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SERMON XLII. Je dors et mon cur veille. Voici la voix de l'époux qui frappe : ouvrez-moi, ma soeur, etc., parce que ma tête, etc., (Cant. V, 5.)
1. « Je dors et mon cur veille. » Après le passage développé dans le discours d'hier, en vertu de quelle relation, ou par quelle conséquence, les paroles que nous venons de redire se trouvent-elles venir? Dans l'un, on adressait une invitation générale, ici la réponse est comme particulière. Là plusieurs sont invités, ici un seul répond. Là, il est dit : « enivrez-vous, ô mes bien-aimés : » ici, la bien-aimée, qui est l'épouse, réplique qu'elle dort. « Je dors. » Est-ce étonnant qu'à une invitation commune, il soit fait une réponse particulière? Il y a plusieurs bien-aimés, mais tous n'ont qu'un cur et qu'une âme. « Ma colombe est unique, » dit l'époux. (Cant. VI, 8.) L'amour unit et enivre. Voyez avec combien de justesse ceux que le flot de la charité a portés si avant dans le sein de l'Eglise, n'adressent tous qu'une seule réponse. Oui, la force de l'amour est grande, il enivre, il transporte. Voulez-vous entendre comment il ravit hors d'elle l'âme qu'il enivre. « Je dors,» dit l'épouse. C'est comme si elle disait à son bien-aimé : vous m'appelez à m'enivrer, et c'est à quoi je me livre tout entière. « Je dors et mon cur veille. » Je dors, et je me repose en m'éloignant des affaires étrangères. Aussi mon cur veille avec plus de liberté pour boire le vin et tomber dans la sainte ivresse qu'il procure. Ordre admirable. De l'ivresse sort le sommeil et le sommeil produit la veille. L'époux dit « enivrez-vous, » et l'épouse : «je dors. » Excellent sommeil que le ravissement d'esprit et l'éloignement des affections de la chair, et (pour ainsi parler), des sens du corps! L'amour spirituel n'est jamais plus fort ou plus vigilant que lorsque toute affection animale est assoupie. Le sommeil et l'ivresse présentent tous les deux l'apparence de l'aliénation. Il y a cela de commun entre eux, que l'un et l'autre ravissent l'âme, et ne lui permettent pas de rester en elle-même. L'un et l'autre lui dérobent (pour employer ce terme), son état premier, et lui font éprouver des impressions toutes nouvelles. « Je dors et mon coeur veille. » Les autres dorment leur sommeil, et leur délectation s'arrête dans leur propre volonté et leur propre jouissance. Je dors loin de telles sensations, et mon cur veille pour vous. Les autres, Seigneur, dorment loin de vos réprimandes, moi, loin des excès de la chair. Ces réprimandes sont dures, quand, dissimulant votre colère, vous abandonnez l'homme à sa paresse, c'est comme un violent reproche annonçant que l'on va se séparer. Il dort loin de ces réprimandes, celui qui à cause du silence que garde le ciel, se livre à une sécurité pleine de somnolence, et ne prend pas garde que la patience de celui qui voile son courroux, prépare le rejet et l'abandon du pécheur qui ne fait point pénitence. La longanimité du Seigneur, qui prend patience et suspend ses coups, a une grande force sur les esprits respectueux, et la même patience, qui cause de l'inquiétude aux âmes honnêtes, donne de la sécurité à celles qui sont insensibles. 2. « Je dors, » dit-elle, « et mon cur veille. » Je dors, ce n'est point que je sois gourmandée, je suis assoupie par ce vin que vous offrez à vos bien-aimés. L'excès de votre ivresse me ravit au monde et me livre à vous : elle m'assoupit et me réveille; elle me fait oublier les choses du siècle et ne me permet pas de, vous perdre de vue. « Je dors, » dormez avec moi, selon que vous prononcez vous-même dans le livre de Salomon : «Si deux dorment ensemble, ils se réchaufferont mutuellement» (Eccle. IV, 11.) Aussi, il arrivera que par suite de la présence du bien-aimé, mon cur veillera encore davantage à cause de la violence de l'amour. Mon cur veille, lorsque votre amour est plus fort en lui. « Je dors et mon cur veille. » Je dors à cause du repos de mon ami, je veille à cause de mon ravissement. Dans le doux sommeil de mon repos, l'inquiétude qui me fait veiller, fait aussi que je songe à vous avec plus de force. Doux sommeil, songe délicieux d'ignorer tout le reste, de ne savoir que vous seul, de se consacrer à vous et de vous voir, comme il est donné de vous voir ici-bas, par songe (pour user de ce terme), par ombre et par énigme. L'abondance de ce repos et de cette vision constitue un saint excès. Cette vision a quelque chose de semblable au sommeil, parce qu'elle ne vient pas du choix de l'homme ou de son industrie, non de nos efforts, mais de la visite de celui qui s'élève des hauteurs des cieux. Saint Paul semble dormir quand il est mort au monde, il semble veiller, quand il vit pour le Christ. Que mon âme, ô mes frères, dorme de ce bienheureux sommeil et que mes veilles soient semblables à celles de ces saintes âmes! Qu'elles se prolongent toujours, que rien ne les interrompe 1 Maintenant, au contraire, je veille, mon cur dort : l'esprit est assoupi, la chair est éveillée; et si la chair dort, l'esprit ne veillé pas de suite pour cela. Le repos est accordé à l'esprit, il n'est pas cependant absorbé et ravi par cette glorieuse ivresse. Il dort aux sollicitations du dehors, il n'est pas néanmoins éveillé par ces caresses qui le ravissent, et bien qu'il les goûte souvent, leur présence nouvelle, qui se fait sentir en revenant fréquemment, éveille l'âme qu'elles enivrent. 3. On a raison d'appeler vigilants ceux qui ne sortent jamais de ce vin qui enivre, ceux qui sont toujours dans l'excès que leur fait sentir l'abondance de la délectation éternelle. Tels sont les hommes dont vous lisez l'histoire au livre de Daniel : (Dan. IV.) Ils veillent comme il convient, ceux en qui il ne se trouve rien qui réclame le sommeil, mais en qui tout veille pour Dieu. Ils veillent bien, ceux dont les veilles ne sont pas interrompues. Nul sentiment animal ne se fait sentir en eux, qu'il faille assoupir pour rendre plus libres les vigiles du coeur. II est certaines veilles que remplit l'ennui des inquiétudes; l'apôtre saint Pierre en parle en ces termes : « Soyez sobres et veillez, parce que le démon, votre ennemi, semblable à un lion rugissant, rôde cherchant à dévorer quelqu'un. » (I. Petr. V, 8.) Et saint Paul dit : « Veillez et soyez fermes dans la foi. » (Cor. XVI, 6.) Les veilles qui fatiguent les docteurs de l'Eglise ne sont point dépourvues de sollicitude, pas plus que celles de ces pasteurs de l'évangile qui rôdent et font la garde de la nuit sur leurs troupeaux. Ces veilles sont agitées par quelque préoccupation fâcheuse qu'occasionne la crainte de l'approche du danger. Les veilles de l'épouse qui dort, ne connaissent pas cette précaution contre le mal, elles sont remplies de l'abondance du bien. L'amour violent cause à l'âme, qui se repose, la veille d'un violent désir que rien ne rassasie. Le désir de la présence de celui qu'on brûle de voir, ou la joie de cette présence obtenue, forment des sortes de veilles. Par bonne veille, entendons une dévotion ardente que rien n'a assoupie, soit qu'elle jouisse de la présence du bien-aimé, soit qu'elle soupire après la fin de son absence. L'âme ne veille pas, elle n'est pas réveillée, quand son esprit est inquiet, ou comme engourdi par rapport aux goûts ou aux désirs du siècle. Aussi l'épouse dit : «Je dors et mon coeur veille.» Et au livre de Job, on lit, que dans une vision nocturne, quand le sommeil tombe sur les paupières des hommes, et retient les mortels dans leur lit, alors Dieu ouvre les oreilles, il parle et il frappe. Aussi voici la suite 4. « La voix du bien-aimé qui frappe: ouvrez-moi. » Elle a raison de veiller, ne sachant point à quelle heure vient son bien-aimé. Les veilles de l'épouse semblent se prolonger toujours, et la voix de celui qu'elle aime retentir sans cesse. « Mon coeur veille, » dit-elle, et aussitôt elle ajoute : « la voix du bien-aimé qui frappe : ouvrez-moi. » Mon cur veille et mon bien-aimé ne dort pas. Sa voix frappe et dit : « ouvrez-moi. » Mon coeur veille et il accourt aussitôt, et on entend le bruit de ses paroles : « la voix du bien-aimé, » dit-elle. Cette voix m'est connue, elle m'est agréable : je suis sourde aux autres accents, à ceux-ci je suis éveillée ; aussitôt qu'ils ont retenti à mes oreilles, j'ai tressailli d'allégresse. Plusieurs voix ont coutume de retentir et de faire sonner de fausses caresses, elles ne sont point comme celle du bien-aimé. L'épouse, mes frères, a une grande prudence, elle possède le don du discernement des esprits, elle, qui sait justement distinguer les ruses dés démons et les véritables caresses de celui qu'elle chérit. «La voix du bien-aimé, » dit-elle, qui a une voix comme celle de Jésus? Sont-ce les philosophes? Sont-ce les hérétiques? Est-ce la loi? Sont-ce les Prophètes? Sa parole est puissante, « il a rendu insensée la sagesse de ce monde. » (I. Cor. I,.20.) La loi et les Prophètes n'ont amené personne à la perfection; la parole tombée des lèvres de Jésus, renferme le sommaire de toute plénitude, elle contient les préceptes qui consomment la sainteté, elle émeut les sentiments du coeur. «La voix de celui qui frappe, » dit l'épouse. Elle frappe, en effet, et elle pénètre, semblable à un glaive à deux tranchants : elle entré doucement, elle persuade tendrement, effet qu'aucune autre doctrine n'a pu 'obtenir. La forme n'en est pas élevée, mais les mystères qu'elle exprime sont profonds. L'humilité de la conscience, la règle dans les moeurs, la docilité dans l'obéissance, la pureté de la chair, le mépris du monde, 1a soif ardente des biens éternels, la connaissance de la divinité, quel système, quelle école jamais les enseigna, ou les inculqua avec tant de conviction dans les âmes? Ses enseignements nous ont appris à espérer et à attendre avec soupirs la grâce de la résurrection, l'impassibilité des corps ressuscités, l'éternité de la vie à venir et la manifestation de 1a majesté divine qui s'y montrera à nous. « Dieu est connu dans la Judée, son nom est grand dans Israël.» (Ps. LXXV, 1.) Est-il si grand ? si clairement exprimé? si intimement imprimé dans les coeurs? si généralement répandu ? « Son nom est grand en Israël. » Mais s'il était grand, ce nétait point à cause de l'évidence de la doctrine, ni à cause de la dévotion fervente ou du nombre de ceux qui en faisaient l'objet de leur foi. «Jadis Dieu parlait à nos pères, dans les Prophètes, dernièrement- ces jours-ci, il nous a parlé dans son fils. » (Hebr. I, 2.) Aussi c'est une voix forte, une voix pleine de puissance, la voix du bien-aimé : mais elle n'a pu prendre dans les oreilles des Juifs. La gentilité l'a entendue, elle la reconnue, elle n'a pas nié et a dit : « c'est la voix du bien-aimé qui frappe : » Je connais que l'un et l'autre viennent de lui, et la voix qui retentit, et le coup qui frappe, et la parole et la vertu. Mon bien-aimé me plaît aussi bien dans l'un que dans l'autre; il me plaît par sa voix et par le coup qu'il donne, et (pour user de pareilles expressions) par son Cantique et par son Psaume. Il frappe bien, et joue parfaitement de l'instrument harmonieux, celui qui accorde dans une musique agréable et la parole et l'action. Regardez Jésus comme cet instrument sonore approchez-vous, touchez, remuez, et faites retentir moeurs, oeuvres, paroles, vie. En lui, toutes les cordes sont tendues et retentissantes, touchées, elles font entendre une douce mélodie. Jésus se frappe lui-même. « Personne, » dit-il, « ne prend ma vie, c'est moi qui la dépose, et derechef je la reprends, j'ai la puissance de la quitter et la puissance de la reprendre. » (Joan. X, 18.) Examinez ce que signifie cette action de poser et de prendre, avec ce double pouvoir; ce que veut dire le motif que le Seigneur a de frapper ainsi. N'est-il pas vrai qu'il frappe et qu'il excite grandement notre coeur, pour que, devenus semblables à des cithares harmonieuses, nous nous efforcions de vibrer d'accord avec lui? 5. « Voix du bien-aimé qui frappe. » Elle a raison de dire voix du « bien-aimé , » comme si de la dilection seule procédait la grâce de celui qui parle et qui frappe. « Ouvrez-moi parce que ma tête est pleine de rosée et les boucles de mes cheveux sont humides des gouttes d'eau de la nuit. » La charité se refroidit dans la Judée, selon les Ecritures, ou se dirige vers les gentils. On lui a envoyé la parole du salut, elle l'a repoussée, se jugeant indigne de la vie éternelle. (Act. XIII, 46.) J'ai été mis dehors par elle, ouvrez-moi, «parce que ma tête est pleine de rosée, et les boucles de mes cheveux sont humides des eaux de la nuit. » La tête du Christ, c'est Dieu. Les Juifs se glorifient d'avoir Dieu pour père, ils se flattent de posséder sa connaissance, ils réprouvent et blasphèment le Fils, ouvrez-moi. » Ma tête est pleine de rosée. » Il ne désire pas de telles créatures, il n'en a pas envie, bien plutôt, il les a en dégoût. Aussi il en est plein. Il est plein de rosée, parce qu'ils sont légers de sentiment, n'ayant point le poids de la raison, n'ayant aucune gravité dans les assertions qu'ils émettent, légers par la raison, lourds par leur obstination, stériles et obstinés comme la rosée et ses gouttes. « Et les boucles de mes cheveux sont humides des gouttes d'eau tombées dans les nuits, » qui sont froides et ténébreuses. Car il est une rosée qui n'est pas de la nuit. Votre rosée, dit Isaïe, est à Dieu la rosée de la lumière. (Is. XXVI,19.) « Et les boucles de mes cheveux sont humides des gouttes de la huit.» Sachant la lettre, ignorant le sens spirituel, ils se sont attachés aux figures. Ils se glorifient de ne connaître qu'un seul Dieu, et d'observer leur loi qui est toute remplie de symboles, niant le mystère de la Trinité, et la vérité du rôle que remplit leur loi à l'égard des réalités à venir, ils tirent sujet d'orgueil de signes morts et superflus. Ils s'acharnent à me poursuivre, ils persécutent mes disciples qui sont comme l'ornement de ma tête et sa gloire : voilà pourquoi je fuis, ouvrez-moi. 6. Certains hérétiques s'efforcent de détruire la divinité du Christ, dogme sacré auquel ils ne veulent point atteindre par la foi, et ne peuvent arriver par la raison. Par les arguties disparates de leurs attaques, que l'on peut comparer à ces gouttes de rosée dispersées sur les herbes, ils nient, ils corrompent, ils étouffent les témoignages harmonieux et profonds des Ecritures, basés sur l'autorité divine, comme s'ils étaient des boucles de cheveux sur ta tête. Eux aussi se vantent de connaître Dieu, et de pénétrer les sens spirituels, placés, pour ainsi dire, avec orgueil sur la tête même de Dieu et sur ses cheveux, on les compare à la rosée et aux gouttes de la nuit, pour vous faire comprendre qu'ils sont morcelés, gelés, glissants et sans consistance. Mais si vous voyez quelqu'un professer la saine foi, comme la tête de tout, ne communiquer aux sacrements qu'en apparence, et abonder en explications subtiles, cette foi est gelée à cause de la mauvaise conscience qui l'accompagne, obscure à cause de l'hypocrisie, et fluide, pour ainsi dire, à cause de son règne bien court. Car la joie de l'hypocrite est comme un point. (Job. XX, 5.) Un homme de ce genre, Jésus estime qu'il est dehors; il le fuit comme un persécuteur et comme quelqu'un qui lui pèse. Les esprits de cette espèce ne marchent pas, ils volent au-dessus d'eux dans les choses grandioses et merveilleuses, errants dans leur élévation orgueilleuse au milieu de l'air inconstant. Adonnés à une sorte de trafic ambitieux, ils courent dans les ténèbres, cherchant à tirer profit de la religion, feignant de posséder une doctrine spirituelle, se flattant de connaître la parole de la sagesse de Dieu, fluides comme la rosée et les mystères qu'elle renferme, mystères obscurs que l'âme ne peut voir avec, certitude et qui sont semblables à la nuit; se vantant d'être placés au sommet et à la source de la sainteté et d'être attachés à la tète même de Jésus-Christ, ils ont plutôt l'envie d'y paraître élevés que d'en pénétrer l'intérieur. 7. Jésus les supportant avec peine et les fuyant, dit : « ouvrez-moi, ma soeur. » Vous qui êtes au-dedans, qui n'errez pas à l'extérieur, qui ne vous élevez pas dans les hauteurs, qui préférez vous tenir dans votre retraite plutôt que de dominer hors de votre maison, ouvrez-moi. « Ouvrez-moi, ouvrez-moi : » Que cherchez-vous, si ce n'est moi? Vous êtes toute mienne : toute à moi et à plusieurs titres. A plusieurs titres? Entendez à combien : « ma soeur, ma très-proche, ma colombe, mon immaculée. Ma soeur, » parce qu'elle est unie par les liens de la même chair que l'époux a prise. « Ma très-proche, » parce que la nouvelle Eve a été créée du côté du nouvel Adam, tandis qu'il dormait sur la croix, de sorte qu'ils ne sont plus deux, mais qu'ils ne forment qu'une seule et même chair. Le titre précédent rappelle la parenté naturelle, celui-ci l'union personnelle. Là, elle est soeur, ici, elle est épouse. «Ma colombe, » par la grâce de l'esprit; « mon immaculée, » par la rémission des fautes et la discipline qui régit sa conduite. « Sur » par la chair, « épouse » par les sacrements, «simple » par l'esprit, « immaculée» par la sainteté. « Mienne » à tous ces points de vue. « Ouvrez-moi. » Accomplissez ce que vous faites, ouvrez-moi. Pour vous, je suis à l'intérieur, mais ouvrez-moi en ceux dans lesquels je me trouve encore dehors. Ouvrez leur la porte, invitez-les, introduisez-les dans l'enceinte du tabernacle admirable. Frappez, que s'ouvre pour vous une entrée grande et très-visible, comme s'exprime saint Paul, qu'une porte s'élargisse pour conduire vos paroles de persuasion jusqu'au fond de leur coeur. (I. Cor. XVI, 9.) Pénétrez chez eux afin de les conduire ensuite chez vous. Sortez vers eux afin qu'ils rentrent chez vous, eux qui au-dehors ont leurs sentiments gelés en leurs âmes. Rachetez la fatigue de votre sortie par la conversion des autres. Que dites-vous? « Je me suis dépouillée de ma tunique, comment m'en revêtirai-je? Que dites-vous? J'ai lavé mes pieds, comment les souillerai-je de nouveau? » (Is. 59.) Vous vous êtes dépouillé de votre tunique, de la tunique des soucis de la chair, tunique certainement pesante et peut-être souillée. Vous avez déposé votre tunique, revêtez-vous de la mienne. Le zèle de ma maison vous dévore : eh bien, selon Isaïe, prenez le manteau du zèle. (Is. LIX, 17.) Pressez, réprimandez, prêchez, suppliez à temps et à contre temps. (II. Tim. IV, 2.) Marcher dans ce chemin, ce n'est pas souiller ses pieds. Si quelque poussière s'y attache, secouez-la de vos chaussures. Le prophète Isaïe ne recommande pas d'avoir les pieds tachés, mais de les avoir beaux lorsqu'il dit : qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent les biens !(Is. LII, 7.) N'hésitez pas, que l'exemple de ce que j'ai fait vous excite. Que la main agisse s'il vous fait peine de parler. Je suis jaloux, ayez aussi du zèle pour moi. Quittez le doux repos, et mêlez-vous un peu de mes affaires. Quiconque milite pour Dieu, doit, quand il en reçoit l'ordre, se trouver dans ses intérêts. Lorsque j'étais riche, je suis devenu pauvre pour tous, égal à Dieu, je me suis anéanti prenant la forme d'un serviteur. Je suis mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux, mais pour moi. 8. Considérant ce dévouement dans son époux et excitée au zèle par de si puissants exemples, l'épouse s'exprime en ces termes : « Mon bien-aimé a fait passer sa main par la porte et à son toucher mes entrailles se sont émues. » Par la porte étroite il a fait passer jusqu'à moi, les exemples de sa pauvreté, de ses souffrances, de sa mort et de ses oeuvres. Tout cela me touche, tout cela m'agite. Car l'émotion de l'âme est l'ébranlement des entrailles. Entendez l'effet que produit ce mouvement. Voici ce qu'on lit à la suite :, « je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé. » Ecoutez et comprenez ceci, vous qui courrez si précipitamment et si hardiment aux honneurs de l'Eglise. Car l'épouse, à qui sont adressées toutes les tendres paroles de ce Cantique, s'approche lentement et avec hésitation, même après qu'on l'a eu appelée soeur, très-proche, colombe, immaculée. Considérez si toutes ces grâces sont réunies en vous : si vous les y trouvez, craignez de les perdre, si elles n'y sont pas, craignez davantage de ne pas les recevoir. Examinez après combien d'invitations et d'éloges, elle dit : « Je me suis levée pour ouvrir à mon bien-aimé. » Tenez pour chose vaine de vous lever avant d'être appelé, vous qui mangez le pain de la sainte délectation et qui buvez le vin dont il a été dit plus haut : « mangez, mes amis, et buvez et enivrez-vous, ô mes bien-aimés. » Que ce soit chose vaine et même redoutable de quitter votre place avant d'être appelé, quand vous dormez votre doux sommeil, sans attendre que l'époux vous dise : « ouvrez-moi. » Que la voix de l'ambition, de l'avarice, de l'inquiétude, de l'orgueil n'excite pas votre esprit et ne le trompe point par de fausses douceurs. Que de tels accents soient inconnus de vos oreilles, que ce ne soient pas eux qui vous engagent à faire le bien : ne vous levez qu'à la voix de votre bien-aimé, qui vit et règne, etc.
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