SERMON CCLXXXIV
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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SERMON CCLXXXIV. LES SAINTS MARTYRS MARIEN ET JACQUES. DE DIEU NOUS VIENT LA PATIENCE.

 

ANALYSE. — 1° N'oublions pas, en louant les martyrs, de faire remonter jusqu'à Dieu la constance qu'ils ont montrée au païen des tourments; car c'est de Dieu que vient la patience, comme de lui viennent les autres dons faits aux hommes : l'Écriture ne cesse de le redire. 2° Afin donc de pratiquer la patience, les martyrs ont retiré leurs pensées de cette multitude d'objets où des se sont égarées depuis le péché, et ils ont fixé leur attention sur les délices que procure la possession de Dieu. C'est par là qu’ils  ont remporté une victoire si complète, que l'Église se recommande à leurs prières au lieu de prier pour eux. La victoire complète en effet est de triompher des tourments comme en a triomphé Jésus-Christ, pour nous servir de modèle. Par conséquent, n’imitons pas la présomption de Pierre, car elle l'a perdu; et demandons au Sauveur, dont le regard l'a converti, la patience dont nous avons besoin.

 

1. C'est aujourd'hui le moment de nous acquitter, avec la grâce de Dieu, de ce que nous devons. Quand les débiteurs sont d'aussi bonne volonté, pourquoi cette agitation parmi les créanciers ? Que tous les esprits soient tranquilles, et chacun pourra profiter de ce que nous déboursons.

C'est des souffrances et de la gloire des saints martyrs que nous devons vous parler. Puisqu'ils ont souffert avec tant de gloire, ne nous prêchent-ils pas la patience ? Ils avaient affaire ides multitudes en fureur; ayons affaire, nous, à des peuples bien disposés, car nous avons été témoins de leur foi. Il nous faut louer la constance des martyrs ; mais quelle éloquence suffirait à cet éloge? Comment exprimer par ma parole ce qu'a déjà produit la foi dans ses coeurs ?

D'où vient donc cette grande vertu de patience ? D'où vient-elle, sinon de l'auteur de tout don excellent ? Et quel est l'auteur de tout don excellent, sinon l'auteur de tout don parfait ? Aussi est-il dit dans l'Écriture : « La patience produit une oeuvre parfaite. Tout don excellent et tout don parfait descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement ni ombre de vicissitude (1) » . C'est de la source immuable que descend la patience dans l'esprit muable de l'homme pour le rendre immuable. Comment l'homme peut-il plaire à Dieu, sinon par la grâce de Dieu ? Comment l'homme peut-il bien vivre, sinon en puisant à la fontaine de vie ? Par quoi l'homme peut-il être éclairé, sinon par l'éternelle lumière ? « Car c'est en vous, dit le prophète, qu'est la source de vie. — En vous » ; je pourrais dire

 

1. Jacq. I, 4, 17.

 

que la vie vient de moi, mais en parlant ainsi je me séparerais de vous. « C'est donc en vous qu'est la source de vie. — A votre lumière » encore, et non pas à la nôtre,  « nous verrons la lumière (1) ». Donc « approchez de lui, et vous serez éclairés (2)». Il est la source de vie approche, bois et vis. Il est la lumière, approche, saisis et vois. En ne buvant pas à cette fontaine, tu seras dans l'aridité.

2. Aussi est-ce là qu'ont puisé, qu'on bu nos martyrs; c'est là qu'ils se sont enivrés pour ne plus reconnaître leurs proches. Combien n'y a-t-il pas en effet de ces saints martyrs que leurs proches ont travaillé à séduire par leurs caresses, aux approches de leur passion, et de rappeler aux vaines et fugitives jouissances de cette vie temporelle ? Mais eux, après avoir bu avec avidité à cette source qui jaillit du sein de Dieu et s'être saintement enivrés, ne pouvaient que confesser le Christ ; ils ne reconnaissaient plus ces parents charnels qu'ils voyaient troublés par le vin de l'erreur, épris pour eux d'un amour aveugle et s'appliquant par leurs caresses à les détourner de la vie véritable, ils ne faisaient plus attention à eux.

            Telle n'était point la mère de Marien ; cette sainte femme n'était point du nombre de ces parents qui travaillent à persuader l'erreur, à flatter la chair, à témoigner un amour trompeur. Elle ne portait pas un vain nom, ce n'est pas en vain qu'elle s'appelait Marie. Sans doute elle n'était pas vierge, elle n'avait pas été fécondée par le Saint-Esprit; mais c'est en conservant sa pudeur qu'avec le concours de son mari elle était devenue mère d'un tel fils; et au lieu de l'en détourner par de perfides caresses, elle l'animait plutôt, par ses encouragements, à marcher vers l'éclatante gloire du martyre. Vous êtes donc sainte aussi, ô Marie : si vous n'avez pas tout le mérite de votre homonyme, vous en avez les désirs; vous aussi vous êtes bienheureuse. Elle a donné le jour au Chef des martyrs ; vous avez mis au monde un martyr de ce Chef. Elle est devenue la Mère du Juge souverain ; et vous, la mère d'un témoin de ce Juge.. Enfantement fortuné ! cœur plus fortuné encore ! Vous gémissiez en devenant mère; vous triomphiez de bonheur en perdant votre fils. Vous gémissiez en devenant mère ? Vous triomphiez en perdant votre fils ? Pourquoi cela ? Ah ! ce n'est point sans

 

1. Ps. XXXV, 10. — 2. Ps. XXXIII, 6.

 

raison; car vous ne le perdiez réellement pas. Vous ne souffriez point alors, parce que vous aviez la foi : c'est cette foi toute spirituelle qui éloignait de votre cœur la douleur charnelle. Vous saviez que vous ne perdiez pas votre fils, mais que vous l'envoyiez en avant; tout votre bonheur eût été de le suivre.

3. Nous admirons, nous louons, nous aimons de tels sentiments. O fortunés martyrs, qui vous les a inspirés ? Je sais que vous avez des coeurs d'homme; d'où vous viennent ces sentiments divins ? Selon moi, c'est de Dieu. Qui oserait dire que c'est de vous ? Qui voudrait vous perdre en vous donnant de fausses louanges ? On vous dirait que c'est de vous? Répondez: « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme ». On vous dirait que c'est de vous? Répondez, si vous êtes doux; répondez: «Dans le Seigneur se glorifiera mon âme» ; répondez encore, au milieu du peuple de Dieu: «Que les hommes doux prêtent l'oreille et soient dans l'allégresse (1) ». On vous dirait que c'est de vous ? Répondez : « L'homme ne peut rien recevoir qui ne lui ait été donné du ciel (2) ». D'ailleurs à vous comme à nous le Seigneur Jésus a dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire (3) ». — « Sans moi vous ne pouvez rien faire ». C'est à vous également que s'adressent ces mots : reconnaissez le langage de votre Pasteur, évitez les flatteries du séducteur : je sais que vous déplait cet orgueil impie, inique, ingrat. Saints martyrs, vous avez souffert pour le Christ; mais c'est à vous et non au Christ qu'ont profité vos souffrances. Que vous manquerait-il, dit-on, si vous n'aviez pas reçu? Ah ! repoussez loin de vous ce poison du serpent ennemi. La langue qui parle ainsi est celle qui a dit : « Vous serez comme des dieux (4) ». C'est l'ingratitude du libre arbitre qui a jeté l'homme dans l'abîme: que l'arbitre délivré dise maintenant au Seigneur : « Vous êtes, Seigneur, la patience d'Israël (5) ».

Pourquoi tant d'orgueil, infidèle ? Tu supposes, en,louant la patience des martyrs, que c'est par eux-mêmes qu'ils sont patients? Ecoute plutôt l'Apôtre, le Docteur des Gentils et non le séducteur des infidèles. Tu loues donc dans les martyrs leur patience pour le Christ et tu la leur attribues ? Ecoute plutôt l'Apôtre s'adressant aux martyrs et apaisant le coeur des hommes. Ecoute-le, il dit: « Car il

 

1. Ps. XXXIII, 3. — 2. Jean, III, 27. — 3. Ib. XV, 5. — 4. Gen. III, 5. — 5. Jér. XVII, 15.

 

vous a été donné pour le Christ ». Ecoute : c'est la piété qui exhorte, ce n'est pas l'adulation qui séduit : « Il vous a été donné ». Remarque ce mot : donné. « Il vous a été donné pour le . Christ, non-seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui (1). — Il vous a été donné ». Que peut-on ajouter à ces mots ? « Il vous a été donné » : reconnais que c'est un don, pour n'être pas dépouillé si tu venais à usurper. « Il vous a été donné pour le Christ ». Pour le Christ, quoi, sinon de souffrir? Ce n'est pas une simple conjecture , écoute ce qui suit : « Non-seulement de croire en lui » : cette foi est aussi un don , ce n'est pas le seul; « mais aussi de souffrir pour lui », cela aussi vous a été donné ». Tourne le dos , martyr, à ce flatteur ingrat et infidèle; regarde ton Bienfaiteur généreux et attribue à Dieu le privilège d'avoir souffert pour lui, sans toutefois que tu lui aies offert ce qui vient de toi; dis-lui plutôt : « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme; que les hommes doux, prêtent l'oreille et soient dans l'allégresse ». Si on demande à ce martyr : Que signifie : « Dans le Seigneur se glorifiera mon âme ? » N'est-ce pas te glorifier en toi ? Il répondra : « Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu ? C'est de lui que me vient ma patience (2) » . pourquoi ma patience ?. Parce que j'ai ouvert mon coeur et que je l'ai reçue avec joie. C'est ainsi qu'elle, est de lui et de, moi ; elle est à moi d'autant plus sûrement que, j'avoue qu'elle vient de lui: Elle est à moi, mais je ne la tiens pas de moi. Pour garder le bienfait, je reconnais mon divin Bienfaiteur. Si je ne le reconnais pas, il me reprend le bien qu'il m'a donné, et par la faute de mon libre arbitre je reste avec le mal qui vient de moi.

4. Il est dit dans un livre digne de foi : « Dieu a fait l'homme droit, et les hommes se sont jetés d'ans des pensées sans nombre (3) . — Dieu a fait l'homme droit, et les hommes » :  comment, sinon. par leur libre arbitre ? « Et les hommes se sont, jetés dans des pensées sans nombre ». Après avoir dit que « Dieu a fait d'homme droit », l'écrivain sacré n'ajoute pas, comme on pouvait s'y attendre : Et les hommes se sont jetés dans des pensées perverses ou dans des pensées injustes , mais : « dans des pensées sans nombre ». A cause de cette multitude de pensées, « le corps qui se

 

1. Philip. I, 29. — 2. Ps. LXI, 6. — 3. Ecclé. VII, 30.

 

corrompt, appesantit l'âme, et cette habitation terrestre abat l'esprit livré à la multitude de ses pensées (1) ». Que Dieu nous délivre de cette multitude de pensées humaines; qu'il nous élève vers l'unité pour nous rendre un en lui au lieu de la multitude divisée que nous sommes. Qu'il nous embrase du feu de sa charité, pour nous attacher à lui dans l'unité d'un même coeur, pour ne pas nous laisser tomber de l'unité dans la division ni nous laisser aller à tout vent quand nous aurions laissé l'unité. C'est effectivement de cette unité que parlait l'Apôtre quand il disait: « Mes frères, je ne crois pas avoir atteint encore » ; quoi? «L'unité » Qu'elle unité? «Oubliant ce qui est en arrière, je m'étends et je marche vers ce qui est en avant (2) ». C'est vers l'unité , vers l'unité que je marche, dit-il ; mais je ne crois pas y être parvenu, car le corps qui se corrompt abat l'esprit livré à la multitude de ses pensées.

Voilà de quel côté allaient les martyrs; pleins d'ardeur, ils ne s'inquiétaient pas du bruit de la multitude, parce qu'ils aimaient l'unité. Reconnaissez quel désir les animait : « J'ai demandé au Seigneur une seule chose. — « Une seule». Adieu, ô multitude du siècle; « j’ai demandé une seule chose»; sans aucun doute une seule béatitude, une seule félicité, la seule  raie et non la multitude des fausses. « J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la lui demanderai encore ». Quelle est cette, seule grâce? « C'est d'habiter dans la maison de Dieu tous les jours de ma vie ». Et pourquoi? « Pour y contempler les joies du Seigneur (3) ». Lorsque les saints martyrs réfléchissaient à ces joies, tous les maux, toutes les amertumes, toutes les cruautés n'étaient plus, rien à leurs yeux. C'était le plaisir opposé au plaisir, le plaisir encore opposé à la douleur; car ce plaisir luttait à la fois et contre les rigueurs et contre les caresses du monde. Ils répondaient : Pourquoi me flatter? Ce que j'aime a plus de charmes que ce que tu me promets. J'entends Dieu ou plutôt son Ecriture qui me dit : « Qu'elles sont immenses, Seigneur, les jouissances que vous tenez en réserve pour ceux qui vous craignent (4) » Ici sans doute c'est encore une multitude, mais dans le bon sens, une multitude où il n'y a point de désaccord,

 

1. Sag. IX, 15. — 2. Philip. III, 13. — 3. Ps. XXVI, 4. — 4. Ps. XXX, 20, 27

 

418

 

une multitude reposant sur l'unité. 

5. Ne vous étonnez donc pas de ceci, mes frères. Savez-vous à quel moment on fait mention des martyrs? L'Eglise ne prie pas pour eux; l'Eglise a raison de prier pour les autres fidèles défunts, endormis; elle ne prie pas pour les martyrs, elle se recommande plutôt à leurs prières, attendu qu'ils ont combattu fus qu'au sang contre le péché, ayant observé fidèlement cette parole de l'Ecriture : «Lutte pour la vérité jusqu'à la mort (1) ». Ils ont méprisé les promesses du mondé c'est peu; car c'est peu de dédaigner la mort, c'est peu, d'endurer des tourments; la victoire la plus glorieuse, la victoire coin pète est de, lutter jusqu'au sang.

Aussi bien pour tenter Notre-Seigneur, le prince des martyrs, l'ennemi commence par lui proposer ce qui le flatte : « Dis à ces pierres de se changer en pains. — Je te donnerai tous ces royaumes. — Voyons si les anges te recevront, car il est écrit : De peur que tu ne te blesses le pied contre la pierre ». Voilà bien les plaisirs du monde : le pain représente la concupiscence de la chair; la promesse des royaumes, l'ambition du siècle; l'excitation à la curiosité, la convoitise des yeux; tout cela vient du siècle, ce sont ses caresses et non ses rigueurs. Considérez le Chef des martyrs luttant pour 'nous apprendre a combattre, et nous soutenant dans sa miséricorde lorsque nous combattons. Pourquoi a-t-il souffert qu'on le tentât, sinon pour nous enseigner à résister au tentateur? Le monde te promet-il des voluptés charnelles?  Réponds-lui : Il y a plus de charmes en Dieu. Te promet-il des honneurs et des dignités profanes? Réponds : Rien n'est élevé comme le royaume de Dieu. Te promet-il de vaines et condamnables curiosités ? Réponds : Seule, la vérité de Dieu ne s'égare pas. Le Seigneur ayant subi cette triple tentation, par là raison que dans toutes les séductions du monde il y a toujours volupté, curiosité ou orgueil, que dit l'Evangéliste? « Toute tentation achevée »;  toute, c'est-à-dire toute tentation propre à flatter; car il restait un autre moyen de le tenter ; c'était de recourir à ce, qu'il y a de douloureux, de dur, de cruel, d'atroce, de plus affreux. Aussi l'Evangéliste sachant ce qui venait de se faire et ce qui devait se

 

1. Eccli. IV, 33.

 

faire encore, écrivit : « Toute tentation achevée, le diable s'éloigna de lui pour un temps (1) ». Il s'éloigna de lui , comme un serpent insidieux ; pour revenir à lui, comme un lion rugissant.   Mais il sera vaincu par Celui qui a foulé aux pieds le lion et le dragon (2). Il reviendra ,          il entrera dans Juda, et il en fera le traître de son Maître; contre lui il amènera les Juifs, non plus avec; des flatteries, mais avec dès menaces, et devenu maître de ses instruments, il criera parles lèvres de la multitude : « Crucifie-le, crucifie-le (3) ». Pourquoi nous étonner de voir ici encore le Christ victorieux ? N'était-il pas le Dieu tout-puissant?

6. C'est pour nous que le Christ a voulu souffrir. « Il a souffert pour vous, dit l'Apôtre, saint Pierre, en vous laissant son exemple, afin que vous marchiez sur ses traces (4) ». Il t'a appris à souffrir et c'est en souffrant qu'il te l'a appris. C'était trop peu de sa parole, s'il n'y avait joint son exemple. Mais quel exemple nous a-t-il, donné, mes frères? Il était suspendu à la croix, et les Juifs étaient remplis clé fureur contre lui; il était attaché par des clous aigus, mais sans rien perdre de sa douceur. Or, pendant qu'il était ainsi suspendu, contre lui ses ennemis se livraient à la fureur, ils vociféraient, ils le couvraient d'outrages. Il était au milieu d'eux comme leur unique et suprême médecin, et eux enrageaient contre lui de tous côtés comme des frénétiques. Tout suspendu qu'il fût, il les guérissait. « Mon Père, disait-il, pardonnez-leur, car, ils ne savent ce qu'ils font (5) ». Il priait ainsi, et pourtant il était sur la croix; il n'en descendait pas, car il formait avec son sang un remède pour ces furieux. Il priait et tout à la fois il exauçait sa prière compatissante, car s'il implorait son Père il exauçait avec lui. Or, Comme ses supplications ne pouvaient se répandre inutilement, il guérit âpres sa résurrection les égarés qu'il avait tolérés sur la croix. Il monta au ciel, il envoya l’Esprit-Saint ; s'il ne s'était pas montré à ces aveugles, mais seulement à ses disciples, fidèles, c'était pour ne paraître pas insulter en quelque sorte ses meurtriers. Ne valait-il pas mieux enseigner l'humilité à ses amis, que de reprocher des torts trop réels à ses ennemis ? Il ressuscita donc ; il fit plus alors que n'avaient demandé ces incrédules lorsque

 

1. Matt. IV, 1-11 ; Luc, IV, 1-13. — 2. Ps. CX, 13. — 3. Luc, XXIII, 21. — 4. I Pierre, II, 21. — 5 Luc, XXIII, 34.

 

d'un air injurieux, ils s'écriaient:« S'il est le Fils de Dieu, qu'il descende de la croix (1) ». Il ne voulut pas descendre de la croix et il sortit plein de vie du tombeau.

Il monta donc au ciel, il envoya delà. l'Esprit-Saint, il remplit de lui ses Apôtres, corrigea leur crainte et leur inspira la confiance. Ce fut alors qu'au lieu de continuer à trembler, Pierre acquit tout à coup l'énergie d'un prédicateur. D'où lui venait cette force? Examine Pierre quand il présume de lui-même, il renie; examine-le, quand Dieu lui vient en aide, il prêche. Si sa faiblesse a chancelé un instant, c'était pour abattre en lui la présomption et non pour détruire sa piété. Le Sauveur le remplit de son Esprit et fait de lui un prédicateur invincible. Il lui avait prédit , lorsqu'il présumait de lui-même , qu'il le renierait trois fois; c'est que Pierre comptait alors sur ses forces; il comptait, non sur la grâce de Dieu, mais sur son libre arbitre. Il s'était écrié effectivement : « Je resterai avec vous jusqu'à la mort (2) »; il avait dit, dans son abondance : «Jamais je ne fléchirai ». Mais Celui dont la bonne volonté lui avait donné ce courage généreux, détourna de lui sa face et il se troubla (3). « Le Seigneur, «est-il écrit, détourna sa face »; il montra Pierre a lui-même. Ensuite cependant il le regarda de nouveau et il affermit Pierre sur la Pierre.

Par conséquent, mes frères, imitons, autant que nous en sommes capables, l'exemple que le Seigneur nous a donné dans sa passion.

 

1. Matt. XXVII, 40. — 2. Matt. XXVI, 33-35. —  3. Ps. XXIX, 7, 8.

 

Nous le pourrons, si nous lui demandons secours; non pas en le devançant, comme Pierre présomptueux, mais en le suivant et en le priant, comme Pierre marchant dans la vertu. Lorsque Pierre eut jusqu'à trois fois renié son Maître, que dit l'Evangéliste? Remarquez-le : «  Et le Seigneur regarda Pierre, et Pierre se rappela (1) ». Que signifie : « Il le regarda ? » Réellement le Seigneur ne le regarda point corporellement comme pour réveiller ses souvenirs; non, ce n'est point là le sens : lisez l'Evangile. C'était dans l'intérieur de la maison qu'on jugeait le Sauveur, et c'était dans la cour que Pierre était tenté. Ce n'est donc point un regard corporel, c'est un regard divin que Jésus jeta sur Pierre; ce ne fut point un regard matériel, mais un regard de profonde miséricorde. Jésus, après avoir détourné la face, le considéra et il fut délivré. Ah ! c'en était,fait de ce présomptueux, si le Rédempteur ne l'avait regardé. Mais le voilà lavé dans ses larmes; corrigé et tiré de l'abîme, il prêche. Il prêche; après avoir renié; et d'autres croient, après s'être égarés. C'est l'effet produit sur ces frénétiques par le remède du sang divin. Ils boivent avec foi ce qu'ils ont répandu avec fureur.

C'est trop pour moi, dit-on, d'imiter le Seigneur. Eh bien ! avec la grâce du Seigneur, imite un autre serviteur, imite Etienne; imite Marien et Jacques. C'étaient des hommes, c'étaient des serviteurs comme toi; ils sont nés comme toi; mais ils ont été couronnés par Celui qui n'est pas né de la même manière.

 

1. Luc, XXII, 61.

 

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