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SERMON CCLXX. POUR LE JOUR DE LA PENTECOTE. IV. NOMBRES MYSTÉRIEUX.

 

ANALYSE . — On se demande quelquefois pourquoi est-ce le cinquantième jour après sa résurrection que le Sauveur a envoyé l’Esprit-Saint. Voici une réponse fort instructive. — Constatons d'abord que les Apôtres étaient attachés à Notre-Seigneur d'une manière trop humaine. Pour détruire en eux cette affection, il fallait qu'il les quittât ; il fallait aussi que le Saint-Esprit descendit afin de former dans leurs coeurs une affection toute surnaturelle et toute divine. Mais pourquoi est-ce le cinquantième jour qu'il choisit après la résurrection ? Que veut-il nous apprendre par là ? Les quarante jours qui vont de Pâques à l'Ascension représentent la vie actuelle, la vie du temps; de là le jeûne de Jésus-Christ prolongé durant quarante jours aussi bien que le jeûne de Moise et celui d'Elie. Les dix jours qui suivent rappellent le Décalogue En rapprochant ces dix jours des quarante premiers et en dégage cette vérité, que nous devons observer la loi de Dieu ou le Décalogue durant tout le cours de notre vie. Voilà l’obligation rappelée, mais comment la pratiquer? Avec l'aide de l'Esprit-Saint qui descend alors, avec le secours indispensable de la charité qu'il allume dans les coeurs. Ainsi donc s'il descend le cinquantième jour, c'est qu'il fallait auparavant rappeler le devoir qu'il vient nous accorder la grâce de remplir. Voulez-vous voir un autre rapprochement mystérieux et numérique de l’Esprit-Saint et des dix préceptes qu'il nous donne d'accomplir? De même que le nombre dix est pour ainsi dire le chiffre de à loi, ainsi le nombre sept est souvent dans l'Ecriture le chiffre du Saint-Esprit. En réunissant ces deux nombres vous obtenez celui de dix-sept. Or, en partant de l'unité comme il convient, et en additionnant tous les nombres suivants jusqu'à dix-sept, vous arrivez ara nombre des cent cinquante-trois grands poissons que prirent les Apôtres, par la grâce de Jésus-Christ, lorsqu'ils firent après la résurrection, cette pêche miraculeuse destinée à figurer l'Eglise triomphante, comme la première pêche miraculeuse avait figuré l'Eglise militante. Aussi n'y aura-t-il au nombre des élus que ceux qui porteront ce nombre de dix-sept avec tout ce qu il comprend, c'est-à-dire que ceux qui auront accompli la loi avec le secours du Saint-Esprit.

 

1. Nous célébrons aujourd'hui même la solennité sainte du saint jour où est descendu parmi nous l'Esprit-Saint. Ah! une fête si heureuse, si gracieuse, ne nous invite-t-elle pas à dire quelque chose de ce don de Dieu, de sa grâce, de l'abondance de sa miséricorde envers nous, en d'autres termes, de l'Esprit-Saint lui-même? Mais c'est à des condisciples que nous parlons dans cette école du Seigneur; car nous n'avons tous qu'un Maître, en qui nous ne faisons qu'un; c'est Celui qui a craint que nous n'osions nous enorgueillir de l'honneur d'enseigner et qui nous adonné cet avis : « Ne cherchez pas à être appelés maîtres par les hommes; car le Christ seul est votre Maître (1) ». Sous l'autorité d'un tel Maître, dont le ciel même est la chaire, puisque. c'est dans les lettres qu'il nous envoie que nous devons nous instruire , faites attention aux quelques idées que je vais vous présenter avec sa grâce et par son ordre.

Il est une question que s'adresse souvent un esprit saintement curieux. Mais la fragilité et la faiblesse humaines peuvent-elles être admises à sonder de telles profondeurs?

 

1. Matt. XXIII, 8.

 

Assurément oui; car s'il est dans les saintes Ecritures des vérités voilées, elles ne sont pas voilées pour qu'on ne puisse les découvrir, c'est plutôt pour que nos efforts parviennent à les mettre au jour, le Seigneur ayant dit en personne : « Demandez , et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez; frappez, et on vous ouvrira (1) ». Or cette question que s'adressent souvent des esprits studieux est de savoir pourquoi ce fut le cinquantième jour après sa passion et sa résurrection que le Seigneur envoya le Saint-Esprit qu'il avait promis.

2. J'invite d'abord votre charité à ne pas hésiter d'examiner un peu pourquoi le Seigneur a dit lui-même : « Si je ne m'en vais, il ne saurait venir ». Ne dirait-on pas, pour parler selon le sens humain, que le Christ Notre-Seigneur avait à garder dans le ciel quelque chose ; que venant ensuite parmi nous, il confia ce dépôt à la garde de l'Esprit-Saint, et que conséquemment l'Esprit-Saint ne pouvait descendre vers nous avant que le Sauveur fût de retour et qu'il pût le lui remettre ? Ou bien ne dirait-on pas que nous

 

1. Matt. VII, 7.

 

372

 

étions incapables de les avoir tous deux parmi nous, que nous n'aurions pu soutenir la présence de l'un et de l'autre tout à la fois? Mais se séparent-ils jamais? et quand ils viennent en nous, s'y trouvent-ils à l'étroit? ne nous dilatent-ils pas au contraire? Que signifie donc

« Si je ne m'en vais, il ne saurait venir? Il vous est avantageux, dit-il, que je m'en aille; car si je ne m'en vais, le Paraclet ne viendra pas en vous (1) ». Que veulent dire ces paroles ? Nous allons traduire brièvement ce que nous pensons, ce que nous comprenons, ce que Dieu lui-même nous fait la grâce de saisir ou de croire : que votre charité veuille bien nous entendre.

Il me semble que les disciples étaient fort attachés à la nature humaine du Christ Notre-Seigneur, et que tout hommes qu'ils étaient encore, ils avaient pour son humanité une affection tout humaine. Lui voulait en eux une affection divine qui les rendît spirituels de charnels qu'ils étaient; mais ce changement ne peut se faire que par la grâce du Saint-Esprit. Je vais donc, leur dit-il, vous faire un don qui vous rendra spirituels : ce don est le don de l'Esprit-Saint lui-même. Or, vous ne pourrez devenir spirituels qu'après avoir cessé d'être charnels , et vous ne cesserez d'être charnels que quand mon corps disparaîtra de devant vous pour faire place dans vos coeurs à ma divinité. Eh ! n'était-ce pas à cette nature humaine, à -cette nature d'esclave que prit le Seigneur en s'anéantissant (2); n'était-ce pas à elle que tenait de tout son coeur l'apôtre Pierre lui-même, quand il redoutait la mort de ce cher Objet de son amour? Il aimait son Seigneur Jésus-Christ, mais comme un homme peut aimer un homme, comme un homme de chair aime un homme de chair, et non point comme. un homme spirituel aime la divine Majesté. Comment le prouver? Le voici :

Le Seigneur ayant demandé lui-même à ses disciples qui les hommes prétendaient qu'il était, ils répondirent que d'après les uns il était Jean-Baptiste, Elie d'après d'autres, et d'après d'autres encore Jérémie ou quelqu'un des prophètes. « Et vous, reprit-il alors, qui dites-vous que je suis ? — Vous êtes », répondit Pierre au nom des autres , Pierre seul au nom de tous, « vous êtes le Christ, le

 

1. Jean, XVI, 7. — 2. Philip. II, 7.

 

Fils du Dieu vivant». A merveille ! Rien de plus exact, et Pierre mérita bien que lui fus. sent adressées les paroles suivantes: « Tu es heureux, Simon fils de Jona, car ce n'est ni la chair ni le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis » ; en échange de ce que tu m'as dit, écoute; eu échange de ta confession, reçois cette bénédiction ; « Et moi je te dis : Tu es Pierre » ; je suis la Pierre, en conséquence « Tu es Pierre » ; car la Pierre ne vient pas de Pierre, mais Pierre de la Pierre, attendu que Christ ne vient pas de chrétien, mais chrétien de Christ. « Et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise » ; je la bâtirai, non sur ce Pierre qui est toi-même, mais sur la Pierre que tu as confessée. « Je bâtirai mon Eglise » ; je te bâtirai donc puisqu'en me répondant ainsi tu représentes mon Eglise. Rappelez-vous non-seulement ces paroles mais encore les autres qui suivirent, comme pour féliciter Pierre d'avoir dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant », vérité, il vous en souvient, que le Seigneur assura ne lui avoir pas été révélé par la chair et par le sang, c'est-à-dire par l'esprit humain, parla faiblesse ou l'ignorance humaine, mais par son Père qui est aux cieux.

Le Seigneur Jésus se mit ensuite à prédire sa passion et à montrer combien il aurait à souffrir de la part des impies. Pierre alors fut consterné, il craignait que la mort ne fît périr son Christ, le Fils de son Dieu vivant; au lieu que ce même Christ, ce Fils du Dieu vivant, cette Bonté issue de la Bonté, cette Vie engendrée par la Vie, cette source de Vie et la Vie véritable, ce Dieu de Dieu, était venu détruire la mort et non pas succomber sous elle. Mais Pierre s'effraya comme un homme, parce qu'il avait pour l'humanité sensible du Christ une affection tout humaine. « Epargnez-vous, Seigneur, dit-il ; à Dieu ne plaise ; que cela ne vous arrive point ». Ces paroles vont être repoussées dignement et convenablement parle Sauveur. Jésus a donné à la profession de foi les éloges qu'elle méritait ; il va infliger à la frayeur le blâme qui lui est dû. « Arrière, Satan », s'écrie-t-il. Que nous sommes loin de ces mots : « Tu es bienheureux, Simon, fils de Jona !» Mais en distinguant la réprimande de l'encouragement, distingue aussi la cause qui a inspiré la confession et la cause qui a occasionné la frayeur. Pourquoi Pierre a-t-il confessé ? « Parce que ce n'est ni la (373) chair ni le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux » . Pourquoi a-t-il tremblé ? « C'est que tu ne goûtes point « ce qui vient de Dieu, mais ce qui vient des hommes (1)».

Et nous ne voudrions point qu'à des disciples.ainsi disposés il fût dit : « Il vous est avantageux que je m'en aille ; car si je ne m'en vais, le Paraclet ne viendra pas en vous ? » Si cette nature humaine ne se soustrait à vos regards, vous ne pourrez jamais saisir, ressentir, concevoir rien de divin. Assez donc; et voilà pourquoi il était nécessaire qu'après la résurrection et l'ascension de Jésus-Christ Notre-Seigneur, s'accomplît la promesse qu'il avait faite de l'Esprit-Saint. Aussi quand, en parlant du Saint-Esprit, Jésus s'était écrié : «Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, et des fleuves d'eau vive couleront de son sein » ; l'Évangéliste saint Jean avait-il ajouté aussitôt, mais en parlant en son propre nom : Jésus « parlait ainsi de l'Esprit-Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ; car cet Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas«encore été glorifié (2) ». Or c'est par sa résurrection et par son ascension que fut glorifié Notre-Seigneur Jésus-Christ; aussi envoya-t-il ensuite l'Esprit-Saint.

3. Cependant; comme nous l'ont appris les saints livres, il resta après sa résurrection, quarante jours entiers avec ses disciples, leur manifestant la réalité de son corps ressuscité, pour détourner d'eux toute idée d'illusion, allant et venant, mangeant et buvant avec eux. Mais le quarantième jour, celui que nous célébrions il y a dix jours, il monta sous leurs yeux au ciel, pendant qu'il faisait assurer qu'il reviendrait comme il s'en allait (3), c'est-à-dire que pour juger l'univers il se montrerait avec cette nature humaine sous laquelle il a été jugé. Il ne voulut pas envoyer l'Esprit-Saint le jour même de son ascension, il voulut attendre non pas deux jours ni trois, mais dix ; pourquoi ?

Cette question nous oblige à sonder et à interroger quelques-uns des secrets mystérieux des nombres. Dans quarante jours il y a quatre fois dix. Or, me semble-t-il, c'est un nombre mystérieux ; car nous ne sommes qu'un homme parlant à des hommes, et

 

1. Matt. XVI, 13-23. — 2. Jean, VII, 37-39. — 3. Act. I, 3-11.

 

comme on a raison de le dire, expliquant les Écritures sans affirmer des opinions personnelles. Ce nombre de quarante, où dix est contenu quatre fois, désigne donc, me semble-t-il, le siècle que nous traversons et où nous sommes entraînés, emportés par le cours du temps, par le mouvement des créatures qui disparaissent et se remplacent, par l'inconstance qui nous dépouille, par un torrent qui enlève tout. Ce nombre désigne ce siècle, soit à cause des quatre saisons qui se partagent l'année, soit à cause des quatre points cardinaux que tout le monde connaît et qui reparaissent souvent dans l'Écriture sainte sous les noms d'orient et d'occident, de nord et de midi (1). Durant ces quatre saisons et à ces quatre points cardinaux se publie la loi de Dieu représentée parle nombre dix, et connue dès le principe sous le nom de Décalogue. Si cette loi est contenue dans dix préceptes, c'est que le nombre dix est un nombre parfait, attendu que jusqu'à lui on avance en comptant, pour revenir ensuite à l'unité et remonter jusqu'à dix, et ainsi de suite. Ainsi on obtient des centaines, des mille, et en multipliant toujours par dix, des nombres à l'infini. Mais cette loi parfaite avec ce nombre dix étant publiée aux quatre points cardinaux, on arrive à quarante, puisque quatre fois dix donnent quarante. Or, durant la vie que nous passons en ce monde, nous devons nous abstenir des convoitises du siècle; et c'est ce que nous rappelle ce jeûne de quarante jours connu partout sous le nom de Carême. N'est-ce pas ce que prescrivent et la loi, et les prophètes, et l'Évangile? La loi : aussi Moïse a-t-il jeûné quarante jours ; les prophètes : aussi Elie a-t-il jeûné quarante jours encore ; l'Évangile, et c'est pour cela que le Christ Notre-Seigneur a prolongé son jeûne quarante jours également.

Dix autres jours après les quarante jours qui suivirent la résurrection (voici encore le nombre dix, mais le nombre dix dans sa simplicité et non pas multiplié par quatre ) le Saint-Esprit est descendu pour nous amener à accomplir la loi par la grâce : car la loi sans la grâce est une lettre qui tue. «En effet, si Dieu avait donné une loi qui pût communiquer la vie, la justification viendrait vraiment de la loi. Mais l'Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fut

 

1. Luc, XIII, 29.

 

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 accomplie en faveur des croyants par la foi en Jésus-Christ (1) ». Voilà pourquoi « la lettre tue, au lieu que l'Esprit vivifie (1) ». Ce n'est pas que tu aies à accomplir autre chose que ce qui t'est prescrit par la lettre; mais la lettre toute seule ne contribue qu'à te rendre coupable, tandis que la grâce te délivre du péché et t'accorde en même temps d'accomplir la loi à la lettre. De là il suit qu'on doit à la grâce et la rémission de tous ses péchés, et la foi qui agit parla charité. Gardez-vous donc de considérer ces paroles : « La lettre tue », comme étant la condamnation de la loi. Elles signifient simplement que la lettre fait des coupables: La lettre exprime un précepte ; et comme tu n'es pas aidé de la grâce, tu te trouves à l'instant, non-seulement coupable de n'avoir pas observé la loi, mais encore prévaricateur. « Quand en effet il n'y a point de loi, il n'y a pas de prévarication non plus (3) ». Non, encore une fois, ces mots : « La lettre tue, mais l'Esprit vivifie », ne sont ni un blâme ni une condamnation infligée à la loi, en même temps qu'elles sont un éloge de l'Esprit-Saint. « La lettre tue», s'entend de la lettre sans la grâce. Exemple: Il est dit d'une manière analogue : « La science enfle ». Qu'est-ce-à-dire? Est-ce ici une condamnation de la science ? Mieux vaut alors que nous restions dans l'ignorance? Mais en ajoutant ici : « Tandis que la charité», comme il a ajouté là : « Tandis que l'Esprit vivifie » , l'auteur sacré nous fait entendre que si la lettre tue sans l'Esprit, au lieu qu'avec l'Esprit elle vivifie et fait accomplir la Loi, ainsi la science enfle sans la charité, tandis qu'avec la charité elle édifie.

Ainsi donc l'Esprit-Saint a été envoyé pour faire accomplir la loi et pour réaliser cette parole du Seigneur: « Je ne suis pas venu abolir la loi, mais l'exécuter (4)». C'est le bienfait qu'il accorde aux croyants, aux fidèles, à ceux à qui il donne l'Esprit-Saint ; et plus on le reçoit abondamment, plus on a de facilité pour accomplir la loi.

4. Je le déclare effectivement à votre charité, vous pourrez le constater d'ailleurs et le reconnaître aisément. c'est l'amour qui accomplit la loi. La crainte des peines porte bien l'homme à agir, mais servilement. Supposons en effet que tu fasses le bien parce que tu crains le mal, et que par la crainte du mal encore

 

1. Gal. III, 21, 22. — 2. II Cor. III, 6. — 3. Rom. IV, 15. — 4. Matt. V, 17.

 

tu évites le mal. N'est-il pas vrai que si tu étais sûr de l'impunité, tu te livrerais aussitôt à l'iniquité? que si on te disait : Sois tranquille, tu n'auras rien à souffrir, marche ; tu marcherais ? C'est que tu n'étais retenu que par crainte de la peine, et non par amour de la justice ; la charité n'agissait pas encore en toi. Ah ! considère quels effets produit la charité. Aimons en craignant, de manière à craindre en aimant chastement. Une chaste épouse ne craint-elle pas son mari ? Mais entre crainte et crainte sache distinguer. Une épouse chaste craint que son mari ne s'absente; une épouse adultère craint qu'il ne vienne la sur. prendre. Si donc nous disons que la charité accomplit la loi parce que « la charité parfaite bannit la crainte (1) », c'est que nous parlons de la crainte servile, produite par le péché. Quant à « la chaste crainte du Seigneur, elle subsiste pour les siècles des siècles (2) ».

Cependant, d'où vient cette charité qui accomplit la loi? Evoquez vos souvenirs, regardez et reconnaissez que cette charité est un don de l'Esprit-Saint. « Car l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (3) ». N'est-ce donc pas avec raison qu'à la suite de ces dix jours qui rappellent encore la perfection de la loi, Jésus-Christ Notre-Seigneur a envoyé le Saint-Esprit, puisque c'est sa grâce qui nous accorde d'accomplir la loi que le Sauveur n'est point venu abolir, mais accomplir ?

5. Mais ce n'est pas le nombre dix, c'est le nombre sept qui dans l'Ecriture est consacré au Saint-Esprit ; à la loi le nombre dix, à l'Esprit-Saint le nombre sept. Vous savez assez que dix est le chiffre de la loi. Un mot pour rappeler que sept est celui du Saint-Esprit.

D'abord, dans le livre même, au commencement du livre de la Genèse, sont relatées les oeuvres de Dieu. Il fait la lumière; il fait le ciel qu'on nomme firmament et qui sépare les eaux d'avec les eaux ; il élève la terre au-dessus de l'eau, il la sépare de la mer et jette dans son sein les germes féconds de toutes les plantes ; il fait les flambeaux du ciel, le grand et le petit, le soleil et la lune ainsi que les étoiles; des eaux sort ce qu'elles produisent et de la terre ce que produit la terre ; puis voici l'homme fait à l'image de Dieu, et Dieu achève ses oeuvres le sixième jour, sans que dans

 

1. I Jean, IV, 18. — 2. Ps. XVIII, 10. — 3. Rom. V, 5.

 

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toutes celles dont il a été parlé jusqu'alors on ait vu paraître le mot de sanctification. Dieu dit bien: « Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite, puis il vit que la lumière était bonne » ; mais il n'est pas dit que Dieu sanctifia la lumière. « Soit fait le firmament ; et il fut fait ; et Dieu vit que c'était bien » ; il n'est pas dit non plus qu'il l'ait sanctifié. Ainsi de suite, pour ne pas nous arrêter à ce qui est trop clair. Dans tout ce qu'énumère l'Écriture jusqu'aux oeuvres du sixième jour, jusqu'à la création de l'homme à l'image de Dieu, il n'est point parlé de sanctification. Nous voici au septième jour ; Dieu ne crée rien, il se repose, et il sanctifie ce septième jour. Ainsi c'est avec le nombre sept que parait pour la première fois la sanctification ; qu'on la cherche à toutes les pages de l'Ecriture, c'est là qu'on la rencontre en premier lieu. Mais en parlant du repos de Dieu, c'est notre repos qu'a en vue le saint livre. Dieu a-t-il travaillé jusqu'à avoir besoin de repos? et s'il a sanctifié le septième jour, était-ce pour avoir un jour de fête où il pût se livrer au repos et à la joie ? Idée charnelle ! Il est ici question du repos qui suivra toutes nos bonnes oeuvres, comme le repos divin se présente à la suite de tout ce que Dieu a créé de bon. « Dieu a tout fait, et voilà que tout est très-bon. Et Dieu s'est reposé le septième jour de toutes les oeuvres faites par lui (1) » . Veux-tu, toi, te reposer aussi ? Commence par accomplir des oeuvres parfaitement bonnes. Ainsi donc il en était de l'observation matérielle du sabbat pour les Juifs, comme de leurs autres observances; elle était mystérieuse. Un certain repos leur était commandé ; mais c'est à toi de faire ce que signifie ce repos. Il est en effet un repos spirituel qui n'est autre chose que la tranquillité du coeur. Or la tranquillité du cœur provient de la sérénité d'une bonne conscience. Observer véritablement le sabbat, c'est donc ne pas pécher. Aussi est-il dit à ceux qui doivent observer le sabbat : « Vous ne ferez alors aucune oeuvre servile (2). — Or quiconque commet le péché est esclave du péché (3) ». Il est donc vrai que le nombre sept est consacré au Saint-Esprit, comme le nombre dix à la loi.

C'est aussi ce que fait entendre Isaïe dans le passage où il dit : « Il sera rempli de l'Esprit

 

1. Gen. I, 11, 3. — 2. Lévit. XXIII, 7. — 3. Jean, VIII, 34.

 

de sagesse et d'intelligence », comptez, « de conseil et de force, de science et de piété, ainsi que de l'Esprit de crainte de Dieu (1) ». C'est ici comme une gradation descendante de la grâce du Saint-Esprit, qui commence à la sagesse et se termine à la crainte; tandis qu'avançant de bas en haut, nous devons, nous, débuter par la crainte et terminer par la sagesse ; attendu que « la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse (2) ». Il serait trop long et au-dessus de nos forces, quand même vous ne devriez point vous lasser, de citer tous les passages de l'Écriture où figure le nombre sept dans ses rapports avec le Saint-Esprit. Contentons-nous donc de ce qui vient d'être dit.

6. Puisqu'avec la grâce du Saint-Esprit on accomplit la loi, considérez maintenant de quelle manière le Seigneur â, dû appeler l'attention sur le nombre dix, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, et sur le nombre sept, pour mieux faire sentir la nécessité de cette grâce de l'Esprit-Saint. C'est en envoyant le Saint-Esprit dix jours après son Ascension, que le Christ mettait en relief, par ce nombre dix , la loi dont il ordonnait l'accomplissement. Où maintenant trouver, en vue surtout du Saint-Esprit, la consécration du nombre sept? Ouvre le livre de Tobie ; tu y verras que la fête même de la Pentecôte y est appelée la fête des semaines (3). Qu'est-ce à dire? Multiplie sept par lui-même, sept par sept, comme on apprend à le faire dans les écoles ; sept fois sept font quarante-neuf. A ce total de sept multiplié par sept, il faut pourtant ajouter l'unité.

Effectivement c'est le Saint-Esprit qui nous appelle, qui nous réunit; aussi voulut-il donner pour première preuve de son avènement le pouvoir de parler toutes les langues accordé à chacun de ceux en qui il était descendu. N'est-il pas vrai que dans.l'unité morale du corps de Jésus-Christ entrent toutes les langues que parlent les peuples de l'univers entier? Cette unité merveilleuse était alors symbolisée par chacun des fidèles, puisque chacun d'eux s'exprimait dans tous ces idiomes. « Supportez-vous mutuellement avec affection » , dit l'Apôtre, c'est-à-dire avec charité; « appliquez-vous à maintenir l'unité d'esprit par le lien de la paix (4)». Ainsi c'est l'Esprit-Saint qui

 

1. Isaïe, XI, 2. — 2. Ps. CX, 10. — 3. Tob. II, 1, sel. Septante. — 4. Eph. IV, 2, 3.

 

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établit l'unité entre nous, si nombreux que nous soyons; mais on ne peut le recevoir qu'autant que l'on est humble, l’orgueil le repousse : c'est une eau mystérieuse qui cherche pour y séjourner, les coeurs humbles, comme des lieux plus profonds, et qui s'éloigne des hauteurs de l'orgueil, comme l'eau quitte l'élévation d'une colline pour se répandre ailleurs. Aussi est-il dit : « Dieu résiste aux superbes, mais il donne sa grâce aux humbles (1)». Il donne sa grâce aux humbles? Qu'est-ce à dire? Qu'il leur donne le Saint-Esprit. Il en remplit les humbles, parce qu'en eux il trouve place pour lui. Eh bien ! puisqu'il en est ainsi, à quarante-sept, produit de sept multiplié par sept,.ajoutez un en faveur de l'unité formée par le Saint-Esprit, et vous arrivez à la Pentecôte, le chiure de cinquante.

7. Puisque la ferveur de votre charité soutient ainsi notre faiblesse auprès du Seigneur notre Dieu, voici un fait qui vous paraîtra, je crois, d'autant plus agréable, une fois expliqué, qu'il est plus incompréhensible avant de l'être.

Lorsque, bien avant sa résurrection, le Seigneur choisit ses disciples, il leur commanda de jeter leurs filets à la mer. Ils le firent et prirent une telle quantité de poissons, que les filets se rompaient et que les barques trop chargées coulaient presque à fond. Il ne leur dit pas de quel côté ils devaient lancer les filets, il leur dit simplement : «Jetez vos filets (2)». S'il leur avait dit de les jeter à droite, t'eût été pour leur faire entendre qu'ils ne prendraient que de bons poissons; à gauche, ils n'en auraient pris que de mauvais. En ne les jetant ni à droite, ni à gauche , mais au hasard, ils devaient prendre un mélange de mauvais et de bons. Telle est l'image de l’Eglise du temps présent, de l'Eglise dans ce monde. N'est-il pas vrai que ces serviteurs du Christ sont allés chercher les invités, qu'ils ont amené tous ceux qu'ils out rencontrés, bons et mauvais, et que la salle des noces a été remplie de convives (3)? N'est-il pas vrai qu'aujourd'hui encore les mauvais y sont mêlés avec les bons? Pourquoi aussi des schismes, si on ne rompt pas les filets? Pourquoi si souvent l'Eglise est-elle accablée par les scandales de ces multitudes charnelles qui s'agitent en désordre, si les barques ne sont

à

 

1. Jacq. IV, 6. — 2. Luc, V, 1-7. — 3. Matt. XXII, 10.

 

surchargées? Voilà la pêche miraculeuse qui a précédé la résurrection.

Après sa résurrection le  Seigneur rencontra également ses disciples occupés à pêcher; il ordonna aussi de jeter les filets, mais non pas d'une manière quelconque ni au hasard, parce que c'était après la résurrection. C'est que dans son corps ou son Eglise, après la résurrection, il n'y aura plus de méchants. « Jetez, dit-il, les filets sur la droite ». Ils les jetèrent à droite, comme il l'ordonnait, et ils prirent un nombre déterminé de poissons. Le nombre n'avait pas été déterminé à la première pêche; qui figurait l'Eglise telle qu'elle est actuelle ment, et en retirant leurs filets, les Apôtres semblaient dire : « J'ai prêché, j'ai parlé, et la multitude s'est élevée au-dessus du nombre (1) ». Ce qui donne à entendre qu'il y a dans l'Eglise comme des surnuméraires, des membres superflus, qu'on ne laisse pourtant pas d'y admettre. Mais en jetant aujourd'hui les filets à droite, on y prend des poissons qui sont comptés et que l'Ecriture appelle grands. Ils sont grands, « car            celui qui agira et qui enseignera ainsi , dit le Sauveur, sera nommé grand dans le royaume des cieux (2) ». Ces grands poissons étaient au nombre de cent cinquante-trois. Qui ne sent que ce nombre n'est pas fixé sans motif? Est-ce eu effet pour ne rien nous apprendre que le Seigneur a dit: « Jetez vos filets», et qu'il a tenu que ce fût du côté droit ? Ce nombre de cent cinquante-trois désigne aussi quelque chose,

Il semble que l'Evangéliste ait voulu faire allusion ici à la première pêche, où les filets rompus prédisaient des schismes ; et comme dans l'Eglise de la vie éternelle il n'y aura ni schismes ni divisions, comme tous les élus y seront grands parce que tous y seront remplis de charité, il a voulu dire en parlant de la seconde pêche, par allusion à la première qui présageait de funestes ruptures : « Et quoiqu'ils fussent si grands, les filets ne se rompirent point (3) ». Ainsi le côté droit désigne que tous seront bons ; la grandeur des poissons rappelle « qu'en agissant et en enseignant ainsi on sera nommé grand dans le royaume des cieux » ; enfin si les filets ne se rompirent point, c'est qu'alors il n'y aura aucune dissension. Que signifie maintenant ce nombre de cent cinquante-trois?

 

1. Ps. XXXIX, 6. — 2. Matt. V, 19. — 3. Jean, XXI, 1-11.

 

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Ce nombre n'est pas assurément celui des élus; il n'y en aura pas cent cinquante-trois seulement, puisque le seul nombre de ceux d'entre eux qui ne se sont point souillés avec les femmes s'élève à douze fois douze mille (1). le nombre des élus cependant est comme un arbre qui semble venir d'un noyau spécial. Or ce noyau du grand nombre des élus est un nombre plus petit, le nombre dix-sept , car avec dix-sept : on forme cent cinquante-trois. Il  suffit d'additionner ensemble tous les nombres a partir d'un jusqu'à dix-sept. En se contentant de rappeler tous les nombres depuis un jusqu'à dix-sept, on n'obtiendra que dix ; mais en additionnant, en disant : Un, deux et trois font six ; six, quatre et cinq font quinze ; en poursuivant cette addition jusqu'à dix-sept, on trouve sur ses doigts le total de cent cinquante-trois.

Rappelle-toi maintenant ce que j'ai dit, ce sur quoi j'ai insisté dans ce discours, et comprends ce que désigne et quels sont ceux que figure notre chiffre de dix-sept. Dix, c'est la loi ; sept, l'Esprit-Saint. N'est-ce pas nous enseigner que dans cette Eglise de la résurrection éternelle, où il n'y aura point de scissions et où la mort ne sera plus à craindre puisqu'on sera ressuscité, on ne comptera , pour vivre éternellement avec le Seigneur, que ceux qui auront accompli sa loi par la grâce du Saint-Esprit et par l'assistance de ce Don divin dont nous célébrons aujourd'hui la fête ?

 

1. Apoc. XIV, 1-4.

 

 

 

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