SERMON XX
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SERMON XX. Sortez et voyez le roi Salomon portant le diadème dont l’a couronné sa mère. (Cant. III, 11.)

 

1. Vous avez entendu que les filles de Sion ont été invitées mais vous n'avez pas encore entendu indiquer le lieu d'où elles reçoivent l'ordre de sortir. C'est là ce que ne dit pas le texte. De quel lieu donc? Est-ce de Sion? mais c'est dans Sion qu'apparaîtra le Dieu des Dieux. (Psalm. LXXXIII, 8.) Ce n'est donc pas à sortir de Sion que les appelle celui qui les convie à voir le Seigneur. Mais ce n'est peut-être pas à voir Dieu, mais à considérer Salomon portant le diadème dont sa mère l'a couronné? C'est pourquoi rien ne s'oppose à ce que la fille de Sion reçoive l'ordre de sortir de Sion; mais est-ce que cet homme n'est pas né dans Sion? Par conséquent, si ces jeunes personnes sont engagées à sortir de Sion, elles ne sont cependant appelées qu'à Sion : de la Sion supérieure, à la Sion inférieure. Il ne paraît ni digne, ni convenable que les filles de Sion quittent l'enceinte de cette ville, surtout pour voir celui dont le séjour est fixé en Sion, et qui y a pris naissance. (Psalm. LXXXVI, 5.) Je me souviens d'avoir entendu dire à un homme disert et érudit, expliquant ce passage : elles paraissent mal placées, ces filles qui reçoivent ordre de sortir. Il l'affirma alors avec assez d'à-propos, l'appliquant à l'habileté de ses auditeurs. Pour moi, celles à qui s'adresse une telle exhortation me paraissent trop bien placées. Où les cherchez-vous? Sur le canapé d'or, dont nous avons parlé hier. C'est un heu délicieux, et plus abondant en joie que ne le peut comprendre l'amour de l'homme. L'excès de la jouissance s'appauvrit elle-même, une volupté exubérante épuise l'esprit. Cette joie est soumise à des alternatives, ce qui est trop fort ne peut-être de longue durée. Ce sont là pourtant de bonnes variations, qui n'éloignent pas de l’époux. Il n'est pas donné à celui qui habite la chair, de posséder en héritage le reposoir p'or. C'est pourquoi les filles de Sion reçoivent l'ordre de sortir, mais c'est comme s'il disait : n'allez pas trop loin.

2. « Sortez, » dit-il, et « voyez le roi Salomon avec le diadème dont sa mère l'a couronné. » Il ne veut pas qu'elles s'éloignent du Christ, qu'elles soient ravies en esprit, ou qu'elles n'éprouvent point de semblables transports. La simplicité de la foi est une excellente sobriété, le regard de ceux qui la considèrent peut la supporter et peut en être fortifié. Heureux qui, en descendant, s'appuie. sur ce degré, et qui, lorsqu'il monte, commence. A ceux qui s'élèvent, c'est là le premier degré de contemplation qui se présente. Le zèle pour la contemplation est bon, mais la science est nécessaire. Vous êtes enflammé, vous êtes comme ceint pour marcher vers ce lieu de repos, tout-à-fait propre à la contemplation. J'approuve le zèle, mais attendez que je règle votre marche et que je vous place un degré. C'est un point de vue, et un point de vue vraiment élevé qui s'élève au-dessus des brouillards, par dessus toutes les exhalaisons de la terre. Sans expérience, pourquoi vouloir y atteindre d'un bond? Rampez sur vos mains, (comme il est écrit,) pour vous habituer à demeurer dans le palais du roi Salomon. (Prov. XXX, 28.) Rampez jusqu'à ce qu'on vous ravisse. Ce ne sont pas des bonds, ce sont des « ascensions, » dit le Psalmiste, « que le juste a disposées dans son cœur. (Psalm. LXXXIII, 6. » Un jour il y aura une ascension par bond, ou plutôt cette ascension sera convertie en assomption. Mais que sont ces ascensions, sinon des purgations de l'âme? Voilà pourquoi on dit « dans la vallée des larmes, » parce que les péchés que l'on pleure sont pardonnés. Heureux qui a lavé assez le lit de son cœur, qui a suffisamment pleuré, dont la tristesse a été portée à son comble, à qui l'inspiration divine a soufflé au cœur ses consolations, qui est appelé de la vallée de larmes et dont l'œil n'est pas troublé par la crainte du juge, et qui peut voir avec tranquillité le roi Salomon au jour de la joie de son coeur.

3. « Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon.» Ils paraissent dignes de cette joyeuse vision, ceux qui se sont enchaînés par les lois de la pénitence, dans les règles étroites de la discipline, et dont l'âme a refusé toute consolation. Voulez-vous savoir combien bonne est cette retenue? c'est un « jardin fermé, c'est une fontaine scellée. (Cant. IV 12.) Levez-vous, hâtez-vous, ma bien aimée et venez. (Ibid. II,13.) » Vous voyez comment déjà le Seigneur invite et appelle son amie, l'âme qui a su s'emprisonner ainsi. Que si vous êtes ainsi fermées, ne sortez point jusqu'à ce que Jésus-Christ vous y invite. Dina sortit, elle ne fut pas appelée et elle sortit, non pour voir le roi Salomon, mais les femmes de cette contrée. Vous savez ce qu'elle rencontra. (Gen. XXXIV. 1). Quant à vous, ne sortez pas, à moins que l'époux on ses compagnons ne vous y engagent. Lazare sortit quand le Seigneur le rendit à la vie. (Joan. XI, 43.) Noé sortit de l'arche qui le sauva au milieu des flots, mais il sortit quand le Seigneur lui eût ouvert un passage. (Gen. VIII, 16.) Abraham quitta son pays pour visiter la terre promise; mais il n'en partit que sur l'ordre du ciel (Gen. XII, 1.) Et vous sortez, filles de Sion, invitées que vous êtes à la grâce d'une vision plus heureuse. Il est captif et tristement captif celui qui ne désire pas ou ne mérite pas ce grand bonheur. Etre fermé, c'est être esclave, sortir, c'est être libre. « Quand vous serez converti au Seigneur, le voile sera ôté, (II Cor. III, 16.) » le voile de l'ignorance et de la bassesse, car le Seigneur est esprit. Où est l'esprit du Seigneur, là est la liberté. Plus l'esprit se fait sentir, plus la liberté est grande. Celui qui est fermé, et entouré de liens, a peu de liberté pour respirer.

4. Sortez donc, filles de Sion, afin de pouvoir dire avec saint Paul : « Pour nous, à face découverte, contemplant la gloire de Dieu, nous sommes transformés en la même image. (Ib. 18.) » La vision de Dieu doit être toujours reçue avec affection. Votre vision, ô bon Jésus, est vraiment efficace et violente, elle ravit les sentiments de ceux qui vous voient. Est-ce que Moïse n'éprouva pas une douce violence dans le désir d'en être participant, quant il voulut passer et apercevoir ce grand spectacle? voulez-vous apprendre combien elle est efficace? a Quand j'aurai été exalté de terre, j'attirerai tout à moi. (Joan. XIII, 32.) » Mais qu'arrivera-t-il, quand vous serez humilié jusqu'à terre? ne vous attirerez-vous pas les esprits de tous les hommes? Pour moi, ô bon Jésus, je n'attends pas la gloire de votre résurrection, je ne réserve pas mon admiration pour la puissance de votre ascension au ciel ; mais aussitôt que dans votre annonciation ou dans votre naissance, les voix des anges frappent nos oreilles, aussitôt ce bruit me saisit d'étonnement, et cette lumière qui luit dans les ténèbres me ravit et me transporte Une vision pure, qui ne provoque pas des sentiments correspondants, est mise à côté de l'ignorance et de l'aveuglement. Voulez-vous voir une vision fructueuse ? « Les îles ont vu et elles ont tremblé, les extrémités de la terre ont été saisies de frayeur, et se sont rapprochées, dit Isaïe. (Isa. XII, 5.) » Vous apercevez les fruits de vertu que produit la vision de Dieu : la crainte, la stupeur, l'amour. «Les îles ont vu, dit le prophète, elles ont craint, elles ont été saisies, elles se sont approchées. » Elles vous ont « vu », ô Dieu, par l'intelligence ; elles vous ont « craint», par le respect; elles ont été « saisies d'étonnement » pour la nouveauté de la manifestation et « se sont approchées », par la conformité de volonté. La vision comprend, la crainte retient, la stupeur saisit, le rapprochement enlève et unit. Ceux-là se rapprochent en effet, qui sont enflammés de zèle. La crainte abaisse l'esprit de celui qui voit, la stupeur le frappe presque de caducité, l'amour l'unit intimement. C'est une vision vaine qui ne mérite pas d'être nommée contemplation, celle qui n'est pas accompagnée de ces sentiments. Direz-vous qu'il voit, celui qui ne craint pas, qui n'est pas saisi, qui ne brûle pas? L'âme devient retenue par la crainte, le saisissement l'absorbe, l'unit, et le rapprochement l'associe. La grâce de la contemplation comprend ces vertus, mais surtout elle est composée de saisissement et d'amour. Par le saisissement et l'admiration, elle est ravie hors d'elle-même, et elle se rapproche par l'amour. Il ne faut pas tant estimer la grâce de la contemplation par la matière qui en est l'objet, que par la manière dont elle se produit. Il faut considérer à la fois et le genre des vérités que l'on contemple et le degré des affections. Mais il vaut bien mieux être touché davantage dans un genre inférieur et moindre, que l'être moins dans un genre plus élevé. Cette vision est cachée aux sages et aux prudents et révélée aux petits. (Matth. xi, 25.) Aussi le prophète dit : « Les extrémités de la terre ont été frappées d'étonnement et se sont approchées. »

5. Ce que les humbles peuvent saisir, c'est ce qui d'ordinaire frappe davantage et excite l'admiration et l'amour. « Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi. (Joan. XII, 32.) » Tout ce qui est en vous, ô bon Jésus, a une vertu d'attirer et sollicite à aimer les coeurs qui y prêtent attention : mais nous ne pouvons pas tous atteindre à tout. Aux grands les choses grandes, aux humbles les humbles. Quelle plus grande humilité que d'être élevé sur une croix ? C'est de cette humiliation que parle le Sauveur et il en dit : «quand j'aurai été élevé de terre, je tirerai tout à moi. » Elle est puissante pour attirer cette humilité. Comment n'en serait-il pas de la sorte? Qui, à la simple pensée d'un tel événement, n'est pas rempli de saisissement et de saints transports? quelle est l'affection que ce dogme n'épuise pas, ne trouble pas et ne rende pas insuffisante ? C'est là un lien qui prête à la contemplation, il est fécond en grâces. La simplicité de la foi y a moins d'intelligence, mais l'admiration et l'amour y trouvent plus d'aliments. C'est un lien qui est facilement accessible,mais il enfante les plus doux transports de l'âme. Ne le dédaignez point. Il n'est pas difficile à méditer, il produit la gloire avec abondance. « A Dieu ne plaise, s'écrie saint Paul, que je me glorifie en autre chose qu'en la croix de Jésus-Christ. (Gal, VI 14.) Et que voulez vous entendre de plus? La croix elle-même est la couronne de la gloire, le diadème du règne. C'est dans la croix que le Sauveur triompha, dépouillant les principautés et les puissances, et mit dehors le prince du monde, glorieuse vision de son triomphe.

6. « Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon avec le diadème dont sa mère l'a couronné. » Voyez la chair qu'il a prise au genre humain et rendue triomphante sur le bois. Et bienheureuse chair, que le Christ s'est unie non comme une prison, mais comme une couronne: qui fut sou ornement, et non son poids. Nous tous, nous sommes cachés dans le corps comme dans des cachots, liés et enchaînés par la loi du péché. « Homme malheureux que je suis! qui me délivrera du corps de cette mort? La grâce de Dieu par Jésus-Christ. (Rom. VIII, 24.), Car Dieu envoyant son fils dans la ressemblance de la chair de péché, par cette chair de péché, a condamné le péché dans la chair. (Rom. VIII, 3.) La réalité de la chair dans le Christ, n'éprouvant pas le poids du péché, nous a apporté à tous la palme du triomphe sur ce péché. C'est avec raison qu'on prend pour un diadème ce corps immaculé, ce corps de triomphe: corps d'honneur et de gloire, corps dont le sang détruit la cédule de condamnation méritée par le péché, signe notre droit à la justice et au salut, et a préparé les facilités de l'union nuptiale de l'âme avec Dieu. Ce fut le véritable jour de l'alliance, celui où Jésus-Christ, répudiant les rites antiques, institua les sacrements nouveaux de FEglise, celui, où en signe d'union perpétuelle et d'union conjugale, ce divin Sauveur produisit, de son côté, un mélange de sang' et d'eau. C'est en ce jour qu'il donna à la Synagogue le libelle de divorce, et, qu'abandonnant sa première épouse devenue odieuse, il vola vers la seconde qu'il a tant aimée. De l'ancienne il vint à la nouvelle, qu'il se présenta, glorieuse, sans tâches et sans rides ni autres défauts de ce genre. (Eph. V. 27.) Ce qui est jeune se connaît à l'absence des rides. Le Christ effaça les rides de la lettre et en fit jaillir ce qu'elle cachait de principes nouveaux. Pourquoi voulez-vous, filles de Sion et de la Synagogue, contracter les rides que le Seigneur a effacées? La nouveauté étant arrivée, pourquoi se glorifier en ce qui est vieilli? Sortez, filles de Sion, des cavernes de la lettre, du sens bas et étroit, sortez et voyez le roi Salomon avec le diadème dont sa mère l'a couronné. Notre couronne, c'est cette incarnation que vous considérez comme un opprobre . Et voyez déjà comment le Seigneur a béni la couronne de l'année de sa bonté, (Ps. LXIV 42.) comment les campagnes ont été couvertes de richesses. Voyez la couronne, voyez aussi l'abondance. La couronne de la victoire, l'abondance des vertus. D'où vient cette richesse, sinon du grain de froment qui, tombant sur la terre, y est mort? La victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi. (Can V, 4.) La multitude des fidèles, c'est la couronne et l'ornement du Christ. « Vous serez, dit le prophète, une couronne de gloire dans la main du Seigneur, et un diadème royal dans la main de votre Dieu. (I S. LXII, 3.) » Prenez-vous cette parole comme dite pour vous ? Est-ce que le nom de Dieu n'est pas blasphémé par vous ? Sortez filles de Sion et voyez combien Dieu est glorieux dans ses saints, peut-être que cette vision vous excitera à la jalousie, et vous fera passer de votre solitude dans l'enceinte populeuse de l'Eglise. Quand même vous auriez été une terre déserte, « désormais vous ne serez plus appelée abandonnée, et votre région ne portera plus le nom de désolée. (Ib. 4.)

7. Mais cessons d'adresser la parole à ceux qui sont hors de l'Eglise. Prenons plutôt plaisir à contempler comment la beauté du désert se couvre d'abondantes moissons, comment dans l'Eglise le Christ est ceint d'une couronne. « Quel est notre espoir, quelle et notre couronne de gloire? n'est-ce pas vous devant le Seigneur? (1 Thes. II, 19.) » Si saint Paul prononce ces paroles , est-ce que le Christ ne doit pas à bien meilleur titre, les proférer ? « Je vis », dit le Seigneur, « tu seras revêtu de tous ceux-ci comme d'un vêtement (lsa. XLIX,18.) » Vous avez remarqué comment l'apôtre affirme que dans l'Eglise la foule des croyants est l'ornement du Christ. Pourquoi ces croyants ne sont-ils pas aussi une couronne? C'est que la couronne a une dignité remarquable et illustre par-dessus tous les autres insignes : ceux-ci parent le corps, la couronne décore la tête. Le temps où on l'emploie contribue à lui donner aussi plus de gloire. Elle ne sert qu'aux jours solennels. Déjà je vois que votre activité est excitée : déjà vous vous faites l'application de cette parole. Déjà dans la prérogative de ce diadème vous reconnaissez votre propre excellence, âmes d'élite, attachées à la profession d'une vie plus pure, formées par sa pratique, vous y appliquant sans relâche, et en goûtant les saints loisirs. Ils sont désignés à juste titre par l'expression de diadème ceux que le combat n'occupe plus tant que le triomphe ne les réjouit : qui n'ont plus à lutter contre la chair et le sang, qui n'ont pas à observer la tête du serpent, mais qui ornent celle du Christ. Vous êtes la couronne du Christ et sa joie, c'est pourquoi persévérez dans le Seigneur comme vous avez commencé, bien plus, saisissez ainsi le Seigneur. Votre place est sublime, n'y apportez rien de vil. Considérez quelle est votre vocation, voyez à quel service vous êtes consacrés. N'entrelacez pas dans le diadème du Seigneur, du foin, du bois, de la paille, rien qui mérite ou redoute le, feu. Que les ronces enlacées soient brûlées par le feu. Ne rivalisez pas avec les méchants, n'imitez pas ceux qui placèrent sur la tête de notre roi une couronne d'épines. Un diadème de ce genre produit non l'honneur, mais l'horreur. Le Christ a plus horreur de l'âpreté des mœurs, des coups de langue, que des piqûres et des épines : de la part surtout de ceux qui sont appelés à la simplicité du silence, à la vocation de la charité, au calme du repos, à l'école de l'humilité, au désir de l'obéissance et à la concorde de l'unité. Ce n'est pas un bon bien celui par lequel on est uni mutuellement et ligué pour. déchirer les autres, disant à la manière des Juifs : « Tuons le juste, parce qu'il nous est inutile et contraire à nos oeuvres. (Sap. II, 12.) » Pour vous, désirez toujours dans le bien, le bien de la paix.

8. Ensuite la forme de la couronne symbolise en quelque manière l'unité. Ce n'est pas seulement sa matière qu'il faut considérer, sa forme fournit, elle aussi, de belles leçons. Il y a une espèce de couronne qui se replie en rond et s'élève à une certaine hauteur. Voulez-vous voir une adhésion commune et un seul sens? « Les croyants n'avaient qu'un coeur et qu'une âme. (Act. IV, 32.) » Qu'elle était la fin de cette unité? L'espoir qui repose sur les biens célestes. Voilà donc l'adhésion dans l'unité, l'élévation dans l'espérance. Et l'apôtre dit : « Prenez le casque du salut. (Eph. VI 17.) C'est avec à propos qu'il fait mention du casque qui en effet présente quelque ressemblance avec la couronne. L'une et l'autre sont pour la tête, l'un la protège, l'autre l'orne. Aussi rien n'empêche de voir l'espérance figurée dans l'un et l'autre : c car nous sommes sauvés par l'espérance. (Rom. VIII, 24.») Que ces explications sur la forme de la couronne suffisent. Quant à sa matière, que cherchez-vous? Vous savez qu'une place élevée repousse toute matière obscure et fragile. Il lui faut de for et des pierres précieuses. Vous avez mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses. (Ps. XX, 4.) Vous voyez dans l'Apocalypse des couronnes d'or, matière toujours précieuse, soit qu'il y ait de l'or seul, soit qu'il s'y trouve un mélange d'or et de pierreries. Mais je ne sais qu'elle plus grande grâce se trouve indiquée, lorsque, sans faire mention d'or, on dit : « Vous avez placé sur sa tête une couronne de pierres précieuses. » Et je vous montre une matière encore plus excellente. « Un grand signe s'est montré dans le ciel, une femme revêtue du soleil, ayant sur sa tête une couronne de douze étoiles. (Ap. XII, 1.) On vous désigne ici par le nombre et l'éclat, le choeur des apôtres. « Car ceux qui enseignent la sagesse à plusieurs, brillent comme des étoiles dans les splendeurs éternelles. (Dan. XII, 3.) » C'est là la couronne de frères, qui se tint autour de Jésus, comme il est écrit. Et dans l'Apocalypse, on voit beaucoup de diadèmes sur la tête de l'époux, selon la diversité des grâces et des degrés; mais celui-là surtout dont il fut couronné au jour de son alliance, au jour où dans la personne de ses disciples, il fit des noces avec son Eglise. (Ap. XIX. 7.) Il l'épousa dans la foi, il l'épousa en mettant au coeur des disciples l'arrhe, le gage et les prémices du saint Esprit. La participation à ce divin Esprit s'appelle union matrimoniale, parce que s'attachant au Seigneur, il n'y a plus deux esprits, mais un seul. (I Cor. VI 17.) C'est lui enfin qui est cet homme abandonnant père et mère pour s'attacher à son épouse et devenir avec elle une seule chair! O heureux commerce! vous êtes devenue avec l'épouse une même chair, et vous, avec l'époux, un seul esprit. (Eph. V, 32.)

9. Ame fidèle, comment fallait-il vous réjouir d'une telle union ? Comment se livrer à l'allégresse et célébrer une telle fête ? Revêtez-vous, revêtez-vous de vos ornements de gloire, Cité sainte, épouse de l'agneau : réjouissez-vous et tressaillez de joie, Sion unie au Christ. (Isa. LII, 1.) Comment ne vous réjouiriez-vous pas, lorsqu'il se réjouit lui-même ? « L'époux se réjouira à cause de son épouse, et votre Dieu se réjouira à cause de vous. » Mais combien grande sera cette joie? « Au jour de son alliance, et au jour de la joie de son coeur. « Il n'indique pas un mince sentiment d'allégresse, quand il affirme que c'est la joie de son coeur. Je dis la joie ? ce sont:des délices qu'il faut dire. «Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes. (Prov. VIII, 31.) » Que ces joies vous coûtent cher, ô bon Jésus. Vous ne les avez pas eues gratuitement, vous les avez obtenues au prix de la passion de votre chair. Voilà pourquoi l'écriture dit qu'elle sont la joie seulement de votre coeur. Vous faites insulte à l'époux, si pendant qu'il se réjouit, vous n'applaudissez pas du fond du coeur, si vous ne le félicitez pas, si vous ne partagez pas ses transports. C'est signe de dégoût ou de mépris que de ne pas se réjouir avec celui qui se réjouit, et cela au jour de ses noces. Quelle beauté vous attirera, si ce n'est pas celle de celui qui est ravissant par-dessus les enfants des hommes ? Réjouissez-vous dans le Seigneur, que votre âme tressaille en votre époux, en votre Dieu :s'il n'était pas Dieu, s'il n'était qu'un homme, quel charme d'amour aurait-il encore, comblé de tant de dons de la grâce? Car si vous commencez à l'examiner, à partir de sa conception, il vous paraîtra comme diapré, selon la condition humaine, de vertus aussi singulières qu'excellentes homme innocent sans tâche, séparé des pécheurs : pour ne pas dire qu'il a été fait plus élevé que les cieux, pouvant compatir à nos infirmités, tenté en toute manière pour ressembler à ses frères, le péché excepté. La grâce est répandue sur ses lèvres, la miséricorde dans ses entrailles, la force dans ses mains : incomparable par la sainteté de sa vie , semblable aux autres dans ses discours, plein de prudence dans ses réponses, de vie dans ses paroles. Quoi? parce qu'il fut conçu par la foi et naquit d'une vierge, il n'a pas été corrompu dans la mort, et il a été élevé dans la gloire.

10. Jetais maintenant le nombre des croyants et les mérites des peuples, qu'il a unis par la foi et la charité en l'esprit qu'il envoya. Oui, le Christ est vraiment un grand mystère de piété, un puissant motif d'amour, il s'est manifesté et a souffert dans la chair, a été justifié dans l'esprit, s'est montré aux Anges, a été 'prêché aux nations, a été cru dans le monde, et a été exalté en la gloire. (I Tim. III, 16.) Qui me donnera de parcourir et de reparcourir encore ces degrés, ces hauteurs successives de vertus et d'oeuvres, et de dire : « Seigneur qui est semblable à vous? (Ps. XXXIV, 10.) Qui me donnera que ces paroles soient écrites dans mon coeur, qu'elles soient gravées avec le burin et comme dans le rocher, afin que rien ne les efface? Votre doigt, ô Seigneur, est un excellent burin, ce doigt qui écrivait sur le sol des paroles cachées, des paroles dont les calomniateurs ne pouvaient supporter la vertu. (Joan. VIII, 8.) Inclinez-vous, ô mon Dieu, et imprimez dans mon coeur les tables de la loi. Mon coeur est de pierre, mais au contact de votre doigt, la pierre oublie sa dureté, elle fléchit et cède là où vous la touchez. Mais nous avons déjà dit beaucoup sur la nécessité où était l'épouse de se réjouir, et de tressaillir d'allégresse au jour de ses noces, et au jour de la joie de son bien-aimé. En ce jour, il y a un grand motif de se livrer à l'allégresse, de se réjouir d'une joie qui dépasse les limites du coeur et des sentiments de l'homme. Il ne faut pas introduire ici des transports étrangers, mais à ce jour suffit sa joie. Vous êtes doux, Seigneur, et votre esprit, esprit de suavité, a été envoyé sur nous. Vous vous attachez les âmes des hommes par la foi et l'amour avec une sorte d'affection d'époux, vous vous réjouissez de leur conversion. Qu'il est dur le coeur qui se prive de la matière de cette joie, qui en affaiblit les occasions et en diminue les motifs. Que je serais ingrat et irrespectueux, si je n'aimais pas un. tel époux, si éloigné de la corruption, si ému à mon endroit d'une si tendre compassion, dirigé en cela non par la nécessité, mais par sa pure bonté. Je vous aimerai, ô doux Seigneur, si non pour moi, du moins pour vous; pour satisfaire vos désirs, pour vous procurer des motifs de consolations, des sujets de joie, au jour de votre alliance et au jour de la joie de votre coeur.

 

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