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HOMÉLIE LXXXIX.« MAIS LE LENDEMAIN, QUI ÉTAIT LE JOUR DAPRÈS CELUI QUI EST APPELÉ LA PRÉPARATION DU SABBAT, LES PRINCES DES PRÊTRES ET LES PHARISIENS SÉTANT ASSEMBLÉS VINRENT TROUVER PILATE, ET LUI DIRENT : SEIGNEUR, NOUS NOUS SOMMES SOUVENUS QUE CET IMPOSTEUR A DIT LORSQUIL ÉTAIT ENCORE EN VIE : JE RESSUSCITERAI TROIS JOURS APRÈS MA MORT. COMMANDEZ DONC, SIL VOUS PLAÎT, QUE LE SÉPULCRE SOIT GARDÉ JUSQUES AU TROISIÈME JOUR POUR QUE SES DISCIPLES NE VIENNENT LA NUIT DÉROBER SON CORPS ET NE DISENT : IL EST RESSUSCITÉ DENTRE LES MORTS, ET AINSI LA DERNIÈRE ERREUR SERA PIRE QUE LA PREMIÈRE ». (CHAP. XVII, 62, 63, 64, JUSQUAU V. 11, DU CHAP. XXVII.) ANALYSE. 1 et 2. Résurrection de Jésus-Christ; elle est démontrée vraie. 3 et 4. Les femmes sont les premières à voir Jésus-Christ après sa résurrection. Contre le luxe et la vanité des femmes. Que les âmes qui se plaisent à ces puérilités, ne peuvent sappliquer à rien de grand, et sont toujours dans une bassesse et dans une servitude honteuse. Quon doit particulièrement éviter ces magnifiques habits, lorsquon va à léglise, où les chrétiens nen ont que de lhorreur. Que la gloire des femmes est leur modestie. Combien il est rare de voir une femme qui veuille vendre un seul de ses diamants pour nourrir les pauvres.
1. Lerreur et limposture tombe toujours delle-même, et elle sert enfin malgré elle à établir la vérité. Voyez en effet: il fallait que toute la terre crût que Jésus-Christ avait souffert, quil était mort, quil avait été enseveli et quensuite il était ressuscité. Or, tout cela sétablit par lartifice et par la malice de ses propres ennemis. Pesez toutes leurs paroles, et considérez avec étonnement le témoignage quelles rendent à la vérité de nos mystères : « Nous nous sommes souvenus, disent-ils, que cet imposteur a dit lorsquil était encore en vie, » il nétait donc plus alors en vie, et il était mort : « Je ressusciterai trois jours après ma mort. Commandez donc que le sépulcre soit gardé. » Il était donc dans le sépulcre : «De peur que ses disciples ne viennent la nuit dérober son corps » Puisque le sépulcre du Sauveur est gardé avec tant de soin, nest-il pas visible quil ny a plus lieu de craindre aucune illusion de la part de ses disciples? Ainsi vos précautions font quon ne doit plus douter de la vérité de cette résurrection. Car le sépulcre du Fils de Dieu ayant été scellé et gardé avec tant de vigilance quelle tromperie pourrait-on craindre? Que sil ny en a aucune, et que le sépulcre néanmoins se soit trouvé vide, nest-il pas certain que cela na pu se faire que par la résurrection véritable de Celui qui y était enseveli? Vous voyez comment ils établissent la vérité quils veulent détruire. Mais considérez, je vous prie, la sincérité des évangélistes, et combien ils sont exacts à ne rien cacher de ce que les ennemis de Jésus-Christ disaient de plus honteux et de plus injurieux à sa grandeur, puisquils ne cèlent point quils lappelaient «séducteur et imposteur. » Cet outrage nous fait voir également la cruauté des Juifs, qui ne pouvaient encore pardonner à un homme mort, et la sincérité des disciples à rapporter fidèlement toutes choses. Mais il est bon maintenant de rechercher quand est-ce que le Sauveur a dit aux Juifs quil ressusciterait trois jours après sa mort. Nous voyons souvent dans lEvangile quil avait dit à ses apôtres quil ressusciterait après trois jours : mais nous ny voyons point quil lait dit aux Juifs , autrement que dans lexemple de Jonas. Ils avaient donc bien compris ce quon leur disait ; et ce nétait que par un excès de malice, et par une abondance de (79) mauvaise volonté quils se conduisaient, de cette manière. Que leur répond donc Pilate? « Vous avez des gardes, allez, faites-le garder comme vous lentendrez (65). Ils sen allèrent donc; et pour sassurer du sépulcre , ils en scellèrent la pierre et y mirent des gardes (66) ». Il ne veut pas que ce soit ses soldats qui gardent le sépulcre. Comme il était parfaitement informé de toute cette affaire, il ne sen veut plus mêler ; mais pour se défaire deux, il leur dit daller garder eux-mêmes le tombeau comme ils lentendraient, afin quensuite ils ne rejetassent point leurs accusations sur personne. Si les soldats de Pilate eussent gardé ce sépulcre, les Juifs eussent pu dire quils se seraient accordés avec les disciples du Sauveur, et quils leur auraient donné son corps. La fausseté et linvraisemblance de cette supposition neût pas empêché ces imposteurs hardis et sans honte de lavancer, et ils eussent aisément fait croire que cet accommodement des disciples avec les soldats aurait donné lieu à ce bruit de la résurrection. Mais Pilate les ayant chargés eux-mêmes de ce soin, ils ne pouvaient plus raisonnablement faire retomber cette accusation sur les autres. Ainsi on ne peut assez admirer comment malgré eux ils travaillent à établir la vérité, puisquils vont eux-mêmes trouver Pilate quils lui demandent eux-mêmes le corps, quils scellent eux-mêmes le sépulcre, y posent eux-mêmes des gardes, et se réduisent eux-mêmes par tant de précautions dans limpuissance de donner quelque couleur à limposture quils ont depuis publiée. Car enfin quand les disciples du Fils de Dieu auraient-ils dérobé son corps? Serait-ce le jour du Sabbat? Mais comment lauraient-ils pu, puisquil nétait pas permis en ce jour daller même au sépulcre? Mais quand ils auraient pu transgresser la loi qui leur défendait cela, comment étant aussi intimidés quils létaient alors, auraient-ils osé approcher seulement de ce tombeau pour dérober le corps de leur maître? Comment auraient-ils pu faire croire ensuite à tout un peuple quil serait véritablement ressuscité ! Quauraient-ils dit? quauraient-ils fait? quel courage auraient-ils eu en défendant le parti dun homme quils eussent su être véritablement mort? Quelle récompense en auraient-ils pu attendre? Lorsquil était encore vivant entre les mains des Juifs qui lavaient pris, ils senfuyaient tous et ils labandonnaient; comment donc auraient-ils pu après sa mort parler si courageusement pour lui, sils neussent su dune manière certaine quil était ressuscité? Mais pour montrer quils neussent jamais ni pu ni voulu feindre cette résurrection si elle neût été véritable, il ne faut que considérer que Jésus-Christ leur avait souvent parlé de sa résurrection; quil les en avait souvent assurés; jusque-là même que les Juifs témoignent ici quil leur avait dit: « Je ressusciterai dans trois jours ». Si donc il ne fût pas ressuscité véritablement, nest-il pas clair que ses disciples se voyant trompés par lui, en butte aux attaques de toute une nation, sans refuge, sans patrie à cause de lui, lauraient nécessairement renoncé, et quils nauraient jamais voulu travailler à établir dans le monde la gloire dun homme qui les aurait indignement trompés encore une fois et exposés aux plus affreux dangers? Il est inutile de sarrêter davantage à prouver que si la résurrection de Jésus-Christ eût été fausse, il eût été impossible aux apôtres de la feindre. Car sur quoi auraient-ils pu sappuyer pour établir un mensonge si visible? Auraient-ils tâché de le confirmer par la foi-ce de leurs paroles? Ils étaient tous ignorants; se seraient-ils appuyés sur leurs richesses? ils navaient rien ; sur leur naissance? ils étaient les derniers du peuple; sur la grandeur de leur ville?ils étaient dun lieu peu connu; sur leur grand nombre ? ils nétaient que onze, et la peur les avait même dispersés en divers lieux. Pouvaient-ils se fonder sur les promesses de leur maître? Quelle impression eussent-elles pu faire sur leurs esprits, sil ne fût pas ressuscité lui-même comme il lavait si souvent promis? Mais comment au raient-ils pu soutenir la fureur de tout un peuple? Car si leur chef même navait pu résister à la voix dune servante, si tous les autres voyant Jésus-Christ pris et lié se dispersèrent aussitôt, comment auraient-ils pu se persuader quils eussent pu parcourir toute la terre et établir partout la croyance de cette fausse résurrection? Si saint Pierre trembla devant une portière, si tous les autres craignirent si fort le peuple, comment auraient-ils pu témoigner de la fermeté devant les rois, devant les princes, devant les peuples, lorsquils avaient à craindre les tourments, le (80) fer, le feu et mille sortes de morts quon leur préparait à tout moment, si la force de Jésus-Christ ressuscité ne les eût soutenus dans ces rencontres? Les Juifs, après tant de miracles de Jésus-Christ, quils avaient vus de leurs yeux, ne laissent pas den perdre le souvenir et de crucifier Celui qui les avait faits; et on pourrait croire que lorsque les apôtres leur prêcheraient la résurrection de ce même Jésus-Christ, ils se laisseraient persuader par eux? Qui pourrait avoir cette pensée? Ce nest donc point de cette manière que toutes ces choses se sont faites. Cest la seule force de Jésus-Christ ressuscité qui a agi dans ses apôtres. 2. Mais considérez la malignité de ces prêtres juifs: « Nous nous sommes souvenus», disent-ils, « que cet imposteur a dit, lorsquil était encore en vie : Je ressusciterai dans trois jours ». Si cest un imposteur qui ne disait que des choses vaines, pourquoi les craignez-vous? pourquoi tremblez-vous? pourquoi témoignez-vous tant dinquiétude? pourquoi employez-vous tant de ressorts? « Nous craignons » , disent-ils, « que ses disciples ne viennent dérober son corps et quils ne trompent ensuite le peuple ». Nous venons de faire voir que cela était impossible. Cependant comme la malice des hommes est opiniâtre dans ses desseins, ils ne se rendent point et ils agissent contre toute la lumière de la prudence. Ils commandent quon garde exactement le sépulcre jusquau troisième jour, sous prétexte de soutenir leur loi contre un imposteur; ils ont surtout si fort à coeur de montrer que Jésus-Christ était un séducteur, quils étendent leur envie et leur malignité contre lui jusquaprès sa mort. Cest pour cela que le Fils de Dieu se hâte de ressusciter de bonne heure, afin de ne leur point donner lieu de dire quil navait pas tenu sa parole, et quon était venu lenlever. Car on ne pouvait trouver à redire quil ressuscitât un peu plus tôt quil navait dit, tandis que le faire un peu plus tard eût donné lieu à beaucoup de soupçons. En effet, si Jésus-Christ ne fût ressuscité lorsque ces soldats environnaient encore son sépulcre pour le garder, et quil ne leût fait que lorsquils se seraient retirés après le troisième jour, les Juifs auraient eu quelques raisons, sinon fondées, du moins spécieuses à alléguer, pour justifier leur refus de croire à la résurrection. Il se hâta donc de ressusciter pour ôter à ses ennemis jusquau moindre prétexte. Car il raflait quil ressuscitât, lorsque son sépulcre était encore environné de ses gardes. Il ne devait pas attendre que les trois jours fussent entièrement accomplis, puisque sa résurrection eût pu être trop suspecte. Cest pourquoi il permit que les Juifs prissent toutes les précautions quils voulaient, quils scellassent son tombeau, et quils y missent des gardes. Et lorsquils agissaient de la sorte, ils ne se mettaient guère en peine du jour du sabbat, mais ils navaient point dautre but que de satisfaire leur passion. Ils crurent quils auraient ainsi lavantage sur le Sauveur par un aveuglement incompréhensible, et par une crainte tout à fait à contre-temps, puisquils témoignaient appréhender un homme mort, à qui ils avaient fait tout ce quils avaient voulu pendant sa vie. Car ne devaient-ils pas, si Jésus-Christ nétait quun homme comme les autres, faire alors cesser toutes leurs craintes, et être dans un plein repos pour lavenir? Mais enfin Jésus-Christ voulant leur montrer quil navait rien souffert de leur part que ce quil avait bien voulu souffrir, leur fait voir ici quavec cette pierre si bien scellée et ces gardes, ils ne pouvaient le retenir. Tout ce quils ont gagné par leurs artifices, cest quils ont rendu sa résurrection plus célèbre et plus constante; de sorte quon ne peut en douter raisonnablement, puisquil ressuscita en présence des Juifs mêmes et des soldats. « Le soir du sabbat, à la première lueur du jour qui suit le sabbat, Marie-Madeleine et lautre Marie vinrent pour voir le sépulcre. (Chap. XXVIII, 1). Et voilà quil se fit un grand tremblement de terre : car un ange du Seigneur descendit du ciel, et vint renverser la pierre qui était devant la porte du sépulcre et sassit dessus (2). Son visage était brillant comme un éclair, et ses vêtements blancs comme la neige (3)». Lange parut aussitôt après la résurrection du Fils de Dieu. Pourquoi parut-il et enleva-t-il la pierre de dessus le sépulcre, sinon à cause de ces femmes qui avaient vu le Sauveur dans le tombeau? Afin donc quelles crussent quil était véritablement ressuscité, on leur fit voir que le corps nétait plus dans le sépulcre. Voilà pourquoi lange ôta la pierre, pourquoi le tremblement de terre eut lieu, cétait afin de les avertir de se lever et de se réveiller. Comme elles étaient (81) venues pour oindre le corps de parfums, et quil était encore nuit, il est vraisemblable que quelques-unes dentre elles pouvaient être assoupies. « Et les gardes en furent tellement saisis de frayeur, quils devinrent comme morts (4). Mais lange sadressant aux femmes leur dit: Pour vous, ne craignez point; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié (5)». Pourquoi lange leur dit-il: « Pour vous, ne craignez point», sinon parce que tout dabord il voulait les délivrer de la frayeur où elles étaient avant de leur parler de la résurrection? Ce mot, « pour vous autres », est bien honorable pour ces femmes, et montre en même temps que si ceux qui avaient osé commettre un attentat si étrange, ne rentraient en eux-mêmes, ils devaient sattendre à une horrible vengeance. Car ce nest pas à vous à craindre, dit-il à ces femmes; cest à ceux qui ont crucifié le Sauveur. Après les avoir ainsi délivrées de cette frayeur, et par ses paroles, et par la joie qui était peinte sur son visage, dont lexpression était daccord avec lheureuse nouvelle quil apportait, il continue de leur parler : « Je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié ». Il ne rougit point de dire que Jésus-Christ a été crucifié, parce quil savait que sa croix était la source de tous nos biens. « Il nest point ici, il est ressuscité ». Et pour le prouver, il ajoute, « comme il lavait dit lui-même (6) ». Si vous vous défiez de mes paroles, souvenez-vous de la sienne, et vous me croirez. Et pour leur en donner encore une autre preuve, il leur dit: « Venez voir le lieu où le Seigneur avait été mis». Ainsi lange avait détourné la pierre, afin que les femmes fussent convaincues par leurs propres yeux. « Et hâtez-vous daller dire à ses disciples quil est ressuscité dentre les morts: Il va devant vous en Galilée, cest là que vous le verrez : je vous en avertis auparavant (7) ». Il veut quelles annoncent ensuite aux autres ce quil leur a fait croire avec tant de certitude, Il marque à dessein la « Galilée » comme un lieu paisible éloigné des périls, et où leur foi ne devait être mêlée daucune crainte. « Et sortant aussitôt du sépulcre avec crainte et avec beaucoup de joie, elles coururent pour annoncer ceci aux disciples (8) ». Elles sont saisies dune extrême joie mêlée de crainte, parce quelles avaient vu une chose tout à fait étonnante et bien consolante tout ensemble; elles avaient vu ouvert et vide ce même sépulcre, où elles avaient vu peu auparavant ensevelir Jésus-Christ. Lange les avait fait approcher, afin que cette vue même du tombeau les persuadât que le Sauveur était. véritablement ressuscité. Car elles pouvaient bien sassurer que le sépulcre étant gardé par tant dhommes armés, nul naurait pu enlever son corps, à moins que lui-même ne leût rejoint à son âme en ressuscitant. Ainsi, dans ladmiration où elles se trouvent, elles sont ravies de joie, et elles reçoivent enfin le prix de leur persévérance, ayant été jugées dignes de voir les premières Jésus-Christ ressuscité, et dannoncer ensuite aux apôtres non-seulement ce que les anges leur avaient dit, mais ce quelles avaient vu de leurs propres yeux. 3. « Et comme elles allaient porter cette nouvelle aux disciples, Jésus se présenta devant elles, et leur dit : Salut! Elles sapprochèrent, lui embrassèrent les pieds et ladorèrent (9) ». Et après sêtre ainsi approchées de lui avec ce transport de joie, et avoir, par lattouchement de ses pieds, connu la vérité de sa résurrection, « elles ladorèrent ». Mais que leur dit Jésus-Christ? « Alors Jésus leur dit : Ne craignez point (10) ». Il bannit encore toute crainte de leur esprit, afin que cette paix prépare dans leur coeur lentrée à la foi. « Allez dire à mes frères quils sen aillent en Galilée, cest là quils me verront». Considérez encore une fois, mes frères, comment Jésus-Christ se sert de ces femmes, pour annoncer ses mystères à ses disciples. Il veut relever ainsi lhonneur de ce sexe qui était tombé dans le mépris, par la chute dEve, il anime sa confiance et il le guérit de ses faiblesses. Je ne doute point, mes frères, quil ny eu ait parmi vous qui souhaiteraient davoir été avec ces saintes femmes pour embrasser avec elles les pieds du Sauveur. Mais si ce désir est sincère dans votre coeur, vous pouvez encore aujourdhui embrasser non-seulement ses pieds ou ses mains, mais même sa tête sacrée, lorsque vous participez à nos redoutables mystères avec une conscience pure et sainte. Car vous le verrez non-seulement ici, mais encore au jour de sa gloire, lorsquil viendra accompagné de tous ses anges, si vous êtes charitables envers les pauvres. Il ne vous dira pas seulement ces paroles : « Je vous salue »; mais celles-ci : (82) « Venez vous que mon Père a bénis, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde ». Devenons donc, mes frères, reconnaissants envers Dieu et charitables envers nos frères. Ayons de lamour pour toutes sortes de personnes. Et vous, mes soeurs, qui étant chrétiennes, avez tant de soin demployer lor et largent pour vous parer, considérez ces femmes de notre Evangile, et renoncez enfin à la vanité et à lavarice. Si vous avez quelque zèle pour imiter ces saintes femmes, vendez ces ornements superflus dont vous êtes inutilement chargées, et revêtez-vous d-e la compassion et de la miséricorde comme dun vêtement précieux. Dites-moi, je vous prie, quelle utilité vous pouvez tirer de ces pierres de si grand prix, et de ces habits si magnifiques? Vous me dites que lesprit sy satisfait, et quil trouve du plaisir dans cette magnificence. Mais, hélas! je vous demande quelle utilité vous retirez de vos vanités, et vous ne .me dites que les maux quelles vous causent. Il ny a rien de plus déplorable que de se plaire dans ces vains ajustements, dy trouver de la satisfaction, et de sy attacher. Cette servitude si basse et si honteuse devient encore plus horrible lorsquon y trouve du plaisir. Comment une femme chrétienne pourra-telle sappliquer comme elle le doit aux exercices dune piété solide, et mépriser les folies du siècle, lorsquelle trouve de la joie à se parer dor et de pierreries? Nest-il pas vrai que celui qui trouve son repos dans la prison, ne désirera jamais den sortir; et que cette personne qui sest volontairement liée de ces chaînes, ne pourra, jamais se résoudre à les quitter? Elle sera comme la victime dune passion si basse, et elle, trouvera tant de dégoût aux oeuvres de piété, quelle nen pourra pas même souffrir le nom. Je vous demande donc encore : A quoi vous servent tous ces ornements dun si grand prix et si inutiles? Car si vous me dites que vous y trouvez votre satisfaction, je vous ai déjà fait voir que ce nest pas là un avantage, mais un très-grand mal. Vous me répondrez peut-être que vous vous faites ainsi admirer de tous ceux qui vous regardent. Mais nest-ce pas encore là un autre mal, que ces ornements magnifiques soient la pâture de votre orgueil? Puis donc que vous ne pouvez me dire quel avantage vous retirez de ce luxe, permettez que je vous énumère les maux qui vous en reviennent. Premièrement, vous savez vous-mêmes que vous en avez plus dinquiétude que de plaisir. Et jose dire que la plupart de ceux qui vous voient, et particulièrement les esprits les plus stupides, ont plus de satisfaction de toute cette vaine magnificence que vous nen avez vous-même. Là vôtre est mêlée de chagrin, la leur est toute pure, et vous prenez bien de la peine pour leur donner de quoi contenter leurs yeux. De plus, ces préoccupations de votre vanité vous tiennent lesprit sans cesse attaché à de basses pensées et vous exposent aux atteintes de lenvie. Les femmes qui demeurent auprès de vous, brûlant du désir dêtre aussi parées que vous, sarment ensuite contre leurs maris, et leur font une guerre furieuse. Nest-ce pas encore un mal bien considérable que dêtre livrée tout entière à des soins si vains et si inquiets; de négliger la beauté de son âme, et lamour de son salut, de se remplir dorgueil, de vanité et de folie, dêtre comme enivrée de lamour du siècle, de quitter volontairement ces ailes saintes qui vous élèvent à Dieu, que de se rendre semblable, non pas à laigle comme cela devrait être, mais aux chiens et aux pourceaux? Car au lieu de tendre toujours au ciel, vous allez comme ces animaux chercher dans la terre ce qui peut plaire à vos sens, sans craindre de prostituer la dignité de votre âme, et de lasservir à des choses si basses et si indignes de vous. Vous me répondrez peut-être encore que, lorsque vous paraissez dans les rues ou dans les assemblées, tout le monde vous regarde et tient les yeux arrêtés sur vous. Cest pour cela-même que vous devriez fuir ces ornements, afin de ne point attirer ainsi sur vous les regards de tous les hommes, et de ne point donner lieu à la médisance. Nul de ceux qui vous regardent ne vous estime autant que vous vous limaginez. Tout le monde se rit de vous, comme dune femme vaine et ambitieuse, qui désire de se faire voir, et qui est toute plongée dans lamour et dans la vanité du siècle. Que si, après cela, vous entrez dans nos églises, vous ny trouverez que des personnes qui auront de lhorreur de ces vains ajustements. Ce ne seront pas seulement les spectateurs de votre luxe qui vous détesteront de la sorte, les prophètes mêmes le feront : Isaïe, (83) celui de tous qui a la plus grande voix, dira de vous dès que vous entrerez ici : « Voici ce que dit le Seigneur aux princesses, filles de Sion: Parce quelles ont marché avec pompe, la tête levée, les yeux volages et égarés, quelles ont traîné après elles ces longues queues de leurs robes, le Seigneur les dépouillera avec honte de tous ces vains ornements, et la boue succédera aux parfums, et les liens de cordes aux ceintures de perles et de diamants ». (Is. III, 16.) Cest là, mes très-chères soeurs, la récompense que vous devez attendre de vos vanités. Mais ce nest point seulement contre les filles de Sion que le Prophète parle. Ces menaces sont contre toutes celles qui les imitent. Saint Paul parle de même quIsaïe, lorsquil commande à Timothée « davertir les femmes de ne se parer ni avec des cheveux frisés, ni avec des ornements dor ou de perles, ni des habits somptueux». (I Tim, II, 9.) Cest donc toujours un mal de se parer avec lor; mais cest un mal encore bien plus grand, lorsquon vient ainsi parée à léglise, et quon passe en cet état parmi tant de pauvres. Si vous aviez dessein de soulever tout le monde contre vous, vous nen pourriez pas trouver un meilleur moyen, que de sacrifier ainsi les biens que vous avez reçus de Dieu à la cruelle satisfaction de votre luxe. Considérez cette troupe de pauvres, parmi lesquels vous passez. Votre magnificence les irrite au milieu de la faim qui les presse et qui les dévore, et leur nudité crie vengeance contre ces vêtements superbes et cet appareil diabolique. Ne vaudrait-il pas mieux donner du pain à ceux qui nen ont point, que de se percer loreille pour y suspendre la nourriture des pauvres et la vie dune infinité de misérables? 4. Mettez-vous donc votre gloire à être riches, ou à vous parer avec lor et les diamants? Quand votre bien serait acquis le plus justement quil pourrait être, vous seriez néanmoins très-coupables de le prodiguer en ces folies. Mais comme il est souvent le fruit des rapines et de linjustice, que sera-ce que duser si mal dun bien mal acquis? Si vous aimez lhonneur solide, quittez tout ce faste, et le monde vous admirera, votre modestie fera votre gloire et vous comblera de joie. Mais maintenant votre vanité est votre honte, et elle est encore votre supplice. Car outre la perte que cause tout ce luxe, quel désordre est-ce dans une maison, lorsquune perle ou une pierre précieuse vient à ségarer? On maltraite les femmes de service; on tourmente les hommes. On chasse les uns et on emprisonne les autres. On soupçonne, on accuse, on plaide; le mari querelle la femme et la femme le mari, ils se brouillent même avec leurs amis; ils font de la peine à tout le monde, et encore plus à eux-mêmes. Mais supposons que vous ne perdiez rien, ce qui néanmoins est très-difficile : Nest-ce pas toujours une peine bien grande, que de garder avec tant de soin des meubles si inutiles que ces objets de toilette? Car ils ne servent ni à votre maison ni à votre personne. Ils incommodent lune et la tiennent dans linquiétude, et ils déshonorent lautre. Comment pourriez-vous, étant ainsi parée, embrasser et baiser les pieds de Jésus-Christ, comme ces saintes femmes de notre Evangile, puisquil a ce faste en horreur? Cest pour cette raison quil a voulu naître dans la maison dun charpentier, et non pas même dans sa maison, mais dans une étable. Comment oseriez-vous donc vous présenter à lui, nayant aucun des ornements qui lui sont chers et précieux, mais en ayant dautres qui lui sont insupportables? Celui qui veut sapprocher de lui, doit se parer non dor et de perles, mais de vertus. Car enfin quest-ce que cet or que vous aimez tant, sinon un peu de terre qui, mêlée avec de leau, serait de la boue? Cest donc cette terre qui est votre idole; cest de cette boue que vous vous faites un Dieu que vous portez partout, comme sil était votre félicité et votre gloire. Vous népargnez pas même le temple de Dieu, dont la sainteté ne devrait pas être violée par votre luxe. Car lEglise na pas été bâtie afin que vous y veniez étaler vos vanités. On y doit paraître riche, mais en grâce et en vertu, et non en or et en diamants. Cependant vous vous parez pour y venir, comme si vous alliez au bal, ou comme les comédiennes qui vont paraître sur le théâtre, tant vous avez soin que tout conspire à vous faire regarder, cest-à-dire, à vous faire moquer de ceux qui vous voient. Cest pourquoi jose vous dire que vous êtes ici comme une peste publique, qui tue non les corps mais les âmes. Quand cette sainte assemblée est finie, et que chacun retourne chez soi, on ne sentretient que de vos vanités et de vos folies. On oublie les (84) instructions importantes que saint Paul ou les prophètes nous y ont données; on ne sentretient que du prix de vos belles étoffes et de léclat de vos pierreries. Cest lattachement à ces vanités qui vous rend aujourdhui si froides à faire laumône. Il est bien rare de trouver aujourdhui une femme qui veuille se résoudre à vendre quelque chaîne dor ou quelquune de ses pierreries pour nourrir un pauvre. Et comment pourraient-elles renoncer au moindre de ces ornements pour en assister les misérables, puisquelles aimeraient mieux souffrir elles-mêmes les dernières extrémités que de sen priver? On en voit de si passionnées pour tous ces ajustements, quelles ne les aiment pas moins que leurs propres enfants. Si vous dites que cela nest pas, témoignez-le donc par vos actions, puisquelles massurent du contraire de ce que vous dites. Qui dentre toutes ces femmes qui sont attachées à ces folies, a donné jamais une perle pour sauver son fils de la mort? Mais que dis-je pour sauver son fils? Quelle est celle qui a donné quelque chose pour se sauver elle-même? On les voit perdre les journées entières pour étudier ces ajustements. Lorsquelles ressentent la moindre maladie du corps, elles font tout pour sen délivrer; et lorsquelles ont lâme percée de plaies, elles ne veulent rien faire pour la guérir. Elles voient périr leurs âmes et leurs enfants, et elles ne sen mettent point en peine, pourvu quelles conservent cet or et cet ornement que le temps gâte peu à peu. Vous donnez mille talents pour être toute vêtue dor, et les membres de Jésus-Christ nont pas même du pain à manger. Dieu, qui est le maître du pauvre comme du riche, a préparé également le ciel à lun et à lautre, et il leur fait part à tous deux indifféremment des richesses de sa table spirituelle. Et cependant vous ne voulez pas que le pauvre ait aucune part, ni à votre bien, ni à votre table. Vous êtes esclaves de ce que vous possédez, et vous ne pensez quà appesantir vos chaînes. Cest là la source dune infinité de maux, de ces jalousies cruelles, et de ces adultères qui déshonorent la fidélité du mariage, lorsquau lieu de porter les hommes par votre exemple à lamour de la chasteté et de la modestie, vous leur apprenez au contraire à aimer toutes ces choses dont se parent les femmes prostituées. Cest là ce qui les fait tomber si facilement. Si vous leur appreniez à mépriser tout ce luxe et à se plaire dans la modestie, dans lhumilité et dans toutes les vertus, ils ne seraient pas si susceptibles de ces passions qui perdent leurs âmes; et vous vous distingueriez ainsi des comédiennes et des femmes débauchées, qui peuvent bien se parer de léclat des diamants, mais non de celui des vertus. Vous donc, ô femme chrétienne, accoutumez votre mari à aimer en vous ce quil ne saurait jamais trouver dans ces courtisanes. Et comment ly accoutumerez-vous, sinon en renonçant vous-même à ces ornements criminels, et eu vous rendant digne de respect et damour par votre modestie et votre sagesse? Ainsi le bonheur de votre mariage sera en sûreté, votre mari, dans la joie, et vous, en honneur. Dieu vous bénira, et les hommes vous admireront, et vous passerez de cette vie à celle du ciel, que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et lempire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (85) |