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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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SERMON CCCI. FÊTE DES SAINTS MACHABÉES, MARTYRS. II. LA PROSPÉRITÉ DES MÉCHANTS.

 

ANALYSE. — La mère des Macchabées exhortant ses enfants au martyre est une image touchante de l’Eglise notre mère, nous excitant à mourir généreusement pour Jésus-Christ. Pourquoi, demandera-t-on, Dieu n'a-t-il pas préservé les Macchabées de la mort comme il a su en préserver les trois jeunes Hébreux jetés dans la fournaise? Evidemment il a traité les Macchabées avec plus de bonté, puisqu'en ne les préservant pas de la mort il les a délivrés de tous les dangers que l'on court dans la vie. Antiochus a donc été pour eux, à son insu, l'instrument de la divine bonté, tout en se perdant lui-même. Par conséquent, pourquoi envier la prospérité des impies? C'est d'abord une témérité, tout au moins, puisque tu ne sais à quoi ils sont réservés après cette vie. C'est de plus un aveuglement étrange : Dieu a ses raisons pour leur laisser une place dans ce monde. Souvent en effet ils doivent donner le jour à des enfants vertueux; souvent aussi ils servent à exercer, à purifier et à sanctifier les justes. Mais dans l'autre monde, dans la vie bienheureuse, il n'y a pour eux aucune place. Pourquoi donc se scandaliser de leur prospérité si éphémère? Pourquoi ne pas s'occuper davantage de l'éternelle et ineffable félicité réservée aux justes après une vie si courte ?

 

1. Un grand spectacle vient de passer sous les yeux de votre foi. Nous venons d'entendre, nous venons de voir en quelque sorte une mère faisant des voeux ardents pour que ses fils quittent cette vie avant elle : que ces voeux sont contraires aux voeux que font ordinairement les parents ! Tous, en effet, veulent sortir de cette vie avant leurs enfants, et non pas après ; tandis que cette mère généreuse voulait ne mourir qu'après les siens. Ah !  c'est qu'elle ne perdait pas ses fils, elle s'en faisait précéder; c'est qu'elle considérait moins la vie qu'ils quittaient que celle où ils entraient. Ils cessaient de vivre, mais dans une région où ils devaient un jour mourir; et ils commençaient à vivre dans une patrie où leur vie (497) devait se prolonger sans fin. Peu contente de les regarder, ne les exhortait-elle pas avec un courage que nous avons admiré? Plus riche en vertus qu'en enfants, elle combattait avec eux en les voyant combattre, et leur victoire était également sa victoire. Dans son unité, cette femme, cette mère nous représente donc sensiblement une autre mère, la sainte Eglise, exhortant partout ses enfants à mourir pour le nom de l'Epoux divin qui les lui a donnés. C'est ainsi qu'arrosé par le sang des martyrs, le champ de l'univers, déjà ensemencé, a produit à l'Eglise d'amples moissons. Comment l'homme a-t-il obtenu ce bonheur? N'est-ce pas de Celui « qui sauve les justes et qui se déclare leur protecteur au jour de l'affliction (1) ? »

2. Nous l'avons vu, nous le savons, Dieu s'est montré, au jour de l'affliction, le protecteur de ces trois Hébreux qui marchaient au milieu des flammes inoffensives, et qui sans en recevoir d'atteinte y louaient le Seigneur. Envers eux l'homme était cruel, et le feu indulgent. Nous avons vu, nous savons comme le Seigneur à sauvé ces justes: jetés dans la fournaise, ils ont converti, en y conservant la vie, le prince barbare qu'avait irrité leur langage. Car il crut en Dieu, et il édicta que quiconque blasphémerait le Dieu de Sidrach, de Misach et d'Abdénago, serait mis à mort et sa maison livrée au pillages (2). Que cet ordre ressemblait peu au premier ! Quel était le premier? Périsse quiconque n'adorera pas la statue d'or ! Et le second? Périsse quiconque aura blasphémé contre le vrai Dieu ! Ainsi, sans avoir fléchi en rien, ces hommes fidèles changèrent le prince infidèle. Pour être restés fermes dans la foi, ils ne le laissèrent point persévérer dans son infidélité. Manifestement leur conservation vint de Dieu. Dieu était là , quand , sans brûler , ils le louaient.

Mais où Dieu était-il quand en le confessant aussi les Macchabées brûlaient et mouraient? Les uns étaient-ils des justes, et les autres des pécheurs? Lorsque tout à l'heure on lisait le martyre des Macchabées, nous les avons entendus confesser leurs péchés et reconnaître que s'ils souffraient tout cela, c'est que Dieu était irrité contre eux et contre les désordres de leurs pères (3). Et les trois Hébreux ? Lisez,

 

1. Ps. XXXVI, 39. — 2. Dan. III, 96. — 3. II Mach. VII.

 

vous constaterez qu'eux aussi avouaient leurs propres iniquités et confessaient qu'ils souffraient justement. Egalement justes les uns et les autres, ils confessaient également leurs péchés, si même ils étaient également justes, c'est qu'également ils se reconnaissaient pécheurs ; et ils étaient irrépréhensibles, parce qu'ils ne mentaient pas. « Si nous prétendons, dit saint Jean, être sans péché, nous nous trompons nous-mêmes,et la vérité n'est pas en nous. Mais si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les remettre et pour nous purifier de toute iniquité (1) ». Aussi le caractère des justes est-il d'avouer leurs fautes, et le caractère des orgueilleux de soutenir leurs mérites.

Tous ces justes donc confessaient également leurs péchés, glorifiaient également Dieu, étaient également disposés à mourir pour ses lois. Comment alors les uns sont-ils délivrés des flammes et les autres y sont-ils consumés ? Dieu protégeait-il les uns et abandonnait-il les autres ? Loin de nous cette idée! Dieu a protégé les uns et les autres ; les uns secrètement, et les autres ostensiblement. Il délivrait visiblement ceux-ci, invisiblement il couronnait ceux-là. Les premiers, en effet, furent délivrés de la mort, mais ils restèrent au milieu des tentations de cette vie; sauvés du feu, combien de dangers ils avaient à courir encore; vainqueurs d'un tyran, il leur fallait lutter encore contre le diable. Appliquez ici, mes frères, votre intelligence de chrétiens. Oui, les Macchabées ont été délivrés d'une manière plus désirable et plus sûre. Les trois jeunes Hébreux, en surmontant une tentation, avaient à courir encore toutes les autres ; les Macchabées, en terminant leur vie, se trouvaient préservés de toutes. Ajoutons que, d'après un arrêt divin, arrêt mystérieux sans doute, mais pourtant juste, Nabuchodonosor mérita de se convertir, tandis qu'Antiochus s'endurcit; que l'un trouva miséricorde, et que l'autre ne fit que croître en orgueil.

3. Mais combien et jusqu'à quel degré s'éleva son orgueil? « J'ai vu l'impie s'élever au-dessus des cèdres du Liban ». Jusques à quand ? combien de temps durera cette élévation ? « J'ai passé, et voilà qu'il n'était plus; je l'ai cherché, et je n'ai point trouvé sa place (2) ». Je le comprends, tu l'as cherché sans le trouver,

 

1. I Jean, I, 8, 9. — 2. Ps. XXXVI, 35, 36.

 

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ver, parce que tu es monté plus haut. Veux-tu, mon frère, te convaincre que l'impie n'est plus là? Veux-tu le chercher et ne trouver pas sa place? Passe. Qu'ai-je entendu par ce mot, Passe ? Ne tremble point; je n'ai pas voulu dire: Meurs. Tu croyais que je te disais: Sors de cette vie, et comme tu n'en es pas sorti, tu tremblais. Comment n'en es-tu pas sorti ? C'est que tu n'as pas élevé ton coeur au-dessus des charmes de la prospérité temporelle, tu ne l'as pas élevé au-dessus des séductions de la chair, de ces attraits du siècle qui le provoquent et lui inspirent la crainte des humaines adversités. Car tu t'imagines que le bonheur est dans ce inonde, et tu ne songes point que c'est plutôt le malheur. Ah ! la félicité du royaume des cieux n'a fait aucune impression sur ton coeur ; du ciel il n'est descendu sur tes passions aucun vent rafraîchissant. Te dit-on que la prospérité du monde est une prospérité trompeuse ? Tu n'oserais contredire; mais je vois ce qui se passe dans ton coeur; peut-être même te moques-tu de ce langage, peut-être en ris-tu et vas-tu jusqu'à t'écrier : Oh ! si seulement je jouissais de ce bonheur! J'ignore ce qui m'arrivera plus tard. Non content même de dire: J'ignore, ne vas-tu pas jusqu'à ajouter: « Le temps de notre vie est court et plein d'ennui; l'homme une fois mort ne reparaît plus, et l'on n'en connaît point qui soit revenu des enfers (1) ». Dis au moins que tu n'en connais point, l'aveu de son ignorance est un pas fait vers la connaissance. Je suppose donc que tu me dises: J'ignore ce qui arrivera après la mort; j'ignore si les justes seront heureux et les pécheurs malheureux, ou bien si les uns et les autres seront également rentrés dans le néant. Eh bien ! quand même tu ignorerais cela, tu n'oseras avancer que les pécheurs seront heureux après la mort, et les justes malheureux. Et quand tu serais porté à croire que les uns et les autres auront également perdu toute existence, tu ne peux dire que le sort des impies après la mort sera préférable à celui des justes, et que ceux-ci seront plongés dans le malheur. Non, ton ignorance ne saurait te suggérer cette idée. Tu peux donc dire: J'ignore si les justes seront heureux après leur mort et les impies malheureux, ou bien si les uns et les autres sont insensibles ; si seulement j'étais heureux ici, pendant

 

1. Sag. II, 1.

 

que j'ai vie et sensibilité! Mais parler ainsi, ce n'est pas t'être élevé encore; ce n'est pas être allé au-delà des pensées de terre, de poussière, de fumée, de vapeur, de chair, de mort; et si l'impie te semble élevé encore au-dessus des cèdres du Liban, si tu cherches encore sa place et que tu la trouves, c'est que tu n'es pas sorti d'ici encore.

4. Tu cherches sa place, tu la trouves; mais ici effectivement il a sa place en ce monde. Serait-ce sans raison qu'il a été créé par Dieu qui connaît l'avenir, que ce même Dieu le nourrit, fait lever sur lui son soleil et tomber la pluie, l'épargne avec tant de patience malgré sa perversité et ses crimes? Sûrement non. Il a donc ici sa place. Sans doute, nous ne pouvons découvrir toutes les raisons de cette disposition divine, mais Dieu les connaît, lui qui sait disposer toutes choses. Ainsi, pour ne parler pas des autres persécuteurs, quelle place n'occupait pas ici ce misérable Antiochus ? Par lui le peuple de Dieu a été châtié et éprouvé; par lui encore ont été couronnés nos jeunes et saints Macchabées. Voilà pourquoi il avait ici sa place. C'était un méchant prince, mais Celui qui est nécessairement tout bon l'a fait servir au bien. De même, en effet, que les méchants font mauvais usage des créatures qui sont bonnes, ainsi le Créateur qui est bon fait bon usage des méchants. Créateur du genre humain tout entier, il sait quel parti tirer d'eux. C'est l'orfèvre qui porte, qui pèse et qui place le minerai. Pour embellir un tableau, le peintre sait où placer les ombres; et Dieu, pour faire l'ordre dans la création, ne saurait où placer les pécheurs ?

D'ailleurs, si dans les siècles précédents la patience divine n'avait conservé des pécheurs, d'où naîtraient aujourd'hui tant de fidèles? Il épargne donc des méchants, afin qu'ils donnent le jour aux bons, à ceux qui deviennent bons par la grâce de Dieu , attendu que toute la masse du péché est une masse condamnée.

Qu'y a-t-il de plus pervers que le démon? Que de biens cependant Dieu n'a-t-il pas tirés de sa perversité? Sans la méchanceté du traître, le sang du Rédempteur n'eût pas coulé pour notre salut. Lis l'Evangile et vois ces mots qui y sont écrits : « Le diable mit au coeur de Judas le dessein de livrer le Christ (1) ». Le diable est méchant, Judas l'est

 

1. Jean, XIII, 2.

 

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aussi; l'instrument est bon pour la main qui l'emploie. Ainsi le démon fit de son instrument un usage mauvais; mais le Seigneur les fit servir au bien l'un et l'autre. Eux voulaient notre ruine : le Seigneur daigna tirer d'eux notre salut.

5. Judas a livré le Christ et a été condamné; il l'a livré, et il est damné encore: le Père aussi l'a livré, et on l'en glorifie. Je le répète, Judas a livré son Maître, et il est condamné; le Fils est livré lui-même et on l'en bénit. Nous savons tous comment Judas a livré le Christ. Peut-être vous attendez-vous à apprendre comment le Père a livré son Fils? Mais vous le savez aussi. Je le redirai néanmoins afin de réveiller vos souvenirs. Ecoute l'Apôtre, il dit de Dieu le Père : « Il n'a pas épargné son propre Fils, mais il l'a livré pour nous tous (1) ». Ecoute aussi ce qu'il dit du Fils : « Il m'a aimé, et pour moi il s'est livré lui-même (2) ». Voilà déjà le Père qui livre le Fils et le Fils qui se livre lui-même; mais en livrant ainsi ils sont l'un et l'autre Sauveurs, parce qu'ils sont créateurs l'un et l'autre. Qu'a donc fait Judas? Eh! quel bien a-t-il fait? De lui on a tiré du bien, ce n'est pas lui qui l'a fait, car il ne se disait pas : Je vais livrer le Christ pour délivrer genre humain. Judas était inspiré par l'avarice, et Dieu par sa miséricorde. Aussi Judas n'a-t-il été payé que de ce qu'il a fait, et non pas de ce que Dieu a fait par lui.

6. Pourquoi ces réflexions ? C'est que l'impie a réellement sa place en ce monde; c'est que Dieu connaît sûrement ceux qui sont à lui (3); c'est qu'il sait quel parti tirer en leur faveur de ceux qui ne sont pas à lui. Mais toi, si tu l'élèves, si tu foules aux pieds les choses de la terre, si tu ne réponds pas à tort que tu as le cœur au ciel, tu y chercheras la place de l'impie, et tu ne la trouveras pas. Eh ! quelle place aurait-il dans cette vie future? Aurons-nous besoin d'y être exercés encore par les méchants? L'or y a-t-il besoin d'être purifié encore avec la paille ? Le monde entier est comme un immense atelier d'orfèvre; les justes y sont comme l'or, et les impies comme la paille; les tribulations y sont comme le feu, et Dieu même y est l'orfèvre. Quand l'homme religieux loue Dieu, c'est l'or qui brille; quand l'impie le blasphème, c'est la paille qui fume. Sous le poids de la même affliction comme à

 

1. Rom. VIII, 32. — 2. Gal. II, 20. — 3. II Tim. II, 19.

 

la chaleur du même feu, l'un se purifie, l'autre se consume, et tous deux néanmoins font éclater la gloire de Dieu.

7. Un mot maintenant, mes bien-aimés, pour vous encourager et moi aussi. Elevons-nous, avec l'aide de Dieu, au-dessus des pensées charnelles, tenons au ciel notre coeur, pensons a la vie future : on y est quand on y a le coeur. Où vois-tu l'impie ? Il n'y sera point. Ici on avait besoin de lui ; là tu le chercheras, mais sans trouver sa place. Vous donc qui vivez de la foi, vous dont le coeur est droit, vous qui comptez sur la félicité future, félicité vraie et éternelle; lorsque vous voyez les humains s'attacher et prendre plaisir aux vaines et trompeuses félicités de cette vie, si vous êtes pieux, gémissez; si vous avez la santé, pleurez.

Voici comment s'accuse lui-même cet homme qui sans doute était déjà au-dessus de la terre, mais qui n'y était pas entièrement, qui n'y était pas assez, et dont les pieds avaient chancelé. Il ne, niait point que Dieu connût tout; mais comme s'il avait eu les pieds ébranlés, il chancela. Il chancela ? Qu'est-ce à dire ? Il hésita. Or, que dit-il en se reprochant de n'avoir pas eu le cœur droit? Pourquoi nies pieds ont-ils chancelé ? « Parce que je me suis indigné contre les pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent ». Je me suis indigné contre les impies; en les voyant riches; j'ai même dit que je ne gagnais, rien à pratiquer la justice, « qu'inutilement je m'étais purifié le cœur et lavé les mains parmi les innocents ». Mais dans cette incertitude, voici comment j'ai commencé à voir la vérité. « Voici comment j'ai commencé à connaître ; ç'a été pour moi un rude travail »; un rude travail pour résoudre cette question. Il y a vraiment fatigue à voir le méchant dans la prospérité et le juste dans l'adversité, pendant que Dieu siège sur son tribunal au-dessus de l'un et de l'autre. C'est donc ce juste Juge qui dispense aux méchants la fortune, et l'infortune aux bons. « C'est pour moi un travail ». Mais jusqu'à quand dure-t-il? « Jusqu'à ce que je sois entré dans le sanctuaire de Dieu et que j'aie jeté les yeux sur les fins dernières ». C'est donc en jetant les yeux sur les fins dernières que tu parviendras au repos que donne la découverte, et que tu échapperas aux tourments de la recherche.

8. Ah ! considère cet avenir suprême où il  (500) n'y aura ni méchant heureux ni bon malheureux. Que dit en effet le prophète? « Que n'ai-je pas au ciel? » Je le sais maintenant, mais c'est depuis que je suis entré dans le divin sanctuaire et que j'ai médité les dernières fins. « Que n'ai-je pas au ciel ? » J'y ai l'incorruptibilité, l'éternité, l'immortalité, sans douleur, sans crainte, sans terme à mon bonheur. « Que n'ai-je pas au ciel? » Que ne m'y est-il pas réservé? « Et hors de vous, qu'ai-je voulu sur la terre (1)? — Que n'ai-je pas au ciel? » Puis-je dire ce qui m'y attend? Comment l'expliquer? Aussi ces mots : « Que n'ai-je pas au ciel? » sont plutôt un cri d'admiration qu'un commencement d'énumération. Pourquoi ne pas dire ce qui t'y est réservé ? Eh ! comment dire « ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce que le coeur de l'homme n'a point pressenti (2) ? » Foulez aux pieds ce qui est en bas, car ce n'est rien; espérez ce qui est en haut, car on ne saurait l'expliquer ; puis, avec cette foi, ne vous indignez pas à propos des pécheurs quand ils vous paraissent heureux; c'est un faux bonheur, ils sont malheureux réellement. Pour vous, « réjouissez-vous dans le Seigneur (3) »; et si vous avez des richesses, des honneurs, des dignités temporelles, gardez-vous d'y placer pour vous le bonheur.

Quand on sait se réjouir dans le Seigneur et considérer ses fins dernières, la félicité de ce monde n'est pas un honneur, c'est un fardeau. La prospérité du siècle est un danger ; il est à craindre que celui qui en jouit ne se corrompe, non pas le corps, mais le coeur, car c'est une fausse félicité. Aussi les hommes pieux qui semblent être quelque chose dans ce monde ne se réjouissent pas de cela, ils mettent leur joie à accomplir les préceptes du Seigneur. Aux caresses et aux menaces du monde ils

 

1. Ps. LXXII, 3-25. — 2. I Cor. II, 9. — 3. Ps. XXXI, 11.

 

préfèrent les divins commandements; tout ce qui est visible, ils le foulent aux pieds; ils s'élèvent au dessus, ils s'y élèvent en esprit et non de corps. Non-seulement ils s'élèvent au-dessus de ce qui est visible, car il est facile de s'élever au-dessus de ce qu'on foule aux pieds; mais ils s'élèvent au-dessus de tout ce qui est muable. Il est vrai : tout ce qui est visible est muable ; mais tout ce qui est muable n'est pas visible; ainsi tout invisible qu'elle soit, l'âme est muable. Elève-toi donc au-dessus de tout ce qui se voit, au-dessus également de tout ce qui ne se voit pas et qui change, pour arriver jusqu'à Celui qui ne se voit pas et qui ne change pas. Arriver jusqu'à lui, c'est arriver jusqu'à Dieu.

9. Maintenant donc vis de la foi, règle ta vie ; comme Dieu est si élevé, nourris tes ailes ; crois ce que tu ne peux voir encore, pour mériter de voir ce que tu crois. Vivons comme des voyageurs, songeons que nous passons et nous pécherons moins. Rendons grâces surtout au Seigneur notre Dieu, de ce qu'il a voulu que le dernier jour de notre vie ne fût ni éloigné ni certain. De la première enfance à la vieillesse décrépite, l'espace est court, en effet. Qu'importerait à Adam d'avoir tant vécu, s'il était mort seulement aujourd'hui ? Qu'y a-t-il de long une fois qu'on est au terme? On ne peut rappeler le jour d'hier; aujourd'hui est poussé par demain, il faut qu'il passe. Durant une vie si courte, conduisons-nous bien, et allons dans cette autre vie d'où l'on ne sort pas. — Maintenant même, tout en parlant, ne passons-nous pas? Les paroles se précipitent en tombant des lèvres; ainsi en est-il de nos actions, de nos honneurs, de notre misère, de notre félicité. Tout passe; mais ne tremblons point: « Le Verbe de Dieu  subsiste éternellement (1)».

 

1. Isaïe, XL, 8.

 

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