SERMON XXXII
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SERMON XXXII. Vos mamelles sont meilleures que le vin, et vos senteurs sont au-dessus des plus suaves parfums. (Cant. 4.)

 

1. J'ai peu d'huile, peu de parfum, mes frères, et vous me présentez aujourd’hui des vases si grands et si vides! Ne prenez pas en mauvaise part cette parole, quand je dis que vos vaisseaux sont vides. Je ne veux point déclarer qu'il n'y ait absolument rien, mais je veux plutôt indiquer leur capacité, je veux faire comprendre que vos esprits sont désireux et capables de recevoir. Qui pourrait les satisfaire! Vous faites attention aux parfums de l'épouse, vous regardez combien abondantes sont les senteurs suaves qu'elle répand : comme s'il ne fallait pas considérer aussi le canal par le moyen duquel elles doivent parvenir jusqu'à vous. Assurément la matière est grande, tenez néanmoins compte des faibles forces du ministre. Que votre volonté s'accomplisse : je ne prétexterai point ma pénurie, pour que vous ne m'accusiez pas de manquer à ma promesse. Le peu d'huile que j'ai, je le verserai dans de grands vases, et plaise au ciel que ce soit sur l'ordre de quelque Elisée, dont la vertu multiplie le bon effet de l'effort que nous allons faire. Quoi donc ? Est-ce qu'en cette enceinte il n'y a pas beaucoup d'Elisée, beaucoup de: prophètes ou assurément beaucoup de fils de prophètes? Et tous veulent que je parle : et si les mérites étaient bien inférieurs, le nombre lui-même pourrait tenir la place d'un grand personnage. Je ferai donc goûter quelque chose de ce qui reste de ces parfums. Car vous vous souvenez qu'au commencement de ce livre ils ont été répandus suffisamment et même avec abondance, et peut-être que le fond de la coupe qui les reçut n'est pas encore tout-à-fait épuisé. Est-ce que maintenant je la tarirai? Ne l'attendez-pas; je ne l'espère point. Il est en l'épouse une source abondante de senteurs, Il ne faut pas vous écrier : épuisez, enlevez tout en elle jusqu'au fondement. O que je voudrais qu'il m'arrivât de me perdre dans ces fonds, que ce ne soit pas mon pied seulement qui trempe dans l'huile, ainsi qu'il est écrit d'Aser. (Gen. XXXIII, 24.) Mes frères, si nous ne méritons pas d'être plongés dans un tonneau d'huile, dans l'Océan des parfums comme l'évangéliste saint Jean, si nous ne sommes pas dignes de l'honneur d'une onction si abondante, désespèrerons-nous d'y tremper un peu ou du moins d'en sentir l'odeur. Car l’odeur seule est ici louée. « Et l'odeur de vos parfums, » dit le texte, a est au-dessus de toutes les senteurs les plus agréables. » Les mamelles vous font profiter, les parfums vous empêchent de défaillir. a Vos mamelles sont supérieures au VIII, et l'odeur de vos parfums surpasse les meilleures senteurs. » Et pour rattacher le discours de ce jour à celui d'hier, disons que les mamelles sont pour les faibles et les parfums pour les forts.

2. Comparons entre elles ces trois choses: le vin, les mamelles, les parfums. Le vin, c'est la défaillance du vieil homme; la mamelle, la reconstitution du nouveau; le parfum, une espèce de délectation. Le sens charnel s'enivre de vin, et cette liqueur l'ensevelit dans un profond sommeil qui ressemble à la mort : l'homme nouveau trouve sa nourriture dans la mamelle; adulte, les parfums sont ses délices. Dans la première de ces trois choses, le vieil homme est détruit; dans la seconde, l'homme nouveau est refait; dans la troisième, déjà proche de la perfection, il est inondé d'une joie ineffable. N'est-ce pas un ordre bien établi que celui qui conduit de la satiété à la délectation, qui fait goûter après les prémices du lait les délices des parfums? Et dès le début de ce cantique, ces deux liens, les parfums et les mamelles, ont été réunis et rappelés dans les louanges de l'épouse. Ils ne renferment pas une grâce médiocre puisque l'époux, non content d'en avoir fait une fois mention, en parle si souvent en vantant sa bien-aimée. Ne trouvez-vous pas qu'il se délecte à faire cet éloge qu'il redit si souvent et avec tant de complaisance? Dans le passage qui fait répéter si fréquemment les louanges de l'épouse, il est quelque chose dont vous pouvez tirer parti pour vous : croyez que cette répétition est une imitation pour vous. Courez, vous aussi, attiré par l'odeur de ces parfums, bien plus, ayez soin plutôt que ces mêmes parfums se fassent sentir en vous, afin que vous soyez pareillement digne d'ouïr cette parole : « l'odeur de vos parfums est au-dessus de toutes les senteurs. » Ces éloges, vous ne les entendez pas seulement une fois, la bouche de votre bien-aimé vous les redit à plusieurs reprises. Que les parfums soient en vous toujours récents et comme toujours nouveaux : qu'ils ne s'épuisent pas, qu'ils ne se dessèchent pas et qu'ils ne cessent jamais de se faire sentir. Le nom du bien-aimé est une huile épuisée. Mais prenez garde qu'il s'anéantisse jusqu'en votre cœur, qu'il ne disparaisse pas de vous. Il est bon de commencer avec l'épouse par les parfums : mais à la condition expresse de trouver votre fin en eux. Autrement saint Paul vous dit « Ayant commencé par l'esprit, vous finissez maintenant par la chair. » (Gal. III, 4.) C'est une bonne onction que celle qui se fait dans l'esprit. Recevez-la donc de telle sorte, que la chair soit modifiée en vous à cause de cette huile. Que cette huile ne soit changée, ou diminuée à cause de la chair, que ce liquide, bien plus, que ce parfum ne se sépare point de votre tête, qu'il y déborde et coule jusqu'à vos pieds : car en Jésus-Christ la tète et les pieds ne sont pas tant oints que pénétrés de ce parfum. Qu'elle imbibe l'intérieur de votre être, qu'elle soit identifiée avec vos affections elles-mêmes, que tout principe charnel soit changé en vous par la force de sa vertu. Un temps viendra où la chair sera, elle aussi, transformée par la même cause. Jésus fut oint et inondé de l'huile de la joie plus que ses compagnons (Ps. XLIV. 8). Aussi seul, il put dire avant l'époque de la résurrection : « ma chair a été changée à cause de l'huile. » (Ps. CVIII, 24.) C'est avec raison qu'elle devança l’heure de la transformation commune, cette chair exempte de toute influence charnelle. O moment désirable, ô doux parfum, qui verra et fera passer à l'état incorruptible le corps détruit dans le tombeau. Car avant d'arriver à cet état, pourquoi ne descend-il pas dans la corruption?

3. Vous avez vu le jour passé, mes frères, vous avez considéré, les yeux baignés de larmes, cette chair malheureuse, changée et descendant de la corruption à une corruption plus grande. Elle s'y plongeait avec assez de lenteur et ne pouvait être entièrement gâtée. La corruption elle-même paraissait vouloir posséder, comme à titre d'héritage, le corps sur lequel elle avait déjà régné; et pour qu'il ne cessât pas de s'altérer, elle ne permettait pas que la pourriture le consumât entièrement. Elle retenait ses forces, comme si elle ne voulait pas dévorer promptement cette pâture, afin d'avoir à la ronger plus longtemps. En effet, la chair une fois réduite en poussière, quelle prise aura ensuite sur elle, le ver corrupteur de la tombe ?  « Toute chair est comme l'herbe, et toute sa gloire est comme la fleur des champs, l'herbe s'est desséchée, et la fleur est tombée flétrie. » (Is. XI, 6.) Par ces paroles, le prophète a exprimé la promptitude avec laquelle la vie se perd, la facilité avec laquelle la chair, animée des couleurs de la santé, et embellie de sa pourpre, est coupée sur la terre des vivants; tranchée dans sa racine, elle se dessèche promptement, mais elle ne se consume pas avec une égale rapidité. La comparaison tirée de l'herbe montre la soudaineté du changement qui, arrive brusquement, elle n'exprime pas l'horreur de la corruption qui gagne et dévore peu à peu le cadavre. Ses os, que la chair revêtait jadis, sont, les uns dénudés, les autres encore né sont pas tant couverts que souillés et entourés de pourriture. Dans cette chair malheureuse, la corruption exerçait ses longs ravages et marchant vigoureusement d'une extrémité à l'autre, détruisait tristement tout ce qu'elle rencontrait. Je pouvais y dire, elle disposait tous les éléments de sa chair, parce qu'en les dissipant, elle remplissait le bon plaisir de la volonté du Seigneur. Triste changement, mais excellent motif qui a porté Dieu à vouloir que la pourriture ou le privilège de réduire en poussière la gloire de la chair. Que la mort fasse sentir ses rigueurs, que la corruption sévisse contre la chair de l'homme, et promène en elle ses ravages, qu'elle la détruise autant qu'il sera en elle, qu'elle la réduise d'abord à l'état de pourriture et qu'elle en fasse ensuite un tas de cendres; c'est là ce qui lui est permis, elle ne peut pas aller plus loin que de réduire en poussière l'orgueil de la chair. Elle ne peut pas en ramener au néant la substance, elle ne peut pas la consumer entièrement, ni en être maîtresse pour toujours. Elle ne se relèvera pas jusqu'à ce que le ciel soit renversé, mais quand le firmament s'écroulera, alors elle se redressera. (Job. XIV, 12.) A ce moment, le Seigneur répandra de son esprit sur toute chair (Joel. XI, 28) ; le corps des saints sera changé à cause de l'huile, parce que l'esprit de Dieu l'aura oint. Tous, nous ressusciterons, mais nous ne serons pas tous changés. (I Cor. XV, 51.)

4. O que grande est la vertu de ce parfum, à son contact, le joug d'une pourriture si ancienne se consumera, et la chair, dévorée par tant de supplices, reviendra aux jours de son adolescence, de cette adolescence qui ne fera place à aucun autre âge! Onguent extrêmement efficace, qui guérira une plaie si invétérée et changera la pourriture entassée durant plusieurs années en une santé inaltérable. C'est l'église seule qui possède cet onguent : aussi ses enfants sont appelés chrétiens du nom du Christ son époux, qui signifie oint. Et ce parfum, nous l'avons déjà reçu dans le baptême. De même que dans cette première cérémonie, il produisait notre sanctification; de même à la fin des temps, il opérera cette glorieuse transformation qui changera la chair par la vertu de l'huile. Qui sait si la maladie n'a pas reçu permission d'exercer ses ravages en attendant cette époque, afin que la violence du mal serve à faire éclater la force du remède? C'est donc avec beaucoup de raison qu'on vante l'odeur de ce parfum, parce que nous en sentons la grâce quoique encore de loin. Pour adoucir toutes les désolations qui peuvent atteindre l'âme, quel autre antidote aussi efficace employez-vous que l'espoir de la résurrection à venir et de la bienheureuse transformation qui l'accompagnera ? La doctrine des gentils ne connaît pas ce dogme, la tradition des juifs n'en pénètre pas la nature, ceux-là ne croient pas, ceux-ci croient moins; leur sentiment sur la gloire spirituelle qui accompagnera la résurrection, sur la similitude avec les causes qu'elle produira et nous est mélangé de beaucoup d’erreurs. Les infidèles ne respirent pas l'odeur de ce parfum : les juifs ne le sentent pas purement et simplement, ils en reçoivent, je ne sais quelle exhalaison étrangère et altérée. Dans l'église seule, se savoure proprement et sans mélange sa pure senteur. Aussi l'odeur de ces parfums dépasse tous les autres.

5. Voici deux bons onguents : l'impassibilité et la patience. Par la première, la chair ressuscitée ne pourra plus être blessée : par la seconde, l'âme pieuse se maintient calme au milieu des attaques et des injures. Par l'une, nous sommes maîtres à titre d'héritage par un droit calme et inébranlable de la terre, de notre chair : par l'autre, nous possédons même notre âme. «En votre patience, » dit le Seigneur, « vous posséderez vos âmes. » (Luc. XXI, 19.) La patience qu'est-elle sinon une sorte d'émanation, de l'impassibilité à venir ? Dans l'autre vie on ne fait aucun mal ana autres: en celle-ci, par le bienfait de la patience, le mal qui noue est fait, ne se ressent port; on dirait que cette vertes répand sur les plaies un onguent qui les adoucit. Onguent efficace et utile. Au milieu des importunités de la chair, il préserve l'esprit de toute blessure, il le retient pour qu'il ne tombe pas, pour qu'il ne s'épuise et ne se fatigue point. Je prêche l'utilité de cet onguent, vous en cherchez peut-être les délices. Je ne négligerai point de satisfaire ce désir, et je vous indique une onction encore plus excellente. «Regardez comme une grande joie, mes frères, » dit l'Apôtre, « lorsque vous tombez en diverses épreuves. (Jac. I, 3). Celui qui sait se réjouir dans l’adversité ne vous paraît-il pas pénétré d'un meilleur parfum que celui qui n'a appris qu'à ne s'y pas contrister? Ce qui exclut la douleur est moins que ce qui apporte la joie. L'épouse de Jésus-Christ a reçu. ordre non-seulement de supporter ses ennemis, mais encore de les aimer. « Aimez vos ennemis, » est-il dit. (Luc. VI, 27.) Ils sont donc bons, ses onguents; dans la tristesse, ils inspirent la joie et donnent l'amour des ennemis. Car la charité est plus que tous les sacrifices et que tous les holocaustes. Aussi l'odeur de vos parfums l’emporte sur tous les aromates. Le parfum de la prière est une odeur suave, un encens précieux . mais écoutez ce que l'Evangile préfère. « Si vous offrez, » dit-il, « votre présent à l'autel, et si là, vous vous souvenez que votre frère a quelque chose contre vous, laissez votre présent devant l’autel et allez auparavant vous réconcilier avec votre frère. » (Matth. V, 23.) Vous voyez suffisamment que le Seigneur place l'onguent de la réconciliation au-dessus de l'aromate de la prière. Qu’est-ce que la réconciliation, sinon la paix rétablie entre des esprits divisés ? C'est de cette conciliation et de cette charité fraternelle que le Psalmiste vous dit : « Voilà combien il est bon, combien il est agréable que les frères habitent ensemble. » (Ps. CXXXII, 1.) C'est là la voie que saint Paul appelle plus excellente, et qui est préférable à toutes les autres grâces, comme si l'on disait, à tous les parfums. C'est cette onction qui descend de la tête sur la barbe et jusqu'au bord du vêtement. (Ps. CXXXII, 2.) Car le Christ notre chef nous a aimés le premier afin que nous l'aimions à notre tour.

6. Aussi l'épouse dit qu'elle court à l'odeur répandue par cette onction, c'est-à-dire, pressée d'un vif désir d'avoir la charité. Elle ne .dit pas : l'odeur du parfum, mais des parfums; parce que cette vertu est double. Par l'une, nous aimons Dieu qui nous a aimés le premier

par l'autre, nous nous chérissons les uns les autres comme il nous a aimés lui-même. Il nous donne et l'exemple et la grâce de ce double amour. Il nous en montre la voie et nous en communique la vertu. Aussi il est écrit : « nous courons à l'odeur de ses parfums, » (Cant. t, 3.) Est-ce que l'union et la tendresse, l’amour du Père et du Fils; leur mutuel embrassement produit»par leur commun esprit, ne nous pénètre pas d'une odeur suave, et ne nous enflamme pas à vouloir imiter cette union, et à devenir un entré nous, comme des personnes divines ne sent qu'un entre elles? Heureux qui marche et qui court à l'odeur die cette charité, de cette suavité, de cette dilection, de cette onction. L'Esprit saint sert pour ainsi dite d'onction aux deux autres personnes qu'il réunit dans une si grande tendresse d'amour. Tâchons de reproduire cette onction, courons attirés par ses suaves exhalaisons. La charité fraternelle rivalise avec cette unité essentielle et divine, elle est comme une image et une sorte d'ombre de parfum, de cette douceur et de cet amour réciproque. Car « voici qu'il est bon et doux que les frères habitent en un. Comme le parfum sur la tète qui coule, etc. » Et plaise au ciel que de notre chef, qui est dans les hauteurs, il descende sur nous une émanation de cette liqueur embaumée, pour que, nous aussi, nous méritions d'entendre cette parole : « l’odeur de vos parfums est au-dessus de tous les aromates. » Parcourez en esprit les autres vertus, considérez l'usage et les actes de chacune : rien en elles n'est suave comme la charité qui sort d'un cœur pur. Quelle odeur répandront les jeûnes, les aumônes, si la charité ne se fait sentir en eux ? La charité elle-même et las souffrance, si la charité ne leur, sert de condiment, de quel parfum suave vous réjouirent-elles? « Quand je livrerai mon corps pour le faire brûler, » dit saint Paul (I Cor. XIII, 3), et quand, semblable à l'encens, je me liquéfierais sur le feu, « si je n'ai parla charité, rien ne m'est utile.» Ce qui n'est pas offert avec la grâce ne peut être reçu agréablement. La charité est une racine, c'est d'elle que, semblables à des tiges, s'élèvent les autres vertus : aussi elles doivent participer de sa richesse. De quoi sert le rameau dans un bon olivier,  si on ne retrouve en lui la graisse et la vertu de la racine? Pareillement les vertus et leurs oeuvres sont inutiles, si on ne sent en elles un principe de charité et de dilection.

7. Et Marie, dont le nom a retenti naguère dans la lecture de l'évangile, quelle autre sentiment que l'amour répandait en elle ses parfums? « Beaucoup de péchés lui ont été remis, » dit le Sauveur, «parce qu'elle a beaucoup aimé. » (Luc. VII, 47.) Excellente odeur de cette essence ! sa vertu a entièrement dissipé les miasmes de l'ancienne corruption, et rempli toute la maison de l'église d'une senteur agréable. Pendant que le roi était assis à table, elle brisa un vase d'albâtre rempli d'un nard précieux et en répandit la liqueur sur sa tête. Et ce nard a donné, il donne encore, et il donnera son odeur jusqu'à la fin du monde. Sur l'autel de son coeur elle a brûlé, en l'honneur du Christ son Seigneur, un aromate de prix, son coeur s'est consumé semblable à l'encens, et la flamme de la charité l'a entièrement liquéfié. Notre Seigneur étant enseveli, voyez avec quel soin, avec quel zèle elle visite souvent son sépulcre. Elle va, elle revient, elle voit les anges, elle excite les apôtres, et quand ils se retirent, elle demeure. Mon coeur est enflammé, dit-elle, je désire voir mon Dieu; je le cherche et ne le trouve point. L'inquiétude de celte âme qui cherche, ne vous paraît-elle pas respirer l'amour le plus exquis? Quand on chante ces paroles en mémoire d'elle, est-ce qu'elles n'enflamment pas aussi ceux qui les redisent? Et Jésus lui-même si vivement désiré, respire la suavité de ce parfum et il semble courir, attiré par un si ardent amour. Pourquoi ne courrait-il point avec plaisir vers de semblables aromates ? Comme dès le point du jour, il va vers Marie, et se levant le matin du premier jour de la semaine, il apparaît d'abord à celle qui l'aime si éperdûment, et il répand sur elle l'huile de la j oie, de préférence à ces compagnes (Marc. XVI, 9), en lui manifestant, dans l'éclat de sa gloire, la vérité de sa résurrection. Il change aussi ces aromates en onguents, et ces désirs, en jouissances.

8. Celui qui prie et désire me paraît offrir des aromates au Seigneur. Il est pénétré de parfums, lorsqu'il jouit de celui qu'il aime, et s'enivre de sa présence. Certes il est bon de prier et de désirer le Seigneur; mais l'aimer, et le posséder et jouir de lui, est chose bien préférable. Et (pour employer cette comparaison) quand vous êtes dans le besoin, il est bois de mendier, mais qu'il est préférable de manger! Si vous pouvez chérir le Seigneur absent, combien cet amour vous est-il plus facile, quand il est présent, quand il se donne à vous et enflamme votre coeur par une délicieuse expérience de ses bontés? L'âme reçoit un parfum plus abondant et plus spirituel, quand elle est unie plus étroitement à celui qui a été oint d'esprit et de force. Elle plaît surtout à son bien-aimé, elle exhale des parfums plus aimables, quand elle est toute transformée en lui, qu'en s'attachant à lui, elle exhale l'odeur de cette union : odeur qui passe de l'époux en l'épouse. Cette cohabitation dans l'unité répand une senteur extrêmement agréable, c'est le parfum sur la tête qui descend, etc. Aussi « l'odeur de ses parfums s'élève au-dessus de tous les aromates. » Et bien que l'épouse ait d'autres senteurs, nulle n'est comparable à celle qui pénètre en elle, au moment surtout où elle s'attache à son bien-aimé, alors qu'elle demeure sur son sein, et se repose dans l'intime de son coeur : quand le roi est assis à table, c'est alors que le nard de l'épouse se fait sentir, odeur bonne par-dessus toutes les odeurs de l'époux, ou plutôt odeur qui est l'époux lui-même, c'est lui en effet qui est le parfum de son épouse, lui qui est son arôme : car c'est lui qui se plaît dans sa bien-aimée, et qui s'y fait sentir. Plaise à Dieu que ce parfum n'abandonne jamais notre tête et que la vapeur de ses senteurs s'élève de nos coeurs durant les siècles des siècles. Amen.

 

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