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HOMELIE VIII« ET ÉTANT ENTRÉS DANS LA MAISON, ILS TROUVÈRENT LENFANT AVEC MARIE SA MÈRE, ET SE PROSTERNANT EN TERRE, ILS LADORÈRENT. ET OUVRANT LEURS TRÉSORS, ILS LUI OFFRIRENT POUR PRÉSENTS, DE LOR, DE L'ENCENS ET DE LA MYRRHE,» ETC. (CHAP. II, 11, JUSQUAU VERSET 16.) ANALYSE 1. Les Mages adorent Jésus-Christ comme Dieu. 2. La fuite du Christ enfant en Egypte. 3. Eloge de saint Joseph. 4. La Judée chasse le Christ et lEgypte le reçoit. Etat florissant de la religion chrétienne en Egypte à lépoque de saint Chrysostome. 5. Saint Chrysostome propose à son peuple lexemple des solitaires dEgypte, et particulièrement de saint Antoine.
1. Comment donc saint Luc dit-il que lenfant était couché dans une crèche? Voici: Joseph et Marie nayant pu trouver asile dans une maison, à cause du grand nombre détrangers venus à Bethléem pour le recensement, Sétaient réfugiés dans une étable; la Vierge mit alors au monde lenfant-Dieu, et le coucha dans la crèche de létable. Cette explication, saint Luc lui-même la donne en disant « Elle coucha lenfant dans la crèche, parce « quil ny avait point de place pour eux dans lhôtellerie. » (Luc, II, 7.) Mais ensuite elle le retira de là et le prit sur ses genoux. A peine arrivée à Bethléem, la Vierge accouche; cette circonstance na rien de fortuit, elle fait partie du plan divin touchant le mystère de lIncarnation, elle est nécessaire pour laccomplissement des prophéties. Mais qui put porter les mages à adorer lenfant? Ce nétait pas lextérieur de la Vierge qui navait rien dextraordinaire, ni lapparence de la maison qui était loin dêtre magnifique, ni le reste de lentourage où lon ne voyait rien qui pût frapper et captiver. Cependant non seulement ils ladorent ; mais ils ouvrent leurs trésors, et lui font des présents, plutôt comme à un Dieu que comme à un homme, puisque la myrrhe et lencens sont particulièrement dus à Dieu. Quest-ce donc qui les prosternait en adoration devant un enfant, sinon ce qui les avait déjà portés à quitter leur maison pour faire un si long (61) voyage, cest-à-dire, létoile dabord, puis la lumière que Dieu répandit en même temps dans leurs âmes, et qui les conduisit peu à peu, et les éclaira de plus en plus? Sans cela comment expliquer ces honneurs divins rendus à un enfant entouré dun si pauvre appareil? Mais parce quil ny a ici rien de grand pour les sens, parce que les yeux naperçoivent quune crèche, quune étable, quune mère pauvre, la grande sagesse des mages, se montrant seule, nen éclate que mieux, et il faut nécessairement que vous compreniez que ce nest pas vers un pur homme quils viennent, mais vers Dieu même, et vers le Sauveur du monde. Cest dans cette vive foi que, bien loin de soffenser de toute cette bassesse extérieure, ils se prosternent devant lenfant, et lui offrent des présents qui navaient rien de charnel comme les offrandes des Juifs. Car ils ne lui immolent point des brebis ni des veaux, mais des dons mystérieux très rapprochés de la grâce et de lexcellence de lEglise, et qui sont les symboles de la science, de lobéissance et de la charité. « Et ayant reçu en songe un avertissement du ciel de naller point retrouver Hérode, ils sen retournèrent à leur pays par un autre chemin (12). » Admirez encore ici la foi des mages. Car comment ne sont-ils point scandalisés, ni surpris de cet avis ? comment sont-ils demeurés fermes dans lobéissance , sans se troubler et sans raisonner ainsi en eux-mêmes? Si cet enfant était quelque chose de grand, et sil avait quelque puissance, pourquoi serions-nous obligés de nous enfuir, et de nous retirer si secrètement? pourquoi, après que nous avons paru librement et hardiment devant tout un peuple, sans craindre le bruit et létonnement de la ville ni la fureur du tyran, un ange vient-il maintenant nous chasser dici, comme des esclaves et des fugitifs ? Mais ils nont ni ces pensées dans lâme, ni ces paroles dans la bouche. Car cest en cela proprement que consiste la foi, de ne point chercher les raisons de ce quon nous dit, mais dobéir simplement à ce quon nous ordonne. 2. «Or après que les mages sen furent allés, lange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et lui dit: Levez-vous, prenez lenfant et sa mère et fuyez en Egypte, et demeurez-y jusquà ce que je vous dise den partir (13).» On peut ici être en suspens, en considérant et les mages et lenfant. Car bien quils naient point été troublés, et quils aient reçu avec foi ce quon leur a dit, ne peut-on pas néanmoins demander pourquoi Dieu ne les sauve pas hautement de la fureur dHérode, eux et lenfant, sans que les uns soient obligés de fuir en Perse, et lautre en Egypte avec sa mère ? Mais que vouliez-vous que Dieu fît en cette rencontre? Voudriez-vous que Jésus-Christ tombât entre les mains dHérode, et que néanmoins il ne reçût de lui aucun mal, après y être tombé? Sil eût agi de la sorte, on naurait pas cru quil eût pris véritablement notre chair, et on aurait douté de la vérité de son incarnation. Car si en dépit de ce quil a fait, et de toutes les preuves quil a données de son humanité quelques-uns néanmoins ont osé dire que son incarnation nétait quune fable, dans quel excès dimpiété ne fussent-ils point tombés, sil eût toujours agi en Dieu, et dans toute létendue de sa puissance? Lange donc renvoie ainsi ces mages, tant pour les rendre comme les prédicateurs de -Jésus-Christ en leur pays, que pour faire voir en même temps à Hérode, que son dessein cruel ne lui réussirait pas; quil entreprenait, une chose impossible; que sa fureur était vaine, et que tous ses travaux seraient sans effet. Car il est digne de la grandeur et de la puissance de Dieu, non seulement de vaincre hautement et sans peine ses ennemis, mais encore de les tromper et de les surprendre. Cest ainsi quil voulut autrefois tromper les Egyptiens par les Juifs, et que pouvant faire passer visiblement toutes leurs richesses entre les mains des Israélites, il aima mieux le faire secrètement et par une adresse, qui ne jeta pas moins de terreur dans lesprit de ses ennemis, que les prodiges quil avait fait auparavant? 2. En effet, les Ascalonites et les autres peuples voisins, lorsquils eurent pris larche, quils eurent été frappés dune grande plaie, conseillaient à ceux de leur nation de ne pas lutter contre Dieu, de ne pas lui résister, et entre autres merveilles, ils leur rappelaient comment Dieu sétait joué des Egyptiens :« Pourquoi, » disaient-ils, « appesantissez-vous vos coeurs, comme autrefois IEgypte et Pharaon ? Lorsque Dieu se fut joué deux, ne laissèrent-ils pas aller son peuple? » (I Rois, 6, VI. ) Ils, parlaient ainsi persuadés que cette conduite adroite nétait pas inférieure à tant de prodiges éclatants, ni moins propre à démontrer la puissance et la grandeur de Dieu. (62) Ce qui arriva à Hérode à loccasion des mages nétait-il pas de nature aussi à le frapper fortement? Se voir ainsi trompé et joué par les mages, nétait-ce pas à crever de dépit ? que sil nen devint pas meilleur, ce nest pas la faute de Dieu qui lui avait ménagé cette leçon : il faut lattribuer à lexcès de folie du tyran qui, loin de céder à ces avertissements, et de revenir de sa méchanceté, semporta plus avant dans le crime et ne fut pas arrêté par la crainte dencourir un châtiment, plus sévère par un excès dendurcissement et de démence. Mais pourquoi Dieu choisit-il lEgypte, pour y envoyer cet enfant? LEvangile en marque la principale raison, qui était daccomplir cette parole: « Jai appelé mon fils de lEgypte.» (Osée, II, 1.) Cétait aussi pour annoncer dès lors à toute la terre les grandes espérances quelle devait concevoir pour lavenir. Car, comme lEgypte et Babylone avaient plus que tout le reste du monde, brûlé dés flammes de limpiété, Dieu voulait marquer dabord quil convertirait lune et lautre, et quil les purifierait de leurs. vices; et donner par là lespérance dun semblable changement à toute la terre. Cest pourquoi il envoie les mages à Babylone, et va lui-même dans lEgypte avec sa mère. Outre ces raisons, nous avons encore ici une autre instruction très utile, pour nous établir dans une solide vertu; cest de nous préparer dès les premiers jours de notre vie aux tentations et aux maux. Car considérez que ce fut dès le berceau que Jésus-Christ se vit obligé de fuir. A peine est-il né que la fureur dun tyran sallume contre lui. Elle loblige de se sauver dans un pays étranger, et sa mère si pure et si innocente est contrainte de senfuir, et daller vivre avec des barbares. Cette conduite de Dieu vous apprend que lorsque vous avez lhonneur dêtre employé dans quelque affaire spirituelle, et que vous vous voyez ensuite accablé de maux et environné de dangers, vous ne devez pas en être troublé ni dire en vous-même: Doù vient-que je suis ainsi traité, moi qui mattendais à la couronne, aux éloges, à la gloire, aux brillantes récompenses après avoir si bien accompli la volonté de Dieu? Mais que cet exemple vous anime à souffrir généreusement et vous fasse connaître que la suite ordinaire des vocations spirituelles fidèlement remplies, cest la souffrance, et que les afflictions sont les compagnes inséparables de la vertu. Remarquez aujourdhui cette vérité, non seulement dans la mère de Jésus, mais encore dans les mages. Car ils se retirent en secret comme des fugitifs, et la Vierge qui nétait jamais sortie du secret dune maison, est contrainte de faire un chemin très pénible, à cause de cet enfantement tout spirituel et tout divin. Admirez une merveille si étrange. La Judée persécute Jésus-Christ, et lEgypte le reçoit et le sauve de ceux qui le persécutent. Ceci fait bien voir que Dieu na pas seulement tracé dans les enfants des patriarches les figures de lavenir, mais encore dans Jésus-Christ même, car il est- certain que beaucoup de choses quil a faites alors étaient des figures de ce qui devait arriver après; je citerais par exemple lânesse et lânon quil monta pour faire son entrée à Jérusalem. Lange donc apparut non à Marie, mais à Joseph, et lui dit: « Levez-vous, et prenez lenfant et sa mère. » Il ne dit plus comme auparavant: « Prenez Marie votre femme ; » mais «prenez la mère de lenfant, » parce quil ne restait plus à Joseph aucun doute après lenfantement, et quil croyait fermement la vérité au mystère. Lange lui parle donc avec plus de liberté, et nappelle plus Marie «sa femme, »mais «la mère de lenfant. Et fuyez en Egypte,» dit-il. Et il lui en dit en même temps la raison: « Car Hérode cherchera lenfant pour le perdre(13.)» 3. Joseph écoutant ces paroles nen est point scandalisé. II ne dit point à lange: voici une chose bien étrange. Vous me disiez il ny a pas longtemps que cet enfant sauverait son peuple, et il ne se peut sauver aujourdhui lui-même. Il faut que nous nous retirions dans une terre étrangère. Ce que vous me commandez de faire est contraire à votre promesse. Joseph ne dit rien de semblable, parce que cétait un homme fidèle. II ne témoigne point de curiosité pour savoir le temps de son retour, quoique lange ne le lui eût point marqué en particulier, lui disant en général : « Demeurez-là jusquà ce que je vous dise den sortir. » Cependant il nen témoigne pas moins dardeur à croire et à obéir, et il souffre avec joie toutes ces épreuves. La bonté de Dieu mêle en cette rencontre la joie avec la tristesse et tempère lune par lautre. Cest ainsi quil a coutume dagir envers tous les saints. Il ne les laisse pas toujours (63) ni dans les périls ni dans la sécurité, mais il fait de la suite de leur vie comme un tissu et une chaîne admirable de biens et de maux. Cest ce quil pratique envers Joseph, et je vous prie de le remarquer. Il voit la grossesse de Marie, et il entre aussitôt dans le trouble et dans la peine, soupçonnant sa jeune femme dadultère; mais lange survient en même temps qui le guérit de ses soupçons et le délivre de ses craintes. Lenfant naît ensuite. Il en conçoit une extrême joie; mais elle est aussitôt suivie dune douleur étrange, lorsquil voit toute la ville troublée et un roi furieux résolu de perdre lenfant. Peu de temps après, cette tristesse est encore tempérée par la joie que lui causent létoile et ladoration des mages; mais elle est aussitôt changée en une nouvelle frayeur lorsquon lui dit : « quHérode cherche lenfant pour le perdre, » et que lange loblige à fuir pour le sauver. Car Jésus-Christ devait agir alors dune manière humaine. Le temps dagir en Dieu nétait pas encore venu, Sil avait commencé de faire des miracles de si bonne heure, on naurait pas cru quil fût homme. Cest pourquoi il ne vient pas au monde tout dun coup; mais il est conçu dabord, il demeure neuf mois entiers dans le sein de Marie, il naît, il est nourri de lait, il se cache durant tant de temps et attend que par la succession des années il soit devenu homme, afin que cette conduite persuade à tout le monde la vérité de son incarnation. Mais pourquoi donc, direz-vous, parut-il dabord quelques miracles? Cétait à cause de sa mère, de Joseph, de Siméon qui était près de mourir, des pasteurs, des mages et des Juifs mêmes, puisque sils eussent voulu examiner avec soin tout ce qui se passait, ils en eussent retiré un grand avantage. Que si vous ne voyez rien dans les prophètes touchant les mages, ne vous en étonnez pas. Les prophètes ne devaient ni tout prédire, ni ne rien prédire absolument. Si tant de prodiges sétaient opérés tout à coup sans être annoncés, ils eussent trop frappé les hommes, trop bouleversé leurs idées. Dun autre côté, sils avaient connu davance tout le détail des mystères, ils en eussent accueilli lévénement avec trop dindifférence, et les évangélistes nauraient plus rien eu de nouveau à dire. « Joseph sétant levé prit lenfant et sa mère durant la nuit et se retira en Egypte (14), où il demeura jusquà la mort dHérode, afin que cette parole que le Seigneur avait dite par le Prophète fût accomplie : Jai appelé mon fils de lEgypte (14). » Si les Juifs doutent de cette prophétie et prétendent que cette parole: « Jai appelé mon fils de lEgypte» (Osée, XI, 1), doit sentendre deux-mêmes, nous leur répondrons que la coutume des prophètes est de dire des choses qui ne saccomplissent pas en ceux-là même dont ils les disent. Ainsi, lorsque lEcriture dit de Siméon et de Lévi : « Je les diviserai dans Jacob et je les disperserai dans Israël (Gen. XLIX, 7); » cette prophétie ne sest pas accomplie dans ces deux patriarches, mais seulement dans leurs descendants. Ce que Noé dit de Chanaan ne sest pas non plus accompli dans lui, mais dans les Gabaonites qui en sont sortis. La même chose se remarque encore dans le patriarche Jacob. Car cette bénédiction que son père lui donna: « Soyez le seigneur de vos frères, et que les enfants de votre père vous adorent (Gen. XXVII, 29),» ne sest point certainement accomplie en lui, puisquau contraire Jacob eut tant de crainte et de frayeur de son frère Esaü, et que nous voyons dans lEcriture quil se prosterna plusieurs fois en terre pour ladorer, mais cela sest vérifié dans ses enfants. On peut dire ici la même chose. Car, qui des deux est plus véritablement Fils de Dieu, de celui qui adore un veau dor, qui se consacre au culte de Beelphégor et qui immole ses enfants au démon, ou de celui qui est le Fils de Dieu par sa nature, et qui rend un souverain honneur à son Père? Cest pourquoi si Jésus-Christ nétait venu, cette prophétie naurait point été assez dignement accomplie. Et remarquez que lEvangéliste insinue ceci lorsquil dit « Afin que la parole du prophète fût accomplie, » montrant assez par là quelle ne leût point été si le Fils de Dieu ne fût venu. 4. Cest aussi ce qui relève extraordinairement la gloire de la Vierge, puisquelle possède seule par un titre tout particulier, un avantage dont le peuple juif se vantait si hautement en publiant que Dieu lavait retiré de lEgypte. Le Prophète marque ceci obscurément lorsquil dit : « Nai-je pas fait venir les étrangers de Cappadoce, et les Assyriens de la fosse?» (Amos, IX, 7, selon les Sept.) Cest donc là, comme je viens de dire, lavantage et le privilège particulier de la Vierge. On peut dire même que ce peuple, autrefois, et le patriarche (64) Jacob ne descendirent en Egypte et nen revinrent que pour être la figure de ce qui arrive ici à Jésus-Christ. Ce peuple alla dans lEgypte pour éviter la mort dont il était menacé par la famine; et Jésus-Christ y va pour éviter celle dont Hérode le menaçait. Ce peuple se délivra seulement de la famine, et Jésus-Christ entrant en Egypte sanctifia tout le pays par sa présence. Mais admirez, je vous prie, comment Jésus-Christ allie la bassesse de lhomme avec la grandeur dun Dieu. Car lange dit à Joseph et à Marie : « Fuyez -en Egypte ; » mais il ne leur promet point de les accompagner once voyagé, ni dans leur retour; cétait leur donner à entendre quils avaient un grand conducteur avec eux, savoir cet enfant qui change dès sa naissance tout lordre des choses et qui force ses plus grands ennemis de contribuer eux-mêmes à lexécution de ses desseins. Car les mages, qui étaient barbares et idolâtres, quittent toutes leurs superstitions pour le venir adorer; et lempereur Auguste sert par son édit à faire que Jésus-Christ naisse à Bethléem. LEgypte le reçoit dans sa fuite, et le sauve de son ennemi, et elle tire de sa présence comme une disposition à se convertir, afin quaussitôt quelle entendra les apôtres annoncer sa foi, elle se puisse vanter davoir été la première à le recevoir. Ce devait être là le privilège de la Judée, mais lEgypte le lui a ravi par son zèle. Allez aujourdhui dans les solitudes dEgypte, vous y verrez un désert changé en un paradis, bien plus beau que tous les jardins du monde; des troupes innombrables danges revêtus dun corps; des peuples entiers de martyrs; des assemblées de vierges; enfin toute la tyrannie du démon détruite, et le royaume de Jésus-Christ florissant de toutes parts. Vous verrez cette Egypte, cette mère des poètes, des philosophes et des magiciens, qui se vantait davoir trouvé toutes sortes de superstitions, et de les avoir enseignées aux autres, se glorifier maintenant dêtre la fidèle disciple des pêcheurs, renoncer à toute la science de ces faux sages; avoir toujours dans les mains les écrits dun publicain et dun faiseur de tentes, et mettre toute sa gloire dans la croix de Jésus-Christ, Ce sont les miracles que lEgypte fait voir, non-seulement dans ses villes, mais plus encore dans ses déserts. On y voit de tous côtés les soldats de Jésus-Christ, une assemblée royale et auguste de solitaires et une image de la vie des anges. Cette gloire nest point particulière aux hommes, les femmes la partagent avec eux. Elles nont pas moins de force que les hommes, non pour monter à cheval, et pour savoir se bien servir des armes, comme lordonnent les plus graves dentre les législateurs et les philosophes grecs, mais pour entreprendre une guerre bien plus rude et bien plus pénible, qui leur est commune avec les hommes. Car elles ont comme eux à combattre le démon même, et les puissances des ténèbres; sans que la faiblesse de leur sexe leur puisse interdire ces combats, parce quils ne demandent point la force du corps, mais la bonne disposition de lâme et du coeur. Cest pourquoi on a vu souvent dans cette sorte de guerre, les femmes témoigner plus de courage et de générosité que les hommes, et remporter de plus glorieuses victoires. 5. Le ciel néclate pas dune aussi grande variété détoiles, que les déserts de lEgypte ne brillent aujourdhui par une infinité de monastères, et de maisons saintes. Celui qui se souviendra quelle était autrefois cette Egypte si rebelle à Dieu , si plongée dans la superstition; qui adorait jusquà des chats; et qui avait une frayeur respectueuse pour des poireaux et pour des oignons: comprendra en la comparant avec ce que nous y voyons maintenant, quelle est la force et la toute-puissance de Jésus-Christ. Nous navons pas même besoin de rappeler en notre mémoire les siècles passés, pour concevoir quel a été lexcès des superstitions de lEgypte. il nen reste encore aujourdhui que trop de traces parmi ses habitants. Cependant ceux mêmes qui se plongeaient autrefois dans des dérèglements si étranges, ne soccupent maintenant que des choses du ciel, et de ce qui est au-dessus du ciel. Ils ont en horreur les coutumes impies de leurs pères. Ils ont compassion de leurs aïeux, et ils nont que du mépris pour tous leurs sages, et leurs philosophes. Car ils ont enfin reconnu par expérience, que les maximes de ces sages n'étaient que des imaginations de personnes ivres, ou des contes semblables à ceux que les vieilles femmes font aux enfants; mais que la sagesse véritable et digne du ciel était celle que des pêcheurs leur ont enseignée. (65) Cest pourquoi ils joignent à lamour extrême de la vérité, léclat dune vie très réglée et très parfaite. Après sêtre dépouillés de tout, et sêtre crucifiés au monde, ils portent encore leur zèle plus loin; et ils travaillent de leurs propres mains, pour gagner de quoi soulager les pauvres. Ils ne prétendent point que, parce quils jeûnent ou quils veillent, ils doivent être oisifs durant le jour; mais ils emploient la nuit à chanter des hymnes et à veiller, et le jour à prier et à travailler des mains, imitant en cela le zèle du grand Apôtre. Car si lorsque toute la terre le regardait comme le prédicateur de la vérité, il a voulu néanmoins soccuper comme un artisan, et travailler de ses mains, jusquà passer les nuits sans dormir pour gagner de quoi soulager les pauvres: combien plus, disent ces saints hommes, nous qui jouissons de la solitude, et qui navons rien de commun avec le tumulte des villes, devons-nous consacrer ce repos à quelque travail utile et spirituel? Rougissons donc ici nous autres, et pauvres et riches, de ce que pendant que ces saints solitaires, qui nont rien que leurs corps et que leurs bras, se font violence pour trouver dans leur travail de quoi faire subsister les pauvres: nous au contraire qui avons tant de bien dans nos maisons, nemployons pas seulement notre superflu pour le soulagement des misérables. Comment excuserons-nous une si grande dureté? Comment pourrons-nous en obtenir le pardon? Souvenez-vous combien ces Egyptiens autrefois étaient avares; combien ils étaient esclaves de lintempérance de la bouche, et des autres vices. Il y avait là, comme dit lEcriture, « des marmites pleines de viande (Exod. XVI, 3),» que les juifs même regrettaient dans le désert. Lintempérance donc dominait dans lEgypte. Et cependant lorsquils lont voulu, ils se sont convertis et se sont changés, et étant embrasés du feu de Jésus-Christ, ils se sont aussitôt élevés au ciel. Après avoir été et plus colères et plus voluptueux que les autres peuples, ils imitent maintenant. les anges par leur tempérance, et par toutes leurs autres vertus. Tous ceux qui ont été en ce pays, savent que ce que je dis est vrai. Mais si quelquun na pas eu le bonheur de voir ces saints monastères, quil considère le grand et le bienheureux Antoine, qui est encore maintenant ladmiration de toute la terre, et que lEgypte a produit presque égal aux apôtres. Quil se souvienne que ce saint homme est né du même pays que Pharaon, sans que pour cela il en ait été moins saint. Il a même été digne que Dieu se soit montré à lui dune manière toute particulière, et toute sa vie na été quune pratique très-exacte de ce que Jésus-Christ ordonne dans lEvangile. Ceux qui liront sa Vie reconnaîtront la vérité de ce que je dis, et ils y verront en beaucoup dendroits quil a eu le don de prophétie. Car il a découvert et prédit les maux que lhérésie arienne produirait dans lEglise, Dieu les lui révélant dès lors, et lui mettant tout lavenir devant les yeux. Il est constant quoutre toutes les autres preuves de la vérité de lEglise, celle-ci en est une bien claire, quon ne voit point parmi tous les hérétiques un seul homme qui soit semblable à celui-ci. Et afin que vous ne men croyiez pas seul, lisez le livre de sa Vie, où vous verrez toutes ses actions en détail, et où vous trouverez beaucoup de choses qui vous, porteront au comble de la vertu. Méditons cette vie si sainte, et ayons soin en même temps de limiter, sans nous excuser jamais, ou sur le lieu où nous vivons; ou sur notre mauvaise éducation; ou sur le déréglement de nos pères. Car si nous veillons exactement sur nous-mêmes, nulle de ces choses ne nous pourra nuire. Abraham avait un père impie et idolâtre, et il ne fut pas- néanmoins lhéritier de son [impiété. Ezéchias était fils du détestable roi Achas, et cela ne lempêcha pas de devenir lami de Dieu. Joseph au milieu même de lEgypte, sacquit la couronne dune inviolable chasteté. Et ces trois jeunes hommes au milieu de Babylone, et au milieu de la cour, ne laissèrent pas parmi ces viandes délicieuses dont leur table était servie, de conserver un amour ferme et inébranlable pour la plus haute vertu. Ainsi Moïse vécut dans lEgypte, et Paul dans tous les endroits de la terre, sans que leur vertu ait été moins parfaite pour avoir vécu parmi des méchants. Représentons-nous ces exemples, mes frères, cessons dalléguer ces vaines excuses; retranchons tous ces faux prétextes; embrassons généreusement tous les travaux nécessaires, pour nous établir dans une vie sainte. Cest ainsi que nous obligerons Dieu à nous aimer de plus en plus, que nous le porterons à nous soutenir (66) dans nos combats, et que nous recevrons enfin ces biens éternels que je vous souhaite, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus- Christ, à qui est la gloire et lempire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. |