SERMON CCCII
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SERMON CCCII. FÊTE DE SAINT LAURENT, MARTYR. I. AMOUR DE LA VIE ÉTERNELLE.

 

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ANALYSE. — Ce discours comprend deux parties bien distinctes : premièrement, l'obligation où nous sommes de travailler pour la vie éternelle ; secondement, des observations adressées au peuple à l'occasion du meurtre d'un soldat mis à mort dans une émeute. — I. Nécessité de travailler pour la vie éternelle. Si nous obtenons tant de grâces temporelles en invoquant les saints, ce n'est pas que ces grâces soient de haut prix ; nous devons en les obtenant exciter en nous la confiance d'être mieux exaucés encore en sollicitant des faveurs spirituelles. La vie présente mérite-t-elle qu'on s'y attache ? Ne sommes-nous pas, comme chrétiens, engagés à travailler de toutes nos forces pour l'éternelle vie?- Et pourtant, ne faisons-nous pas pour elle incomparablement moins que pour la vie présente? Pour celle-ci nous nous dépouillons du nécessaire, même de tout; pour celle-là nous ne donnons pas même le superflu. La vie éternelle est néanmoins si digne de notre amour et l'autre en est si indigne ! Ah !  que saint Laurent était bien mieux inspiré lorsqu'il donnait tout aux pauvres et qu'il appelait les pauvres les richesses de l'Eglise ! — II. Observations à l'occasion d'un meurtre. Ce n'est pas au peuple, c'est à l'autorité civile qu'il appartient de punir les malfaiteurs. Exemple de Jésus-Christ épargnant la femme adultère. On objecte que le soldat mis à mort a fait trop de mal. Il a eu tort, il aurait dû suivre plutôt les lois de l'Evangile et n'opprimer personne ; mais ce n'était pas une oison de le mettre à mort : on est méchant quand on met à mort les méchants. On dit que l'évêque devrait intercéder auprès de l'autorité pour la répression des désordres de ses employés. Vous disons-nous ce que nous faisons auprès d'elle ? Devons-nous à reprendre en public ? Opposez-vous donc à ces émeutes. Ces émeutes n'attirent-elles pas la colère de Dieu, que n'effraie pas le grand nombre ?

 

1. C'est aujourd'hui la fête du bienheureux saint Laurent, martyr ; et nous avons entendu des lectures appropriées à cette solennité sainte. Nous avons entendu, nous avons chanté plusieurs de ces passages ; nous avons surtout prêté à l'Evangile l'attention la plus soutenue. Mais afin de ne pas célébrer inutilement la fête des martyrs, appliquons-nous à marcher sur leurs traces.

Qui ignore le haut mérite du martyr dont nous venons de prononcer le nom ? Qui a prié à sa mémoire sans être exaucé ? A combien de faibles sa vertu n'a-t-elle pas obtenu des faveurs temporelles dédaignées par lui-même ? C'est qu'il les accordait, non pour entretenir la faiblesse des suppliants, mais pour leur inspirer l'amour de biens préférables à ceux qu'ils obtenaient. Il arrive souvent à un père d'accorder à ses enfants encore petits des jouets de mince valeur, surtout quand ces enfants pleurent s'ils ne les obtiennent. Une fois que ces enfants grandiront et se développeront, le père ne voudrait pas qu'ils restassent attachés à ces bagatelles; il ne les leur accorde pas moins par bonté et par condescendance paternelle. Ainsi leur donne-t-il quelques noix, quand il leur réserve tous ses biens. C'est pour ne décourager pas ces petits dans leur faiblesse que sa bonté leur permet des jeux et des amusements proportionnés à leur âge. Ce sont des caresses plutôt que des leçons. Mais les leçons que nous ont données les martyrs, les enseignements qu'ils ont saisis et saisis de grand cœur, et pour lesquels ils ont versé leur sang, sont compris dans ces mots évangéliques que vous venez d'entendre : «Abondante est votre récompense dans les cieux (1) ».

2. Cependant, mes très-chers frères, il y a deux vies, l'une qui précède et l'autre qui suit la mort, et chacune d'elles a eu et a encore ses partisans. Est-il besoin de faire le tableau de ce qu'est cette courte vie ? Nous sentons à combien d'afflictions et de plaintes elle est sujette; de combien de tentations elle est traversée, de combien de craintes elle est remplie; combien elle est ardente dans ses convoitises, exposée aux accidents; accablée dans l'adversité, fière dans la prospérité; comme elle déborde de joie quand elle gagne, comme elle se tourmente quand elle perd; mais tout en tressaillant de bonheur quand elle gagne, elle tremble, elle craint de perdre ce qu'elle vient d'acquérir , d'être inquiétée pour ce

 

1. Matt. V, 12.

 

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qu'elle possède, au lieu qu'elle ne l'était pas lorsqu'elle n'avait rien. N'est-ce pas l'infortune même, une félicité menteuse ? Le petit y cherche à monter, et le grand y craint de descendre. Le pauvre y porte envie au riche, et le riche y dédaigne le pauvre. Qui pourrait d'ailleurs exprimer combien est à la fois profonde et frappante la laideur de cette vie? Cette laideur toutefois compte des amis tellement dévoués, que nous sommes réduits à désirer découvrir un petit nombre au moins d'hommes qui aiment la vie éternelle, dont ils ne peuvent voir la fin, comme on aime cette vie temporelle, qui finit si tôt et qu'on craint de voir finir à chaque instant, lorsqu'elle vient à se prolonger. Mais que faire ? qu'entreprendre ? que dire ? à quelles menaces saisissantes, à quelles exhortations brûlantes recourir pour faire sortir enfin de leur torpeur ces coeurs lourds et insensibles, ces coeurs glacés par le froid amour de la terre et du monde, et pour leur inspirer l'ardeur des choses éternelles ? Oui, que faire ? que dire ? Je le sais, j'y pense de temps en temps ; car ce qui se passe ici chaque jour me suggère suffisamment de considérations.

De l'amour même de cette vie temporelle, monte, s'il est possible, à l'amour de cette éternelle vie qu'ont aimée les martyrs et pour laquelle ils ont méprisé les choses du temps. Je vous en prie, je vous en conjure, je vous y engage et je m'y excite avec vous, aimons la vie éternelle. Je n'en demande pas, davantage, quoiqu'elle mérite beaucoup plus; aimons-la, comme la vie temporelle est aimée de ses partisans, et non comme cette même vie temporelle a été aimée des saints martyrs; Car ils ne l'ont pas ou ils ne l'ont guère aimée, et facilement ils lui ont préféré l'éternelle. Aussi n'est-ce pas aux martyrs que je pensais en disant: Aimons la vie éternelle comme on aime la vie temporelle, je voulais dire: Aimons l'éternelle vie comme la vie temporelle est aimée de ses partisans. C'est d'ailleurs de l'amour de cette vie éternelle que fait profession le chrétien.

3. Si nous sommes devenus chrétiens, c'est pour elle en effet et non pour la vie éternelle. Combien de chrétiens sont enlevés avant la maturité de l'âge, et combien d'impies vivent jusqu'à la vieillesse la plus avancée ! En retour il est aussi beaucoup d'impies qui meurent avant la maturité. Souvent les chrétiens perdent, tandis que les impies gagnent; souvent aussi les impies perdent, tandis que gagnent les chrétiens. Si d'un côté les impies sont sou. vent couverts d'honneur, et les chrétiens de mépris; souvent aussi les honneurs sont pour les chrétiens et les dédains pour les impies.

Ces biens et ces maux étant ainsi répartis sur les uns et sur les autres; lorsque nous sommes devenus chrétiens, mes frères, est-ce dans l'intention d'éviter ces maux et d'acquérir ces biens que nous avons consacré notre nom au Christ et que nous avons abaissé notre front devant son auguste symbole ? Tu es chrétien, tu portes sur ton front la croix du Christ : ce caractère te fait comprendre le sens de tes engagements sacrés. Quand en effet le Christ était suspendu à la croix, à cette croix gravée sur ton front et que tu aimes, non parce qu'elle est le signe d'un gibet,, mais parce qu'elle est le symbole du Christ; quand donc le Christ était suspendu à cette croix, il voyait autour de lui des bourreaux, il supportait leurs outrages et priait pour ces ennemis. Généreux Médecin, pendant qu'on le mettait à mort, il guérissait les malades avec son propre sang. Il dit alors; « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font (1) ». Or ce cri ne fut ni vain ni stérile; et bientôt des milliers de ces bourreaux crurent en leur Victime, et apprirent à souffrir pour Celui qui avait souffert pour eux.

Ce signe donc, mes frères, ce caractère que reçoit le chrétien, même en devenant catéchumène, nous fait comprendre que si nous sommes chrétiens , ce n'est pas pour éviter ni pour acquérir les maux ou les biens temporels et passagers, mais pour éviter les maux qui ne passeront pas et pour acquérir les biens qui dureront sans fin.

4. Cependant, mes frères, car j'avais commencé à vous le dire, à vous en avertir, à vous le rappeler, je vous en conjure, considérons à quel degré est aimée de ses partisans cette vie temporelle, dont craignent si fort d'être dépouillés par la mort des hommes condamnés à la mort. Vois-tu ce mortel trembler, fuir, chercher les ténèbres, aviser aux moyens de se défendre, prier, s'agenouiller, être prêt à donner, s'il est possible, tout ce qu'il possède, afin d'obtenir la vie, afin d'obtenir

 

1. Luc, XXIII, 34.

 

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de vivre un jour de plus, de prolonger tant soit peu une existence toujours incertaine ? On fait tant pour cette vie temporelle: qui fait rien de semblable pour la vie éternelle ? Adressons-nous à l'ami de la vie présente : Pourquoi tant faire ? pourquoi t'empresser ? pourquoi trembler ? pourquoi fuir ? pourquoi chercher l'obscurité ? Afin de vivre, répond-il ? Afin de vivre vraiment ? — Est-ce afin de vivre toujours ? — Non. — Tu n'entreprends donc pas d'échapper à la mort, mais de la retarder ? Toi qui fais tant pour mourir un peu plus tard, fais donc quelque chose pour ne mourir jamais.

5. Combien nous rencontrons d'hommes qui disent : Que le fisc me dépouille de mes biens, pourvu que je retarde ma mort ! et combien il y en a peu pour dire : Que le Christ me prenne tout, pourvu que je ne meure jamais ! Et pourtant, ô ami de cette vie temporelle, si le fisc te dépouille, il te ruine dans cette.vie ; mais si c'est le Christ, il te conserve tout au ciel. Par amour pour cette vie les hommes veulent à la fois posséder et donner de quoi l'entretenir. Ce que tu te réserves pour vivre, tu le donnes aussi pour vivre, dusses-tu mourir de faim. Tu vas même jusqu'à dire : Qu'on me dépouille, que m'importe ? Je veux mendier. Tu donnes ce qui te fait vivre, disposé, pour vivre, à demander l'aumône; tu donnes même le nécessaire, prêt à mendier dans ce monde; et tu n'es pas prêt, en donnant tort superflu, à régner avec le Christ ?

Pèse bien ceci, je t'en prie. S'il y a dans ton coeur une balance d'équité, sors-la et mets-y ces deux choses : Mendier dans ce monde, et régner avec le Christ. Mais est-il possible de peser ? Ce qui est sur l'un des plateaux n'est rien, comparé à ce qui est sur l'autre. S'il s'agissait ou de régner dans ce monde ou de régner avec le Christ, il n'y aurait point de comparaison à établir. J'ai donc eu tort de te dire de peser ; il n'y a pas ici de contrepoids. « Que sert à l'homme de gagner tout le monde, s'il vient à perdre son âme (1) ? » Or, qui ne perdra pas son âme règnera avec le Christ. Qui règne tranquille en ce monde ? Suppose qu'on y règne tranquillement, y règne-t-on éternellement ?

6. Considérez, comme je le disais d'abord,

 

1. Matt. XVI, 25.

 

jusqu'à quel point on aime cette vie; vie temporelle, vie éphémère, vie pleine de laideurs, combien on l'aime ! Pour elle souvent on va jusqu'à se dépouiller complètement et mendier. Veux-tu savoir pourquoi on se dépouille ainsi ? Pour vivre, réplique-t-on. — Malheureux, qu'as-tu aimé et où es-tu parvenu avec cet amour ? Ami malavisé, que diras-tu à cette vie que tu aimes désordonnément? oui, que diras-tu à cette vie que tu aimes ? Dis, parle, flatte-la, si tu le peux; que lui diras-tu? — Voilà à quel état d'indigence m'a réduit l'amour de ta beauté. — Mais je suis laide, te crie-t-elle, et tu m'aimes ? Je suis dure, et tu m'embrasses ? Je suis volage, et tu essaies de me suivre ? Je ne resterai pas avec toi, te crie encore cette amie; si j'y demeure encore quelque temps, je n'y demeurerai pas toujours. J'ai pu te dépouiller, je ne saurais te rendre heureux.

7. Ah ! puisque nous sommes chrétiens, implorons contre les séductions de cette vie désordonnément aimée le secours du Seigneur notre Dieu, et aimons la beauté de cette autre vie que l'oeil n'a point vue, dont l'oreille n'a point entendu parler, et que le coeur de l'homme n'a point pressentie; car c'est celle que Dieu a préparée pour ceux qui l'aiment (1) ; et cette vie n'est autre que lui-même. Vous applaudissez, vous aspirez à cette vie. Aimons-la énergiquement; que Dieu nous accorde de l'aimer. Répandons des larmes, non-seulement pour obtenir de la posséder, mais encore pour obtenir de l'aimer.

Qu'allons-nous vous dire? qu'allons-nous vous prouver ? Ouvrirons-nous des livres pour vous démontrer combien elle est incertaine, combien elle est éphémère, comme elle est presque nulle et combien sont vraies ces paroles : « Qu'est-ce que notre vie ? C'est une vapeur qui parait un moment et qui bientôt sera dissipée (2)? » Tel vivait hier, qui n'est plus aujourd'hui; il y a quelques jours on le voyait, impossible,de le. voir maintenant. On conduit un homme dans sa tombe; on revient tout triste pour l'oublier bientôt. On répète que l'homme n'est rien, l'homme le dit lui-même; et il ne se corrige pas de n'être rien en devenant quelque chose. C'est par la vie où on est quelque chose que les martyrs se sont épris d'amour; c'est elle qu'ils ont

 

1. Cor. II, 9. — 2. Eph. II, 10.

 

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acquise; ils y trouvent ce qu'ils ont aimé,, et ils l'auront bien plus abondamment encore à la résurrection des morts. C'est le chemin de cette vie qu'ils nous ont frayé en souffrant autant qu'ils ont souffert.

8. Saint Laurent était archidiacre. Le persécuteur, dit-on, lui demandait les richesses de l'Église, et c'est pour les obtenir qu'il lui fit endurer cette multitude de tourments dont le seul récit fait horreur. Placé sur un gril, il y eut tous les membres brûlés, il y sentit les ardeurs cuisantes de la flamme; mais il avait une telle vigueur de charité, qu'aidé de Celui qui la lui avait donnée, il triompha de toutes les tortures corporelles. « Nous sommes en effet l'ouvrage de Dieu, ayant été créés dans le Christ Jésus pour les bonnes oeuvres que Dieu a préparées afin que nous y marchions (1) ». Voici même ce qu'il fit pour exciter la colère du persécuteur, non dans le but de l'irriter, mais de témoigner de sa foi devant la postérité et de montrer avec quelle sécurité il recevait la mort. « Fais venir avec moi, dit-il, des véhicules, afin que je t'amène les richesses de l'Église ». On lui envoya ces véhicules; il les chargea de pauvres et ordonna qu'on les reconduisît; il disait : « Ce sont là les richesses de l'Église ». Ce qui est indubitable, mes frères : la grande fortune des chrétiens consiste en effet dans les besoins des pauvres; pourvu toutefois que nous sachions où il nous faut conserver ce que nous possédons. Devant nous sont les pauvres; si nous leur donnons pour conserver, nous ne.perdons rien. Ne craignons pas qu'on nous enlève quoi que ce soit : tout est gardé par Celui qui nous a tout donné. Comment découvrir un gardien plus sûr, un plus fidèle débiteur ?

9. Animés de ces pensées, imitons courageusement les martyrs, si nous voulons profiter des solennités que nous célébrons. C'est ce que nous avons toujours dit, mes frères, c'est ce que nous n'avons jamais cessé de vous répéter. Il faut donc aimer l'éternelle vie ; mépriser la vie présente, se bien conduire et compter sur le bonheur. Que celui qui est mauvais, change; qu'une fois changé, on l'instruise ; une fois instruit il doit persévérer. « Qui persévérera jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé (2)».

 

1. Eph. II, 10. — 2. Matt. X, 22; XXIV, 13.

 

10. Mais beaucoup de méchants tiennent tant de mauvais propos. — Que voudrais-tu ? Que le bien naquit du mal ? Ne cherche pas le raisin sur des épines ; on te l'a défendu. « La bouche parle de l'abondance du coeur (1) ». Si tu peux quelque chose, si tu n'es pas méchant toi-même; souhaite au méchant de devenir bon. Pourquoi maltraiter les méchants? — Parce qu'ils sont méchants, reprends-tu. — Mais en les maltraitant tu te joins à eux. Voici un conseil : Un méchant te déplaît ? fais qu'il n'y en ait pas deux. Tu le réprimandes, et tu te joins à lui ? Tu le condamnes et tu fais comme lui ? Tu veux par le mal triompher du mal ? Triompher de la méchanceté par la méchanceté ? Il y aura alors deux méchancetés qu'il faudra vaincre l'une et l'autre. Ne connais-tu pas le conseil que ton Seigneur t'a fait donner par son Apôtre : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais surmonte le mal par le bien (2) ? » Il est possible que cet homme soit pire que toi ; mais comme tu es mauvais ici, il y a deux méchants, et je voudrais que l'un de vous au moins fût un homme de bien. Enfin on le maltraite jusqu'à le faire mourir. Pourquoi le maltraiter encore après la mort, quand son cadavre est insensible et qu'on ne déploie plus contre lui qu'une rage coupable et stérile ? C'est de la folie, et non de la vengeance.

11. Que vous dirai-je encore, mes frères, que vous dirai-je ? De n'aimer pas ces désordres ? Irai-je croire que vous les aimez? Loin de moi d'avoir sur vous de telles idées ! Il ne suffit pas, non il ne suffit pas que vous ne les aimiez point ; on doit exiger de vous autre chose. Nul ne doit se contenter de dire: Dieu sait que je ne voulais pas qu'on fît cela. Ne pas y avoir pris part, n'y avoir pas consenti voilà bien deux choses ; mais ce n'est pas encore assez. Il ne suffisait point de ne pas consentir, il fallait encore s'opposer. Il y a pour les méchants des juges, il y a des pouvoirs établis. « Ce n'est pas sans raison, dit l'Apôtre, que le pouvoir porte le glaive; car il est le ministre de Dieu dans sa colère » : mais « contre celui qui fait le mal ». Le ministre de la colère divine contre celui qui fait le mal. « Si donc tu fais le mal, poursuit-il, crains.  Ce n'est pas sans raison qu'il porte le glaive. Veux-tu ne craindre pas le pouvoir? Fais

 

1. Luc, VI, 45. — 2. Rom. XII, 21.

 

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le bien, et par lui tu seras glorifié (1)».

12. Quoi donc ? observera-t-on, est-ce que saint Laurent avait fait le mal, lui qui a été mis à mort par le pouvoir? Comment s'appliquent à lui ces mots: « Fais le bien, et par lui « tu seras glorifié » ; puisque c'est pour avoir, fait le bien qu'il a été si cruellement torturé par le pouvoir? — Pourtant, si le pouvoir n'avait servi à le glorifier, serait-il aujourd'hui honoré, exalté, comblé par nous de tant d'éloges? Ainsi le pouvoir malgré lui-même a servi à le glorifier. Aussi bien l'Apôtre ne dit pas : Fais le bien et le pouvoir te glorifiera. De fait les apôtres et les martyrs ont tous fait le bien, et au lieu de les louer, les puissances publiques les ont mis à mort. L'Apôtre te tromperait donc s'il te disait : Fais le bien, et la puissance te glorifiera. Mais il a fait attention; il a médité, pesé, adopté, châtié son langage. Remarquez bien ces mots : « Fais le bien, et «parelle tu seras glorifié » ; soit qu'elle te loue elle-même, si elle est bonne; soit que, si elle est injuste et que tu meures pour la foi, pour la, justice, pour la vérité, elle travaille à ta gloire par ses cruautés mêmes, non pas en le louant, mais en te donnant occasion de mériter des louanges. Ainsi donc fais le bien, et tu en jouiras avec sécurité.

13. Ce méchant toutefois a fait tant de mal; il a opprimé tant de malheureux, les a réduits en si grand nombre à l'indigence et à la mendicité. — Pour lui, il y a des juges, il y a des pouvoirs établis. L'État est organisé; « puisque les pouvoirs qui existent ont été établis de Dieu (2) ». Pourquoi le maltraiterais-tu? Quel pouvoir en as-tu ?Aussi ces actes ne sont-ils pas des supplices publics, ce sont des assassinats manifestes. Voulez-vous plus encore ? Considérez les divers degrés de la hiérarchie. Quand un homme est condamné au dernier supplice, quand le glaive est déjà suspendu sur sa tête, nul autre n'a le droit de le frapper que celui qui a reçu cette mission spéciale. Le bourreau qui donne la question est seul chargé de frapper le condamné. Voici un homme réservé par le tribunal au dernier supplice; que le greffier vienne à le frapper, tout condamné que soit cet homme, le greffier à son tour est condamné comme homicide. Encore une fois, tout condamné que soit celui qu'il met à mort, quoiqu'il n'attende plus que le

 

1. Rom. XIII, 3, 4. — 2. Rom. XIII, 1-4.

 

 

châtiment suprême, comme il est frappé irrégulièrement, il y a homicide. Mais, s'il y a homicide à frapper sans ordre un homme condamné à mort : comment caractériser, je vous le demande, la volonté de tuer un homme qui n'a été ni entendu ni jugé, et sur lequel, tout méchant qu'il soit, on n'a reçu aucune juridiction ? Nous n'avons garde de soutenir les méchants, ni de dire que les méchants ne sont pas des méchants. C'est aux juges à rendre compte de leur conduite envers eux. Pourquoi voudrais-tu, toi, prendre à ta charge la difficile responsabilité de la mort d'autrui., quand tu n'es revêtu d'aucune puissance ? Dieu t'a déchargé d'un lourd fardeau en ne te faisant pas juge. Pourquoi t'arroger ce qui ne t'appartient pas ? Rends compte de ta propre conduite.

14. O Seigneur, de quel trait vous avez frappé au coeur ceux qui cherchent à frapper leur prochain, lorsque vous avez dit : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ». Cette parole grave et saisissante leur perça le coeur, ils virent à découvert leurs consciences , ils rougirent devant la justice qui leur parlait, et s'en allant l'un après l'autre, ils laissèrent seule cette malheureuse femme. Mais non, la pécheresse n'était pas seule ; avec elle était son Juge , son Juge qui ne la jugeait pas encore et qui lui offrait sa miséricorde. Les bourreaux une fois partis, il n'y avait plus effectivement que la misère et la miséricorde en présence l'une de l'autre. « Personne ne t'a condamnée ? » dit le Seigneur, à l'adultère. « Personne, Seigneur », reprit-elle. — « Ni moi non plus je ne te condamnerai pas, et garde-toi de pécher à l'avenir (1) ».

15. Mais ce soldat m'a fait tant de mal. — Je voudrais savoir si, soldat à ton tour, tu ne ferais rien de semblable. Nous ne voulons pas toutefois que se conduisent de la sorte les soldats qui oppriment les pauvres; nous voulons au contraire qu'eux aussi écoutent l'Évangile, car ce n'est pas la milice, mais la malice qui fait obstacle au bien. Quand les soldats venaient demander le baptême à saint Jean, ils lui disaient: « Et nous, que ferons-nous ? N'usez de violence ni de fraude envers personne, répondait saint Jean, et contentez-vous de votre paye ». Réellement, mes frères,

 

1. Jean, VIII, 3-11.

 

506

 

si les soldats agissaient ainsi, l'Etat serait heureux.

Il faudrait qu'outre les soldats, les leveurs d'impôts fussent aussi comme le dit saint Jean au même endroit. Les publicains, en d'autres termes les leveurs d'impôts, lui demandant en effet : « Nous aussi, que ferons-nous ? » il leur répondit: « N'exigez rien de plus que ce qui vous a été prescrit». Voilà des avis pour le soldat, en voilà aussi pour le leveur d'impôts ; en voici d'autres pour le propriétaire : « Que celui quia deux tuniques en donne une à qui n'en a pas; et que celui qui a de quoi manger fasse de même (1) ». Nous voulons que les soldats soient dociles aux leçons du Christ ; soyons-y dociles nous-mêmes. Le Christ n'est-il que pour eux et n'est-il pas pour nous ? Tous écoutons-le et vivons cordialement en paix.

16. Il m'a écrasé dans mon commerce. — A ton tour, as-tu bien fait le commerce ? N'y as-tu trompé personne ? N'y as-tu pas fait de faux serments ? N'y as-tu pas dit : J'en atteste Celui qui m'a conduit sur la mer, j'en atteste la mer elle-même, j'ai acheté cela tant, quoique tu ne l'aies pas acheté ce que tu déclares ? Je vous le dis formellement et avec toute la liberté que Dieu me donne, mes frères, il n’y a que des méchants pour maltraiter les méchants. Le pouvoir a des obligations différentes, et souvent le juge est contraint à tirer l'épée et à frapper malgré lui. Autant que la chose dépendait.de lui, il était prêt à rendre un arrêt non sanglant ; mais il ne voulait point la ruine de l'ordre public : c'est sa profession, son autorité, son devoir. Ton devoir à toi n'est-il pas de dire à Dieu : « Délivrez-nous du mal (2)? » O toi qui dis : « Délivrez-nous du mal», je prie Dieu de te délivrer de toi-même.

17. En résumé, mes frères, que pouvons-nous éviter ? Tous nous sommes chrétiens ; mais nous portons, nous, un fardeau plus lourd encore. Souvent on dit de nous : Il est allé trouver telle autorité ; qu'est-ce qu'un évêque peut avoir à faire avec elle ? — Tous cependant vous savez que vos propres besoins nous font aller où nous n'aimons pas ; nous forcent à regarder, à nous arrêter à la porté, à attendre l'entrée des grands et des petits, à nous faire annoncer, à être enfin admis avec

 

Luc, III, 11-14. — 2. Matt. VI, 13.

 

peine, à supporter des humiliations, à prier, à obtenir parfois, et d'autres fois à sortir avec tristesse. Qui de nous voudrait souffrir tout cela, sans y être forcé ? Qu'on nous laisse, qu'on ne nous impose pas cette charge, que nul ne nous contraigne ; oui, qu'on nous accorde cela, débarrassez-nous de ce fardeau. Nous vous en prions, nous vous en conjurons, que nul- ne nous force plus : nous ne voulons pas avoir affaire avec les autorités, Dieu sait qu'on nous fait violence. D'ailleurs nous nous conduisons envers ces autorités comme nous devons nous conduire envers des chrétiens, si ces puissances sont chrétiennes ; et comme nous devons nous conduire envers des païens, si elles sont païennes, car nous voulons à tous du bien.

Je devrais, dit-on, engager ces autorités à faire le bien. Les y engagerons-nous devant vous ? L'avons-nous fait jamais, je vous le demande ? Vous ignorez si nous leur avons donné des avis, oui ou non. Je suis sûr que vous l'ignorez et que vous jugez témérairement. Permettez-moi cependant de le dire encore, mes frères ; on peut me dire, à propos d'une autorité: S'il avait averti ce magistrat, ce magistrat aurait fait le bien. Eh bien ! c'est ma réponse, je l'ai averti, mais il ne m'a pas écouté ; je l'ai averti, quand je ne t'avais pas pour témoin. Comment avertir le peuple en particulier? Nous pouvons bien donner à un homme un avertissement secret, lui dire, quand personne n'est présent : Fais ceci, fais cela ; qui prendra le peuple à l'écart et l’avertira sans que personne en sache rien?

18. C'est ce malheur (1) qui nous a contraint de vous parler ainsi, pour n'avoir pas à rendre de vous un compte funeste à Dieu, pour ne nous exposer pas à entendre ce reproche C'était à toi de l'avertir, de lui donner; comme à moi, de recueillir (2).

Eloignez-vous donc, oui éloignez-vous complètement de ces actions sanglantes. Lorsque vous voyez ou qu'on vous rapporte des faits semblables, ne cherchez à exciter en vous que de la pitié. — C'est un méchant qui est mort. Il n'en est que plus à plaindre, à plaindre comme mort et comme méchant. Il faut le plaindre doublement, car il est deux fois mort, éternellement et temporellement. S'il était mort en bon état, nous n'éprouverions

 

1. L'homicide commis. — 2. Luc, XIX, 23.

 

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que la tristesse humaine d'être séparé de lui, quand nous aurions voulu qu'il vécût encore avec nous. Il nous faut pleurer davantage les méchants, puisqu'à la suite de cette vie ils ont en partage les peines éternelles. Votre devoir est donc de plaindre, mes frères, de plaindre et non de maltraiter.

19. Mais, je l'ai dit, il ne suffit pas, non, il. ne suffit pas de s'abstenir, de gémir même ; il faut de plus vous opposer de toutes vos forces à ce que peut faire le peuple. Je ne prétends pas, mes frères, que chacun de vous puisse sortir et le réprimer, ce peuple; nous ne le pouvons nous-mêmes : mais chacun, sans sortir de chez lui, peut arrêter son fils, son serviteur, son ami, son voisin, son client, son inférieur. Traitez avec eux, pour les détourner de ces actes. Persuadez quand vous pouvez ; employez même la sévérité, quand vous avez de l'autorité. Je sais une chose, et tous la savent comme moi, c'est que dans cette ville il y a beaucoup de maisons où il ne se rencontre pas un seul païen, et qu'il n'en est aucune où il n'y ait des chrétiens. Si même on y regarde de près; il n'y a mime aucune maison où il n'y ait plus de chrétiens que de païens. C'est vrai, vous l'admettez. Si donc les chrétiens s'y opposaient, il ne se commettrait pas de ces désordres. A cela, rien à répondre. Il pourrait sans doute y avoir des désordres secrets, mais non des désordres publics, si les chrétiens voulaient qu'il n'y en eût pas. Chacun en effet retiendrait son serviteur, son fils ; le jeune homme serait arrêté par la sévérité de son père, de son oncle, de son précepteur, d'un bon voisin, par la sévérité même des réprimandes de son aîné. Ah ! si on se conduisait ainsi, que de maux et de chagrins on nous épargnerait !

20. Mes frères, je redoute la colère de Dieu. Dieu ne s'effraie pas du grand nombre. On a bientôt fini de dire : Ce que le peuple a fait, il l'a fait ; qui punira le Peuple ? — Qui ? Pas même Dieu ? Dieu a-t-il eu peur du monde entier, en envoyant le déluge ? A-t-il eu peur -de toutes les villes de Sodome et de Gomorrhe, en les faisant consumer par le feu du ciel ? Je ne veux point parler des calamités actuelles ; hélas ! qu'elles sont cruelles et universelles aussi bien que leurs conséquences ! Je n'en veux point parler, pour ne paraître pas blesser. Mais Dieu, dans sa colère, a-t-il distingué les coupables des innocents ? Il a confondu ceux qui faisaient le mal avec ceux qui ne les empêchaient pas.

21. Résumons enfin ce discours, mes frères. Nous vous recommandons, nous vous prions, au nom du Seigneur et de sa mansuétude, de vivre avec douceur, de vivre en paix. Laissez les autorités accomplir tranquillement les devoirs dont elles rendront compte à Dieu et à leurs supérieurs ; et toutes les fois que vous avez une requête à présenter, présentez-la avec respect et sans bruit. Ne vous mêlez pas à ceux qui font le mal et qui maltraitent d'une manière aussi malheureuse que désordonnée ; loin de vous le désir d'être même simples spectateurs d'actes pareils. Que chacun dans sa demeure et dans son voisinage emploie toute son influence sur ceux avec qui il a des rapports de parenté ou d'amitié, pour les avertir, les persuader, les, instruire et les reprendre efficacement ; employez même des menaces pour détourner de si grands maux ; et afin que Dieu prenne enfin pitié de nous, mette un terme aux calamités humaines, ne nous traite pas selon nos péchés, ne nous rende pas selon nos iniquités ; qu'il éloigne de nous nos crimes comme l'Orient est éloigné de l'Occident (1), et que pour la gloire de son nom il nous délivre, nous pardonne nos péchés et empêche les gentils de demander: Où est leur Dieu (2) ?

 

1. Ps. CII, 10, 12. — 2. Ps. LXXVIII, 9, 10.

 

 

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