises, vous qui n'êtes pas des très-vaillants? Pourquoi vous charger de garder, vous qui ne secouez jamais la torpeur? Pourquoi désirer le lit, vous qui n'avez pas le glaive? Ou si vous avez le glaive de la parole, vous l'avez dans le fourreau et non sur la langue? Vous ne le tenez pas à la bouche comme à la main, ce glaive mobile de la parole du Seigneur. Elle est rapide cette parole, c'est un esprit de flamme; mais je ne sais comment, contre sa nature, il languit dans votre main : il est affaibli et émoussé, ce glaive plus aigu et plus incisif qu'une épée à deux tranchants. Cette parole n'est pas prompte dans votre bouche, elle ne court pas rapide; elle ne se        modifie pas dans votre main selon la variété des cas, et cependant elle est abondamment propre à tous les emplois qui réclament le combat spirituel. Pourquoi vous charger d'une office quand vous n'en remplissez pas la charge? « Tous tiennent des glaives et sont très-habiles à faire la guerre. » (Cant. III, 8.) Vous portez sans raison l'épée, vous qui ne savez pas assez faire la guerre : ou si vous êtes habile en cet art, vous vous appliquez plus aux affaires du siècle qu'aux intérêts de Jésus-Christ : vous vous servez plus du droit civil que du droit ecclésiastique : vous êtes plus rompu aux luttes séculières qu'aux combats spirituels. Le chef de l'Eglise, saint Pierre, veut qu'un ecclésiastique soit prêt à rendre raison de la foi et de l'espérance qui sont en nous. (I. Petr. III, 15.) Et à quel titre vous glorifiez-vous d'être paresseux et ignorant pour le faire, si vous êtes en état de répondre promptement sur le droit public? Les lettres sacrées sonnent beaucoup mieux que les lettres profanes, dans la bouche d'un clerc. et d'un moine. Pourquoi voulez-vous parler à Jérusalem la langue de l'Egypte? Ce n'est pas ainsi que l'entend Isaïe : « Il y aura, » dit-il, « cinq villes dans la terre d'Egypte parlant le langage de la terre de Chanaam : (Is. XIX, 18.) c'est-à-dire, comme elles ne pouvaient parler le langage des hébreux, elles devaient parler celui qui s'en rapprochait; parce qu'elles ne pouvaient employer la langue sainte, elles devaient se servir de celle qui lui est semblable. Pourquoi voulez-vous parler à moitié le langage d'Azot, vous qui devez vous exprimer comme les Juifs? C'est ce que vous trouvez dans Esdras : « parlez la langue non des hommes, mais des Anges. » (II. Esd. XIII, 24.) Vous êtes l'ange de Dieu, vous qui remplissez le devoir d'annoncer la parole sacrée. « Car les lèvres du prêtre conserveront la science, on demandera la loi à sa bouche, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées. » (Mal. II, 17.)

5. Parlez entièrement selon l'évangile, vous qui êtes un homme évangélique. Que votre discours sente la loi, les prophètes, les apôtres; aiguisez votre langue à leurs paroles, empruntez-leur les armes puissantes selon Dieu, pour détruire les citadelles ennemies, pour réduire à la soumission toute intelligence s'élevant contre la science du Seigneur. (II Cor. X, 5.) Que votre main brandisse le glaive de l'esprit, qu'il vous serve à chaque occasion qui se présentera, que les paroles sacrées ne vous fassent pas défaut quand une circonstance subite et momentanée, exigera que vous les fassiez entendre. Que le verbe puissant et efficace soit sur vos lèvres et non dans les livres : « ce sont les lèvres » en effet et non les livres, « qui garderont la science. » Emportez avec vous ce sac d'argent. Que le glaive de la parole soit à votre côté et non dans des poches, qu'il soit très près de vous. Prenez-le sur votre côté afin que vous soyez fort et prompt à exhorter dans la sainte doctrine et à réfuter les contradicteurs. Qu'il ne soit pas caché sous votre côté, n'asservissez pas à la prudence de la chair, le zèle de la prédication sainte. « Que chacun ait son glaive sur son côté. » A l'un est donné le discours de la science, à l'autre celui de la sagesse, chaque docteur reçoit, de l'esprit, sa grâce particulière. (I Cor. XII, 3. ) Chacun a son glaive à son côté ; » afin que là où l'occasion de la tentation se trouvera, la parole soit employée par précaution avec plus d'abondance et ses avertissements multipliés. « Chacun porte le glaive à son côté, » pour se reprendre d'abord lui-même, pour se garder et se juger. Saint Paul vous apprend à avoir ce glaive à votre côté : « Vous considérant vous-même, » dit-il, « pour n'être pas tenté. » (Gal. VII, 1.) Chacun a le glaive à ses côtés, à cause des craintes de la nuit, à cause des chutes subites et des événements qui surprennent. L'apôtre insinue cette crainte nocturne en disant : « Si l'homme a été surpris par quelque péché.» (Gal. VI, 1.) On appelle nocturne ce qui est imprévu, ce qui arrive subitement, et aussi ce qui offre des embûches. C'est pourquoi il ajoute : « Que nous ne soyons pas circonvenus par Satan. Car nous n'ignorons par ses embûches. » (II Cor. II, 11.) En un autre endroit, le même saint Paul tremblait à cause de la crainte nocturne. « Je tremble, » dit-il, que comme «le serpent séduisit Eve, ainsi vos sens ne soient corrompus de la simplicité, qui est dans le Christ. » (II Cor. XI, 3) Bonne simplicité, par laquelle uni au Christ, vous devenez un seul esprit avec lui. La simplicité se trouve où est l'unité; la simplicité existe si vous ne vivez plus, mais si c'est Jésus-Christ qui vit en vous; si la sagesse de Dieu vous dévore, si la joie spirituelle vous absorbe et va se cacher jusque dans l'intime de vos entrailles. Et où est une si grande simplicité sinon dans le petit lit?

6. «Le glaive de chacun est à son côté. » Sur sa cuisse, non pour elle, mais à cause des dangers de la nuit; peut-être parce que la lutte n'est pas contre la chair et le sang que représente la cuisse, mais contre les gouverneurs du monde, des ténèbres présentes. Aussi c'est à cause des craintes de la nuit, contre les iniquités spirituelles. (Eph. VI, 12.) Combien la guerre que vous avez à soutenir est plus heureuse, vous qui êtes dans le même lit que Salomon? Elle n'est pas dirigée contre les iniquités charnelles, ni même contre celles de l'esprit, elle se fait en la joie de l'esprit, avec Salomon qui est appelé par excellence le pacifique. C'est pourquoi la lutte est pacifique avec lui. Salomon porte le nom de pacifique et représente la sagesse. « Aimez la sagesse et elle vous embrassera. » (Prob. IV, 8.) L'embrassement a quelque ressemblance avec la lutte. Embrassez-la pour qu'elle vous embrasse. « Elle vous glorifiera quand vous l' jurez embrassée, » comme ce prince le dit dans les proverbes. Embrassez le verbe, soyez avec lui comme dans un lit, et non comme dans un combat. Dans le lit, il n'y a pas de place pour les glaives, c'est le lieu des embrassements intimes. Ne soyez pas fort, de crainte qu'il ne vous arrive d'être dehors. Au-dedans usez du verbe non comme d'un glaive, mais soyez avec lui comme avec un époux, afin due vous trouviez en lui vos délices. Délectez-vous de la vérité elle-même, ne luttez pas contre les erreurs et les vices ; laissez à d'autres cette charge et ce soin. Qu'avez-vous à taire de la lutte, vous pour qui l'affection doit être tout? Celle qui est épouse, cherche non l'occupation de la dispute et de la lutte, mais le repos de l'embrassement. Que les autres entourent le lit; pour vous, jouissez des caresses désirées.

7. D'où vient cependant que le texte ne nous dit rien de l'appareil du lit? pourquoi exprime-t-il, en si peu de mots, les délices qu'on y goûte ? Peut-être ce sujet est ineffable et il n'est pas permis à l'homme de les dire. Celui qui l'expérimente, le comprend, et encore peu quand il l'expérimente, la mémoire elle-même ne peut rappeler en toute leur vérité les délices éprouvées. L'écriture a dit ce qu'il lui a été possible. Elle a parlé du lit, et du lit de Salomon. (III. Reg. X,18 et Cant. III, 9.) C'est assez dire, pour celui qui a goûté. Je lis dans l'écriture « le lit» de Salomon et sa «litière, » l'un et l'autre construits avec un appareil recherché, comme il convient pour les rendre aussi agréables que possible aux usages du roi. Par petit lit entendrons-nous quelque chose de négligé? A Dieu ne plaise; mais il suffisait, à l'écrivain, de dire petit lit, puisqu'il parlait a l'épouse. Elle n'aime rien dans son lit sinon Qu'il est son lit et que c'est en lui qu'elle a le moyen d'embrasser son Salomon. Dans toute la suite des écritures, les lits offrent un grand et multiple mystère, mais ils n'ont pas de comparaison avec le lit de Salomon. Il est un lit que Job se prépare dans les ténèbres (Job XVII,13); un lit que David arrose de ses larmes (Psalm. VI, 7), un lit dans lequel est couché le malade languissant (Marc. V), dans lequel le mort ressuscite. Tel fut celui d'Elisée, (IV, Reg. IV, 24.) tel celui d'Elie, (III Reg. XVII, 19.) Les deux prophètes rendirent à la vie le fils de leur hôtesse couché mort dans son lit. L'un s'étendit, l'autre se courba sur le mort. Le même Christ se montrait en eux. C'est lui qui s'est anéanti pour prendre la forme de l'esclave, et qui a resserré, dans les étroites limites d~ la nature temporelle, l'étendue de son éternité. Il s'étendit quand il répandit en noirs son Esprit saint avec abondance. Le sein de sa mère pouvait presser ce mort, mais il était incapable de le vivifier. La lettre tue, l'esprit donne la vie. Mais le véritable Elie le porta dans le Cénacle et l'éleva jusqu'à l'intelligence spirituelle. Le sein de la lettre était froid, sa connaissance ne pouvait répandre une chaleur vitale. Ce lit d'Elie était très-bon, il donna à un mort la chaleur de la vie. «Le juste vit de la foi. (Heb. X, 38.) Aussi il est mesuré trois fois, afin de donner la connaissance de la Trinité et de diviser la dose de la fox. La loi plaint le sens de la lettre qui éteint le sens charnel : mais Jésus-Christ prit ce sens et le rendit spirituel. Il a donné à la lettre un esprit vital et nouveau que reconnaît vraiment pour sien Elie lui-même, qui rétablit et renouvelle toutes choses : et saint Paul se déclare mort à la loi pour vivre en Jésus-Christ. Il est bon que, vous aussi, vous mourriez non-seulement à la vieille loi, mais aussi au vieil homme, (Gal. II, 19.) afin qu'il vous vivifie dans son lit, celui qui a porté nos fautes dans son corps, pour que, mourant aux péchés, nous vivions dans la justice. Ce que vous semez ne reçoit la vie qu'après être mort. (I., Cor. XV, 36.) Nous sommes tous compris en Jésus ressuscité, aussi cette résurrection est-elle commune. Mais il est dans le lit de Salomon une grâce particulière et réservée, prérogative de l'épouse seule.

8. Et maintenant, a bon Jésus, si quelque fils de mère veuve (je veux dire, de cette sainte maison), dans laquelle vous êtes soutenu, d'une manière ou d'autre, vient à mourir, ressuscitez-le. Il est mort, celui qui succombe, sous le poids de l'ennui, ou du désespoir; en qui il n'y a pas de dévotion vive, pas d'esprit fervent : celui qui, bien. que ne violant pas les préceptes de la loi, et se renfermant dans la limite de la règle, n'ont une affection froide et, languissante,, ne trouvant aucune suavité dans les oeuvres saintes. La face triste de tout l'ordre lui arrache l'âme. Il faut le réchauffer dans le sein tendre et doux de sa mère, pour que, tombant dans le désespoir, il ne soit pas précipité dans une tristesse plus grande. Il n'est pas expédient pour lui, qu'on le rencontre hors du sein maternel, de peur que le véritable Elie ne le porte pas dans son lit. Ceux que le Christ ressuscite, il leur donne la vie, sur les pleurs des femmes. C'est ce qui eut lieu pour le fils de la veuve (Luc. VII, 15.), pour le frère des saintes hôtesses (Joan XI, 33.), pour la fille, à cause de la prière de ses parents désolés. (Luc. VIII, 41.) Otez, ô bon Jésus, notre mort, du sein de sa mère. Cette observance régulière, mais extérieure, n'a conduit personne à la perfection. Introduisez-le dans le lit, plus mollet de l'espérance, qui le rapprochera de Dieu. Qu'il expérimente ce qu'il espère, combien le Seigneur est bon, pour ceux qui l'attendent, pour l'âme qui le cherche. (Thren. III, 25.) Une heure, de cette expérience, console de plusieurs années de travail. Alors on le rend à cette mère, qui l'avait auparavant perdu, tant qu'elle ne possédait. pas son affection, et pleurait sa dévotion perdue. Il nous revient nouveau, après que vous l'avez revêtu de vous même. Vous vous étendez sur lui, afin de couvrir, ce qui est vil en lui, et de vêtir ce qui est nu. Qu'il est bon, le séjour dans ce lit, en peu de temps, il redonne une activité pleine de vie   pour des jours qui viennent ensuite. Il y a une grâce plus grande encore dans le lit de Salomon, c'est là, que l'épouse, abandonnant sa mère selon la chair, s'attache pour toujours à son bien-aimé, et devient, avec lui, un seul et même esprit.

9. C'est donc un lit agréable, il n'y a pas de langueur, si ce n'est peut-être, la langueur de l'amour: il ne connaît pas l'infirmité, mais il est plein de jouissances. Lit délicieux, il n'est pas arrosé de larmes, il n'est pas étendu dans les ténèbres, il n'a rien de triste, de sombre, tout y est lumière, tout y est joie : il n'a pas besoin d'être couvert de ces tapis d'Egypte que la femme hérétique étale sur sa couche, au livre des Proverbes. (Prov. VII, 16.) Le lit de Salomon n'emprunte aucun ornement étranger, rien de peint, rien de mondain, tout y est sainte volupté et solide vérité. Il y a un grand et multiple mystère, dans les couches des saints, mais celle de Salomon l'emporte sur toutes les autres, le petit lit de l'épouse lui-même ne peut lui être comparé. Dans son petit lit, l'épouse cherche son bien-aimé, elle ne le trouve pas, elle se lève, elle rôde jusqu'à ce qu'elle arrive à lui. Hâtez-vous, vierge sacrée, pressez-vous d'entrer en ce repos. Ne craignez pas ces glaives dégainés tout autour. Ces épées, ce sont les glaives de la parole, placés sur le côté, à cause des alertes nocturnes, ou bien, ils retiennent la fougue de la chair, ou bien ils bannissent la crainte du coeur timide, Ceci est pour les autres : pour vous, ils vous blessent plus suavement, afin que transpercée d'amour, vous ignoriez les terreurs de la nuit, et n'éprouviez aucune impression mélangée de froide crainte : afin que, tout entière, vous entriez dans les transports d'un amour enflammé, vous qui êtes destinée au seul office de l'amour et qui devez monter sur le centre de la charité, entrer dans la couche du bien-aimé, le lit du véritable Salomon, qui est Jésus-Christ, vivant et régnant, dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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