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HOMELIE VI.« JÉSUS DONC ÉTANT NÉ A BETHLÉEM, QUI EST DANS LA TRIBU DE JUDA AU TEMPS DU ROI HÉRODE, DES MAGES VINRENT DE LORIENT A JÉRUSALEM .- ET ILS DEMANDÈRENT, OU EST LE ROI DES JUIFS QUI EST NOUVELLEMENT NÉ? CAR NOUS AVONS VU SON ÉTOILE DANS LORIENT, ET NOUS SOMMES VENUS LADORER, ETC. » (CHAP. II, 1, JUSQUAU VERSET 4.)
ANALYSE 1. Létoile qui apparut aux mages ne prouve pas que lastrologie soit une science vraie, autrement comment expliquer que le Christ leût fait cesser ainsi que les autres prestiges des démons. 2. Létoile qui annonça la naissance du Christ nétait pas du nombre des autres étoiles. 3. Pourquoi létoile apparut. 4. Cest par laction de la grâce que les mages , en voyant létoile, prirent la résolution dadorer Jésus. Dieu influence la volonté sans détruire le libre arbitre. Pourquoi Jérusalem se troubla en apprenant la naissance du Christ. 5. Les Juifs ne suivirent pas les mages, tant était grande leur souciance des choses du ciel . Ils navaient pas la moindre étincelle de ce feu spirituel qui détruit dans le coeur lamour des choses du siècle. 6. Contre le rire dissolu. 7 et 8. Contre les spectacles.
1. Nous avons besoin, mes frères, dune grande attention, et de beaucoup de prières, pour expliquer toutes les difficultés qui se trouvent dans ces paroles de notre Evangile, et pour savoir qui sont ces mages, doù ils sont venus; qui leur a fait entreprendre ce voyage; et quelle était cette étoile qui les a conduits. Commençons, si vous voulez, par ce que disent sur ce sujet les ennemis de la vérité: car le démon les aveugle de telle sorte, quils croient trouver dans cette histoire des armes pour combattre cette même vérité. Aussitôt, disent-ils, que Jésus-Christ fut né, il parut une étoile, ce qui est une preuve claire de la certitude et de la solidité de lastrologie. Mais quy a-t-il de plus faux que ce raisonnement? Si Jésus était né selon la loi de lastrologie, comment laurait-il détruite après, en renversant lerreur du destin, en fermant la bouche aux démons, et en détruisant foutes les illusions de cet art de prédire et de deviner? Comment les mages ont-ils pu aussi comprendre par cette étoile que cet enfant fût le roi des Juifs, puisque assurément il nétait pas roi de ce royaume terrestre, comme il le dit lui-même à Pilate : « Mon royaume nest pas de ce monde? » (Jean, XVIII, 36.) Il na rien eu à lextérieur de ce qui accompagne les rois. Il na point eu auprès de lui de gardes dhommes de guerre, de chevaux, dattelages de mules, ni dautres choses semblables. Il a choisi une vie basse et méprisable, et il ne sest fait suivre que de douze hommes fort pauvres. Mais quand même les mages eussent reconnu Jésus-Christ comme un prince temporel, pourquoi le viennent-ils trouver? Ce nest point leffet de lart des astrologues de connaître par les astres ceux qui sont nés, mais de prédire, à ce quils prétendent, ce qui doit arriver à lenfant, en observant quelle était la disposition des étoiles au moment de sa naissance. Cependant les mages ne sétaient point trouvés auprès de la mère pour remarquer le point de son accouchement. Ils navaient point su le temps auquel était né Jésus-Christ, pour que cette connaissance fût le fondement des prédictions quils auraient pu faire pour lavenir. Au contraire, après avoir vu luire longtemps auparavant une étoile dans leur pays, ils viennent pour voir celui qui était né, ce qui surprend encore plus que tout le reste. Car quelle raison les pouvait porter à ce voyage? Quel bien espéraient-ils en venant de si loin adorer un roi? Quand ce prince eût dû un jour être leur roi, cette raison naurait pas (45) encore été suffisante pour les engager à ce long chemin. Sil fût né dans un palais et quil eût eu un roi pour père, on pourrait peut-être dire que le désir de complaire au père les eût portés à venir saluer lenfant, afin de sen faire un mérite, et de sattirer son amitié; mais ils nespèrent point quil soit jamais leur roi: il sera, tout au plus, celui dun peuple étranger et très-éloigné de leur pays, ce nest encore quun enfant, pourquoi donc entreprendre un voyage si pénible? pourquoi offrir des présents, principalement lorsquils ne le peuvent faire quen sexposant à un grand péril? « Car Hérode, entendant cela, en fut troublé, et avec lui tout le peuple. » Mais, dira-t-on, ils ne prévoyaient pas ce trouble ni ces périls. Objection invraisemblable; à moins dêtre entièrement dépourvus de sens, ils devaient savoir quen entrant dans une ville gouvernée par un roi, en y annonçant ce quils annonçaient, en indiquant un autre roi que le roi régnant, ils sexposeraient infailliblement à mille dangers mortels. Mais pourquoi adorent-ils un enfant encore dans les langes? Si ceût été un prince dâge viril, on pourrait encore dire que lespérance den tirer quelque secours les aurait portés à sexposer pour lui à tous ces périls. Et néanmoins çaurait encore été une extrême folie à des Perses et à des étrangers, qui navaient aucune liaison avec les Juifs, de quitter pays, maison, parents, pour venir se mettre sous la domination dun roi étranger. Que sil y eût eu en cela de la folie, il y en avait bien davantage à ce que des personnes sages vinssent de si loin adorer un enfant, exciter de grands troubles, et sen retourner aussitôt. Car enfin quelle marque de royauté virent-ils en voyant une étable, une crèche, un enfant enveloppé de langes, et une mère très pauvre? Mais à qui font-ils ces présents quils lui offrent, et pourquoi les lui offrent-ils? Est-ce quil y avait quelque loi ou quelque coutume qui obligeât à rendre cet honneur à tous les rois à leur naissance? Dira-t-on que ces mages parcouraient toute la terre, pour adorer ceux quils savaient devoir un jour de pauvres devenir rois, et pour leur rendre leurs hommages avant quils montassent sur le trône? Cette supposition ne serait pas sérieuse. Pourquoi donc ladorent-ils? Si cétait dans la vue de quelque avantage présent, que pouvaient-ils attendre dun enfant, et dune mère pauvre ? Si cétait pour quelque avantage à venir, doù pouvaient-ils savoir que cet enfant se ressouviendrait un jour quils lauraient adoré dans le berceau? Si lon dit que la mère len eût pu faire souvenir, je réponds quils devaient alors sattendre à recevoir non la récompense, mais le châtiment pour lavoir exposé à un danger évident. Car ils furent cause quHérode, troublé par cette nouvelle, senquit avec soin du lieu où était cet enfant, et fit tout ce quil put pour le découvrir, et pour le tuer. En effet, publier quun particulier doit un jour devenir roi, nest-ce pas le désigner au poignard, et lui susciter de toutes parts mille hostilités? Vous voyez donc combien on trouverait ici dabsurdités, si on considérait cette histoire humainement. Celles que je viens de relever ne sont pas les seules, une réflexion attentive en découvrirait bien dautres. Mais en entassant trop de questions les unes sur les autres je narriverais quà vous causer une sorte déblouissement et de vertige; contentons-nous de celles que nous avons proposées et cherchons-en la solution en commençant par létoile que virent les mages. Lorsque nous aurons examiné quel était cet astre; doù il était, sil était de la nature des autres, si cen était un nouveau, et dune espèce différente, si cétait un astre en réalité ou seulement en apparence, nous comprendrons ensuite aisément le reste. 2. Doù nous viendra léclaircissement de ces doutes? De lEvangile même. Car pour juger que cette étoile nétait pas une étoile ordinaire, ni même une étoile, mais une vertu invisible, qui se cachait sous cette forme extérieure, il ne faut que considérer quel était son cours et son mouvement. Il ny a pas un astre, pas un seul, qui suive la même direction que celui-ci. Le soleil et la lune et toutes les planètes et les étoiles, vont de lOrient à lOccident; au lieu que cette étoile allait du Septentrion au Midi, selon la situation de la Palestine à légard de la Perse. On peut prouver encore la même chose par le temps où cette étoile paraît. Car elle ne brille pas la nuit comme les autres, mais au milieu du jour et en plein midi, ce que ne peuvent faire les autres étoiles, ni la lune même, qui, bien que plus éclatante que les autres astres, disparaît néanmoins aussitôt que le (46) soleil commence à paraître. Cependant cette étoile avait un éclat qui surpassait celui du, soleil, et jetait une clarté plus vive et plus brillante. La troisième preuve qui fait voir que cette étoile nétait point ordinaire, cest quelle paraît et se cache ensuite. Elle guida les mages tout le long de la route jusquen Palestine. Aussitôt quils entrent à Jérusalem elle se cache; et quand ils ont quitté Hérode après lui avoir fait connaître lobjet de leur voyage, et quils continuent leur chemin, elle se remontre encore, ce qui ne peut être leffet dun astre ordinaire, mais seulement dune vertu vivante et surtout intelligente. Car elle navait point comme les autres un mouvement fixe et invariable. Elle allait quand il fallait aller; elle sarrêtait quand il fallait sarrêter, modifiant suivant les convenances, sa marche et son état, à lexemple de cette colonne de feu qui paraissait devant les Israëlites, et qui faisait ou marcher, ou arrêter larmée lorsquil le fallait. La même chose se prouve en quatrième, lieu par les indications que donnait cette étoile. Elle nétait point au haut du ciel, lorsquelle marqua aux mages le lieu où ils devaient aller, puisquelle naurait pu le leur faire reconnaître de cette manière; mais elle descendit pour cela dans la plus basse région de lair. Car vous jugez bien quune étoile neût pas pu marquer une cabane étroite, le point précis occupé par le corps dun enfant. Non, à une si grande hauteur, elle naurait pu désigner, indiquer exactement un si petit objet aux regards. Considérez la lune, ses dimensions sont bien autres que celle des étoiles, et cependant tous les habitants de la terre, de quelque point de cette vaste étendue quils la regardent, laperçoivent toujours près deux. Comment donc, dites-le moi, une simple étoile aurait-elle indiqué des objets aussi petits, que le sont une grotte et une crèche autrement quen descendant de ces hauteurs du ciel, pour venir sarrêter en quelque sorte sur la tête même de lenfant? Cest ce que lévangéliste marque un peu après par ces paroles: « Létoile quils avaient vue en Orient commença daller devant eux, jusquà ce quétant arrivée sur le lieu où était lenfant, elle sy arrêta. » Vous voyez donc par combien de preuves lEvangile montre que cette étoile nétait pas une étoile ordinaire, et que ce nétait point par les règles de lastrologie quelle découvrait cet enfant aux mages. 3. Mais pourquoi Dieu fit-il paraître cette étoile? Cétait pour convaincre linfidélité des Juifs, et pour rendre leur ingratitude inexcusable. Venant sur la terre pour faire cesser lAncien Testament, pour appeler tout le monde à la connaissance de son nom, et pour se faire adorer dans toute la terre, et au delà des mers, Jésus-Christ ouvre dabord aux Gentils la porte de la foi, et il instruit son propre peuple par des étrangers. Dieu voyant lindifférence avec laquelle les Juifs écoutaient toutes les prophéties qui promettaient la naissance du Sauveur, fait venir de loin des barbares chercher le roi des Juifs au milieu des Juifs, et il veut que des Perses leur apprennent les premiers ce quils ne voulaient pas apprendre eux-mêmes des oracles de leurs prophètes afin que sils avaient quelque reste de bonne volonté, cette occasion les portât à croire, et que sils voulaient toujours être rebelles, il ne leur restât plus aucune excuse. Car que pouvaient-ils dire en rejetant Jésus-Christ après tant de témoignages des prophètes, lorsquils voyaient ces mages le chercher à la seule apparition dune étoile, et ladorer aussitôt quils lont trouvé?. Dieu se sert aujourdhui des mages de la même manière quil sétait servi autrefois des Ninivites, auxquels il envoya Jonas, de la même manière quil se servira plus tard de la Samaritaine et de la Chananéenne, cest-à-dire pour confondre les Juifs; et lon peut appliquer ici cette parole de Jésus-Christ : « Les Ninivites sélèveront contre ce peuple et le condamneront. La reine de Saba accusera cette race infidèle (Matth. XII, 41), » puisquils ont cru aux moindres signes, et que ce peuple ne se rend pas aux plus grands. Vous me demanderez peut- être pourquoi Dieu se sert de cette étoile pour attirer les mages à lui. Mais de quel autre moyen aurait-il dû se servir? Devait-il leur envoyer des prophètes? Les mages ne les eussent jamais reçus. Leur devait-il parler du Ciel? Ils ne leussent point écouté. Leur devait-il envoyer un ange? Ils lauraient aussi négligé. Cest pourquoi, laissant de côté tous ces moyens extraordinaires, il les appelle par des choses qui leur étaient communes et familières; et, usant ainsi dune admirable condescendance pour saccommoder à leur faiblesse, il fait luire sur eux un (47) grand astre, très différent de tous les autres, afin de les frapper par sa grandeur, par sa beauté et par la nouveauté de son mouvement. Cest à limitation de cette condescendances que saint Paul prit autrefois occasion dun autel quil vit à Athènes, pour prêcher Jésus-Christ aux Athéniens, et quil se servit du témoignage de leurs poètes. Cest de circoncision quil parle lorsquil sadresse aux Juifs; cest des sacrifices quil part pour annoncer la doctrine à ceux qui vivent encore sous la loi ancienne. Comme les hommes sont tout attachés à leurs coutumes et à ce quils voient dordinaire, Dieu et tous ceux quil envoie pour travailler au salut des peuples sen servent souvent pour les faire entrer dans la vérité. Ne regardez donc point comme une chose indigne de la grandeur de Dieu dappeler à lui les mages par une étoile, puisque vous blâmeriez par la même raison les cérémonies des Juifs, leurs sacrifices, leurs purifications, leurs néoménies, leur arche et le temple même. Toutes ces choses nont point eu dautre origine quune grossièreté toute païenne. Dieu cependant, pour le salut dun peuple enfoncé dans lerreur, permit que les Hébreux lhonorassent comme les païens honoraient les démons, à quelques petites différences près, afin quen les retirant peu à peu de ces coutumes, il les élevât dans la suite jusquau faîte de la sagesse évangélique. Il use donc de cette condescendance envers les mages, et il les appelle à lui par une étoile, afin de les faire passer ensuite à un état plus parfait et plus élevé. Mais après quil les a ainsi conduits comme par la main jusquà la crèche, il ne leur parle plus par une étoile, mais par un ange, parce quils sont devenus plus parfaits et plus éclairés. Dieu traita ainsi autrefois les Ascalonites et les peuples de Gaza. (I Rois, V.) Car les cinq villes des Philistins ayant été frappées dune plaie mortelle après la prise de larche, et ne pouvant trouver aucun moyen de sen délivrer, ils assemblèrent les devins, et sinformèrent du moyen de faire cesser cette plaie. Leurs devins leur répondirent quil fallait prendre des génisses qui neussent pas encore été domptées, et qui neussent porté quune fois, et les atteler au chariot où était larche, afin de les laisser aller où elles voudraient sans que personne les conduisît; et ils assurèrent quon reconnaîtrait par là si cette plaie venait de Dieu, ou si elle était arrivée par hasard. Car si, dirent-ils, elles secouent le joug, auquel elles nont pas été accoutumées; si le cri de leurs veaux les fait retourner à leur étable, ce sera une preuve que cette plaie est arrivée par hasard ; mais si elles marchent droit dans leur chemin sans sy égarer, quoiquelles ne le sachent pas, et sans être touchées par le cri de leurs petits, ce sera une marque certaine, que cest la main de Dieu qui aura frappé nos villes. Comme donc ces peuples crurent alors ces devins, et firent ce quils leur avaient ordonné, Dieu, par une admirable condescendance, voulut bien se conformer à la parole des devins, et il ne crut pas indigne de lui de seconder leurs prédictions, et daccomplir ce quils avaient dit. Sa gloire alors éclata dautant plus, que ses propres ennemis reconnurent sa grandeur, et rendirent témoignage à sa souveraine puissance. On pourrait citer plusieurs autres exemples dune semblable condescendance de Dieu lapparition de lombre de Samuel, évoquée par la pythonisse (I Rois, XXVIII), sexpliquerait suivant le même principe, et cette explication, vous la trouverez aisément vous-mêmes après ce que je viens de vous dire. Voilà les réflexions que je me borne à vous présenter sur létoile, mais en y songeant vous en trouverez bien davantage. 4. Maintenant reprenons le commencement du passage que nous avons lu : «Jésus donc étant né à Bethléem, qui est dans la tribu de Juda, au temps du roi Hérode, des mages vinrent dOrient à Jérusalem (2). » Ces mages suivent la lumière dune étoile, et les Juifs ne croient pas à tant de prophètes, qui avaient annoncé la naissance du Fils de Dieu! Mais pourquoi lévangéliste marque-t-il avec tant de soin le lieu et le temps de cette histoire? « Dans Bethléem, » dit-il, « et au temps du roi Hérode. » Pourquoi encore a-t-il soin dindiquer la dignité dHérode en ajoutant le mot de roi? Cest pour distinguer cet Hérode de celui qui fit mourir saint Jean, qui était Tétrarque, et non pas roi. Quant au lieu et au temps, il les rapporte pour rappeler à notre mémoire danciennes prophéties, lune du prophète Michée qui avait dit: « Et toi Bethléem, terre de Juda, tu nes pas la plus petite entre les villes de Juda (Mich. V, 2); » et lautre du patriarche Jacob, qui avait marqué exactement le temps de la venue du Messie, et qui (48) pour en donner un signe évident, avait dit: « Les princes ne cesseront point dans la tribu de Juda, et les chefs sortiront toujours de sa chair, jusquà ce que Celui qui a été destiné de Dieu soit venu, et il sera lattente des nations. » (Gen., XLIX, 10.) Mais il faut voir doù vint aux mages la pensée quils eurent, ainsi que la résolution quils prirent. Car je crois que leur foi na pas été louvrage de cette étoile, mais de Dieu même, qui agissait dans leurs âmes, comme il agit autrefois sur lesprit du roi Cyrus, pour le disposer à délivrer le peuple juif. Lorsque Dieu agit de la sorte, il le fait sans détruire le libre arbitre, puisque, lorsquil convertit saint Paul par une voix quil fit entendre du ciel, il voulut, en faisant voir sa grâce, faire voir en même temps la soumission et lobéissance de cet apôtre. Mais pourquoi, dites-vous, Dieu ne fit-il pas cette révélation à tous les mages? Cest parce quils ny auraient pas tous ajouté foi, et que ceux-ci étaient mieux disposés que les autres. Cest ainsi que parmi tant de peuples sur le point de périr, Dieu nenvoya un prophète quaux seuls Ninivites, et que de deux larrons crucifiés avec Jésus-Christ, il ny en eut quun qui fut sauvé. Admirez donc la vertu des mages, admirez non seulement le courage quils ont eu de venir de si loin, mais la franchise quils montrent envers Hérode. Pour quon ne les prenne pas pour des espions, ils sexpliquent franchement sur le guide qui les a conduits, comme sur la longueur de la route quils ont parcourue. « Et ils demandèrent: Où est le roi des Juifs qui est nouvellement né? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus «ladorer (2).» Ils ne craignent ni la colère du peuple ni la tyrannie du roi. Cest ce qui me fait croire que ces mages devinrent ensuite dans leur pays les prédicateurs de la vérité. Car après avoir parlé si hardiment à un peuple étranger, il a lauront fait encore beaucoup plus dans leur propre pays, principalement après avoir été instruits depuis par la parole dun ange, el par le témoignage des prophètes. «Ce que le roi Hérode ayant entendu, il en «fut troublé, et avec lui toute la ville de Jérusalem (3). » Hérode pouvait raisonnablement craindre parce quil était roi, et quil craignait pour lui et pour ses enfants. Mais quel sujet de crainte pouvait avoir Jérusalem, à qui depuis si longtemps les prophètes promettaient un Messie sauveur, bienfaiteur, libérateur? Doù venait donc le trouble de ce peuple? De la même aberration desprit qui tant de fois lui avait fait mépriser Dieu lors même quil le comblait de biens, et qui lui faisait regretter les viandes dEgypte au mépris de sa liberté si miraculeusement recouvrée. Mais considérez lexactitude des prophéties. Car Isaïe avait annoncé ces choses longtemps auparavant: « Ils désireront, » dit-il, « ils seront consumés, parce quun petit enfant nous est né et quun «fils nous a été donné.» (lsaïe, IX, 6.) Cependant quelque trouble quils ressentent, ils ne sinforment point de cette merveille quon leur annonce: ils ne suivent point les mages, ils ne témoignent pas la moindre curiosité en cette rencontre; mais ils allient dans eux en même temps une négligence incroyable, avec une opiniâtreté inflexible. Ils devaient tenir au contraire, à grand honneur, la naissance de ce nouveau roi, qui déjà sattirait lhommage des Perses, et sous le règne duquel ils pouvaient se promettre de se rendre les maîtres du monde, puisquun commencement si illustre ne pouvait avoir que des suites glorieuses. Mais rien ne put changer leurs mauvaises dispositions, pas même le souvenir de la domination persane, à laquelle cependant il ny avait pas encore très longtemps quils avaient échappé. Quand même ils nauraient eu aucune connaissance des sublimes mystères que Dieu devait accomplir, en ne consultant que lévénement dont ils étaient témoins, ils devaient tout naturellement se dire en eux-mêmes: Si ces étrangers tremblent déjà, et craignent si fort notre roi, lorsquil ne fait que de naître; combien le craindront-ils davantage quand il sera grand! combien donc allons-nous devenir plus puissants et plus glorieux que les autres peuples? Mais rien de tout cela ne les peut toucher. Tel est lassoupissement de leur indifférence, telle est la malignité de leur envie; double vice que nous devons avec soin expulser de notre âme; mais pour le combattre avec succès, il faut être plus brûlant que le feu. Cest pourquoi Jésus-Christ a dit: « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et que désiré-je sinon quil sallume ? » (Luc, XII, 49.) Cest aussi pourquoi le Saint-Esprit a paru en forme de feu. 5. Et après cela néanmoins nous demeurons plus froids que la cendre et plus insensibles (49) que les morts. Nous ne sommes point touchés en voyant le bienheureux Paul. sélever au-dessus du ciel et passer même le ciel du ciel, voler plus vite quune flamme, vaincre tous les obstacles qui se présentent à lui et se mettre au-dessus du ciel et de lenfer, du présent et de lavenir, de ce qui est et de ce qui nest pas. Si ce modèle est trop grand pour vous, cest une marque de votre lâcheté. Quest-ce que saint Paul a eu de plus que vous, pour croire quil vous soit impossible de limiter? Mais ninsistons pas sur ce point, laissons saint Paul à part et jetons la vue sur les premiers chrétiens; argent, propriétés, soucis mondains, occupations séculières, ils rejetaient tout ces hommes, pour se donner à Dieu tout entiers et pour méditer jour et nuit ses enseignements. Car tel est le feu du Saint-Esprit il ne souffre point que le coeur quil enflamme désire aucune des choses de ce monde, mais il nous, porte à un autre amour. Cest pourquoi celui qui suivait dabord ses passions et ses désirs, deviendra prêt tout dun coup à donner tout ce quil possède, à mépriser la gloire, à quitter les délices et même à exposer sa vie, sil est nécessaire, et il fera tout cela. avec une facilité merveilleuse, parce que lorsque lardeur de ce feu est entrée dans lâme de quelquun, elle en chasse toute froideur et toute lâcheté. Elle la rend plus légère que nest un oiseau et lui donne un mépris général de toutes les choses présentes. Cette personne commence aussitôt à ressentir sans relâche les mouvements du repentir et de la componction. Elle pleure sans cesse avec abondance et trouve mille plaisirs et mille délices dans ses larmes. Et certes il ny a rien qui nous attache plus fortement à Dieu que ces larmes. Celui qui est en cet état a beau demeurer dans une ville, il ne laisse pas dy vivre comme sil était retiré dans un désert, sur une montagne ou dans le creux dun rocher. Il ne regarde plus rien des choses présentes et il ne se lasse point de gémir et de pleurer, soit quil pleure ses propres péchés, soit quil pleure ceux des autres. Cest pourquoi Jésus-Christ déclare que ceux-là. sont bienheureux: « Heureux, » dit-il, « ceux qui pleurent ! » (Matth. V, 5; Phil. IV, 4.) Mais comment donc, me direz-vous, saint Paul a-t-il dit . «. Réjouissez-vous sans cesse en Notre-Seigneur? » Il la dit pour exprimer le plaisir. qui naît de ces larmes. Car comme la joie du monde a toujours la tristesse pour compagne, de même les larmes que lon verse selon Dieu, font croître dans lâme une fleur de joie qui ne meurt ni ne se fane jamais. Ce fut ainsi, que cette courtisane de lEvangile devint plus pure que les vierges même, ayant été embrasée de ce feu divin, Dès quelle eut passé par les flammes de la pénitence, son amour pour Jésus-Christ alla jusquau transport. Elle vint toute échevelée, elle arrosa ses pieds sacrés de ses larmes, les essuya de ses cheveux et versa dessus des parfums. Mais combien ces marques extérieures de son amour étaient encore au-dessous des saintes ardeurs de son âme, que Dieu. seul voyait! Aussi tous ceux qui entendent raconter cette histoire, se réjouissent de ses actions si saintes et la tiennent déjà purifiée de tous ses péchés. Si nous qui avons tant de malice, nous portons ce jugement sur sa conversion, considérons quelles grâces elle aura reçues de Dieu, dont la bonté est infinie, et combien elle-même a recueilli de fruits de sa pénitence, avant même que Dieu lait comblée de ses dons et de ses faveurs. Comme lair devient pur après une grande pluie, ainsi après cette pluie de larmes, lesprit devient serein et tranquille, et les nuages des péchés se dissipent entièrement. Et comme nous avons été purifiés la première fois dans le baptême par leau et par lesprit, nous le sommes une seconde fois dans la pénitence, par les larmes et par la confession, pourvu que nous nagissions point par ostentation et par vaine gloire. Car celle qui pleure de la sorte est encore plus digne de blâme, que celle qui se peint le visage de blanc et de rouge par le désir quelle a de paraître belle. Pour moi je veux des larmes quon ne donne pas à lhypocrisie, mais à la componction. Je veux des larmes que lon répande en secret dans le lieu le plus retiré de sa maison, et hors de la vue des hommes; des larmes que lon verse dans un grand silence, et dans un profond. repos, et qui sortent du fond du coeur, qui naissent de la douleur et de la tristesse, et que lon ne présente quaux yeux de Dieu seul. Telles étaient celles dAnne, dont IEcriture dit : « Quelle remuait les lèvres, sans quon entendît sa voix. » (I Rois, I,13.) Mais ses larmes retentissaient plus haut devant Dieu que toutes les trompettes, du monde. Cest pourquoi Dieu (50) la guérit de sa stérilité, et dune roche dure fit un champ fertile. 6. Vous imiterez encore votre Seigneur et votre Dieu, si vous pleurez de cette manière, puisquil a pleuré lui-même la mort de Lazare et la ruine de Jérusalem, et quil a été ému et troublé de la perte de Judas. Enfin on le trouve souvent pleurant, mais on ne le trouve point riant, il ne souriait même jamais. Au moins nul des évangélistes ne la marqué. LEcriture aussi rapporte que saint Paul « a pleuré la nuit et le jour durant trois ans. » (Act. XX, 31.) Lui-même le dit, et dautres encore lont dit de lui; mais ni lui ni personne na point écrit quil ait ri; et nul des Saints ne la écrit aussi ni de soi-même ni dun autre. On na dit cela que de Sara, qui en fut aussitôt reprise, et de lun des fils de Noé, qui de libre quil était en devint esclave. Ce que je ne dis pas toutefois pour défendre absolument de rire jamais, mais peur bannir la dissipation. Et véritablement quel sujet avez-vous tant de vous réjouir, et déclater de rire, puisque vous êtes encore si redevables à la justice divine, puisque vous devez comparaître devant un tribunal si terrible, et rendre un compte exact de toutes vos actions? Fautes volontaires et même involontaires, nous rendrons raison de tout: « Si quelquun,» dit le Sauveur, « me renonce devant les hommes, je le renoncerai devant mon Père, qui est dans les cieux.» (Matth. X, 33.) Et ainsi quoique ce renoncement ait été involontaire, on névitera pas le supplice. Nous répondrons encore et de ce que nous savons, et de ce que nous ne savons pas, puisque lApôtre dit: « Je ne me sens coupable de rien, mais cela ne me justifie pas. » (I Cor. IV, 4.) Et il montre encore que lignorance nexcuse point, lorsquil dit des Juifs : « Je puis leur rendra ce témoignage, quils ont du zèle pour Dieu, mais leur zèle nest pas selon la science (Rom. X, 2), » ce qui néanmoins ne suffit pas pour les excuser. Et écrivant aux Corinthiens, il leur dit: « Je crains que comme le serpent trompa Eve par sa malice, on ne vous corrompe lesprit, et que vous ne perdiez la simplicité qui est selon Jésus-Christ.» (II Cor. XI, 3.) Comment! vous avez à rendre compte de tant de péchés, et vous vous amusez à rire, à dire des plaisanteries, et à rechercher les délices de la vie? Mais que gagnerai-je, me dites. vous, quand je pleurerai au lieu de rire ? Vous y gagnerez infiniment. Dans la justice du siècle un criminel a beau pleurer; on ne rétractera point pour cela larrêt de sa condamnation. Mais dans léglise si vous soupirez seulement, vos soupirs feront révoquer votre sentence, et vous obtiendront le pardon. Cest pour cette raison que Jésus-Christ nous recommande tant les larmes, et quil appelle heureux ceux qui pleurent, et malheureux ceux qui rient. Léglise nest point un théâtre, et nous ne nous y assemblons point pour rire aux éclats, mais pour gémir, et pour acquérir un royaume par nos pleurs et par nos soupirs. Quand vous êtes devant un roi de la terre, vous nosez pas même sourire; et lorsque le Seigneur des anges habite au milieu de vous, vous ne paraissez point devant lui avec la bienséance et la frayeur respectueuse quil demande; mais vous riez même souvent, lorsquil est en colère contre vous. Ne voyez-vous pas que vous irritez encore plus Dieu par ce mépris, que par tous vos crimes? Dieu dordinaire na pas tant dhorreur de ceux qui pèchent, que de ceux qui ne se repentent point après leurs péchés. Cependant il y a des personnes assez insensibles pour pouvoir dire après tout ceci : Dieu me garde de pleurer jamais; mais le don que je lui demande cest de rire et de me divertir toute ma vie. Y a-t-il rien de plus bas et de plus puéril que cette pensée? Les divertissements ne sont pas un don de Dieu, mais du diable. Ecoutez ce qui arriva autrefois à ceux qui se divertissaient: « Le peuple, » dit lEcriture, « sassit pour manger et pour boire; et il se leva ensuite pour jouer. » (Exod.. XXXII, 6.) Tel était le peuple de Sodome; tels étaient ceux qui vivaient avant le déluge. Car Dieu dit des premiers qu « ils étaient plongés dans les délices, dans lorgueil, dans les festins, et dans labondance de toutes choses. » (Ezéch. XVI, 49.) Et les seconds qui vivaient du temps de Noé, le voyant devant leurs yeux bâtir larche durant tant de temps, ne pensèrent quà prendre leurs divertissements, sans être touchés de douleur pour leurs péchés, et sans se mettre en peine de lavenir. Cest pourquoi le déluge venant, les enveloppa tous, et ils périrent dans ce naufrage commun de toute la terre. 7. Nattendez donc point de Dieu ce que le démon seul donne aux hommes. Le don que Dieu nous fait est un coeur contrit et humilié, qui veille sur soi-même avec une grande circonspection (51), et qui est touché du repentir et de la componction de ses fautes. Ce sont là les présents que Dieu nous fait parce quils nous sont les plus utiles. Nous avons à soutenir une rude guerre. Nous avons à combattre contre des ennemis invisibles, contre des esprits de malice, contre les principautés et les puissances, et nous sommes trop heureux si par tous nos soins, toute notre vigilance, et tous nos efforts, nous pouvons résister à une phalange si redoutable. Mais si nous devenons lâches et paresseux, si nous nous amusons à nous divertir et à rire, nous serons vaincus par notre mollesse, même avant que de combattre. Ce nest point à nous à passer le temps dans les ris, dans les divertissements, et dans les délices. Cela nest bon que pour les prostituées de théâtre, et pour les hommes qui les fréquentent, et particulièrement pour ces flatteurs qui cherchent les bonnes tables. Ce nest point là lesprit de ceux qui sont appelés à une vie céleste; dont les noms sont déjà écrits dans léternelle cité, et qui font profession dune milice toute spirituelle : mais cest lesprit de ceux qui combattent sous les enseignes du démon. Oui, mes frères, cest le démon qui a fait un art de ces divertissements et de ces jeux, pour attirer à lui les soldats de Jésus-Christ, et pour relâcher toute la vigueur, et comme les nerfs de leur vertu. Cest pour ce sujet quil a fait dresser des théâtres dans les places publiques, et quexerçant et formant lui-même ces bouffons, il sen sert comme dune peste dont il infecte toute la ville. Saint Paul nous a détendu les paroles impertinentes, et celles qui ne tendent quà un vain divertissement : mais le démon nous persuade daimer les unes et les autres. Ce qui est encore plus dangereux, est le sujet pour lequel éclatent ces ris immodérés. Dès que ces bouffons ridicules ont proféré quelque blasphème, ou quelque parole déshonnête, aussitôt une multitude de fous se mettent à rire et à montrer de la joie. ils les applaudissent pour des choses qui devraient les faire lapider et ils sattirent ainsi sur eux-mêmes, par ce plaisir malheureux, le supplice dun feu éternel. Car en les louant de ces folies, on leur persuade de les faire, et on se rend encore plus digne queux de la condamnation quils ont méritée. Si tout le monde saccordait à ne vouloir point regarder leurs sottises, ils cesseraient bientôt de les faire : mais lorsquils vous voient tous les jours quitter vos occupations, vos travaux, et largent qui vous en revient; en un mot, renoncer à tout pour assister à ces spectacles, ils redoublent dardeur, et ils sappliquent bien davantage à ces folies. Je ne dis pas ceci pour les excuser, mais pour vous faire voir que cest vous principalement qui êtes la source de tous ces dérèglements, en assistant à leurs jeux, et y passant les journées entières. Cest vous qui dans ces représentations malheureuses profanez la sainteté du mariage, et qui déshonorez devant tout le monde ce grand sacrement. Car celui qui représente ces personnages infâmes, est moins coupable que vous qui les faites représenter, que vous qui lanimez de plus en plus par votre passion, par vos ravissements, par vos éclats et par vos louanges, et qui travaillez de toutes manières à embellir et à relever cet ouvrage du démon. Avec quels yeux pourrez-vous regarder chez vous votre femme, après lavoir vue si outragée en la personne de ces comédiennes? Comment ne rougissez-vous point en pensant à elle, en voyant son sexe si déshonoré par ces infamies? 8. Ne me dites point que tout ce qui se fait alors nest quune fiction. Cette fiction a fait beaucoup dadultères véritables, et a renversé beaucoup de familles. Cest ce qui mafflige davantage, que ce mal étant si grand, on ne le regarde pas même comme un mal, et que lorsquon représente un crime aussi grave que lest ladultère, on nentende que des applaudissements et des cris de joie. Ce nest quune feinte, dites-vous. Cest donc pour cela même que ces personnes sont dignes de mille morts, doser exposer aux yeux de tout le monde des désordres qui sont défendus par toutes les lois. Si ladultère est un mal, cest un mal aussi que de le représenter. Qui pourrait dire combien ces représentations dramatiques de ladultère font dadultères, et combien elles inspirent limpudence et limpureté à tous ceux qui les regardent? Car il ny a rien de plus impudique que loeil, qui peut souffrir de voir ces obscénités. Vous auriez horreur quune femme nue se présentât à vous dans une place publique, ou dans une maison, et vous vous croiriez offensé si elle le faisait : et cependant vous ne craignez pas daller au théâtre, pour déshonorer publiquement (52) lun et lautre sexe, et pour souiller vos yeux par la vue de ces impuretés. Ne dites point que celle qui paraît de la sorte est une femme prostituée. Car cest toujours une femme, et quelle soit libre ou esclave, son déshonneur est celui du sexe et de la nature. Sil ny avait point de mal en cela, pourquoi vous retireriez-vous, si cela vous arrivait dans une rue? Pourquoi vous emporteriez-vous contre celle qui commettrait cette infamie? Est-ce que ce qui blesse lhonnêteté lorsquon est seul, ne la blesse plus lorsquon est plusieurs ensemble? Cette pensée nest-elle pas ridicule, et entièrement extravagante? Il vaudrait mieux couvrir tout son visage de boue, que de souiller sa vue par ces spectacles honteux. Car la boue blesse moins les yeux du corps, que la vile de cette femme impudique ne blesse ceux de lâme. Souvenez - vous doù est venue dabord la nudité dans le premier homme, et appréhendez la cause de cet état si honteux. Quest-ce qui causa cette nudité , sinon la désobéissance dAdam, et linspiration du démon ? Tant il est vrai que cest le démon qui sest plu dabord à mettre les hommes dans cet état! Mais nos premiers pères se voyant nus rougirent au moins de leur nudité : et vous autres vous vous en glorifiez; et « vous mettez votre gloire dans votre confusion (Phil. III, 13), » selon la parole de lApôtre. De quels yeux vous regardera votre femme, lorsque vous revenez de ces lieux impurs ? comment vous recevra-t-elle? comment vous parlera-t-elle, après que vous avez fait cet outrage à son sexe, et que la vue dune prostituée vous a peut-être rendu son esclave par une détestable passion? Si vous vous affligez lorsque je vous parle de la sorte, je bénirai Dieu de la grâce quil vous fait. Car « qui peut me donner plus de joie, »comme disait saint Paul, « que celui qui sattriste par ce que je dis? » (II Cor. II, 2.)Ne cessez donc point de pleurer et de soupirer de ces désordres, puisque la douleur que vous en ressentirez sera le commencement de votre conversion. Cest pour cette raison que je vous ai parlé avec plus de force; jai voulu par une incision plus profonde vous guérir de la gangrène que vous communiquent ces corrupteurs publics, et vous rendre une parfaite santé. Cest ce que je vous souhaite à tous avec ces récompenses éternelles que Dieu promet à nos bonnes oeuvres, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire avec le Père et le Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (53)
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