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SERMON CCLXXVIII. POUR LA CONVERSION DE SAINT PAUL. I. GUÉRISON DU PÉCHEUR.

 

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ANALYSE. — En convertissant saint Paul avec tant d'éclat, Dieu a voulu, comme le dit cet Apôtre, inspirer confiance en sa miséricorde. Mais pour guérir et se sanctifier, le pécheur a besoin : 1° de suivre un régime particulier et différent de celai qui était prescrit à l'homme avant son péché ; 2° de souffrir des douleurs et des tribulations qu'on peut comparer aux opérations que font quelquefois les médecins ; 3° de pardonner à qui l'a offensé, comme il est nécessaire que Dieu lui pardonne tant de péchés qu'il commet chaque jour, principalement en se laissant aller à la sensualité et en faisant un usage immodéré de ce qui est permis ; 4° en soumettant à l'autorité des clefs les péchés graves où il peut tomber. Saint Augustin revient en terminant sur la nécessité de pardonner et de ne conserver aucune haine.

 

1. On à lu aujourd'hui, dans les Actes des Apôtres, le passage où on voit saint Paul devenir Apôtre du Christ, de persécuteur qu'il était des .chrétiens; et maintenant encore, dans ces contrées d'Orient, les lieux mêmes rendent témoignage au fait qui s'est accompli alors, qu'on lit et qu'on croit aujourd'hui. Le but spirituel de cet événement est indiqué par le même Apôtre dans ses Epîtres. S'il a obtenu, dit-il, le pardon de tous ses péchés, notamment de cette rage, de cette aveugle frénésie avec laquelle il traînait les chrétiens à la mort, après s'être fait le ministre de la haine des Juifs, soit en lapidant le saint martyr Etienne, soit en dénonçant et en conduisant au supplice les autres fidèles; c'est pour que personne ne tombe dans le désespoir, si graves que soient les péchés dont il est chargé, si énormes que soient les crimes dont il porte les chaînes ; c'est pour qu'on ne désespère pas d'obtenir le pardon, si on se convertit à Celui qui du haut de la croix où il était suspendu, pria pour ses bourreaux en disant: « Pardonnez-leur, mon Père, car ils ne savent ce qu'ils font (1) ». De persécuteur Paul est donc devenu prédicateur, et le docteur des Gentils. « J'ai été d'abord, dit-il, blasphémateur, persécuteur et outrageux ; mais la raison pour laquelle j'ai obtenu miséricorde, c'est que le Christ Jésus a voulu faire éclater en moi d'abord toute sa patience, pour me faire servir d'exemple à ceux qui croiront en lui en vue de la vie éternelle (2) ». C'est effectivement la grâce de

 

1. Luc, XXIII, 39. — 2. I Tim. I, 13, 16.

 

Dieu qui nous sauve de nos péchés, de ces péchés qui sont pour nous autant de maladies, Oui, le remède vient de lui, c'est lui qui guérit l'âme. L'âme a bien pu se blesser; elle ne saurait se guérir.

2. Chacun d'ailleurs n'a-t-il pas le pouvoir de se rendre corporellement malade? Mais chacun n'a pas autant de pouvoir pour se guérir. Supposons qu'on fasse des excès, qu'on vive dans l'intempérance, qu'on se livre à ce qui est contraire à la santé, à ce qui la détruit même, on peut en un seul jour contracter diverses maladies; mais en relève-t-on aussitôt qu'on y est tombé ? Pour se rendre malade il suffit de se livrer à l'intempérance; pour guérir on recourt au médecin. On n'a pas, je le répète, autant de pouvoir pour recouvrer la santé qu'on en a pour la perdre.

Ainsi en est-il de l'âme : pour se jeter en péchant dans les bras de la mort, pour devenir mortel, d'immortel qu'il était, pour être asservi au diable, au séducteur, il a suffi à l'homme de son libre arbitre; c'est par lui qu'en s'attachant aux choses inférieures il a abandonné les biens supérieurs, qu'en prêtant l'oreille au serpent il l'a, fermée à Dieu, et que placé entre son Maître et un séducteur, il a préféré obéir au séducteur plutôt qu'au Maître; car après avoir entendu Dieu sur un sujet, il a sur le même sujet écouté le démon. Pourquoi, hélas ! ne croyait-il pas plutôt Celui qui est plus digne de foi ? Aussi a-t-il expérimenté la vérité des prédictions divines et la fausseté des promesses diaboliques. Telle est l'origine première de nos maux, la racine de nos (399) misères; le germe de mort vient de la libre et propre volonté du premier homme. En obéissant à Dieu, il eût été toujours heureux et immortel; en négligeant et en méprisant ses préceptes, il devait tomber malade à la mort, bien que Dieu voulût lui conserver éternellement la santé : tel était le but de sa création. Mais il méprisa Dieu, et ce divin Médecin ne traite pas moins le malade.

Autres sont les prescriptions que fait la médecine pour la conservation de la santé; elle les donne à ceux qui en jouissent, pour qu'ils ne tombent pas malades: autres sont celles qu'elle adresse aux malades , pour qu'ils recouvrent ce qu'ils ont perdu. L'homme aurait dû, quand il avait la santé, obéir au médecin pour n'avoir pas besoin de lui; car « ceux qui se portent bien n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades ». Dans le sens propre, en effet, on appelle médecin celui qui rend la santé. Mais Dieu est un médecin dont ne peuvent se passer ceux mêmes qui ont la santé, s'ils veulent la conserver. L'homme donc eût bien fait de conserver toujours la santé qu'il avait reçue avec l'existence. Mais il l'a méprisée, il en a abusé, son intempérance l'a conduit à cette maladie funeste dont nous mourons: que maintenant au moins il écoute les prescriptions de son médecin, afin de pouvoir sortir de l'état douloureux où l'a jeté son péché.

3. N'est-il pas vrai, mes frères, qu'en suivant les prescriptions hygiéniques que fait la médecine corporelle, celui qui a la santé la conserve? N'est-il pas vrai encore que s'il tombe malade on lui fait des prescriptions nouvelles, et qu'il s'y conforme s'il a le désir sérieux de recouvrer une bonne santé ? Il ne la recouvre pas sans doute aussitôt qu'il se met à prendre les remèdes; mais en les prenant il commence à ne pas aggraver son état, puis, au lieu d'empirer, son état s'améliore et le malade guérit insensiblement, car à mesure que la maladie diminue, revient l'espoir d'une parfaite guérison. Eh bien ! qu'est-ce que pratiquer la justice en cette vie, sinon écouter et accomplir les préceptes de la loi ? Toutefois, jouit-on de la santé de l'âme sitôt qu'on observe ces préceptes ? Non , mais on les observe pour y arriver. Qu'on ne se décourage donc pas en les accomplissant, car on ne recouvre qu'insensiblement ce qu'on a perdu en un moment. Eh  ! si l'homme retrouvait si promptement son ancien bonheur, ce serait pour lui un jeu de se jeter en péchant dans les bras de la mort.

4. Quelqu'un, par exemple, a-t-il contracté une maladie corporelle en se livrant à l'intempérance? lui est-il survenu dans quelque partie du corps un mal qu'on ne peut lui enlever qu'avec le fer? Sans aucun doute il lui faudra souffrir, mais ces souffrances ne seront point stériles. Ne veut-il pas essuyer les douleurs d'une incision ? Qu'il se résigne à sentir en lui les vers et la pourriture. Le médecin donc se met à lui dire: Faites attention à ceci, à cela ; ne touchez pas à ceci ; ne prenez ni telle nourriture, ni telle boisson ; ne vous inquiétez pas de telle affaire. Le malade commence à obéir, à observer ces recommandations; mais il n'est pas guéri encore. Que lui sert-il donc de s'y conformer ? Il a en vue premièrement de n'accroître pas, de diminuer même son mal. Et ensuite ? Il faut qu'il se résigne à accomplir encore ce que lui commande le médecin, qui va jusqu'à porter le fer sur sa main et lui causer d'horribles mais salutaires souffrances. Si donc ce malheureux, livré à la gangrène, s'écriait: Que me sert-il d'avoir observé les prescriptions, s'il me faut endurer les douleurs de cette opération ? on lui répondrait. C'est que pour guérir il vous faut à la fois et suivre les prescriptions et souffrir l'opération : tant est sérieux le mal que vous vous êtes fait en ne respectant pas les recommandations quand vous étiez en santé. Jusqu'à ce que vous l'ayez recouvrée, obéissez donc au médecin : votre mal est cause de tout ce que vous souffrez.

5. C'est ainsi que médecin compatissant le Christ vient trouver l'homme affligé et souffrant. Aussi dit-il: « Ceux qui se portent bien n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui sont malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (1)». Il invite en effet les pécheurs à la paix et les malades à la santé. Il leur commande la foi, la chasteté, la tempérance, la sobriété; il réprime les convoitises de l'avarice; il dit ce que nous avons à faire, à observer. Eire fidèle à ses recommandations, c'est pouvoir assurer qu'on vit dans la justice conformément aux prescriptions du médecin ; mais ce n'est pas avoir recouvré encore cette santé pleine et parfaite que Dieu

 

1. Matt. IX, 12, 13.

 

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nous promet en ces termes par la bouche de son Apôtre: « Il faut que ce corps corruptible  revête l'incorruptibilité, que mortel il revête l'immortalité. Alors s'accomplira cette parole de l'Ecriture: La mort a disparu dans sa victoire. O mort, où est ta puissance? O mort, où est ton aiguillon (1) ? » C'est donc alors que la santé sera parfaite et que nous serons égaux aux saints anges. Mais lorsque avant d'en être là, mes frères, nous travaillons à nous conformer aux.ordres du médecin, ne croyons pas les observer en vain quand il nous arrive des tentations et des afflictions. Il semble qu'on souffre davantage en observant les divins préceptes; mais ce que tu endures vient du médecin qui opère sur toi et non du juge qui châtie. S'il agit ainsi, c'est pour te rendre une parfaite santé ; souffrons donc, supportons la douleur. Il y a de la douceur dans le péché; ne faut-il pas que l'amertume de la tribulation fasse disparaître cette douceur funeste? Tu jouissais en faisant le mal, mais par là tu es tombé malade. Le remède contraire est donc de souffrir une douleur temporelle pour recouvrer une éternelle santé. Fais bon usage de cette douleur, et garde-toi de la repousser.

6. Voici avant tous les- autres un remède qu'on ne doit cesser de prendre, un remède efficace contre tous les maux de l'âme, contre tous les empoisonnements du péché; c'est de dire et de dire sincèrement au Seigneur ton Dieu : « Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (2) ». C'est ici comme un pacte que le médecin a écrit et signé avec ses malades. En effet, il .y a deux sortes de péchés ceux qui offensent Dieu et ceux qui offensent le prochain. De là viennent aussi les deux préceptes auxquels se rapportent la loi et les  prophètes : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit; Tu aimeras aussi ton prochain comme toi-même (3) ». Ces d'eux commandements comprennent tout le Décalogue, dont trois préceptes sont relatifs à l'amour de Dieu, et sept à l'amour du prochain ; mais nous en avons ailleurs suffisamment parlé.

7. De même donc qu'il n'y a que deux commandements, il n'y a que deux sortes de péchés : contre Dieu ou contre l'homme. Tu

 

1. I Cor. XV, 53-55. — 2. Matt. VI, 12. — 3. Ib. XXII, 37, 40.

 

pèches en effet contre Dieu lorsque en toi tu souilles son temple; puisque Dieu t'a racheté avec le sang de son Fils. A qui d'ailleurs appartenais-tu avant d'être racheté, sinon à Celui qui a tout créé? Mais en t'achetant avec le sang de son Fils, il a voulu te posséder en quelque sorte à un titre particulier. « Aussi vous n'êtes pas à vous, dit l'Apôtre, car vous avez été achetés à un haut prix; glorifiez et portez Dieu dans votre corps (1) ». Celui donc qui t'a racheté a fait de toi sa demeure. Ah ! si tu ne te respectes pas à cause de toi, respecte-toi à cause de Dieu, qui t'a fait son temple. « Le temple de Dieu est saint, dit l’Ecriture, et ce temple, c'est vous ». Elle dit encore: « Celui qui souillera le temple de Dieu, Dieu le perdra (2) ». Et pourtant les hommes en se livrant à ces péchés croient ne pas pécher, attendu qu'ils ne nuisent à personne.

8. Je veux donc, autant que me le permettront ces quelques instants, faire connaître à votre sainteté quel mal font ceux qui se souillent en se livrant à la voracité, à l'ivresse, à la fornication et qui répondent aux observations : Je suis dans mon droit, je suis sur mon terrain; à qui ai-je dérobé? qui ai-je dépouillé? à qui ai-je fait tort? Je veux jouir de ce que Dieu m'a donné. Cet homme se croit innocent, parce qu'il ne nuit à personne. Mais est-ce être innocent que de se nuire à soi-même ? On est innocent quand on ne nuit à personne : car l'amour du prochain se règle sur l'amour de soi, Dieu ayant dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Or aimes-tu ton prochain lorsque ton intempérance détruit en toi l'amour de toi? De plus, Dieu peut te dire : Lorsque tu veux te souiller en te laissant aller à l'ivresse, ce n'est pas l'habitation du premier venu, c'est la mienne que tu ruines. Où demeurerai-je maintenant? Au milieu de ces ruines? Au milieu de ces souillures? Si tu devais donner l'hospitalité à l’un de mes serviteurs, tu réparerais et tu approprierais la maison où il devrait entrer: et tu ne purifies pas le coeur où je veux faire mon séjour?

9. Je n'ai cité que cet exemple, mes frères, afin de vous faire comprendre jusqu'à quel point pèchent ceux qui se souillent eux-mêmes tout en se croyant innocents. Cependant il est difficile, au milieu de cette vie fragile et mortelle,

 

1. I Cor. VI, 19, 20. — 2. I Cor. III, 17.

 

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de ne pas user quelquefois avec immodération des choses même nécessaires: il faut donc prendre le remède contenu dans ces mots: « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offenses » ; mais il faut dire vrai en les prononçant. test pour ne pas nuire au prochain qu'il t'est défendu de commettre l'adultère. Tu ne veux pas en effet qu'un étranger approche de ton épouse, tu ne dois pas approcher non plus d'une épouse étrangère. Nuiras-tu au prochain en jouissant de la tienne avec intempérance? User alors sans modération de ce qui est permis en soi , c'est souiller en soi le temple de Dieu. Un mari étranger ne t'accusera pas; mais que répondra ta conscience lorsque Dieu te fera dire par son Apôtre : « Que chacun de vous sache posséder son bien saintement et honnêtement, et non avec la convoitise maladive des Gentils, qui ignorent Dieu (1) ». Or, quel est l'époux qui n'approche de son épouse que pour accomplir le devoir de la procréation des enfants? C'est dans ce but en effet qu'elle lui a été accordée, comme l'attestent les actes matrimoniaux. Un contrat a été passé alors, et ce contrat dit formellement: « Pour la procréation des enfants ». Ainsi donc, si tu en es capable, n'approche d'elle que pour accomplir ce devoir. Aller au delà, c'est manquer à l'acte matrimonial et au contrat. La chose n'est-elle pas évidente? Oui, c'est mentir et violer le pacte; de plus, quand Dieu voudra s'assurer si son temple a conservé en toi toute sa pureté, il découvrira le contraire, et cela non parce que tuas joui de ton épouse, mais parce que tu en as joui sans réserve. Le vin que tu bois ne vient-il pas de ton cellier? Si cependant tu en bois jusqu'à t'enivrer, la circonstance que ce vin t'appartient ne t'excuse pas de péché. Malheureux ! tu as fait servir le don de Dieu à corrompre ton âme.

10. Que conclure, mes frères ? Il est sûrement clair et la conscience de tous répète qu'il est difficile d'user même de ce qui est permis, sans dépasser en quelques points la mesure. Or en dépassant la mesure, tu outrages Dieu , dont tu es le temple. « Car le temple de Dieu est saint, et ce temple c'est vous » Que nul ne s'abuse. « Quiconque violera le temple de Dieu, Dieu le perdra ». L'arrêt est prononcé,

 

1. Thess. IV, 4, 5.

 

tu es coupable. Que dire maintenant dans tes prières, dans les moments où tu imploreras ce Dieu que tu outrages dans son temple, que tu chasses de son temple ? Comment purifier à nouveau la demeure de Dieu en toi ? Comment ramener Dieu dans ton âme? Comment, sinon en disant d'un coeur sincère, et par tes paroles et par tes actions: « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui « nous ont offensés ? » Qui t'accusera d'user sans modération de la nourriture, du vin, de l'épouse qui t'appartiennent ?Aucun homme ne t'en accusera, mais Dieu lui-même te demandera compte de la pureté et de la sainteté de son temple. Cependant lui aussi te donne un remède. Si tu m'offenses par défaut de réserve, semble-t-il te dire, si je te trouve coupable quand aucun homme ne t'accuse, remets à ton frère ses torts contre toi, afin que je te pardonne tes offenses contre moi.

11. Attachez-vous fortement à cela , mes frères. Renoncer même à ce contre-poison , c'est rejeter absolument tout espoir de salut. Je ne puis le promettre, ce salut, à qui me dirait : Je ne pardonne pas aux hommes les torts qu'ils peuvent avoir à mon égard. Puis-je en effet promettre ce que Dieu ne promet pas ? Je serais alors, non pas le dispensateur de la divine parole, mais le ministre du serpent. N'est-ce pas le serpent qui a promis à l'homme qu'il serait heureux en péchant, tandis que Dieu l'avait menacé de la mort? Or, qu'est-il arrivé, sinon ce que Dieu avait fait craindre au pécheur ? et quel n'a pas été le mécompte de celui-ci en face des promesses du serpent ? Voudriez-vous que je vous dise, mes frères : Eussiez-vous péché, n'eussiez-vous rien pardonné aux hommes, vous serez sûrement sauvés, et quand Jésus-Christ viendra il accordera le pardon à tous ? Je ne tiendrai pas ce langage, parce qu'on ne me l'a point tenu; je ne dis point ce qu'on ne me dit pas. Dieu sans doute assure l'indulgence aux pécheurs, mais c'est en pardonnant les péchés passés aux cours convertis, croyants et baptisés. Voilà ce que je lis, voilà ce que j'ose promettre, voilà ce que je promets et ce qui m'est promis à moi-même. Quand en effet on lit cette promesse, nous l'entendons tous , puisque tous nous sommes condisciples, car dans notre Ecole il n'y a qu'un seul Maître.

12. Je reprends : Dieu remet les péchés quand on est converti ; mais dans le cours de la vie il se rencontre certains péchés graves et (402) mortels qui ne s'effacent que par les douleurs aiguës de l'humiliation du coeur, de la contrition de l'âme et des afflictions de la pénitence; pour remettre ces péchés il faut de plus les clefs de l'Eglise. Commences-tu à te juger, à te condamner toi-même ? Dieu viendra prendre compassion de toi. Veux-tu te punir ? Il t'épargnera. Or c'est se punir que de faire bien pénitence. Qu'on se montre sévère contre soi, pour obtenir la miséricorde de Dieu. C'est ce qu'enseigne David. « Détournez votre face de mes péchés, dit-il, et effacez toutes mes iniquités ». Pourquoi ? Il l'exprime dans le même psaume: « Parce que je reconnais mon crime et que mon péché s'élève sans cesse contre moi 1 ». Dieu donc oublie, si tu reconnais ta faute.

Il y a de plus de petits et légers péchés, qu'il est absolument impossible d'éviter, qui semblent peu redoutables, mais qui accablent par leur nombre. Les grains de blé sont fort petits ; mais on en forme des quantités qui suffisent pour charger des navires, pour les faire même couler à fond si l'on y en met trop. Un coup de foudre abat un homme et le tue; si légères que soient les gouttes de pluie, elles font périr beaucoup de monde quand il y en a trop. Si donc la foudre tue d'un seul coup, la pluie éteint la vie à force de tomber. D'un seul coup de dents les forts animaux ôtent la vie à un homme ; réunissez beaucoup d'insectes, ils parviennent souvent à faire mourir et à causer des douleurs telles que le peuple superbe de Pharaon a mérité d'être condamné à les éprouver. Eh bien ! quand, si petits qu'ils soient, les péchés se trouvent assez nombreux pour former comme un fardeau propre à t'écraser, Dieu est si bon qu'il te les pardonnera aussi, à toi qui ne peux vivre sans y tomber. Mais comment te les pardonnera-t-il, si tu ne pardonnes les offenses dont tu es l'objet ?

13. Cette sentence évangélique est une espèce de pompe qui sert à décharger le navire faisant eau sur la mer. Il est impossible en effet que l'eau n'entre point dans ce navire par les fentes que laisse sa construction. Or, en s'infiltrant

 

1. Ps. L, 11, 5.

 

insensiblement, l'eau finit par se rassembler en telle quantité , que le vaisseau coulerait à fond , si on ne l'en tirait. Ainsi dans le cours de cette vie, notre mortalité, notre fragilité laissent en nous comme des ouvertures qui donnent entrée au péché, sous la pression des vagues de ce siècle. Jetons-nous donc sur cette décision comme sur une urne pour rejeter l'eau du navire et ne pas faire naufrage. Pardonnons à ceux qui nous ont offensés, afin que Dieu nous pardonne nos offenses. Qu'on pratique ce qu'on dit alors, et on rejette tout ce qui a pénétré. Sois néanmoins sur tes gardes, car tu es encore en mer, Il ne suffit donc pas d'avoir pardonné une fois; il faut, après avoir traversé la mer, être par. venu au port solide, à la terre ferme de cette patrie où on n'a plus à craindre d'être battu par les flots, où on n'a plus à pardonner, puisqu'on n'y est plus offensé, ni à demander pardon, puisqu'on n'y offense personne.

14. C'est assez, je crois, avoir insisté sur ce point devant votre charité. Ah ! je vous en conjure, en face de ces tempêtes qui nous mettent en péril, attachons-nous à ce moyen de salut. Mais si Dieu ne doit pas supporter celui qui ne pardonne pas le mal qu'on lui a fait, considérez combien est coupable celui qui s'attache à nuire à un innocent. Ainsi donc que nos frères réfléchissent et examinent contre qui ils ont des ressentiments haineux. S'ils ne les ont pas encore étouffés, qu'ils considèrent au moins durant ces jours comment ils doivent les rejeter de leurs coeurs. Se croient-ils en sûreté ? Qu'ils mettent du vinaigre dans les vases où ils conservent le bon vin. Ils s'en gardent, ils ont peur de gâter ces outres. Et pourtant ils mettent de la haine dans leurs coeurs, sans craindre combien elle les corrompt?

Ayez donc soin, mes frères, de ne nuire à personne, travaillez-y de toutes vos forces. Mais si la faiblesse humaine vous a portés à quelque excès dans l'usage des choses permises; comme c'est une profanation du temple de Dieu, attachez-vous, appliquez-vous à pardonner promptement les torts commis contre vous, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos péchés.

 

 

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