SERMON CCLXVI
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SERMON CCLXVI. POUR LA VEILLE DE LA PENTECOTE. LE MINISTRE DES SACREMENTS.

 

ANALYSE. — Les Donatistes prétendaient qu'il fallait être saint et pur pour administrer les sacrements, et ils s'appuyaient, en y donnant un sens faux, sur ces paroles de l'Ecriture : « Le juste me reprendra avec compassion et il me corrigera ; mais l'huile du pécheur ne m'engraissera pas la tête (1) ». Par l'huile du pécheur ils entendaient les sacrements administrés par les pécheurs et qu'on devait refuser. Afin de les réfuter saint Augustin établit d'abord que la grâce des sacrements ne dépend pas du ministre, n'est pas la sienne. C'est indépendamment d'aucun ministre que le Saint-Esprit s'est donné aux Apôtres. Si les Apôtres ont été appelés ensuite à conférer le Saint-Esprit, Dieu a voulu, pour prouver que la grâce du Saint-Esprit ne dépendait pas d'eux, qu'il descendit sans eux et sur l'eunuque d'Ethiopie, et sur le centurion Corneille ainsi que sur tous ceux  qui l'accompagnaient quand saint Pierre arriva près de lui. Il est donc bien vrai que par l'huile du pécheur on ne peut entendre ici la grâce des sacrements, car elle vient de Dieu seul. Une interprétation plus sensée de ces paroles consisté à dire que le prophète préfère les reproches salutaires des justes aux dangereuses flatteries des pécheurs.

 

1. De tous les divins oracles que nous avons entendus pendant le chant de ce psaume, j'ai cru devoir choisir, pour la discuter et l'approfondir avec l'aide du Seigneur, la pensée suivante: « Le juste me reprendra avec bonté et il me corrigera ; mais l'huile du pécheur ne m'engraissera point la tête ». Plusieurs se sont imaginé que cette huile du pécheur désigne ici ce qui vient de l'homme, attendu que « tout homme est menteur (2) ». Cependant le Christ étant absolument sans péché, lors même qu'il permettrait qu'un pécheur distribuât son huile mystérieuse, cette huile ne serait pas l'huile du pécheur; car il faut ici considérer trois choses : Celui de qui vient cette huile, celui à qui il la donne, et celui par qui il la donne. Ne craignons donc, pas l'huile du pécheur ; le ministre interposé entre Dieu et nous ne détourne point la grâce du céleste Bienfaiteur.

2. Nous célébrons en ce moment la solennité de la descente du Saint-Esprit. Le jour même de la Pentecôte, et ce jour est déjà commencé, cent vingt âmes étaient réunies dans un même local; à savoir les Apôtres, la Mère du Seigneur et des fidèles de l'un et l'autre sexe, occupés tous à prier et à attendre l'accomplissement de la promesse faite par le Christ, c'est-à-dire l'arrivée de l'Esprit-Saint. Cet espoir et cette attente n'étaient pas vains,

 

1. Ps. CXI, 5. — 2. Ps. CXV, 11.

 

car la promesse n'était pas fausse. Aussi l'Esprit attendu descendit et il trouva pour le recevoir des coeurs tout purs. « Ils virent alors comme diverses langues de feu, et ce feu se reposa sur chacun d'eux, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait de parler ». Si chacun d'eux parlait ainsi toutes les langues, c'était l'indice que l'Eglise se répandrait au milieu de toute les nations. Chacun d'eux, étant une unité, signifiait que dans l'unité entreraient tous les peuples, comme toutes les langues étaient en lui. Tous ceux qui avaient reçu l'Esprit-Saint parlaient donc ces langues; quant à ceux qui ne l'avaient pas reçu, non-seulement ils s'étonnaient, mais ce qui est bien répréhensible, ils joignirent la calomnie à l'étonnement. « Ces hommes sont ivres et pleins de vin doux », disaient-ils. Accusation aussi dépourvue de sens qu'elle était injurieuse !Loin d'apprendre une langue étrangère, l'homme ivre n'oublie-t-il pas la sienne ? Reconnaissons toutefois qu'à travers tant d'ignorance et tant d'outrages la vérité se faisait entendre. Oui, ils étaient remplis d'un vin nouveau mystérieux, parce qu'ils étaient devenus des outres neuves (1). Quant à ces outres vieillies, elles s'étonnaient et elles calomniaient, mais sans se rajeunir et sans se remplir. Toutefois ces accusations tombèrent,

 

1. Matt. IX, 17.

 

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aussitôt qu'on eût prêté l'oreille aux discours des Apôtres rendant compte du phénomène et prêchant avec la grâce du Christ; car beaucoup en les entendant furent touchés de componction, la componction les changea; une fois changés ils crurent, et, en croyant, ils méritèrent de recevoir ce qu'ils admiraient dans autrui (1).

3. A dater de ce moment l'Esprit-Saint commença à se donner parle ministère des Apôtres. Ils imposaient les mains et il descendait. Etait-il pour cela sous la dépendance des hommes? Qu'aucun ministre ne s'attribue au-delà de ce qui lui convient. L'un donne et l'autre distribue seulement. C'est d'ailleurs ce qu'a enseigné le Saint-Esprit, pour ôter aux hommes la pensée de revendiquer ce qui n'est qu'à Dieu. Dans le dessein d'en imposer par ce moyen et convaincu que c'était à eux qu'on devait rapporter cette faveur, Simon offrit aux Apôtres de l'argent afin d'obtenir de faire descendre lui-même le Saint-Esprit par l'imposition de ses mains. Il ignorait la nature de la grâce, car s'il l'avait connue, il aurait su qu'elle se donne gratuitement; et pour avoir voulu acheter l'Esprit-Saint, il ne mérita point d'être délivré par lui. Pourquoi, malheureux, chercher à t'enfler? Il te suffit d'être rempli sans vouloir te gonfler encore. Etre rempli, c'est être riche ; être gonflé, c'est n'avoir rien.

Cependant, poursuit-on, l'Esprit-Saint était donné par la maire des hommes. S'ensuit-il qu'il fût à eux? — Il n'y avait que des saints pour pouvoir le donner. — Eux-mêmes l'avaient-ils reçu par le ministère des saints? Il est vrai, les Apôtres imposaient les mains et l'Esprit descendait. Qui avait imposé les mains quand ils le reçurent les premiers?

4. Voici des faits divins, retenez-les ; ils sont puisés dans la parole de Dieu, dans l'Ecriture infaillible; ils viennent d'un , ouvrage qui mérite toute confiance, de l'histoire la plus véridique, où nous devons croire tout ce que nous y lisons.

Les Apôtres ont donné souvent le Saint-Esprit en imposant les mains. Cependant, eux qui le donnaient l'avaient reçu. Quand ? Au moment où il y avait cent vingt personnes réunies dans le cénacle. Chacun y priait, et nul n'imposait les mains. Or, pendant que tous.priaient, l'Esprit-Saint descendit, il les

 

1. Act. II.

 

remplit de lui-même. Après les avoir remplis il fit d'eux ses ministres, et par eux ensuite il se communiquait.

Autre trait . L'Évangéliste Philippe, celui qui prêcha l'Evangile à Samarie, était l'un des sept diacres; vous savez que pour subvenir aux besoins du ministère on avait associé sept. diacres aux douze Apôtres. Philippe, comme je l'ai dit, était l'un d'eux, et ce fut son zèle pour la prédication qui lui fit donner spécialement le titre d'Evangéliste. Quoique tous les autres prêchassent aussi, ce fut lui, je l'ai dit, qui. annonça l'Evangile à Samarie, dont beaucoup d'habitants crurent et reçurent le baptême. Dès que les Apôtres en furent instruits, ils leur envoyèrent Pierre et Jean pour imposer les mains à ces baptisés et pour appeler sur eux l'Esprit-Saint tout en priant et en imposant les mains. Etonné d'une telle puissance dans les Apôtres, Simon voulut leur donner de l'argent; comme si les Apôtres mettaient en vente l'Esprit qu'ils invoquaient. Ceux-ci repoussèrent donc Simon, qui s'était montré indigne d'une telle faveur; tandis que les autres reçurent le Saint-Esprit sous la main des Apôtres.

De plus, puisque Simon avait regardé comme dépendant des hommes ce don de Dieu, il était à craindre que les faibles ne conservassent cette idée. Un eunuque de la reine Candace revenant donc de Jérusalem, où il était allé prier, lisait sur son char le prophète Isaïe. L'Esprit-Saint dit alors à Philippe de s'approcher du char. Il s'agit ici de ce même Philippe qui avait baptisé dans la ville de Samarie, mais sans imposer les mains à qui que ce fût, et qui avait envoyé prier les Apôtres de venir et de conférer, par l'imposition de leurs mains, le Saint-Esprit aux fidèles que lui-même avait baptisés. Il s'approcha donc du char et demanda à l'eunuque s'il comprenait ce qu'il lisait. Celui-ci répond qu'il pourrait le comprendre s'il avait quelqu'un pour le lui expliquer; il prie Philippe de monter près de lui. Philippe monte, s'asseoit, et trouve l’eunuque à cette prophétie qui concerne le Christ: « Comme une brebis il a été conduit à l'immolation », et le reste. Il lui demande si c'était de lui ou d'un autre que le prophète disait cela ainsi que tout ce qui précède et ce qui suit dans ce même passage; et profitant de cette ouverture, il lui annonça le Christ qui nous ouvre la porte du salut. Pendant (361) qu'on s'occupe ainsi en poursuivant la route, on rencontre de l'eau. « Voilà de l'eau, dit l'eunuque à Philippe, qui empêche de me baptiser? — Si tu crois, reprit Philippe, cela se peut. —Je crois, répondit l'eunuque que Jésus est le Fils de Dieu ». Tous deux descendirent dans l'eau, et Philippe le baptisa. Or, comme ils remontaient, l'Esprit-Saint descendit sur l'eunuque (1). Ce Philippe filait bien celui qui avait donné le baptême aux habitants de Samarie et qui avait ensuite appelé les Apôtres, preuve qu'en baptisant il s'avait point imposé les mains. Mais pour montrer que Simon avait eu tort de s'imaginer que l'Esprit de Dieu était un don fait par les hommes, l'Esprit-Saint descendit spontanément sur l'eunuque et l'affranchit. Dieu véritable, il descendit sur lui et le remplit; comme Notre-Seigneur est descendu parmi nous et nous a rachetés.

5. Un esprit contentieux dira peut-être que '1Philippe n'était pas le diacre qui baptisa à Samarie, mais l'apôtre Philippe, attendu que parmi les Apôtres il en est un qui porte le nom de Philippe, tandis que celui qui est spécialement surnommé l'Evangéliste est un des sept premiers diacres. A eux de soupçonner ce qui leur plait, voici la question résolue en deux mots. Admettons qu'il soit incertain puisque le texte me le dit pas, si ce Philippe est l'Apôtre ou le diacre. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'à peine sorti de l'eau, l'eunuque reçut le Saint-Esprit (2) sans que personne lui imposât les mains. — Cette réponse peut-être ne suffit pas encore et quelqu'un me dira: Il y a eu imposition des mains, seulement l'Ecriture n'en a point parlé.

6. Que prétends-tu ? — Sans doute, quand le Saint-Esprit descendit sur les cent vingt disciples, comme c'était la première fois qu'il descendait, il n'y eut pas imposition dès mains; mais à dater de ce jour il n'est venu sur personne sans que des mains fussent imposées. As-tu donc oublié le centurion Corneille? Lis avec exactitude et comprends avec sagesse. Le même livre des Actes des Apôtres nous parle de ce centurion Corneille et de l'Esprit-Saint qu'il reçut. Un ange lui fut envoyé, lui donna l'assurance que ses aumônes étaient agréées et ses prières exaucées; qu'en

 

1. Act. VIII. — 2. Tel n'est pas aujourd'hui le texte de la Vulgate. Mais plusieurs exemplaires le portaient anciennement. Voir S. Jérôme, Dial. contre les Lucif. ch. lV.

 

conséquence il lui fallait envoyer: chercher Pierre, qui habitait à Joppé, chez Simon le corroyeur. A cette époque s'agitait une question importante entre les juifs et les gentils, c'est-à-dire entre les chrétiens convertis du judaïsme et les chrétiens convertis de la gentilité : il s'agissait de savoir s'il fallait admettre à l'Evangile sans qu'on fût circoncis. Il y avait sur ce sujet de grandes hésitations lorsque Corneille députa vers Pierre. Pierre alors reçut un avertissement: c'étaient les affaires du royaume des cieux qui se faisaient ici et là par Celui qui est partout. En même temps en effet que Corneille s'occupait de ce que nous venons de dire, Pierre eut faim à Joppé même, il monta sur le toit, pendant qu'on lui préparait à manger pour prier, et durant sa prière il eut une extase, une extase qui l'élevait de la terre au ciel, qui ne devait point l'égarer, mais lui montrer la voie à suivre.

Devant lui se présenta comme une immense assiette qui s'abaissait du haut du ciel et qui semblait lui offrir des mets célestes pour apaiser sa faim. Cette espèce d'assiette était suspendue par quatre cordons de lin et contenait toute espèce d'animaux, purs et impurs; puis une voix d'en haut se fit entendre à l'Apôtre affamé et lui cria Lève-toi, Pierre, tue et mange ». Pierre regarda, il aperçut dans ce vase des animaux impurs auxquels il n'avait pas l'habitude de toucher, et il répondit à la voix : « A vous ne plaise, Seigneur, car je n'ai mangé jamais rien d'impur ni de souillé »: Et la voix reprenant : « Ce que Dieu a purifié, ne l'appelle pas impur », dit-elle. Ce n'était pas une nourriture matérielle que le ciel offrait à Pierre; il lui annonçait que Corneille était purifié. Cela se fit jusqu'à trois fois, puis le vase fut retiré dans le ciel.

C'était évidemment un emblème mystérieux. Cette immense assiette représente l'univers; les quatre cordons de lin, les quatre points cardinaux que rappelle l'Ecriture dans ces mots : « De l'Orient et de l'Occident, du Nord et du Midi (1) »; les animaux désignent tous les peuples; si l'assiette s'abaisse trois fois, c'est pour honorer la sainte Trinité; Pierre est ici l’Eglise et il a faim comme l'Eglise a faim de la conversion des Gentils ; la voix du ciel est le saint Evangile. « Tue et mange »

 

1. Luc, XIII, 29.

 

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signifie : Détruis ce qu'ils sont et rends-les ce due tu es. Pierre cependant réfléchissait à cet ordre, quand tout à coup on lui annonça que des soldats députés par Corneille demandaient à le voir. « Va avec eux, lui dit aussitôt l'Esprit-Saint, c'est moi qui les ai envoyés ». Sans plus douter alors, mais sûr du sens de sa vision, Pierre les suit; puis, comme le disent les Actes, on l'annonce à Corneille qui vient humblement à sa rencontre, humblement se prosterne devant lui , et est relevé. avec plus d'humilité encore. On arrive dans sa demeure, et on y trouve un grand nombre de personnes assemblées. On raconte à Pierre pour quel motif on a envoyé vers lui, et on rend grâces de son arrivée. S'adressant alors à ces gentils incirconcis à propos desquels se débattait cette fameuse question, Pierre se mit à leur prêcher hautement la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Il y avait avec Pierre des fidèles convertis du judaïsme qui pouvaient se scandaliser si on admettait au baptême des incirconcis. L'Apôtre, donc dit alors en propres termes : « Vous savez, mes frères, quelle abomination c'est pour un juif de fréquenter ou d'approcher un gentil ; mais Dieu m'a montré à ne traiter aucun homme d'impur ni de souillé». Cet Apôtre affamé avait en vue l'assiette mystérieuse.

7. Et maintenant, car voici pourquoi j'ai rapporté au long cette histoire , où sont ceux qui disaient que c'est une puissance d'homme qui confère l'Esprit-Saint? Pendant que Pierre annonçait l'Evangile, Corneille et tous les gentils qui l'écoutaient avec lui se convertirent à la foi; et tout à coup, avant même de recevoir le baptême, ils furent remplis du Saint-Esprit (1). Que répondra ici la présomption humaine ? Ce n'est pas seulement avant l'imposition des mains, c'est même avant le baptême que l'Esprit-Saint est descendu. Ainsi prouve-t-il sa puissance et non sa dépendance. Pour trancher la question relative à la circoncision , il vient avant la purification du baptême. Des esprits chagrins ou ignorants auraient pu dire à l'Apôtre : Tu as mal fait ici de donner le Saint-Esprit. Mais voilà que s'est accomplie, que s'est réalisée clairement cette parole du Seigneur : « L'Esprit souffle où il veut (2) ». Voilà qu'il est démontré manifestement et par l'effet même combien le Seigneur

 

1. Act. X. — 2. Jean, III, 8.

 

a eu raison de dire : « L'Esprit souffle où il veut ».

Et pourtant l'hérétique superbe ne renonce pas encore à son esprit d'arrogance, il continue à dire : C'est à moi la grâce, ne la reçois pas de celui-ci, mais de moi. Vainement lui réponds-tu: C'est la grâce de Dieu que je cherche. N'as-tu pas lu, reprend-il : « L'huile du pécheur ne m'engraissera pas la tête? » — Ainsi cette huile est à toi ? Si c'est à toi, je n'en veux pas; si elle est à toi, elle ne vaut rien. Si c'était celle de Dieu, même donnée par, toi elle serait bonne. La boue ne souille point les rayons du soleil, et tu souillerais, toi, cette grâce divine ? Si tu la possèdes pour ton malheur, c'est que tu es mauvais; c'est qu'en mauvais état tu as reçu cet insigne bienfait de Dieu ; c'est qu'étant séparé tu n'as pas recueilli mais dispersé. Ceux qui mangent indignement, mangent.et boivent leur condamnation (1) ; est-ce qu'ils ne mangent pas en mangeant indignement ? Judas était bien indigne, et le Christ lui donna une part (2), que le malheureux prit,pour sa ruine. Est-ce d'une main coupable qu'il recevait? Est-ce une part mauvaise qu'il recevait? Son crime fut d'avoir reçu en mauvais état ce don sacré d'une main sainte. Ainsi l'huile consacrée pour notre salut n'est pas l'huile du pécheur. Qu'on la reçoive bien, elle est bonne; qu'on la reçoive mal, elle est bonne encore. Malheur à qui reçoit mal ce qui est bon !

8. Considère néanmoins si en interprétant mieux ce texte de l'Ecriture on n'y trouverait pas une leçon pratique : « Le juste « me corrigera avec compassion »; me frappât-il, il m'aime, il me chérit en me reprenant, au lieu que le flatteur me trompe; ainsi l'un a pitié de moi et l'autre me séduit, bien que soit douloureuse la verge qui me frappe, et que pénètre agréablement l'huile qui me flatte; car en répandant l'huile sur ma tête, les adulateurs ne me guérissent pas de mes maux intérieurs. Aime donc qui te reprend, et fuis qui te flatte. Or, en aimant celui qui t'adresse, des réprimandes méritées et en évitant celui qui te,comble de fausses louanges, tu peux répéter ce que nous avons chanté, savoir : « Le juste me reprendra avec miséricorde et me corrigera; mais l'huile du pécheur », ses flatteries, « ne coulera point sur

 

1. I Cor. XI, 29. — 2. Jean, III, 26,

 

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tête ». Une tête ainsi engraissée est une tête qui s'enfle, et la tête enflée est une tête remplie d'orgueil. Mieux vaut la santé dans le coeur que l'orgueil dans la tête. Or la santé du coeur  provient souvent de la verge qui frappe, au lieu que l'orgueil est produit par l’huile du pécheur, par les flatteries de l'adulateur. Tu t'es rempli la tête d'orgueil? Crains-en la pesanteur et prends garde de rouler dans l'abîme.

Vu le peu de temps qui nous est donné, nous avons suffisamment, je pense, expliqué ce verset du psaume, avec l'aide du Seigneur et pendant qu'intérieurement sa grâce travaillait dans vos coeurs.

 

 

 

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