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SERMON XXI. Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon, etc.
1. J'ose vous inviter avec confiance à la joie de ce spectacle, filles de la céleste Sion, enfants de la Jérusalem qui est aux cieux. Vous, véritables et fortes filles de Sion, qui considérez toujours la face de votre père. Vous, assemblée de plusieurs milliers d'anges, je vous appelle et vous convoque. « Sortez et voyez, sortez de ce sein intime de la vision secrète, du secret de la lumière inaccessible. Notre terre vous présente un spectacle nouveau : le Seigneur a fait éclater sur la terre un prodige inconnu Jusqu'à ce jour. Je vous appelle des choses de l'éternité, à celles du temps. C'est une invitation étonnante : mais je ne sais comment les choses éternelles, en elles-mêmes toujours nouvelles et admirables, paraissent plus nouvelles et plus admirables encore en ce prodige nouveau qui a éclaté sur la terre. O bienheureuse nouveauté temporelle, apparue sur la terre, qui a renouvelé davantage, aux yeux des anges, l'antique et éternelle nouveauté. « Le Seigneur fera sur la terre une merveille nouvelle, la femme contiendra l'homme. (Jerem. XXXI, 22.) « Quel homme ? « Voici cet homme », dit le prophète, « Orient est son nom. (Zach. VI 12.) » L'Orient, la splendeur de la lumière éternelle, est renfermé dans le sein d'une femme, dans un sein virginal, et il s'y revêt de la chair. C'est là cet événement nouveau, qui par son étrangeté empêcherait la foi, si des signes inouïs n'avaient auparavant préparé les esprits à l'admettre. Parmi tant de témoignages éclatants des prophéties et des miracles, l'esprit de plusieurs a été tellement frappé d'effroi, que refusant de croire à ce prodige nouveau, ils refusent aussi d'ajouter créance aux signes les plus évidents qui l'appuient. Mais pourquoi vous inviter à sortir, vous qui devancez et instruisez même les apôtres ? Partout vous êtes attachés à ceux qui admirent et qui annoncent ce fait nouveau. Un ange annonce à Marie qu'elle concevra le verbe. (Luc. I. 26.) Cet ange annonce sa naissance aux pasteurs, il paraît l'annoncer aux autres anges aussi bien qu'aux bergers. Il parle et les autres applaudissent. «Voici qu'avec l'ange une multitude de l'armée céleste chanta, louant et disant : gloire à Dieu dans les hauteurs des cieux. (Luc. II. 13.) » Un annonce ce que les autres connaissaient aussi bien que lui et cependant ils entendent comme récent et nouveau, un événement qui ne pouvait leur être inconnu. O bienheureuse nouveauté, que l'ange entend redire avec joie (et pour ainsi dire), qu'il est heureux d'entendre publier par un autre, comme s'il apprenait pour la première fois ce que la vérité lui avait annoncé dès le commencement. O humble et infatigable charité envers Dieu et les autres ! 2. Il y a ici un détail que nous devons observer et aussi mettre en pratique. Quel est-il? C'est qu'à l'exemple des anges, nous écoutions avec humilité et attention les paroles des autres, même lorsqu'il s'agit de choses que nous savons déjà. Ce n'est pas une parole étrangère, c'est la parole de Dieu, à moins que nous ne nous regardions comme étrangers à Dieu. Et quand elle serait la parole d'un étranger, la matière divine qu'elle expose lui donne une grande autorité. La prendre en dégoût, ce serait marque de curiosité ou d'orgueil. Les esprits angéliques à qui dès le principe fût révélé le mystère de l'incarnation, ne laissent pas que de l'admirer quand il leur est montré dans son accomplissement récent, et dans la connaissance ancienne qu'ils avaient de lui, et se réjouissent non-seulement de le voir de nouveau, mais encore de l'entendre prêcher une fois encore. Le Christ est sorti à la fin des temps, c'est pourquoi ils sortent eux aussi. Il sort des jours de l'éternité. (Mich. V. 2.) Mais, dans le temps, il sort du sein de la femme qui l'a enveloppé. C'est pourquoi les filles de la Sion céleste sortent pour adorer dans son accomplissement le mystère qu'elles ont admiré sans relâche dans son attente. Un ange se montre à l'annonciation (Luc. I, 26), un ange à la naissance (36. II 9), un ange au baptême, (Luc. III, 4), un ange apparaît à Jésus en prières, (Luc. XXII, 43,) sert de témoin à sa résurrection (Luc. XXIV, 4), et l'accompagne dans son ascension. (Act. I,10.) De quels sentiments enflammés pensez-vous que brûlent des ambassadeurs si exacts et des admirateurs si infatigables? Ils parcourent tous les degrés de ce mystère, ils immolent une hostie de louange, une hostie de psalmodie; ils chantent et disent un cantique à la gloire du Seigneur. Tous ces hommages sont rendus extérieurement, sans parler de ce qui se trouve caché à l'intérieur. Et si le Seigneur a fait éclater un prodige nouveau sur la terre, l'odeur de ce prodige a parfumé les cieux. La femme entourera l'homme comme la couronne entoure la tête. Car le Christ est la tête de l'Eglise. (Eph. V, 23.) Il est grandement brillant dans cette splendeur de la gloire et dans la figure de la substance de son Père qu'il reproduit : mais il a jeté sur ces lumières éblouissantes la couleur plus sombre et plus ternie de notre nature; plus il est obscurci. plus il plait : non-seulement à ceux qui, sous ce voile, ne pouvaient supporter ses lueurs, mais encore à ceux pour qui ses vives lueurs éclatent dans toute leur force. 3. Je prétends donc, que la -pitié par laquelle il a voulu s'incarner, a apporté une certaine beauté à la dignité de sa majesté. Est-ce qu'elle n'est pas plus attrayante la sublimité, quand elle s'humilie, l'immensité, quand elle s'anéantit, la divinité, quand elle s'incarne? Quoi de plus beau que cette variété ? Je dis variété? C'est la contrariété qui s'y montre, contrastes d'autant plus beaux à contempler qu'ils se composent d'éléments qui ne se combattent pas mais s'harmonisent parfaitement. La simplicité divine est admirable en elle-même, mais (pour ainsi dire) cette composition est bien plus admirable parce qu'elle est plus nouvelle. Je ne puis assez contempler l'artifice de ce mélange et un ange lui-même ne le pourrait. Et ceux-là ont une raison plus grande de l'admirer, qui connaissent mieux la pure simplicité de la nature divine. Elle est incomparablement pure, et c'est ce qui rend ce mélange encore plus admirable. Quelle est donc cette mixtion, puisque chaque nature conserve son intégrité ? Aucune ne passe dans l'autre, et des deux il n'en résulte pas une troisième et nouvelle. Ce qu'il y a de nouveau c'est qu'elles sont unies en une seule personne. La double contemplation que l'on en fait est comme un cellier de vin. Les anges ont été introduits dans ce lieu où coule le nectar de la majesté éternelle, ou plutôt ils y furent placés dès le commencement de leur création. Déjà, à la fin des temps, ce cellier laisse couler sur notre terre un vin nouveau. O greniers pleins, débordant et laissant couler de côté et d'autre leurs trop grandes richesses ! Sortez, filles de Sion, du cellier du vin pur vers ce vin que la sagesse a mélangé dans une coupe nouvelle. O calice enivrant, qu'il est brillant et ainsi enivrant par l'éclat dont il étincelle! La liqueur éternelle dans ce vase est bue avec plus de charité, quoique mélangée avec la clarté : c'est pourquoi l'amour ne doit pas être mélangé d'autres sentiments. Qui se retiendrait d'aimer quand l'immense majesté s'est mesurée à notre faiblesse? O calice qui enivrez non-seulement les hommes, mais encore les anges, et par ce mélange nouveau les détournez en eux de la contemplation de la divinité pure! Sortez, filles de Sion, passez de cette abondance du vin pur et venez à ce calice mêlé. Sortez et goûtez combien le Seigneur est doux, dans l'une de ces deux choses. On contemple en l'une la nature simple de la suavité divine; dans l'autre se trouvent proposés et l'usage et les indices de cette suavité. Dans la première on la considère en elle-même, dans l'autre, en son effet : dans ce dernier genre, l'une et l'autre est admirable, et je ne sais de quoi m'extasier le plus, de l'union des natures en une personne, ou de la cause qui les unit. Pourquoi trouverons-nous étrange qu'il y ait trois personnes dans l'unité de l'essence divine? Soyez surpris de trouver en une seule personne plusieurs natures entièrement conservées. En un tel sujet, tout n'est-il pas suave, tout ne saisit-il pas d'amour? 4. Enfin ce qui met le comble à l'admiration, c'est la cause qui provoque ce mystère? Cette cause emporte avec elle l'enchaînement dans le motif, l'efficacité dans le salut et la beauté de la tendresse compatissante. Voulez-vous entendre exposer l'enchaînement dans le motif? « De même que tous meurent en Adam, ainsi tous sont vivifiés dans Jésus-Christ. » (1. Cor. XV, 22.) Et le même apôtre dit encore : « De même que par la désobéissance d'un seul plusieurs sont constitués pécheurs, ainsi et par l'obéissance d'un seul; beaucoup sont rendus justes. (Rom. V. 49.) Qu'y a-t-il de plus logiquement enchaîné? C'est là une grande conséquence, mais de la part de la justice on trouve une efficacité plus grande encore. « Car le péché a abondé, la grâce a surabondé. (Rom. V, 20.) Où il y a faute, il y a eu séduction et erreur, et partant il n'y a pas eu, semble-t-il, de volontaire parfait. Dans la grâce, il n'est rien qui ne vienne d'une résolution, rien qui ne plaise. Est-ce donc que le bien volontairement choisi ne sera pas plus efficace que le mal qu'on est contraint en quelque manière de subir? Et vraiment la grâce est efficace et industrieuse. Je ne sais lequel plus admirer, l'habileté avec laquelle elle s'adapte au coeur ou les résultats de salut qu'elle obtient. Dans tout bienfait, deux choses sont agréables, et la volonté et le résultat. Ajoutez-y le mode lui-même et la façon. Rien de plus affectueux que cette volonté. Quelle plus grande dilection, que de donner sa vie pour ceux qu'on chérit? Jésus la donne aussi pour ses ennemis. Les ennemis, considérés en eux-mêmes, étaient aussi amis, par ce qu'ils étaient chéris avant la création du monde. Quoi de plus abondant que les résultats de cette grande oeuvre? La large effusion du Saint-Esprit répandue sur toute chair le manifeste suffisamment. Ce sont ces flots du sang de Jésus-Christ coulant partout, qui nous ont valu cette large communication de l'esprit de Dieu. Après avoir lavé les hommes dans son sang, le Seigneur ne les inonderait-il pas de son esprit? Aussi il les purifia au préalable, afin de les remplir avec plus d'abondance par la suite de ce même Esprit. Quant à l'enchaînement logique, quoi de plus conséquent? Je suis embarrassé en considérant un sujet semblable, et de trois pensées je ne sais sur laquelle fixer mon attention, la bonté ou la sagesse ou les résultats et ce mystère? Ces trois points de vue se disputent notre réflexion et quand notre esprit se porte à l'une, l'autre l'attire. Ils me sourient tous; ils me comblent de douceur en me causant les affections diverses qu'ils produisent en moi. Je brûle, je suis saisi, je me réjouis. Je me réjouis à cause de l'utilité, je suis saisi en admirant la prudence, je brûle en voyant l'amour plein de bonté qui s'y dépense pour moi. 5. Pourquoi séparer ces trois choses? elles se confondent et sont fréquemment mêlées l'une et l'autre en chaque partie. Car, et le mode, et le profit, et la bonté, où si vous aimez mieux parler ainsi, la prudence, le résultat et la piété; pris séparément ou ensemble, ces trois éléments attirent promptement et retiennent longtemps mon esprit, ils lui inspirent admiration et tressaillement. La foi de l'église notre mère a tressé son diadème de ces vertus variées. Elles y marquent le nombre, le poids et la mesure. Le nombre se retrouve dans l'ordre et la suite, le mode dans la concorde. Le poids représente l'affection plus forte de la bonté. Et certes le poids de la grâce est puissant, il a attiré sur la terre une majesté infinie. Cette immensité dépassant sans proportion toute créature, s'est réservée dans une mesure qui put atteindre jusqu'à notre niveau. Elle ne s'étend point comme si elle ne condescendait pas jusqu'à' nous, mais elle fait goutter sur nous avec mesure les dons du Saint-Esprit. Je trouve, selon ma manière de voir, la mesure dans l'effet de ces dons. C'est avec mesure que Dieu nous donne son esprit. En une mesure contre nue mesure : dans la mesure de la grâce contre la mesure de liniquité. Car comme le péché a abondé, la grâce a pareillement abondé. (Rom. V, 20.) N'y a-t-il pas là mesure contre mesure? Assurément et même au-delà? Car la grâce a surabondé. Mais a-t-elle seulement surabondé au-dessus de la mesure de la faute? Non-seulement au-dessus de la mesure du péché, mais encore au-dessus de la mesure de la grâce. La grâce abonde au-dessus de la mesure de l'iniquité et contre elle; elle abonde au-dessus de la mesure de la grâce, mais non contre elle. Car là où l'une abonde, il est nécessaire que l'autre surabonde, et qu'il soit donné avec plus d'abondance à celui qui a déjà abondamment. C'est là la mesure bonne et pressée, et tassée et débordante. La superfluité se montre lorsqu'on n'a pas le nécessaire seulement, mais que de plus, les choses d'agrément se trouvent sans mesure. Dans les dons de l'esprit, il est des grâces qui sont utiles, d'autres qui instruisent, d'autres qui délectent, guérissent, ornent et réjouissent. Comment ne débordent pas des biens qui se développent de la sorte? Que ceci suffise pour expliquer le nombre, la mesure et le poids du diadème que la mère de Salomon composa pour son fils. Elle lui donne une sorte de couronne de gloire, quand elle distribue avec ordre ce qu'il nous a pris et ce qu'il nous a présenté. Vous voyez de quelles qualités de grâces est composée cette couronne. Mais quel rapport y a-t-il entre les grâces et le diadème? « Il mettra sur ta tête, » disent les Proverbes, « des augmentations de grâces. » (ProV. IV, 9.) Le père donne, la mère couronne. Elle couronne par ce qu'elle croit, elle entoure, elle couronne. O bon Jésus, l'église s'arme de vous, elle se revêt de vous, elle entoure ses pieds et sa tète de vous. Jésus entoure les pieds quand l'âme progresse, il ceint la tête, quand elle arrive à la perfection. Admirable changement quand, après avoir secoué la poussière, s'il s'en était attaché à ses pieds, le Christ « devient des choses » après avoir entouré les pieds en vient à décorer la tête! 6. « Au jour des noces et de la joie. » (Cant. III, 2.) Remarquez l'ordre. On parle d'un seul jour pour les noces et pour le couronnement. Si vous le savez, bienheureux êtes-vous si vous le pratiquez. Vous changez la suite, si vous voulez être épousé avant d'être couronné, si vous voulez être uni au Christ pour partager ces joies et son repos avant de triompher avec lui. C'est là une anticipation heureuse, mais dépourvue de règle, de vouloir le lit nuptial avant le triomphe, de désirer la joie avant le travail. Il n'y a qu'un jour marqué pour chacune de ces trois choses: pour le couronnement, pour les noces et pour la joie du cur. Et quel est le cur de notre Salomon? « Vous êtes, » dit l'apôtre, « le corps du Christ, et les membres de ses membres. » (I. Cor. XII, 27.) Grandement heureux le membre appartenant à ce chef, mais celui qui est son cur est parmi les principaux. Et voyez, s'il n'est pas coeur, celui qui est comme réchauffé dans les entrailles des secrets de Dieu, dans la chaleur vitale de ses affections, au centre de ses pensées. C'est du cur en effet que sortent les pensées et non les actions. (Matth. XV, 19.) Il est none vraiment cur celui qui est placé au milieu des pensées spirituelles, dans l'abondance des grâces, comme dans les entrailles de la vérité, dans le sein de la sagesse. Salomon nous en est donné comme un type. Et la même église ou la même âme est couronne, cur et épouse. Couronne à la tête, épouse à côté, cur dans les entrailles. Couronne au sommet, épouse tout proche, cur dans l'intérieur. Qu'y a-t-il là qui ne soit très-bien placé? Qui n'y sente la fête? Sortez d'ici, filles de Sion et voyez, afin d'entrer vous aussi en l'amour de ce cur, d'obtenir la grâce de l'épouse, et d'avoir la beauté que donne le diadème. Ne vous glorifiez pas d'un nom inutile. Soyez ce que signifie le titre que vous portez, des filles de la contemplation. Que la pratique réponde au nom. C'est le jour des fiançailles, et un jour de fête, il est anobli par ce qu'on y accueille le Seigneur, et par lui on arrive au jour plus heureux qui est celui des noces. En celui-ci on ne donne pas de libelle de renvoi, le divorce n'y apparaît pas : l'époux ne fait pas de longues sorties, il n'en fait pas même de très-courtes, il demeure toujours en sa maison, Jésus-Christ qui vit et règne avec le Père et le saint-Esprit dans tous les siècles des siècles. Amen.
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