SERMON CCLXI
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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SERMON CCLXI. POUR LE JOUR DE L'ASCENSION. I. PRÊCHÉ A CARTHAGE, DANS LA BASILIQUE DE FAUSTE. ATTACHEMENT A JÉSUS-CHRIST.

 

ANALYSE. — Nous devons monter en esprit au ciel avec le Sauveur, premièrement parce qu'il est Dieu et secondement parce qu'il est homme. —  1° Il est Dieu; Dieu éternel, égal à son Père. Il faut donc pour le connaître nous purifier le coeur en renonçant aux passions désordonnées. — 2° Il est homme, la nature humaine ne fait en lui qu'une seule et même personne avec la nature divine ; ainsi nous ne pouvons l'aimer sans aimer à la fois notre Dieu et notre prochain. Témoignons-lui notre amour par nos oeuvres de miséricorde ; répondons de cette manière à la charité qu'il nous fait aujourd'hui.

 

1. La résurrection du Seigneur est notre espérance; son ascension, notre gloire. Nous célébrons aujourd'hui la solennité de l'Ascension; si donc nous célébrons cette fête du Seigneur avec droiture , avec fidélité , avec dévotion, avec sainteté et avec piété, montons avec lui et tenons en haut notre coeur. Or, en montant, gardons-nous de nous élever et de présumer de nos mérites comme s'ils nous étaient propres. Notre coeur doit être en haut, mais attaché au Seigneur, sans quoi il y serait livré à l'orgueil, au lieu qu'en demeurant sous l'aile de Dieu il est dans un sûr asile; car en le voyant monter nous disons au Seigneur : « Vous êtes pour nous un asile (1) ».

Il n'y a pour ressusciter que ce qui meurt; le Seigneur est donc ressuscité pour nous inspirer confiance, pour nous empêcher de désespérer à la mort et de nous croire alors au terme de toute notre vie. Nous étions inquiets sur le sort même de l'âme, et le Sauveur, en ressuscitant, nous a rassurés sur le sort de la chair elle-même. Ainsi il est monté. Qui est monté? Celui qui est descendu. Il est descendu pour te guérir; il est monté pour t'élever. Tu tombes si tu t'élèves toi-même; tu restes élevé si c'est lui qui t'élève : d'où il suit qu'élevé près du Seigneur, le coeur est dans un asile, et qu'élevé autrement, il est en proie à l'orgueil. Disons donc au Seigneur quand il ressuscite : « Vous êtes, Seigneur, mon espérance » ; et quand il monte au

 

1. Ps. LXXXIX, 1.

 

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ciel : « Vous avez établi bien haut notre refuge (1) ». Et comment serions-nous orgueilleux en tenant notre coeur élevé jusqu'à lui, puisqu'il s'est fait humble en notre faveur pour nous empêcher de demeurer orgueilleux

2. Le Christ est Dieu , il le sera toujours ; jamais il ne cessera de l'être, parce que jamais il n'a commencé. Si sa grâce peut donner un être éternel à ce qui a commencé, comment ne serait-il pas éternel; lui qui n'a commencé jamais? Qu'est-ce donc qui commence sans devoir finir ? Notre immortalité; elle aura un commencement, elle n'aura point de fin. Nous ne la possédons pas encore; mais une fois que nous la tiendrons, nous ne la perdrons pas. Donc, à plus, forte raison, le Christ sera toujours Dieu. Mais quel Dieu? quel Dieu? Dieu égal à son Père. Ne cherche pas à savoir quel Dieu quand il s'agit de l'Eternel; occupe-toi plutôt de sa félicité. Quel Dieu est le Christ? Comprends-le, si tu en es capable. Je vais te le dire néanmoins, je ne tromperai pas ton attente.

Tu demandes quel Dieu est le Christ ? Ecoute-moi, ou plutôt écoute avec moi; écoutons l'un et l'autre; apprenons tous deux. Si je parle et si vous écoutez, en concluez-vous que je n'écoute pas avec vous? En m'entendant dire que le Christ est Dieu, tu veux donc savoir quel Dieu il est? Apprends-le avec moi , je ne te dis pas de m'écouter, mais d'écouter avec moi. A cette école, nous sommes tous condisciples ; le ciel est la chaire de notre Maître. Apprends enfin quel Dieu est le Christ. « Au commencement était le Verbe ». Où était-il? « Et le Verbe était en Dieu ». Mais chaque jour n'entendons-nous pas des verbes? Ne t'arrête pas à des idées pareilles, à ces idées communes, car « le Verbe était Dieu (2) ». Je cherche à savoir quel il était. Je crois bien maintenant qu'il est Dieu ; mais quel Dieu est-il? C'est ce que je cherche: « Cherchez constamment sa face (3) »;. Qu on ne perde pas, qu'on gagne en le cherchant. On y gagne quand on le cherche avec pinté. Qu'est-ce que le chercher avec piété ? Qu'est-ce que le chercher par vanité ? La piété le cherche en croyant, la vanité en disputant. Si tu voulais contester avec moi et me dire : Quel est, quel est le Dieu que tu adores? Montre-moi le Dieu

 

1. Ps. XC, 9. — 2. Jean, I, 1. — 3. Ps. CIV, 4.

 

que tu sers, je te répondrais: Je pourrais le montrer, mais à qui ?

3. Je n'oserais me vanter moi-même d'avoir compris ce que tu cherches. Je voudrais seulement, dans la mesure de lues forces, marcher sur les traces de ce grand athlète du Christ, de cet apôtre Paul qui disait : « Je n'estime pas, mes frères, avoir atteint le but moi-même ». Moi-même? Qu'y a-t-il dans ce moi-même? Moi-même qui « ai travaillé plus qu'eux tous ». Je le sais, ô Apôtre ; tu parles ainsi pour exprimer la vérité, ce n'est point par orgueil. Veux-tu te convaincre, mon frère, de l'esprit qui l'anime? Après ces mots : « J'ai travaillé plus qu'eux tous», il semble supposer que nous lui demandons : Mais qui es-tu ? Et il répond: « Or ce n'est pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi (1) ». Eh bien ! cet Apôtre en qui la grâce de Dieu affluait si abondamment, qu'appelé le dernier il a travaillé plus que tous ceux qui l'avaient été avant lui, n'hésite pas à dire : « Je n'estime pas, mes frères, avoir atteint le but moi-même ». Voilà ce qu'il y a dans ce moi-même, il n'atteint pas, il ne comprend pas ; car la faiblesse humaine ne saurait comprendre. Lorsqu'ensuite élevé jusqu'au troisième ciel il y entendit des paroles qu'un homme ne saurait répéter, il ne dit pas moi-même; que dit-il? « Je sais un homme qui, il y a quatorze ans (2) ». Je sais un homme; il était lui-même cet homme ; et en semblant parler ainsi d'un autre, il ne perd rien.

Donc aussi, garde-toi de contester, de disputer en me demandant quel Dieu j'adore. Mon Dieu n'est pas une idole, pour que je puisse te dire en étendant le doigt: Voilà le Dieu que je sers; il n'est non plus ni un astre, ni une étoile, ni le soleil, ni la lune, et je ne puis te le montrer du doigt ni te dire : Voilà le Dieu que j'adore. Il ne s'agit pas ici d'étendre le doigt, mais de tendre l'esprit. Considère cet Apôtre qui ne le comprend pas, mais qui pourtant le cherche, le poursuit, soupire après lui, le désire et le convoite; considère-le, vois ce qu'il tourne du côté de son Dieu; si c'est son doigt ou son âme. Que dit-il? « Je n'estime pas l'avoir atteint. Mais oubliant ce qui est en arrière et m'étendant vers ce qui est en avant, je tends à ce terme unique, à cette palme que m'offre la céleste vocation « de Dieu par le Christ (3) ». Je tends, je marche,

 

1. I  Cor. XV, 10. — 2. II Cor. XII, 2-4. — 3. Philip. III, 13, 14.

 

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je suis en route. Suis-le, si tu le peux; allons ensemble dans cette patrie où tu n'auras rien à me demander, ni moi à toi. Maintenant donc cherchons l'un et l'autre en croyant, afin de jouir plus tard l'un et l'autre en voyant.

4. Qui néanmoins t'a montré quel Dieu est le Christ? — Eh bien ! ce qu'il a daigné nous révéler par un de ses serviteurs; que par ce serviteur aussi il le révèle à mes confrères, à ses serviteurs comme moi. Il t'a été dit: « Au commencement était le Verbe ». Tu as demandé où il était, et on t'a répondu : « Le Verbe était en Dieu ». Pour t'empêcher de prendre ici le mot verbe dans le sens vulgaire que lui donne le langage humain, on a ajouté : « Le Verbe était Dieu ». Ce n'est pas assez pour toi, et tu demandes : Quel Dieu? « Tout a été fait par lui ». Aime-le ; tout ce que tu aimes vient de lui. N'aimons pas la créature en laissant de côté le Créateur; mais considérons la créature pour bénir le Créateur. Je ne saurais te montrer mon Dieu, mais je te montre, je te rappelle ce qu'il a fait : « Tout a été fait par lui ». Sans être nouveau, il a fait des choses nouvelles; éternel, des choses temporelles ; immuable, des choses muables. Regarde ces oeuvres, loues-en l'Auteur, et crois pour être purifié.

Tu voudrais le voir? C'est un bon, c'est un grand désir; je t'engage à l'avoir toujours. Tu voudrais le voir? « Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu (1) ». Ainsi, songe d'abord à purifier ton coeur; prends à coeur cette affaire, applique-toi à cette oeuvre, insiste pour l’accomplir. Celui que tu veux voir est la pureté même, et pour le voir tu as 1'œil impur. Tu te représentes Dieu comme une lumière immense et infinie, mais de la nature de cette lumière sensible; tu la supposes étendue à ton gré, sans rencontrer de limites que celles qu'il te plaît de lui fixer. Ah ! ce sont dans ton coeur de vains, d'impurs fantômes; bannis-les et les rejette. S'il te tombait de la poussière dans les yeux et que tu me demandasses à voir la lumière, ne faudrait-il pas auparavant te purifier la vue ? Il n'y a pas moins d'impureté dans ton cœur ; et l'avarice n'y est-elle pas quelque chose de bien impur? A quoi bon amasser ce que tu n'emporteras pas? Ignores-tu qu'amasser ainsi, c'est traîner

 

1. Matt. V, 8.

 

de la boue dans ton coeur ? Comment alors voir Celui que tu cherches ?

5. Tu me dis : Montre-moi ton Dieu. Je te dis à mon tour : Regarde un peu dans ton coeur. Montre-moi ton Dieu, reprends-tu. Regarde un peu dans ton coeur, répliqué je, et fais-en disparaître tout ce que tu y vois pour déplaire à Dieu. Ce Dieu voudrait venir en toi; écoute le Seigneur lui-même, écoute le Christ : « Moi et mon Père, dit-il, nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure (1) ». Voilà ce que Dieu te promet. Si je te promettais d'aller dans ta maison, tu l'approprierais; et lorsque Dieu veut venir dans ton coeur, tu es si indolent pour le lui purifier?

Il n'aime pas à habiter avec l'avarice, avec cette femme impure et insatiable dont tu suivais les ordres tout en cherchant à voir Dieu. Qu'as-tu fait de ce que Dieu t'a commandé? Que n'as-tu pas fait de ce que t'a commandé l'avarice? Qu'as-tu fait de ce que Dieu t'a commandé? Je vais te montrer ce qu'il y a dans ton coeur, dans ce coeur qui voudrait contempler Dieu. Je l'avais déjà insinué en disant: Je pourrais le montrer, mais à qui? Qu'as-tu fait,dis-je, de ce que Dieu t'a ordonné? Qu'as-tu différé de ce que t'a prescrit l'avarice ? Dieu t'a commandé de donner des vêtements à qui n'en a pas; tu as frémis : l'avarice t'a ordonné de les enlever à qui en avait; tu t'y es porté avec une sorte de frénésie. Te dirai-je qu'en obéissant à Dieu tu aurais obtenu ceci et cela ? C'est Dieu même que tu posséderais; oui, c'est Dieu que tu aurais si tu avais suivi ses ordres. Maintenant que tu as exécuté les ordres de l'avarice, qu'as-tu ? Je sais que tu vas me répondre : J'ai tout ce que j'ai enlevé. Tu possèdes ainsi pour avoir dérobé. Mais que peux-tu posséder chez toi quand tu t'es perdu toi-même? — Pourtant je possède. — Où? où? je t'en prie. Dans une chambre, sans douté, dans une bourse ou dans un coffre ; je n'en veux pas dire davantage. Où que ce soit enfin, tu ne l'as pas maintenant sur toi. Tu crois l'avoir dans ton coffre ; peut-être n'y est-il plus, et tu l'ignores; peut-être qu'en rentrant chez toi tu n'y trouveras plus ce que tu y as laissé. C'est ton coeur que j'ai en vue; qu'y possèdes-tu? Dis-le-moi. Quoi ! tu as rempli ton coffre-fort, et tu as mis ta conscience en lambeaux. Voici un homme rempli de biens; apprends à t’enrichir

 

1. Jean, XIV, 23.

 

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comme lui : « Le Seigneur a donné, dit-il, le Seigneur a ôté; comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait : que le nom du a Seigneur soit béni (1) ». S'il avait tout perdu, où puisait-il ces perles précieuses qu'il offrait à son Dieu ?

6. Ainsi donc, purifie ton coeur autant que tu en es capable ; travaille, applique-toi à cette oeuvre. Afin d'obtenir que Dieu même le purifie pour y demeurer, prie, conjure, humilie-toi. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; il était en Dieu dès le commencement. Tout a été fait par lui, et sans lui rien ne l'a été. Ce qui a été fait était vie en lui; et la vie était la lumière des hommes; et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise ». Tu ne comprends pas cela. Voici pourquoi tu ne le comprends pas; c'est que « la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise ». Que sont ces ténèbres, sinon les mauvaises actions? Que sont ces ténèbres, sinon les passions désordonnées, l'orgueil, l'avarice, l'ambition, l'envie? Ténèbres que tout cela; c'est pourquoi tu ne comprends pas. Quand la lumière luit dans les ténèbres, qui peut la voir?

7. Examine donc si tu ne pourrais pas saisir de quelque manière ces paroles: « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous (2) ». C'est par l'humanité du Christ que tu -t'approcheras de sa divinité. Dieu est si élevé au-dessus de toi ; mais Dieu s'est fait homme; ainsi l'homme a rapproché ce qui était placé à une si grande distance. C'est dans la divinité que tu dois demeurer; et par l'humanité que tu dois y aller. Le Christ est ainsi et le terme et la route. Voilà pourquoi « le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous ». Il s'est uni à ce qu'il n'était pas, sans perdre ce qu'il était. En, lui l'humanité était visible, la divinité cachée. L'humanité a été mise à mort, et la majesté divine outragée; mais l'humanité est ressuscitée et la divinité s'est révélée. Songe à tout ce que le Christ à fait comme Dieu, à tout ce qu'il a souffert en tant qu'homme. S'il a été mis à mort, ce n'est pas comme Dieu, et pourtant c'est le Christ lui-même. La divinité et L'humanité ne font pas en lui deux personnes; autrement nous n'aurions plus la Trinité, nous

 

1. Job, I, 21. — 2. Jean, I, 1-14.

 

ferions une quaternité. L'homme est homme, et Dieu est Dieu ; mais le Christ est à la fois Dieu et homme; l'humanité et la. divinité ne forment en lui qu'une personne. N'es-tu pas un corps et une âme ? C'est ainsi que le Christ est homme et Dieu en même temps; ou bien encore il est tout à la fois corps, âme, et Dieu.

Lui-même d'ailleurs parle tantôt comme étant Dieu, tantôt comme ayant une âme, tan. tôt comme ayant un corps; et toujours comme étant une même personne. Comme Dieu, que dit-il? «De même que mon Père possède la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné à son Fils d'avoir en lui-même la vie. Tout ce que fait le Père, le Fils le fait semblablement (1). — Moi et ton Père nous sommes un (2)». Que dit-il comme ayant une âme ? « Mon âme est triste jusqu'à la mort (3) ». Que dit-il comme ayant un corps ? « Renversez ce temple, et je le relèverai en trois jours (4). Touchez et voyez, car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous m'en voyez (5)» . Il y a là des trésors de sagesse et de science.

8. La loi tout entière se résume sûrement dans ces deux préceptes : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit ; de plus, tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rapportent toute la loi et les prophètes (6) ». Eh bien ! dans le Christ tu trouves tout cela. Veux-tu aimer, ton Dieu? Tu le peux dans le Christ: « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Veux-tu aimer ton prochain? Avec le Christ tu le peux encore: « Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous ».

9. Ah ! qu'il nous purifie par sa grâce; qu'il nous purifie par ses secours et ses consolations. Par lui et en lui je vous conjure, mes frères, de multiplier les bonnes oeuvres, la miséricorde, les actes de libéralité, de bonté. Pardonnez promptement à qui vous offense. Que nul ne garde de colère contre autrui, pour ne pas s'interdire la prière devant Dieu. Nous avons besoin de tous ces avertissements, parce que nous sommes dans le mondé, parce que tout en avançant dans la vertu et en vivant dans la justice, nous ne sommes point ici sans péché. Par péchés nous n'entendons pas seulement les désordres qu'on appelle des crimes,

 

1. Jean, V, 26, 19. — 2. Ib. X, 30. — 3. Matt. XXVI, 38. — 4. Jean, II, 19. — 5. Luc, XXIV, 39. — 6. Matt. XXII, 37-40.

 

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tels que les adultères, les actes de fornication, les sacrilèges, le vol, le larcin, les faux témoignages; il est d'autres péchés que ceux-là. Ainsi il y a péché à regarder ce que tu ne devais pas voir; péché à écouter avec plaisir ce que tu ne devais pas entendre ; péché à arrêter ta pensée sur ce qui ne devait pas l'occuper.

10. Aussi Notre-Seigneur nous a-t-il donné, après le bain régénérateur, d'autres remèdes à prendre chaque jour. L'oraison dominicale est destinée à nous purifier chaque jour. Disons donc, mais disons avec sincérité, car c'est aussi un acte de charité : « Remettez-nous ce que nous vous devons, comme nous remettons, nous aussi, à ceux qui nous doivent (1).

Faites des aumônes, et pour, vous tout est pur (2) ». Rappelez-vous, mes frères, ce que le Seigneur dira à ceux qui seront à sa droite. Il ne les louera pas d'avoir fait telles et telles actions d'éclat: « J'ai eu faim, dira-t-il, et vous m'ayez donné à manger ». A ceux de la gauche il ne dira pas non plus: Vous avez fait tels et tels maux; mais ; « J'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger (3) ». Ainsi donc les uns pour leurs aumônes obtiendront la vie éternelle; et les autres, les éternelles flammes pour n'avoir pas fait l'aumône. Choisissez aujourd'hui ou la droite ou la gauche.

 

1. Matt. VI, 12. — 2. Luc, XI, 41. — 3. Matt. XXV, 35, 42.

 

Quel espoir de salut peut nourrir celui qui tombe si fréquemment malade sans vouloir user de remède ?

Mais ce sont des maladies légères? — Elles n'en accablent pas moins par leur ruasse. — Je n'ai que des péchés légers. — Ne sont-ils pas en grand nombre? Combien de choses légères écrasent et font périr ? Qu'y a-t-il de plus léger que les gouttes de pluie ? Elles remplissent le lit des fleuves. Qu'y a-t-il de plus petit que les grains de blé ? Ils surchargent les greniers. Tu considères bien que tes péchés sont légers; tu ne remarques pas combien ils sont nombreux. Tu sais peser chacun d'eux; pourrais-tu les compter ? Dieu cependant nous a donné un remède de chaque jour.

11. Quelle miséricorde nous fait « Celui qui est monté au ciel et qui a rendu captive la  captivité même (4) » Comment a-t-il rendu la captivité captive? En tuant la mort. La captivité est devenue captive ; la mort est morte. Mais n'a-t-il fait pour nous que monter au ciel et que rendre captive la captivité même? Nous a-t-il ensuite laissés à nous-mêmes?

            Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation du siècle (1) ». Considère donc « les dons qu'il a faits aux hommes (2) ». Répands tes largesses et reçois le bonheur.

 

1. Matt. XXVIII, 28. — 2. Ps. LXVII, 19.

 

 

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