SERMON XXXVII
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SERMON XXXVII. La fontaine des jardins, le puits des eaux vives, etc. (Cant. IV, 45.)

 

1. « La fontaine des jardins, le puits des eaux vives, qui coulent du Liban avec impétuosité. » Au commencement de ce passage, l'épouse a été appelée « fontaine » et maintenant, à la fin, son époux lui donne encore le même titre. Elle commence par l'abondance et se multiplie dans sa vieillesse : la fin répond au début. Elle produit bien des richesses, elle n'en est pas épuisée. Le temps ne la dessèche pas, la production ne la fait point languir. Au principe de ce chapitre elle est appelée « fontaine scellée; » ici on fait entendre que cette source n'est pas affaiblie. Là, on détaillait les arbres qu'elle poursuit, ici, on exprime que cette germination se produisit toujours dans la vigueur de sa fécondité. Bien des ruisseaux de grâce coulent de cette fontaine, et néanmoins la source est toujours abondante. Elle ne se répand point de celui en qui il prend son point de départ : aussi au commencement et à la fin, on l'appelle fontaine. Mais considérez en quel lieu coulent ses eaux : où coulent-elles donc, si ce n'est dans les jardins? Elle est la fontaine des jardins, elle épand délicatement ses eaux, elle ne sort pas des jardins, elle ne les inonde pas, elle les arrose : tout son emploi est, non d'enlever ce qui s'y trouvait de moins propre, mais de produire la fécondité. C'est un bon effet de la fontaine que de laver, mais il est préférable qu'elle fertilise. L'un purifie les souillures, l'autre, dans son coeur, apporte et augmente les dons de la grâce, sorte d'alluvion déposée dans l'âme. L'un rend ces plantes propres, l'autre les rend joyeuses. L'un est pour la purification du pécheur et de celle qui est souillée; l'autre est scellé, parce qu'il est réservé pour les délices de l'époux. «Vous êtes toute belle, d ma bien-aimée, et il n'y a point de tâche en vous. n Aussi elle ne reçoit que les titres de fontaine des jardins, de fontaines des délices.

2. Autant multiple et variée est la forme des délices célestes, autant est grand le nombre des jardins. Dans l'un, les roses font briller leurs rouges couleurs; dans l'autre, les lis étalent leurs blanches corolles, et les violettes parsèment la terre de leurs fleurs purpurines. Il y a autant de jardins qu'il est de collection de vertus rassemblées en un lieu . là où il ne se trouve qu'une seule fleur, qui prétendrait voir un jardin? De même une seule espèce de pureté, comme une seule sorte de justice ne peut composer un parterre. Salomon, qui fut appelé délicat et tendre, se traça des jardins, aligna des vergers et les remplit d'arbres de toute espèce. Il ne dit pas je l'ai greffé d'un arbre, mais « d'arbres : » et encore, non d'arbre d'un seul genre, mais « de toute espèce. » Je me suis bâti des réservoirs d'eau, afin d'arroser la forêt des arbres qui germaient. » (Eccl. II, 5.) Il a une source de délices, celui qui, au lieu de posséder des arbres rares que leur petit nombre permet de compter facilement, est maître d'une forêt entière, remplie d'arbres qui végètent avec force. Car dans le jardin de la sagesse, il n'est rien de stérile, rien qui ne germe pas. Aussi l'épouse a plusieurs jardins, elle possède en trés grande quantité, toutes sortes de plantes de vertus, et dans les paroles qui suivent, l'époux lui adresse ses félicitations : « Vous qui résidez dans les jardins, les amis vous écoutent. Faites-moi entendre votre voix. » Il a parfaitement raison. Il ne peut-être que fort agréable d'ouïr celle qui séjourne dans les jardins, et qui parle de l'intérieur du jardin. Sa voix ne se fait pas entendre à l'extérieur, ni hors du jardin : « aussi celui qui reste avec elle dans le jardin, est son ami.           Elle n'est pas dans les jardins, disons mieux, elle est elle-même un jardin. Elle est un jardin, elle est une source arrosant les vergers des eaux de sa doctrine. Heureuse épouse qui n'a qu'à arroser des jardins!

3. Dans cette nombreuse communauté, est-ce qu'il n'y a pas autant de jardins qu'il y a d'âmes ? L'unanimité qui y règne en fait un seul jardin, par la diversité des grâces qui y sont répandues, se produisent plusieurs jardins. Plaise su ciel que dans ces jardins, il ne germe aucune racine d'amertume, aucun bois inutile, qui fasse honte au verger de l'épouse, aucune plante vulgaire, parce que ces sortes de plantes se dessèchent et passent vite. (Ps. XXXVI, 2.) «Que celui qui est faible, » dit saint Paul, « mange des herbes potagères. » (Rom. XIV, 2.) Vous n'avez pas besoin de cette nourriture comme si vous étiez infirmes. Ce qu'il y a de faible en vous est plus fort que ce qu'il y a dans les séculiers. Leur faiblesse s'en tient à ce qui est permis; la vôtre, tend à ce qui est parfait. Leur infirmité consiste à se servir de ce qui leur est accordé, la vôtre, à atteindre la perfection et à s'y arrêter. Qu'appelle-t-on faible parmi vous, sinon de n'être pas parfait? chez vous qu'est-ce qu'être infirme, si ce n'est de ne pas être au point le plus élevé? Et qu'entend-on par fort, si ce n'est l'effort produit pour y arriver? Aussi ce qui est faible chez nous est plus tort que ce qui est fort chez les séculiers, et, pour employer ce langage, l'infirmité du moine est supérieure à ce que fait de bien le chrétien dans le monde. Les oeuvres, qui chez nous passent pour médiocres, de quel grand éclat brilleraient-elles, si des séculiers les opéraient? La nourriture solide est pour les parfaits : cependant ceux, qui parmi nous ne sont point parvenus à la perfection, dédaignent de manger les plantes potagères. Ce qui est permis aux séculiers fades, n'est pas offert aux nôtres, et ils ne l'exigent pas. Notre profession est parfaite, mais nous en remplissons les obligations d'une façon languissante. Ce sont des plantations très-bien faites, mais dont les rejetons sont faibles. Pour qu'ils croissent, il faut les arroser, mais les arroser d'eaux spirituelles. Saint Paul connaissait parfaitement quelles eaux convenaient à chaque jardin. Aux mariés, il accorde l'usage de l'union conjugale (I Cor. VII, 3.), il console les pusillanimes, il accueille les infirmes ( I, Thess. IV, 14), il donne du lait à ceux qui sont encore dans la chair, il parle la sagesse aux spirituels qui jugent de tout, non la sagesse de ce siècle, mais celle qui vient de Dieu, sagesse cachée dans les mystères. (I Cor. II, 6.) Et si quelque autre exalte la beauté de la maison du Seigneur, le lieu où habite sa gloire, les délices de son lit nuptial, la joie que l'époux trouve en son épouse, et l'allégresse dont l'épouse de son côté tressaille dans le Seigneur, cet heureux chrétien ne doit pas répandre ces eaux sur un jardin rempli de plantes potagères. Car l'homme animal ne comprend pas ce qui est de l'esprit de Dieu. Et celui qui propose à l'intelligence ou à l'imitation les choses spirituelles, ne vous parait-il pas couler comme une pure fontaine au milieu des jardins remplis de plantes aromatiques? Et vraiment pure fontaine, ce prédicateur, eu égard la perfection de ceux qui l'écoutent dans les jardins, n'a qu'à traiter de la pureté de la vie spirituelle et qu'à faire boire à ses auditeurs, comme s'ils étaient déjà en paradis, les ordres qui découlent de ce lieu fortuné.

4. Selon cette manière de voir, par jardin entendez les auditeurs, par fontaine, ceux qui instruisent les autres. S'ils sont une fontaine, comment sont-ils un puits? Vous connaissez la grande différence qui existe entre les fontaines et les puits. Le puits est creusé dans la terre, la fontaine coule spontanément. Les eaux sont cachées dans le puits; dans la source, elles sont exposées et se présentent comme d'elles-mêmes. Une grande différence les sépare, et l'un ne peut se trouver dans l'autre. La fontaine ne peut réclamer pour elle les qualités propres qui spécifient le puits, le puits pareillement, ne peut exiger ce qui distingue la fontaine : chacun a ses caractères d'après sa nature. Les choses terrestres et corporelles sont étroites, les richesses spirituelles sont abondantes. Si nous appliquons les idées que nous venons d'exposer aux biens spirituels, nous y trouverons tout à la fois et fontaine et puits, ils admettent également les qualités constituant ces deux sources d'eaux si distinctes. Communiquons-les leur donc, si vous le voulez, et trouvons en eux, et ce qui se trouve de propre à la fontaine, et ce qu'il y a de spécial dans les puits. Apercevons dans la fontaine la quantité suffisante de la doctrine; dans les puits, voyons-en les secrets : dans la première, l'abondance, dans la seconde, les profonds mystères. Il excelle à instruire les autres, celui qui tire du trésor caché de sa sagesse, comme d'un puits profond, les choses nouvelles et les choses anciennes. Il est semblable à un puits, car nul, excepté l'esprit de Dieu, ne connaît ce qui est de Dieu. «L'esprit en effet scrute tout, même les profondeurs de Dieu. (I Cor. II, 10) : et à l'instar d'une fontaine, il fait couler, au milieu de ceux qui l'entendent, les flots de sa doctrine, il rend frais et fertiles, les jardins des vertus. Vous rencontrez donc dans le puits, la profondeur, dans la fontaine, la profusion: l'abondance dans la fontaine et dans le puits, la profondeur des sens cachés. Ce puits est profond, mais il n'a pas besoin d'instrument pour qu'on y puise : il est aussi fontaine et il coule gratuitement. Si quelqu'un a soif, qu'il vienne et qu'il boive des eaux de l'épouse, des eaux de Bethsabée, afin qu'un nouveau Salomon naisse d'elle. Bethsabée signifie septième puits c'est-à-dire, le puits du repos, le puits de la sagesse. Car dans la liste des dons spirituels, si on la suit, en allant de bas en haut, la sagesse occupe le septième rang.

5. De même que nous trouvons dans les écritures qu'il y a un puits de sagesse, de même nous lisons qu'il .y a une fontaine de sagesse. (Eccl. I, 5.) Et peut-être ces deux mots expriment le double mode sous lequel apparaît le même don. L'un qui résulte du travail de ,homme, l'autre, qui se fait sans ses efforts, et qui est inspiré du ciel. Les eaux de la fontaine jaillissent spontanément : dans les puits, la masse de la terre est ouverte et sa solidité se trouve perforée, jusqu'à ce qu'on arrive aux eaux vives. Il faut que ces deux choses soient unies, que l'industrie accompagne la grâce, et que la grâce soit avec l'industrie; il faut que ces deux éléments se prêtent un mutuel secours. C'est en vain que travaille, celui qui creuse le puits, si la fontaine de la grâce ne jaillit pas d'elle-même. Mais c'est inutilement que vous vous ouvrez un puits, et préparez un réceptacle pour les eaux, si votre puits est négligé et mal placé, les eaux vives qui descendent du Liban, avec impétuosité, n'y entreront pas. Ces ondes qui viennent du Liban ne peuvent être recueillies que dans un lieu très-propre : et ces flots qui coulent avec rapidité veulent rencontrer un réservoir capace. Vous rendrez le vase de votre puits large et profond, si vous chassez les soucis terrestres ; si vous préparez, dans votre esprit, une place pour la joie spirituelle; si vous ouvrez la bouche pour attirer l'esprit, et pour laisser pénétrer dans vos entrailles les fleuves d'eau vive. C'est pour ce travail que sont préparées, dès le jour de votre naissance, vos ouvertures, ainsi qu'il est écrit du prince de Tyr. (Ezech. XXVIII, 13.) La capacité de l'intelligence naturelle, dont au jour de votre création, vous avez été honorée de préférence à tous les autres animaux, remplit l'office d'un immense réservoir et sert pour comprendre et contenir les eaux de la vision et de la vie. Il est question dans l'Ecriture du puits de celui qui vit, et de celui qui voit. (Gen. XVI,14.) Que si après le péché il semble comblé par les vices, parles passions innées ou par les obstacles qui sont venus s'y entasser , que la foi l'ouvre, que l'espérance le creuse profondément et sans relâche, et que l'amour l'élargisse, qu'il ne soit point permis à l'oisiveté et au désœuvrement de s'y réunir dans une position honteuse. Les joies véritables veulent des esprits dégagés de l'angoisse des soucis, et la vision de Dieu réclame impérieusement le repos. Ne vous semble-t-il pas un puits profond, celui en qui sont cachés tous les trésors de la science et de la sagesse de Dieu? Nierez-vous que Marie fut aussi comme un réservoir d'eau très-pure; elle qui conservait tout ce que disait Jésus-Christ et le repassait en son coeur? (Luc. II, 51). Soyez vous aussi un puits selon votre capacité, un puits profond et large.

6. Isaac après avoir abandonné le puits de la calomnie et le puits des inimitiés (Gen. XXXII, 22.) s'en ouvrit deux autres : le puits de la largeur et celui de la satiété. A côté de l'un il cessa de lutter avec les vices; près de l'autre, il commença à goûter délicieusement le fruit de la vertu. Il ne voulut pas avoir de puits commun avec les Philistins; ce mot signifie ceux qui tombent sous la potion. Il leur abandonna le puits des inimitiés et de la calomnie. Ils s'affaissent entièrement ceux qui boivent les eaux du puits de l'erreur et du schisme. Ceux qui en sont les auteurs, creusent ces puits, et ceux qui les écoutent en boivent les eaux. Arius en creusa, Donat en creusa. Le premier altéra grandement la foi, le second déchira à morceau l'union de la concorde fraternelle. L'un dans son sentiment hérétique, établit des degrés dans l'égalité de la Trinité; l'autre, par sa présomption divisa en lambeaux l'unité de l’Eglise. Dathan et Abiron creusèrent contre Moïse et Aaron le puits de la calomnie, (Numer. XVI.) et ils tombèrent dans la fosse qu ils avaient ouverte, la terre les engloutit vivants, ils furent renversés en buvant l'eau qu'ils avaient cherchée, réalisant par ce fait la signification du mot de Philistin. Le puits excellent, c'est celui dont les eaux font relever la tête et ne renversent pas lorsqu'on les a bues. Il creuse, comme une fosse, l'esprit qui pénètre dans la solidité des écritures avec un sens terrestre; et il divise violemment le jardin de l'Eglise, l'homme qui met au jour une doctrine inconnue ou des mystères obscurs. Mais il en est qui par leurs recherches curieuses et leurs machinations trompeuses, font des blessures à la charité fraternelle, et ouvrent des entrées à la discorde; ils se fixent et se cachent dans l'obscurité des conspirations, sans vouloir en sortir, et vont s'efforçant de plus en plus dans le schisme dont ils élargissent les abîmes. Les gens de ce caractère sont les puits des Philistins, n'ayez rien de commun avec eux. Leurs flots coulent d'abord en silence, peu à peu ils jaillissent d'un esprit terrestre et brutal, et ensuite ils se précipitent avec impétuosité, mais ils ne viennent pas du Liban. Ces eaux ne sont pas des eaux fidèles, ne sont pas des eaux vives. La discorde ne peut pas être constamment d'accord avec elle-même, la paix ne peut pas régner toujours entre ceux qui enfantent le schisme et la division. Le schisme ne se tient pas toujours fidélité, et ne peut rester uni en un corps, lui, qui a pour résultat de dissoudre le ciment de la charité. Si quelqu'un vous engage à venir à ces puits, si cela vous est possible, détruisez ces travaux des Philistins, desséchez ces ondes pestilentielles : laissez aux Philistins leurs puits, les puits des inimitiés.

7. Recherchez les puits des délices célestes, les puits des eaux fidèles et des eaux vives qui coulent du Liban avec force. Soyez la fleur du jardin et du jardin fermé, pour que nulle main ne vous enlève; et vous verrez comment le Seigneur ouvrira pour vous les fontaines et les torrents. Fixez-vous dans le jardin et peut-être vous serez transformée en puits, et de vos entrailles couleront des fleuves d'eau vive. Que sont les eaux vives sinon des eaux qui ne manquent jamais? Et ce sont d'excellentes eaux, en les buvant on rafraîchit à coup sûr l'ardeur de la soif. Les délices du siècle présentent généralement une sorte de fausse fraîcheur et ils étanchent pour un moment la concupiscence mondaine: mais elles se dessèchent dès qu'elles fleurissent, elles ne se font pas sentir longtemps, elles passent comme un torrent rapide, et on ne trouve pas dans le lit de ce torrent des eaux pures et vives. Isaac fouilla dans le lit d'un torrent différent et il trouva les eaux vives. (Gen. XXVI, 19.) Car il est un torrent dont les ondes paraissent agréables, mais elles ne sont pas saines, elles ne coulent pas toujours, tel est ce cours de la volupté dont nous venons de parler. Il est un torrent aux eaux salutaires, mais qui ne coule pas toujours : si vous creusez dans son lit, vous y rencontrerez des eaux vives. « Nous avons , » dit l'apôtre saint Pierre , « le texte prophétique qui est plus solide; vous faites bien de le considérer; il est comme une lampe allumée dans un lieu plein de ténèbres,jusqu'à ce que le jour luise, et que l'étoile du matin paraisse dans nos cœurs. » (II Petr., II,19.) Ce flambeau ne s'éteindra pas durant la nuit; tant que les ombres règnent, sa lumière est nécessaire. Mais quand se lèvera le jour de l'éternité, la lumière de la doctrine des prophètes cessera, et les eaux des écritures seront desséchées comme un torrent passé. Soit que les prophéties reçoivent leur accomplisse ment, soit que le don des langues s'arrête ou que la science soit détruite. (I Cor. XIII, 3.) En comparaison de la révélation future du Paradis, le texte de l'écriture coule obscur (pour ainsi parler) à la manière d'un torrent, nous instruisant par ses reflets et ses énigmes. Mais les eaux de cette vision qu'il contemple face à face, sont pures et éternelles. Elles ne vous manqueront pas vous ne leur ferez jamais défaut Quand le  torrent de cette vie mortelle aura passé, les mystères voilés s'écouleront avec elle, et alors éclatera joyeusement la vérité sereine, pour l'amour de laquelle vous avez creusé ici-bas dans le lit d'un torrent. Sur la terre, ce sont des reflets, là-haut, la vue directe. Cette vision sacrée a cou tume de pénétrer en quelque manière dans la terre étrangère : et se montrant joyeuse à ceux qui voyagent dans le séjour de l'exil, elle les invite à gagner la patrie. Mais le rayon de ce foyer éternel, le flot de ce fleuve intarissable en apparaissant agréablement en ce lieu ne s'y montre qu'avec rapidité et comme à la dérobée. Ils ne brillent, ils ne coulent que dans les jardins, et dans les jardins remplis de plantes aromatiques. O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu, que vous ressemblez à un puits! , L'on ne peut jamais vous épuiser, vous répandez les eaux vives, les eaux grasses et salutaires.

8. Qui donnera ces eaux à mon jardin, et qui mettra en mon coeur ce puits de délices? Seigneur, purifiez-moi de mes fautes cachées, et épargnez votre serviteur à cause des péchés d'autrui. (Ps. XVIII, 13.) Faites de moi un Liban; « aspergez-moi, et je serai blanchi, lavez-moi, et je deviendrai plus éclatant que la neige. » (Ps. L., 9.) « Purifiez-moi d'un péché trop grand, et vos paroles, tombées de votre bouche, seront mes délices, et la méditation de mon coeur sera constamment en votre présence. (Ps. XVIII, 15.) Rendez-moi pareil au Liban, afin que sans relâche je vous verse ces eaux. « Et elles produiront des délices. » Qu'est-ce à dire, produiront des délices, si ce n'est que l'une et l'autre me plairont, et qu'elles plairont à l'un et à l'autre. Qu'est-ce à dire à l'un et à l'autre, sinon à vous et à moi? Qu'est-ce à dire l'une et l'autre, sinon les paroles de la louange et la méditation du coeur? Voilà les eaux vivantes parce qu'elles plaisent toujours, parce que toujours elles coulent; elles ne descendent que du Liban, et en descendent non avec lenteur mais à flots précipités. Les impressions violentes de l'amour sont comme un torrent rapide, leur cours est agréable, il ne rencontre pas de difficultés. Leur rapidité est grande, l'amour atteint efficacement jusqu'à l’affection et il l’épuise suavement. Sa force est puissante, rien ne résiste à son impétuosité : «Avec fracas il descend du Liban, » dit l'époux. Par ce nom de Liban, il a exprimé la cause de son abondance. La pureté est la source de la joie surabondante, elle répand les eaux de la sagesse qui sont très-salutaires. Ces ondes jaillissent d'une source pure et ont pour effet de rendre encore plus pur. Réunissez en un lieu, et entassez comme en un monceau, toutes ces délices. Considérez et voyez le puits, le Liban, l'impétuosité des flots, les eaux vives: vous trouverez sous toutes ces expressions (si vous y prêtez attention) que ces eaux sont pures, cachées et rapides et inépuisables. Le « puits » signifie la profondeur, le « Liban, » la pureté. « L'impétuosité » entraîne toutes les autres affections, les eaux vives ne peuvent pas être taries. La foi est également un bon Liban, c'est par elle que les coeurs sont purifiés. C'est de ce Liban que coulent les eaux vives, d'une intelligence pure : parce que si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. (Is. VII, 9.) C'est là un acte parfait d'intelligence, sa contemplation durera aux siècles des siècles. Voilà celui qui est vraiment vivant. Car c'est la vie éternelle que de connaître un seul vrai Dieu, et celui qu'il a envoyé qui est Jésus-Christ. (Juan. XVn, 3.) Et notre Seigneur Jésus-Christ lest le Liban, il verse à flots précipités dans le sein de son épouse, les délectations vives et délicieuses. Il est le Liban, il est le ruisseau : car il est la lueur de la lumière éternelle et son émanation très pure. L'affection de l'épouse est un puits très-agréable ; en elle, semblables aux eaux du Liban, les rayons de la lumière éternelle se répandent et se rassemblent pour inonder les fleurs et les jardins de l'époux. L’excellent Liban, c'est donc le fidèle en qui ne se trouve aucune tache, et de l'âme de qui s'échappe un puissant courant, qu'aucun obstacle ne peut ralentir.

9. Enfin ces eaux coulent avec force pour celui que ni la persécution, ni la faim, ni le péril, ni la nudité, ni le glaive ne peuvent séparer de la charité de Dieu. Que d'obstacles les scandales ont opposés aux peuples croyants, que de difficultés les persécutions ont soulevées contr'eux, et néanmoins les flots coulent toujours du Liban. Car ces eaux signifient les peuples. (Ap. XVII, 15.) Grands sont les obstacles, plus grande est la force du courant. Si vous faites effort pour l'arrêter, il se gonfle davantage et il rompt toute digue. Refoulé, il hausse le niveau de ses flots, et, puisant des forces dans l'obstacle qui s'oppose à sa course, il se répand avec plus d'abondance. Pour l'amour, les obstacles eux-mêmes tournent à bien, et la vertu persécutée s'accroît dans les tourments. Est-ce que si je me tais, ces idées peuvent toucher la conscience de ceux dont la charité coule en des lieux et à des jours incertains : coeurs inconstants qui aiment pour un temps, et se retirent au moment de la tribulation, que dis-je, de la tribulation? Sans rencontrer de grands obstacles, devant la difficulté légère d'une tentation médiocre et douteuse; ils sont facilement arrêtés, et, changeant de résolution, ils se précipitent, par une pente irrévocable, du côté du siècle. Si vous criez avec le prophète : a arrêtez-vous, arrêtez-vous » : nul ne revient sur ses pas. Aucune persécution ne les ramène, aucune importunité tendre du maître, aucun des revers qui se rencontrent fréquemment et presque constamment dans leurs voies malheureuses. Ils courent, ils se précipitent et ils tombent, buvant en chemin à ce torrent de volupté qui n'exaltera pas, mais qui bien plutôt, brisera leur tête sur la terre. Heureux ceux qui marchent sans tache dans leurs voies, dans la loi de l'amour, qui courent poussés par l'esprit, partout où cet esprit les guide, n'allant jamais en arrière, aucun obstacle ne les séparant de la charité de Dieu, qui est en Jésus-Christ, notre Seigneur qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

 

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