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SERMON CCXLI. POUR LA SEMAINE DE PAQUES. XII. RÉSURRECTION DES MORTS : OBJECTIONS.

 

277

 

ANALYSE. — L'étude de la nature et surtout l'étude de l'homme a conduit jusqu'à la connaissance de Dieu les philosophes païens, et leur crime n'est pas de l'avoir ignoré, mais de ne l'avoir pas servi et d'avoir adoré les idoles. Or en examinant ce qu deviendrait l'homme après la mort, ces philosophes se sont imaginé qu'une fois séparée du corps l'âme du juste oublierait botes les souffrances de la vie , jouirait du bonheur au ciel et plus tard se réunirait au corps. Système bizarre et rempli de contradictions. 1° Ce qui prouve que l'âme alors n'oublie pas tout, c'est qu'elle désire se réunir à quelque corps : elle a donc gardé le souvenir des corps. 2° Virgile l'appelle malheureuse : elle l'est effectivement, à cause de son ignorance, si elle ne connaît pas les maux qui l'attendent de nouveau sur cette terre ; à cause de ses connaissances, si elle entrevoit ce qu'elle y doit endurer. Pour combattre notre croyance à la résurrection; ces philosophes font une seconde objection : Ils disent que l’âme doit fuir à jamais la matière. Mais d'après eux-mêmes le monde matériel est animé et éternel ; d'après eux encore ces astres sont le séjour et comme le corps de certains esprits, et de plus ces astres sont immortels : deux preuves péremptoires de la fausseté de leurs principes. Il nous reste pour le prochain discours d'autres objections à examiner.

 

1. La résurrection des morts est une croyance spéciale des chrétiens. Le Christ notre Chef a montré dans sa personne un modèle de cette résurrection : c'est un exemple vivant pour autoriser notre foi et pour déterminer les membres à espérer ce qu'ils voient réalisé â ans leur Chef.

Nous vous disions hier que ces sages de la Gentilité que l'on appelle philosophes, que surtout les premiers d'entre eux ont cherché il pénétrer les mystères de la nature et qu'à la vue de ses oeuvres ils sont parvenus à en connaître l’Auteur (1). Ils n'ont ni entendu les prophètes, ni reçu la loi de Dieu; mais sans rompre le silence Dieu leur a,parlé en quelque sorte par les merveilles de l'univers, dont la beauté les excitait à en rechercher le Fondateur; et jamais ils n'ont pu se persuader. que le ciel et la terre se maintinssent par eux-mêmes. C'est d'eux que parle en ces termes le bienheureux apôtre Paul : « La colère de Dieu, dit-il, éclate du haut du ciel sur toute d'impiété ». — « Sur toute l'impiété? » Qu'est-ce à dire? C'est-à-dire que du haut du ciel éclate la, colère divine, non-seulement sur la tête des Juifs qui ont reçu la loi et qui en ont offensé l'Auteur, mais encore sur tous les Gentils livrés à l'impiété. Qu'on ne demande pas pourquoi ces menaces adressées aux Gentils, puisqu'ils n'ont pas reçu la Loi? Car

 

1. Voir serm.CCXL.

 

l'Apôtre ajoute : « Et sur toute l'iniquité de ces hommes qui retiennent la vérité avec injustice ». Veux-tu savoir,.de quelle vérité il est ici question, puisque ces Gentils n'ont ni reçu la loi, ni entendu un, seul prophète? Apprends-le : « Car ce qu'on peut connaître de Dieu, poursuit l'Apôtre, leur est connu ». Comptent? Le voici encore : « C'est que Dieu le leur a manifesté ». Mais de quelle manière le leur a-t-il manifesté, puisqu'il ne leur a point donné sa loi? Ecoute : « En effet ses perfections invisibles, rendues compréhensibles depuis la formation du monde par ce qui a été fait, sont devenues visibles ». — « Ses perfections invisibles », celles de Dieu; « depuis la formation du monde », depuis que lui-même a formé le monde; « rendues compréhensibles par ce qui a été fait, sont devenues visibles » quand évidemment on comprend la création ; « aussi bien » ce sont toujours les paroles de l'Apôtre que je cite ; « aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité » sous-entendu, sont rendues compréhensibles et visibles. « De sorte qu'ils sont inexcusables ». Pourquoi inexcusables

« Parce que connaissant Dieu ils ne l'ont ni glorifié comme Dieu ni remercié ». Il ne dit pas : Parce qu'ignorant Dieu, mais parce que « connaissant Dieu ».

2. Comment l'ont-ils connu? Par ses oeuvres. Interroge la beauté de la terre, la beauté de la mer, la beauté de cette vaste et immense (278) atmosphère, la beauté du ciel; interroge l'harmonie qui règne parmi les étoiles, le soleil qui éclaire le jour par ses rayons, la lune qui diminue les ténèbres de; la nuit qui succède. au jour, les animaux qui se meuvent dans les eaux, ceux qui vivent sur la terre et ceux qui volent dans les airs, tant d'âmes qu'on ne voit pas et tant de corps qui frappent les regards, tant d'êtres visibles qu'il faut diriger et tant d'êtres invisibles qui les dirigent; interroge tout cela. Tout ne répond-il pas : Regarde, admire notre beauté? Leur beauté même est une réponse. Or, qui a fait ces beautés muables, sinon l'immuable Beauté?

Afin aussi de s'appuyer sur l'homme lui-même pour s'élever jusqu'à la connaissance du Créateur de l'univers entier, ils ont examiné les deux parties de son être, le corps et l'âme. C'était examiner ce qu'ils portaient, le corps qu'ils voyaient, l'âme qu'ils ne voyaient pas et sans laquelle toutefois il leur était impossible de voir le corps. L'oeil sans doute était pour eu- l'organe de la vue, mais au dedans il y avait quelque chose pour regarder par cette ouverture. Aussi cette maison tombe en ruines quand en est sorti celui qui l'habite, ces membres se dissolvent quand est parti celui qui les dirige, et c'est parce que le corps tombe ainsi en décomposition qu'il prend le nom de cadavre : cadit, cadavre. Mais quoi ? Les yeux ne sont-ils pas encore intacts? Ils sont ouverts, et pourtant ils ne voient pas. Voilà des oreilles, plus personne pour entendre; voilà une langue, plus de musicien pour la mettre en mouvement. Les philosophes ont donc interrogé ces deux parties d'eux-mêmes, le corps visible et l'âme invisible; et ils ont constaté que la partie invisible l'emporte sur la partie visible, que l'âme qui se dérobe aux regards vaut mieux que le corps qui frappe le regard. Ils ont vu, ils ont sondé, ils ont apprécié ces deux substances et de plus ils ont reconnu que toutes deux sont muables considérées dans l'humanité. Que de changements n'impriment pas au corps là succession des âges, la maladie, la nourriture, le rétablissement et l'épuisement, la vie et la mort? Quant à l'âme reconnue par eux bien supérieure et admirée tout invisible qu'elle fût, il ont également surpris en elle des changements incontestables, car elle va du vouloir au non-vouloir, de la science à l'ignorance, du souvenir à l'oubli, de la crainte à l'audace, de la sagesse à la folie. Puisqu'elle aussi est muable, on ne devait pas s'arrêter à elle; aussi ces philosophes ont-ils passé outre pour rechercher ce qui est immuable.

3. C'est ainsi qu'au moyen de ses oeuvres ils sont parvenus à connaître Dieu. « Mais ils ne l'ont ni honoré ni remercié comme Dieu », dit encore l'Apôtre. « Au contraire, ils se sont évanouis dans leurs pensées et leur coeur insensé s'est obscurci ; car en prétendant être sages ils sont devenus fous ». En s'attribuant ce qui leur avait été donné, ils ont perdu ce qu'ils possédaient ; en se disant grands hommes, ils ont perdu la raison, Et jusqu'où sont-ils descendus ? « Et ils ont a échangé la gloire de Dieu incorruptible contre une apparence d'image représentant l'homme corruptible ».       Voilà l'idolâtrie. Toutefois, ce n'était pas assez de fabriquer des idoles représentant l'homme, ni d'abaisser l'Ouvrier divin jusqu'à le comparer à son oeuvre ; non, ce n'était pas assez. Qu'a-t-on fait encore ? Représentant aussi « des oiseaux  et des quadrupèdes et des serpents (1) ». C'est que de ces animaux muets et sans raison ces grands esprits se sont fait des dieux. Je te reprochais d'adorer la ressemblance d'un homme ; que ne ferai-je pas maintenant que tu adores l'image d'un chien, l'image d'une couleuvre, l'image d'un crocodile? Voilà pour tant où sont descendus ces sages ! Plus ils se sont élevés en cherchant, plus en tombant ils sont descendus bas. C'est que plus l'élévation est considérable, plus la chute est profonde.

4. Donc, comme je vous le rappelais hier, ces sages ont cherché à savoir ce qu'ils deviendraient ensuite; ensuite, c'est-à-dire après cette vie. Mais ils ont fait cette recherche en hommes, comment donc auraient-ils pu aboutir ? Sans les enseignements de Dieu, sans les enseignements des prophètes, ils n'ont pu rien découvrir d'authentique et ils ont été réduits à des conjectures que je vous ai rapportées hier. Les âmes perverses quittent le corps, disent-ils, et, comme elles sont impures, elle, rentrent aussitôt dans des corps différents; tandis que pour avoir pratiqué la vertu, les âmes des sages et des justes prennent leur essor vers le ciel en quittant les organes. — A merveille ! voilà pour elles un séjour convenable, puisque leur essor les conduit jusqu'au

 

1. Rom. I, 18-23.

 

279

 

ciel. Qu'y deviennent-elles ? — Elles y resteront, continuent-ils, et se reposeront dans la société des dieux, ayant pour trônes les étoiles. — Ce n'est point là une habitation indigne d'elles; ah ! laissez-les maintenant, ne les faites pas tomber. Cependant, poursuivent-ils, après une longue période, après avoir perdu tout souvenir de leurs anciennes souffrances, le désir de se réunir aux corps se, réveille en elles ; leur plaisir est donc de redescendre, et de fait elles redescendent pour endurer tant d'afflictions, pour oublier Dieu, pour blasphémer contre lui , pour l'abandonner aux convoitises des sens, pour lutter contre les passions charnelles. Ah ! quels espaces elles ont franchis pour se plonger dans cet abîme de maux ! Pour quel motif ? dis-le moi. — Parce qu'elles avaient tout oublié. — Si elles ont oublié tous ces maux de la terre, que n'ont-elles oublié encore les plaisirs des sens ! Hélas ! c'est l'unique chose dont elles n'ont pas perdu le souvenir ; de 1a leur chute profonde. Pourquoi en effet reviennent-elles? Parce qu'elles aiment à demeurer de nouveau dans des corps. D'où leur vient cette inclination, sinon du souvenir d'y avoir séjourné antérieurement? Efface en elles tout souvenir, tu parviendras peut-être à leur conserver la sagesse; ne laisse en elles rien qui les rappelle ici.

5. L'un d'entre eux pourtant a eu horreur de cette doctrine. On lui montrait, ou plutôt il supposait que, dans les enfers un père montrait à son fils. Vous connaissez cela presque tous, et plaise à Dieu qu'un petit nombre seulement le connaissent parmi vous ! Mais si vous êtes peu pour avoir appris à la lecture, combien n'avez-vous pas appris au théâtre qu'Enée descendit aux enfers et que son père lui montra les âmes des Romains illustres qui devaient reprendre des corps. Enée même en fut épouvanté, et s'écria: « Peut-on croire, ô mon père, qu'il y ait quelques-unes de ces grandes âmes pour remonter jamais sous le ciel et reprendre le lourd fardeau de leur corps? » Peut-on croire qu'une fois parvenues au ciel, elles le quittent ? « Eh ! d'où vient à ces malheureuses un désir si cruel de revoir la lumière (1)? » Le fils comprenait mieux que ne l'instruisait son père. Il blâme l'inclination qu'éprouvent ces âmes de se réunir à des

 

1. Virg. Enéid. liv. VI, V.719-721.

 

corps ; il traite cette inclination de cruelle, et ces âmes de malheureuses, et il le fait sans rougir.

Et vous, philosophes, si vous êtes parvenus à purifier ces âmes, à les purifier souverainement et jusqu'à leur faire tout oublier, c'est pour les ramener, par cet oubli de nos misères, à les partager de nouveau. Ah ! dites-le moi, je vous en prie, ors même que votre système serait fondé, ne vaudrait-il pas mieux l'ignorer ? Oui, quand même serait vrai ce système, lequel est sûrement aussi faux que honteux, ne vaudrait-il pas mieux y être étranger ? Tu me diras sans doute : A l'ignorer, tu ne seras pas un sage. Pourquoi ne l'ignorer pas ? Puis-je actuellement être meilleur que je ne serai au ciel ? Mais au ciel, quand je serai meilleur et plus 'parfait , j'oublierai , j'ignorerai complètement; quoique meilleur, tout ce que j'ai appris dans ce monde; permets donc que dès maintenant je l'ignore. Tu prétends qu'au ciel on oublie tout; laisse-moi sur terre ignorer tout.

Dis-moi encore, je te prie : Ces âmes savent-elles ou ne savent-elles pas dans le ciel qu'elles doivent passer encore par les misères de cette vie ? Réponds ce que tu voudras. Si elles savent qu'elles doivent endurer encore tant de maux, comment, avec la pensée des douleurs qui les attendent, peuvent-elles être bienheureuses ? Comment peuvent-elles jouir de la félicité quand elles n'ont point de sécurité ? Mais je te comprends, tu vas me répondre qu'elles ne le savent pas. Donc tu crois estimable dans le ciel l'ignorance où tu ne veux pas me laisser sur la terre, puisque tu m'enseignes maintenant ce que d'après toi je ne saurai plus alors. Elles n'en savent rien, dis-tu. Si elles n'en savent rien, si elles ne pensent pas qu'elles souffriront encore, il s'ensuit,que leur félicité est fondée sur l'erreur: En effet, elles,croient n'avoir pas à souffrir ce qu'elles souffriront ; mais croire ce qui est faux, n'est-ce pas être dans l'erreur ? Il est donc bien vrai que leur félicité sera fondée sur l'erreur, que leur bonheur viendra, non de l'éternité, mais de la fausseté. Ah ! que la vérité nous affranchisse, afin que nous puissions être vraiment heureux, car ce n'est pas sans motif que notre Rédempteur a dit . « Si la vérité vous délivre, vous serez libres véritablement ». — C'est bien de lui encore que viennent ces paroles : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes (280) disciples, et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous délivrera (1) ».

6. Ecoutez encore une autre conséquence, conséquence plus affreuse, conséquence déplorable, ou plutôt ridicule. Toi qui es un sage, toi qui es un philosophe, j'entends,un philosophe de la terre, tel par exemple que Pythagore, Platon, Porphyre et je ne sais quel autre de ce mérite, pourquoi fais-tu de la philosophie ? En vue, répond-il, de la,vie bienheureuse. — Quand jouiras-tu de cette vie bienheureuse ? — Lorsque j'aurai laissé ce corps sur la terre. — Maintenant donc tu mènes une vie malheureuse, mais tu espères la bienheureuse vie ; au lieu que tu jouiras alors de la vie bienheureuse, mais avec l'espoir de la vie malheureuse. Ne s'ensuit-il pas que le bonheur est dans l'attente du malheur, et le malheur, du bonheur ? Repoussons de telles absurdités ; soit en en riant puisqu'elles ne sont que des chimères, soit en les déplorant à cause de l'importance qu'on y attache ; car il faut le dire, mes frères, ce sont là les grandes extravagances des grands savants. Ah ! ne vaut-il pas mieux nous attacher aux grands mystères des grands saints ? On dit que pressés par l'amour des sens, les âcres purifiées, réformées, devenues sages, s'unissent de nouveau à des corps. Voilà donc où se porte l'affection d'une âme ainsi purifiée ! Quelle putréfaction que cet amour !

7. Il faut donc s'éloigner absolument de tous les corps ? Un de leurs grands philosophes, un philosophe qui a vécu depuis l'établissement de la foi chrétienne, dont il s'est montré le violent ennemi, tout en rougissant de leurs extravagances et en s'améliorant sous quelques rapports au contact des chrétiens, Porphyre a dit et écrit dans ces derniers temps Tout corps est à fuir.          Tout corps, dit-il ; comme si tous les corps étaient pour l'âme des liens douloureux. Mais si tout corps absolument est à fuir, comment admirer un corps quelconque devant Porphyre ? comment, d'après l'enseignement de Dieu même, notre foi vante-t-elle la beauté des corps ? Il est vrai que le corps que nous portons maintenant est pour nous un instrument d'expiation, et en s'épuisant il est pour l'âme un fardeau (2) ; n'y voit-on pas toutefois une beauté spéciale, l'harmonie entre les membres, des serfs parfaitement

 

1. Jean, VIII, 30, 31, 32. — 2. Sag. IX, 15.

 

distincts ? Il se tient debout et présente à l'attention une infinité d'observations qui ravissent. Ce corps néanmoins deviendra de plus complètement incorruptible, complètement immortel ; il sera d'une souplesse et d'une agilité merveilleuse.

Pourquoi me vanter un corps quelconque? reprend Porphyre ; si l'âme veut être heureuse, tout corps pour elle est à fuir. — Voilà ce que répètent ces philosophes; mais c'est de l'égarement, c'est du déliré. Je me hâte de le prouver, je ne veux pas discuter longuement.

En effet, tout attribut doit avoir un sujet; l'attribut et le sujet sont deux choses inséparables. Aussi, Dieu étant au-dessus de tout, a tout pour sujet. Si donc l'âme a quelque valeur devant Dieu, ne doit-elle pas avoir aussi quelque chose pour sujet ?

Mais je ne veux pas insister sur cette preuve. J'ouvre vos écrits; vous y enseignez que ce monde, que le.ciel, la terre, les mers, tous ces corps immenses, tous ces éléments répandus partout; que tout cet univers composé de tous ses éléments est un animal gigantesque; qu'il a son âme, quoiqu'il n'ait pas de sens corporels, puisqu'extérieurement il est insensible; qu'il a son intelligence et que par elle il s'unit à Dieu; vous dites encore que cette âme du monde porte le nom de Jupiter ou celui d'Hécate et qu'elle est comme l'âme universelle qui dirige le monde et qui fait de lui un animal immense. Vous ajoutez que ce même monde est éternel, qu'il existera toujours et ne finira jamais. Or, si ce monde est éternel, s'il doit subsister toujours ; si de plus il est un animal et que son âme doive rester toujours en lui; comment dire encore que tout corps est à fuir ? pourquoi donc répétais-tu qu'il faut fuir tout corps ? Je soutiens , moi, que les âmes bienheureuses auront éternellement des corps incorruptibles. Mais toi qui cries que tout corps est à fuir, tue donc le monde. Tu veux que je fuie ma chair; que ton Jupiter fuie d'abord et le ciel et la terre.

8. Ne savons-nous pas encore que dans un livre écrit par lui sur la formation du monde, Platon, le maître de tous ces philosophes, nous montre Dieu comme l'Auteur des dieux, comme ayant également formé les dieux du ciel, tous les astres, le soleil, la lune ? Il dit donc que Dieu a fait les dieux célestes; que les étoiles mêmes ont des âmes intelligentes qui (281) connaissent Dieu et des corps matériels qui frappent nos regards.

Maintenant, pour arriver à vous faire comprendre ma pensée : N'est-il pas vrai que ce soleil que vous voyez serait invisible s'il n'était un corps? —  C'est incontestable. — N'est-il pas vrai qu'on ne verrait ni la lune ni aucune étoile si également elles n'étaient un corps? Parfaitement vrai. Aussi l'Apôtre dit-il lui-même : « Il y a et des corps célestes, et des corps terrestres »; il ajoute : « Autre est l'éclat des célestes, et autre l'éclat des terrestres ». Il dit encore, à propos de cet éclat des corps célestes : « Autre est la clarté du soleil, autre la clarté de la lune, et autre la clarté des étoiles; car une étoile diffère d'une autre, étoile en clarté. Ainsi en est-il de la résurrection des morts (1) ». Ce qui vous montre que l’éclat même est promis aux corps des saints, et un éclat proportionné aux divers mérites de la charité. Que prétendent de leur côté les philosophes? Ces étoiles que vous voyez, disent-ils sont bien des corps, mais elles ont des âmes intelligentes: ce sont des divinités. Il est vrai, ils peuvent assurer que ces étoiles ont des corps. Ont-elles des âmes intelligentes? Pourquoi l'examiner? Occupons-nous à notre question.

Platon lui-même nous représente Dieu adressant la parole à ces dieux qu'il a tirés

 

1. I Cor. XV, 40-42.

 

d'une substance corporelle et d'une substance spirituelle, et leur disant entre autres choses « Puisque vous avez commencé, vous n'êtes ni « immortels ni indissolubles ». A ces mots, ne pouvaient-ils pas trembler ? —  Pourquoi ? —  Parce qu'ils aspiraient à être immortels et ne voulaient pas consentir à la mort. Afin donc de leur ôter cette crainte, il poursuit : « Vous ne tomberez pas toutefois en décomposition, les arrêts de la mort ne pourront vous atteindre, ils ne l'emporteront pas sur ma volonté, laquelle sera plus puissante pour vous conserver l'immortalité que ces arrêts qui ont empire sur vous ». C'est ainsi que Dieu tranquillise les dieux qu'il a faits ; il leur assure ainsi l'immortalité et s'engage à ne leur laisser pas quitter ces globes lumineux qui forment leurs corps. Et tout corps est à fuir ?

Je le crois et vous le voyez, nous avons répondu aux philosophes; nous leur avons répondu autant que nous le permettaient, et nos propres forces, et le temps destiné à vous entretenir, et votre intelligence. Quelles sont maintenant les raisons les plus pénétrantes, les raisons selon eux irréfutables qu'ils élèvent contre la résurrection des corps? Ce serait trop de vous les exposer aujourd'hui. Néanmoins, comme je vous ai promis l'autre jour de traiter à fond, durant cette semaine, la question de la résurrection de la chair, préparez pour demain, avec la grâce de Dieu, vos oreilles et vos coeurs à entendre ce qui reste à dire encore.

 

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