SERMON XXVII
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SERMON XXVII. Vos deux mamelles sont comme deux petits jumeaux de la chèvre, qui paissent parmi les lis, jusqu'à ce que le jour, etc. (Cant. IV, 5.)

 

1. Vous voyez, mes frères, que les mamelles de l'épouse ont aussi leur éloge. Il est souvent fait mention de mamelles soit dans d'autres endroits, soit surtout dans ce libre des cantiques. L'époux les préfère au vin (Cant. I, 1.), il les compare à une « grappe de vigne. » (Ib. VII, 7), il les assimile à « une tour. (Ib. VIII, 10). Et ce qui nous occupe en ce moment, «vos deus mamelles, » dit-il, « sont comme les deux petits jumeaux de la chèvre, qui paissent dans les lis. » Vous voyez combien sont multipliés ces éloges des mamelles. Si l'épouse est mère, il ne convient pas que la poitrine d'une mère ne porte point de mamelles. Saint Paul savait en avoir quand il disait : « Nous avons été parmi vous comme une nourrice qui allaite ses enfants. » (I Thess. II, 7.)  Est-ce qu'il ne vous semble pas comparable à un faon, celui qui s'est rendu semblable à un tout petit enfant? Comment réchauffait-il ses enfants comme une nourrice, s'il n'avait pas de mamelles? Les deux enfants que l'Eglise a, sont comme les deux faons de la chèvre, l'un, de la circoncision, l'autre, de la gentilité. Voyez comme saint Paul donne ses mamelles à l'un et à l'autre. « J'ai été avec les juifs comme un juif; avec ceux qui étaient sans la loi, comme si j'avais été   sans la loi, je me suis fait tout à tous pour les gagner tous. (I Cor. IX, 20.) Est-ce qu'il n'avait pas disposé ses mamelles pour ses faons, se faisant tout à tous ? Il se fit tout à tous non par ruse et tromperie, mais par une affection compatissante et par l'habitude de se proportionner aux âmes. Il se conformait aux uns et aux autres : ici avec les uns se privant des choses permises, là condescendant aux choses licites, évitant toujours de scandaliser, quand il le pouvait, sans violer la foi. Il se fit tout à tous, ne détruisant pas chez les juifs leur rite toléré dans le commencement, ne poussant pas les gentils à embrasser cette loi mortifiée dans son principe. Il se fit tout à tous, selon la capacité de ceux qui l'écoutaient, prêchant les préceptes moraux, taisant, pour un temps, les explications mystiques. Dans cette double matière, il présente comme deux mamelles tempérant pour les enfants celles qui sont pleines d'une doctrine plus pleine. La compassion a des mamelles au-dedans, mais la condescendance les montre au-dehors. L'une prend pitié, l'autre porte remède. Que m'importe que vous me montriez de la compassion, si vous ne savez pas vous proportionner à mon infirmité et vous mettre à la portée de mon enfance pour ainsi dire? Que m'importe, que par votre commisération vous fassiez de ma cause votre propre cause, si vous ne me donnez pas le soin que vous devez? Il faut l'une et l'autre, il faut la compassion et un certain mélange de doctrine et de discipline. La compassion produit la tendresse, et le mélange incline à allaiter utilement les petits. Dans aucun de ces genres, les saints docteurs ne font défaut à leurs auditeurs ; ils se rendent semblables à eus et par la tendresse et par la condescendance.

2. Plaise au ciel que ceux qui doivent prendre la parole au milieu de leurs frères fassent attention à cette doctrine. Ils s'appliquent plus à dire des choses élevées que d'en proférer qui soient utiles à leurs auditeurs, ils provoquent l'admiration des faibles, ils n'opèrent point leur salut. Ils rougissent d'enseigner des choses humbles et vulgaires, de crainte de paraître n'en point connaître d'autres. Ils ont honte d'avoir des mamelles, de les découvrir et d'allaiter les petits. Qu'est-ce que cela? Occupez-vous une chaire au milieu de l'église, pour faire parade de science ou pour nourrir de lait la tendre enfance de ceux qui vous sont soumis ? Vous agencez des pensées subtiles : ceux qui vous entendent admirent votre talent, ils louent votre éloquence. C'est bien, s'ils sentent en eux la grâce, si, à vos paroles, leur coeur est touché, leur esprit éclairé. Sans cela, qu'importe que vous apportiez des considérations étrangères, que vos auditeurs ne saisissent pas? Le grand mérite de l'éloquence c'est de bien poursuivre le sujet que vous avez entrepris de développer, de tout employer pour le bien faire ressortir, et de tout faire servir au but que vous vous êtes proposé. Jamais vous ne montrerez mieux votre éloquence, que si vous présentez avec soin une matière vulgaire, que si vous relevez, par l'agrément du discours, les vérités qui semblaient rouler à terre, et rendez plus intéressantes des idées qui étaient peu en honneur. Il ne faut pas tant vous attacher à ce qu'il convient que vous disiez comme homme de lettres, qu'à ce que doivent apprendre ceux que vous instruisez. Que gagnent-ils, si vous marchez dans les régions grandes et merveilleuses, je ne dis pas au-dessus de vous, mais au-dessus d'eux? Ne vous élevez pas si haut dans votre sagesse, condescendez vers les humbles et les petits. En proférant des paroles sublimes, mais dans un moment quine convient pas, que paraissez-vous désirer, sinon que les hommes se taisent pour vous seul, et qu'on dise de vous ce qui fut dit du Sauveur . « Jamais homme n'a parlé comme celui-ci? » (Joan. VII, 46.) Vous êtes monté en chaire pour édifier les autres, non pour vous enfler; pour enrichir les esprits, non pour vous épuiser, à moins que ce ne soit de la manière dont le Sauveur s'anéantit, prenant la forme d'un esclave, (Phil. II, 7.) pour nous nourrir en vue du salut du lait de sa chair. Bon imitateur de son maître, saint Paul ne cache pas ses mamelles, il se vante d'en avoir. « Comme à des petits, » dit-il, «je vous ai donné du lait à boire dans le Christ, et non de la nourriture solide. » (I Cor. II, 2.) Et encore: « j'estime ne rien savoir parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. (I Cor. II, 2.) Il tonnait à qui il faut préparer la table, et à qui il doit présenter les mamelles. Aussi ses mamelles sont comme des faons parce que les paroles, qui expriment sa doctrine, sont adoucies, afin que les petits dans le Christ puissent les prendre.

3. Vous venez d'entendre quels sont ces faons et pourquoi il y en a deux. Voulez-vous savoir pourquoi ils sont jumeaux? Parce que, dans la foi, il n'y a pas de distinction entre le Juif et le Grec. (Act. X, 34.) Il n'y a pas pour vous de privilèges de mérites ; la grâce de la régénération ne distingue personne et absout tout le monde. Car tous ont besoin de la gloire de Dieu, justifiés gratuitement par sa grâce. La foi anoblit également l'un et l'autre peuple, mais le Juif le considère différemment. Dans la clémence, qui est commune pour tous, il réclame des droits particuliers pour lui. Qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'il veuille être le premier, quand il a voulu être le seul? Il ne peut être fils unique, il veut être premier-né. Voyez quelles difficultés on fit à saint Pierre dans les actes des Apôtres, parce qu'il était allé chez des incirconcis et les avait admis à la connaissance des mystères de la foi. Voyez combien dans son épître aux Romains, (Rom. X. 12.) saint Paul fait d'efforts pour combattre les juifs, qui, dans la grâce de la foi, réclamaient pour eux des privilèges et établissaient des degrés parmi ceux que la même créance avait réunis. Ils affectaient de se dire seuls les plus haut placés dans la grâce, ils ne voulaient pas avoir pour égaux ceux qu'ils ne pouvaient s'empêcher d'avoir pour compagnons. Or Dieu a fait la gentilité et Israël ayant un même corps, une même participation aux testaments, et n'a établi de différence en aucun point, purifiant les coeurs de tous par la foi.         Aussi on les appelle jumeaux, parce que la foi ne les distingue en rien après les avoir également régénérés, autrement ceux qui ne savent pas être jumeaux, deviennent nuls; et dans le banquet, se plaçant à la première place, ils n'ont pas même la dernière. Cette raison existe non-seulement entre les Juifs et les Gentils, mais elle s'étend à tous, il faut que personne, en quelque grâce ou degré qu'il soit, n'éprouve, de la jalousie d'avoir des compagnons ou des égaux. Qui parlerait de ses mérites, là ou la grâce est un pur présent? Le passé ne peut former un préjugé, là où tout est devenu nouveau. Ces faons indiquent la nouveauté dans la régénération, comme ces jumeaux désignent l'égalité dans la naissance. On les appelle avec raison fils de la chèvre, c'est-à-dire, fils de l'Eglise, parce que, comme la chèvre, ils y voient clair. Les yeux de l'Eglise sont perçants, elle contemple non ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas.

4. « Vos mamelles sont comme deux faons jumeaux de la chèvre, qui paissent parmi les lis. » Si pourtant ils sentent la grâce des lis : si les lis ont pour eux l'odeur des lis, et n'exhalent pas une odeur désagréable. L'odeur du lis est douce et agréable : mais le lis lui-même pour les uns a l'odeur des lis, pour les autres l'odeur de l'absinthe. Le lis des vallées, le lis incomparable, c'est le Christ : ses imitateurs étaient aussi des lis. Ecoutez ce que dit l'un de ces lis : « Nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ: pour les uns, odeur de mort produisant la mort, pour les autres, odeur de vie pour la vie. » (II Cor. II, 15.) Vous voyez comment ce lis incomparable, en qui se faisait sentir la plénitude de tous les biens, paraissait néanmoins répandre pour plusieurs une odeur de mort. Ce sont ceux qui appellent doux l'amer, et lumière les ténèbres. Mais celui-là paît vraiment parmi les lis, qui répand l'odeur des lis. Les lis sont les exemples de chasteté qui embaument non-seulement lorsqu'ils sont proches et récents, mais encore passés et éloignés. Les lis sont encore les bons discours, en eux vous goûtez les joies de la vie éternelle et vous respirez l'essence des senteurs suaves. O mes frères, que vous êtes entourés de ces lis et en grand nombre! Encore que tous soient les fils de l'Eglise, vous êtes ces enfants plus que les autres : vous respirez presqu'à chaque instant les chastes paroles tantôt des Prophètes, tantôt des Apôtres, tantôt des Evangélistes semblables à des lis, votre vie et vos discours répandent une odeur suave que vous leur avez empruntée. Quelle senteur agréable peuvent exhaler les lis, qui puisse égaler leur ambroisie? Quel parfum vous fait respirer Marie, vous font sentir saint Jean, saint Pierre, les autres hommes évangéliques et surtout Jésus lui-même! Il a eu lui-même et il exhale un parfum incomparable, et c'est lui seul qui embaume dans tous les autres, car c'est lui qui leur donne toute leur suavité. Ses paroles sont pour le monde, un parfum nouveau, quand elles révèlent le mystère de la Trinité, la grâce de la Rédemption, l'abondance des vertus, la gloire de la résurrection, et l'état qui nous est réservé dans la vie éternelle. « Vous avez les paroles de la vie éternelle,» dit saint-Pierre ( Joan. VI, 69) et encore : « A qui irons-nous? » Et nous aussi, disons pénétrés de cette agréable odeur: en vous, ô bon Jésus, on respire la divinité du Père qui réside en vous. En vous, répand ses parfums la grâce du Saint-Esprit qui vous a oint; en vous se trouve la virginité de votre mère, en vous l'intégrité de votre propre chair, en vous le remède à notre langueur. Tons ces biens qui sont pour nous, se font sentir en vous, et à quel autre irait notre amour ou notre souvenir? C'est une grande injure pour ces lis, si une autre odeur se mêle à leur parfum, qui gâte leur suavité; si un souffle de l'âme la corrompt pour l'odorat, la détourne vers le siècle et la fait courir après la puanteur de la boue. C'est un outrage, si les vices ont pour, vous une odeur plus agréable que les lis des vertus. Il est vraiment bien dégoûté celui qui ne trouve pas ses délices dans le lait et au milieu des lis. Tout n'est pas lait des petits enfants. Est-ce que toute doctrine, toute affection pieuse introduite doucement dans l'esprit ne vous semble pas semblable à du lait? Tout ce qui est sucé avec douceur et facilité est du lait.

5. C'est de ce lait que sont pleines les mamelles de l'épouse; et c'est pourquoi on les compare à deux faons, parce qu'en eux est toujours nouvelle, et comme toujours renouvelée, et sans cesse renaissante, la consolation du verbe et l'abondance heureuse de la doctrine sacrée. Ces mamelles n'ont rien de vieux, voilà pourquoi elles sont préférables au VIII, et semblables au moût. « Vos mamelles, » dit le texte, « sont des grappes de raisin, » elles n'ont pas la force du VIII, elles font sentir seulement la douceur du moût nouveau. De ces mamelles, les unes nourrissent, les autres enivrent. Elles sont bien comme les faons aucune vieillesse ne leur a fait sentir ses atteintes. C'est un grand ornement pour la poitrine de l'épouse d'avoir des mamelles entières; des mamelles qui ne soient pas traînantes, qui n'aient pas été brisées dans l'Egypte de ce siècle. Aussi elle s'écrie : mes mamelles sont une tour. Elles sont inexpugnables, gonflées par l'abondance du lait qui les fait se distendre en forme de tour. Elles sont délicieuses ces mamelles si gonflées, mamelles de piété, mamelles jumelles, parce que la piété possède la consolation pour la vie présente et pour la vie future. (I Tim. IV, 8.) « Réjouissez-vous, » dit le texte sacré, « réjouissez-vous » d'une grande joie, abreuvés du lait et rassasiés des mamelles de ses douceurs. Et quand vous serez sevrés de ce lait, entrez dans le banquet de sa gloire. (Is. LXVI, 19.)Vous voyez où conduit l'usage du lait? « Dans le banquet de la gloire du Seigneur. » Est-ce que ces mamelles de l'épouse ne vous paraissent pas présenter ce banquet de l'entrée de la gloire . comme des faons, elles se remplissent dans les lis, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que les ombres déclinent? Avec quelle douceur elles sont sucées après qu'elles se sont ainsi garnies, mamelles que le ciel distend parce qu'elles se gonflent dans le champ des lis célestes! L'odeur même des lis nourrit. Leur senteur offre tout a l'agrément d'un aliment. Car l'odeur est une sorte de fruit. « Semblable à une vigne j'ai donné comme un fruit la suavité de mon odeur,» est-il dit dans l'Ecriture. (Eccl. XXIV.) Voyez comment la sagesse range parmi les fruits, l'odeur qu'elle produit. Cette nourriture est spirituelle, elle n'a rien de matériel, la dent ne la touche pas, l'effort de la bouche ne la broye pas, l'esprit l'absorbe et tout de suite elle agit sur les mamelles et les enfle. D'où vient qu'on les dit embaumées de l'odeur des parfums les plus excellents, sinon parce que les exhalaisons puisées sur les lis du voisinage se font respirer en elles, jusqu'à ce que le jour paraisse et les ombres décroissent?

6. Il est doux d'attendre au milieu des lis le lever de l'aurore; et peut. être ce jour est-il voisin de ces lis, peut-être au milieu des lis respire-t-on un souffle et une vapeur qui viennent de lui, et l'époux lui-même vit parmi les lis, lui qui est le lis des vallées et la lumière du jour. Par conséquent il est agréable, en vivant dans sa société, de l'attendre lui-même, d'attendre au milieu des lis, que la lumière du jour commence à poindre. Le temps l'indique, ce temps dont-il est dit . «je serai rassasié quand votre gloire se sera montrée. » (Ps. XVI, 4.) Le jour vrai et éternel se montrera lorsque les énigmes, au milieu desquelles nous vivons, perdront leurs ombres. Il est ici-bas plusieurs ombres : ombre de tromperie, ombre de rafraîchissement, ombre de l'énigme. Dans la première, le serpent dort; dans la seconde, l'épouse repose; dans la troisième, l'époux se cache. Il est dit de la première : « il dort dans l'ombre. » (Job. XII,16.) De la seconde : «je me suis assis à l'ombre de celui que j'avais désiré. » (Cant. rr, 3.) De la troisième : « la sagesse est cachée dans le mystère. » (I Cor. II, 7.) Toutes ces ombres s'enfuiront quand le jour se montrera, l'ombre de la fraude, l'ombre de la foi, l'ombre du mystère. Il n'y aura alors aucune ombre parce que la vérité apparaîtra dans toute sa réalité. En ce temps seront tombées ces ombres qui maintenant sont si élevées. Voulez-vous savoir combien elles sont hautes? « Son ombre a couvert les montagnes. » (Ps. LXXIX, 11.) Saint Paul était une grande montagne : il se déclare pourtant couvert de cette ombre, quand il avoue qu'il ne voit qu'en image et qu'en énigme. Il était assurément une montagne gigantesque, et cependant il est facilement enlevé au troisième ciel. (II Cor. XII, 1.) Heureux transport, et bien plus heureux que celui qui sur l'ordre de l'apôtre, jette dans la mer la montagne dont il est question dans l'Evangile. Il fut ravi, parce que la sagesse de Dieu changea ses sentiments. Aussi, il fut ravi au troisième ciel, dans le ciel de l'intelligence pure, au lieu d'où sont bannies les ombres et les énigmes. Les ombres sont plus basses et comme rampantes par rapport à celui qui est ravi au ciel. Il fut ravi au ciel, enlevé dans le Paradis. Le ciel est un lieu de sérénité ; c'est le paradis des voluptés. L'apôtre est bien ravi dans l'un et l'autre de ces endroits, parce que la contemplation n'est qu'à demi pleine lorsqu'elle est privée de l'une ou de l'autre de ces deux choses. Enfin la bien-aimée qui vit parmi les lis jusqu'à ce que le jour luise, semble placée dans le paradis des voluptés et dans la région des délices. Avant que le jour se montre, la nuit règne, mais cette nuit semble avoir je ne sais quoi du jour: « la nuit est ma lumière pour éclairer mes délices, dit le psalmiste. (Ps. CXXXVIII, 11.) Les délices tiennent en partie la place de la lumière. C'est un lieu de contemplation magnifique, celui où la considération de la foi répand des affections célestes et suaves, et exhale la grâce de la lumière qui ne finit jamais. N'est-ce pas en rappelant ces délices, que le saint homme Job, parlant de la sagesse, dit qu'on « ne la trouve pas dans la terre de ceux qui vivent dans les suavités? (Job. XXVIII. 13 .) Il se trouve dans ces délices une certaine portion de la sagesse. N'a-t-on pas une portion de la sagesse, lorsque la vérité, non comprise par la raison, mais crue par la foi, fait sentir son goût agréable? Ces jouissances spirituelles instruisent suffisamment par l'expérience qu'on en fait, et elles montrent combien il faut désirer ce qui reste à goûter d'elles, combien il faut rejeter ce qui s'oppose à leur règne dans le coeur.

7. Trois choses sont à observer ici : le temps, l'action et le lieu. Le temps, c'est-à-dire la nuit, temps du repos et du délassement. L'action, c'est celle de se refaire, puisqu'on se nourrit. Le lieu est un lieu de délices, puisqu'on s'y trouve au milieu des lis. Il rapporte avec raison à ses petits ses mamelles gonflées, celui qui est ainsi nourri, qui vit dans les méditations de la foi avec tant de liberté, avec tant d'abondance, avec tant de délices. Croyez-vous que Salomon, dans tout l'éclat de sa gloire, portât des habits comparables à ceux de l'épouse qui vit parmi les lis? Entourée de ces plantes admirables, comment ne serait-elle pas glorieusement vêtue ? Car bien que l'ombre obscurcisse la beauté, elle laisse cependant saisir l'odeur, elle laisse respirer le parfum qu'exhalent les habits, et dans eux on sent comme la réputation de la sagesse, jusqu'à ce que le jour apparaisse et les ombres déclinent, c'est-à-dire jusqu'à ce que se lève le jour qui est éternel. Alors que les jours et les nuits se remplacent alternativement, les ombres ne paraissent pas entièrement abaissées, tant qu'elles ont une place. Où donc sont-elles inclinées et disparues? Dans le sein du Père de la lumière, en qui il n'est point d'ombre de changement. (Jac. I, 17.) Toute vicissitude ressemble à l'ombre, et quand une chose succède à une autre, elle la cache et la couvre d'ombre en une certaine manière. Voilà donc ce qu'on veut dire par ces mots : « Jusqu'à ce que le jour paraisse et que les ombres disparaissent » , c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'apparaisse le jour, et le midi plein et éternel, qui détruit toutes les ombres. « Ils paissent, » dit notre passage, « ils paissent parmi les lis jusqu'à ce que le jour commence à poindre, et que les ombres prennent la fuite » ; c'est-à-dire, ils sont nourris et délectés de l'odeur de la sagesse, jusqu'à ce que brille la lueur même de la lumière éternelle. L'une et l'autre se font admirer dans le lis, et la blancheur et l'odeur. Et l'odeur, qu'est-ce autre chose sinon la grâce de la foi, et la blancheur, sinon la gloire de la beauté? Dans la nuit, on sent l'odeur, mais on ne voit pas la blancheur jusqu'à ce que le jour se montre, car la blancheur est le jour lui-même, n'ayant aucun mélange de ténèbres. Quand ce jour aura brillé, les mamelles ne seront plus nécessaires. Tous alors seront dociles aux influences de ce jour. En attendant, l'épouse a des mamelles comparables à deux faons qui paissent au milieu des lis, jusqu'à ce que paraisse le jour procédant du jour le Christ Jésus.

 

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