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HOMÉLIE XXXIX« ALORS JÉSUS DIT CES PAROLES : JE VOUS RENDS GLOIRE, MON PÈRE, SEIGNEUR DU CIEL ET DE LA TERRE, DE CE QUE VOUS AVEZ CACHÉ CES CHOSES AUX SAGES ET AUX PRUDENTS, ET QUE VOUS LES AVEZ RÉVÉLÉS AUX SIMPLES ET AUX PETITS. OUI, MON PÈRE, PARCE QUIL VOUS A PLU AINSI. » (CHAP. XI. 25,26, JUSQU'A LA FIN DU CHAPITRE) ANALYSE 1. Comment Jésus-Christ se dispense dobserver le sabbat. 2. Comment il se justifie de la violation du sabbat que lui reprochaient les Juifs. 3. Utilité du sabbat. le sabbat sous le règne de la Loi Ancienne et de la Loi Nouvelle. 4. Que nos efforts personnels doivent concourir avec la grâce divine. Que les préceptes évangéliques sont faciles à pratiquer.
1. Saint Luc dit que ceci arriva le jour du sabbat appelé « le second premier. » Que veut dire ce mot, sinon quil y avait alors une double solennité : lune du sabbat du Seigneur, et lautre de quelque fête qui y survenait encore ? Car les Juifs appelaient ces fêtes également du nom de sabbat. Mais doù vient que celui qui prévoyait tout, conduisait ses disciples par cet endroit, sinon pour montrer quil ne voulait point alors observer le sabbat? Il ne le voulait pas garder alors pour de grandes raisons, Car on voit partout quil ne (316) se dispense de lobserver que lorsquil en avait un légitime sujet, afin de faire cesser la loi sans scandaliser personne. Il y a néanmoins eu des occasions où il a témoigné vouloir à dessein ne la pas garder, comme lorsquil fit de la boue pour en frotter les yeux de laveugle-né, et lorsquil dit « Mon Père depuis le commencement du u monde agit, et moi jagis aussi avec lui. » (Jean, V, 8.) Jésus-Christ se conduisait avec cette modération ou pour glorifier son Père ou pour épargner la faiblesse de ce peuple. Cest ce quil fait dans notre évangile, lorsquil sexcuse de la violation du sabbat, par la nécessité où se trouvaient ses disciples. Or, ce qui est évidemment péché ne sexcuse par aucune raison. Un homicide ne peut point sexcuser sur sa colère, ni un adultère sur sa passion. Mais comme il ne sagissait point ici dune chose essentiellement mauvaise, la nécessité où les apôtres étaient réduits pouvait suffire pour les exempter de faute. Mais admirons ici, je vous prie, le détachement des apôtres: comme ils navaient aucun soin du corps; comme les moindres choses leur suffisaient pour les nourrir, et comme dans les besoins même les plus pressants, ils ne pensaient point à séloigner tant soit peu de la compagnie de Jésus-Christ ! Car sils neussent souffert une grande faim, ils nauraient jamais voulu violer le sabbat. « Ce que voyant les pharisiens, ils lui dirent: Voilà vos disciples qui font ce qui nest point permis de faire au jour du sabbat (2).» Les pharisiens ne paraissent pas ici aussi aigres quà lordinaire, quoique le sujet semble le comporter. Ils se contentent de dire assez simplement le mal quils reprennent dans les disciples; au lieu que lorsque Jésus-Christ rétablit miraculeusement la main desséchée, on les vit semporter dune si furieuse colère, quils délibérèrent de le tuer. Doù vient cette différence? Cest que lorsquils ne voient rien déclatant dans les actions de Jésus-Christ, ils sont un peu plus paisibles; mais lorsquils voient des guérisons miraculeuses, ils deviennent cruels et furieux. Tant ils étaient ennemis du salut des hommes! Mais remarquez. comment Jésus-Christ excuse ses disciples. « Navez-vous pas lu ce que fit David lorsque lui et ceux qui laccompagnaient furent pressés de la faim (3)? Comme il entra dans la maison de Dieu, et mangea les pains qui y étaient exposés, quil nétait permis de manger quaux seuls prêtres, et non point à lui ni à ceux qui étaient avec lui (4). » Quand Jésus-Christ défend ses apôtres, il allègue David ou quelque prophète; mais quand il se défend lui-même, il allègue son Père céleste. Il leur parle avec force: « Navez-vous point lu, » leur dit-il, « ce que fit David? » La gloire et la réputation de ce saint roi était si grande que saint Pierre, après la résurrection de Jésus-Christ, parlant de lui devant les Juifs, se croit obligé duser de ces termes : « Permettez-moi, mes frères, de vous dire avec liberté, touchant le patriarche David, quil est mort, et quil a été mis dans le sépulcre. » (Act. II, 29.) Mais pourquoi Jésus-Christ, lorsquil parle de ce saint prophète, soit ici, soit plus tard, ne lui donne-t-il jamais de louanges? Cétait peut-être parce quil descendait de lui. Si les pharisiens eussent été plus doux et plus compatissants, Jésus-Christ se fût contenté dexcuser ses apôtres par la faim quils enduraient; mais parce quils étaient durs et inhumains, il leur rapporte cet exemple. Saint Marc dit que le fait concernant David se passa sous le grandprêtre Abiathar; en cela il ne contredit pas lauteur du premier livre des Rois, mais montre seulement que ce prêtre avait deux différents noms. Il marque même que ce fut ce prêtre qui donna ces pains, pour mieux défendre ses disciples, en rappelant quun prêtre avait non-seulement permis une pareille action, mais y avait même contribué. Et il serait inutile de dire que David était prophète, puisque les prophètes mêmes navaient point ce droit qui était uniquement réservé aux prêtres, ainsi que le dit expressément Jésus-Christ : « Il nétait permis de les manger quaux seuls prêtres. » Quand il eût été mille fois prophète, il nétait point prêtre. Et sil était prophète, ceux qui laccompagnaient ne létaient pas, et ils mangèrent néanmoins de ces pains que le grand prêtre leur donna. Mais quoi ! me direz-vous, les apôtres étaient-ils égaux à David? Que me parlez-vous de dignité quand il est question dune violation au moins apparente de la loi, et dune pressante nécessité naturelle? Si la nécessité a excusé David, elle doit à plus forte raison excuser les apôtres. Et plus David aura été (317) grand, plus ceux qui lauront imité seront excusables. 2. Mais à quoi sert toute cette histoire, me direz-vous, puisque David na point violé le sabbat? Il na point violé le sabbat, mais il a fait ce qui était encore moins permis: cest donc une raison de plus pour admirer la sagesse de Jésus-Christ qui, pour justifier ses disciples davoir violé le sabbat, rapporte un exemple qui nest pas tout à fait semblable, mais qui prouve beaucoup plus. Car ce nétait pas une égale faute de ne pas garder le respect dû au jour du sabbat, ou de toucher à cette table sacrée, dont il nétait pas permis dapprocher. Il y avait plusieurs exemples de la violation du sabbat. On le violait presque tous les jours, comme dans la circoncision, et dans plusieurs actions semblables. On voit même quil fut violé dans la prise de Jéricho. Mais il ny avait que ce seul exemple de la profanation de ces pains; ce qui le rendait bien plus fort, et plus propre aux desseins de Jésus-Christ. Il aurait pu même insister davantage sur cet exemple, et leur dire: Comment personne na-t-il accusé David de cette profanation, puisquelle donna même lieu à la mort de tant de prêtres? Mais il ne le fait pas, et il se contente de prendre de cette histoire ce qui était entièrement attaché à son sujet. Il justifie encore ses apôtres dune autre manière, et après avoir fermé la bouche aux pharisiens par lexemple de David , et réprimé leur insolence par lautorité de ce saint prophète, il leur apporte un autre argument pour les confondre encore davantage. « Navez-vous point lu dans la loi que les prêtres au jour du sabbat violent le sabbat dans le temple et ne sont pas néanmoins coupables (5) ? » Dans laction de David, cest la circonstance qui produit la violation, mais il ny avait rien de semblable dans la manière dont les prêtres violaient le sabbat. Néanmoins Jésus-Christ ne rapporte point dabord cette raison si convaincante. Il défend premièrement cette action de ses apôtres, comme en lexcusant, et ensuite il la justifie entièrement. Il fallait ainsi réserver pour la fin ce quil y avait de plus fort, quoique cette première raison eût aussi sa force. On me dira que ce nest pas décharger quelquun dun crime que de dire quun autre y soit tombé. Mais lorsquune action sest faite publiquement sans donner lieu à une accusation, il semble que son exemple est la justification de ceux qui limitent. Cependant Jésus-Christ ne se contente pas de cela. Il apporte encore une raison plus puissante, et il montre que cette violation du sabbat nest point un péché, ce qui lui donnait tout lavantage sur ses ennemis. Il fait voir que la loi se détruisait elle-même; quelle se détruisait doublement, puisquelle ne permettait pas seulement de violer le sabbat, mais de le violer dans le temple même; ou plutôt quelle se détruisait triplement, car ce nétait pas simplement le sabbat qui était violé et dans le temple, mais encore cétaient les prêtres qui commettaient cette violation, sans quil y eût en cela aucun péché: « Et ils ne sont pas néanmoins coupables, » dit Jésus-Christ. Considérez donc, mes frères, combien de preuves Jésus-Christ rapporte tout ensemble: preuves tirées du lieu, cest dans le temple; des personnes, ce sont des prêtres; du temps, cest le jour du sabbat; de la chose même, cest la violation dun jour saint. Car Jésus-Christ ne dit pas : Ils nobservent pas le sabbat; mais ce qui est beaucoup plus, ils «le violent, » et ceux qui sont plus que ses apôtres, non-seulement nen sont point punis, mais ils ne fout pas même la moindre faute: « Et ne sont pas néanmoins coupables.» Cette dernière preuve est donc bien différente de la première. Car David na fait quune fois ce quil fit alors: il ne la fait que par une nécessité absolue; il nétait pas prêtre lorsquil le faisait, ce qui le rendait fort excusable : au lieu que ce que dit Jésus-Christ dans cette dernière raison, se faisait à chaque jour de sabbat, et par les prêtres, et dans le temple même, et par lordre de la loi. Car lorsque jexcuse les prêtres en cette rencontre, dit Jésus-Christ, ce nest point en usant envers eux daucune condescendance, mais en les jugeant selon la justice. Il semble faire lapologie des prêtres , mais il fait en effet celle des apôtres: et en assurant des uns « quils ne sont aucunement coupables, » il fait voir que les autres sont très-innocents. Mais les apôtres, direz-vous, nétaient pas prêtres, ils étaient plus que les prêtres, puisquils appartenaient au véritable Seigneur du temple, à Celui qui nétait pas la figure des choses divines, comme le temple des Juifs, mais la vérité même; Cest pourquoi Jésus-Christ leur dit; « Et cependant je vous dis que (318) Celui qui est ici est plus grand, que le temple (6).» Jadmire que les Juifs entendant cette parole nen sont point irrités. Cétait peut-être parce quelle nétait point accompagnée de miracles et de la guérison de quelque malade. Cependant comme elle, pouvait leur paraître dure, il la couvre aussItôt et détourne son discours ailleurs en leur disant avec quelque force ! « Que si vous entendiez bien cette parole: Jaime mieux la miséricorde que le sacrifice, vous nauriez pas condamné, des innocents. (7) ». (Osée, VI.) Il diversifie son. discours. Il fait voir tantôt que ses apôtres méritent quon les excuse et tantôt qu ils nont rien fait dont on les puisse accuser : « Vous nauriez pas, » dit il, « condamné des innocents » Il avait déjà fait voir par la comparaison des prêtres que ses disciples n'étaient point coupables, mais il l' assure ici de son autorité propre quil appuie néanmoins sur la loi, en rapportant le passage du prophète Enfin, après tant de raisons, il finit par cette dernière. 3. «Car le Fils de lHomme est maître du sabbat même (8) » Ce quil entend de lui-même, quoique saint Marc témoigne que cette parole a été dite en général de tous les hommes. Car il dit « Le sabbat est fait pour l' homme et non l' homme pour le sabbat ». Si cette parole est vraie, me direz-vous, pourquoi celui qui ramassait du bois le jour du sabbat en fut il puni? Je vous réponds que Dieu usa alors de cette rigueur, parce que sil eut laissé violer impunément cette loi aussitôt quelle fut faite, on ne saurait point gardée ensuite. L'observation du sabbat était dabord très avantageuse aux hommes Elle leur apprenait a être doux et charitables les uns envers les autres, et les instruisait de la sagesse et de la providence de Dieu dans la conduite du monde , comme le témoigne Ezéchiel. (Ezéch. XX, 6.) Elle les avertissait de se séparer au moins pour un peu de temps de leurs dérèglements et de leurs péchés, et de sappliquer aux choses spirituelles. Si Dieu, en donnant cette loi aux Juifs, leur eut dit Vous pourrez vous appliquer à quelque bon ouvrage au jour du sabbat, mais vous ne ferez en ce jour rien de ce qui sera mauvais, ils neussent pu sempêcher de travailler. Cest pourquoi il leur dit absolument: Ne faites aucun ouvrage en ce jour; et ils ne peuvent pas même ainsi se soumettre à cette loi. Mais Dieu a fait assez voir, en létablissant, quil ne désirait autre chose des Juifs, sinon quils sabstinssent de faire le mai: « Vous ny ferez rien, » dit-il, « excepté les ouvrages qui sont propres à«lâme. » Car dans le temple tout se passait ce jour-là comme les autres jours: on y travaillait même beaucoup plus que les autres jours, Et ainsi Dieu découvrait dès lors à ce peuple par des ombres et des figures la lumière de sa vérité. Jésus-Christ donc, me direz-vous, a-t-il voulu abolir une loi qui était si utile? A Dieu ne plaise! Bien loin de labolir, il la étendue encore plus loin. Le temps était venu dinstruire les hommes de toutes les vérités, et dune manière plus sublime et plus élevée. Il ne fallait plus que ces ordonnances légales liassent les mains à un homme qui, étant délivré et affranchi du péché, courait avec ardeur dans la voie de Dieu. Ce nétait plus le temps dapprendre seulement par lobservation du sabbat que Dieu était le maître et le créateur da toutes choses, ni de se servir de cette considération pour être plus doux et plus humain, lorsque les hommes étaient invités à se rendre les imitateurs de la charité infinie de Dieu même : « Soyez, » dit-il, « miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux. » (Luc, VI, 22.) Il ne fallait plus non plus nous ordonner de célébrer seulement un jour de la semaine, puisque Dieu nous commande maintenant de ne faire de toute notre vie quune seule fête : « Célébrons une fête,» dit saint Paul, « non pas dans le vieux levain, ou dans le levain de la malice ou de la corruption, mais avec les pains purs de la sincérité et de la vérité. » (I Cor. V, 7.) Pourquoi commander de passer le jour auprès de l'arche de Dieu et de lautel dor, à ceux qui deviennent eux-mêmes le temple de Dieu, qui lont toujours présent dans eux et qui sentretiennent sans cesse avec lui par leurs prières, par leurs sacrifices, par la lecture de sa parole et par la pratique de laumône et des bonnes oeuvres? Enfin de quoi servirait lobservation du jour du sabbat à celui qui passe sa vie dans une fête qui ne finit point, et dont la conversation est toujours dans le ciel? Célébrons, mes frères, ce sabbat céleste et continuel, et abstenons-nous de toute oeuvre servile et mauvaise Appliquons-nous de plus en plus à des choses divines et spirituelles, et séparons-nous de tout ce qui est humain et (319) terrestre : entrons comme dans un saint repos, dans une inaction et une oisiveté bienheureuse, empêchant nos mains de se prêter à lavarice et tout notre corps de semployer à des travaux vains et inutiles, semblables à ceux où soccupaient autrefois les Juifs en Egypte. Car lorsque nous amassons évidemment de lor, nous ne différons en rien de ces Hébreux que des maîtres cruels tenaient attachés à la boue et à la paille quils travaillaient sous le fouet, et dont ils faisaient de la brique. Le démon oblige encore aujourdhui à ces mêmes ouvrages et avec la même barbarie que Pharaon autrefois y forçait les Juifs. Car quest autre chose lor et largent sinon de la terre et de la paille? Largent nallume pas moins la passion et lavarice que la paille nallume le feu, et il ne salit pas moins notre âme que la boue notre corps. Cest pourquoi Dieu nous a donné un Sauveur, non en nous envoyant Moïse du fond dun désert, mais son Fils même du haut du ciel. Si après cela vous demeurez encore en Egypte, vous serez enveloppé dans le malheur des Egyptiens. Mais si vous y renoncez pour être du nombre des véritables Israélites, vous verrez toutes les merveilles que Dieu fera en votre faveur. 4. Ce nest pas que cette seule retraite vous suffise pour le salut. Cest peu que de sortir de lEgypte, si lon nentre dans la terre promise. Les Juifs, comme dit saint Paul, ont tous passé la mer Rouge , ils ont mangé la manne, ils ont bu un breuvage spirituel, et néanmoins ils nont pas laissé de périr. De peur donc que ce mal-heur ne nous arrive, ne soyons point lâches et paresseux. Quand il y aurait encore aujourdhui des personnes dangereuses comme ces espions dautrefois qui rendraient suspecte la vie évangélique, et qui décrieraient la voté étroite en la représentant comme trop rude et trop pénible, nimitez point la lâcheté de ce peuple juif, qui se laissa abattre par ces faux rapports, mais le zèle de Josué et de Caleb, et ne les quittez point jusquà ce que vous soyez entré avec eux dans la véritable terre promise. Ne craignez point toute la peine et tous les périls qui peuvent se rencontrer dans ce chemin. Lorsque nous étions ennemis de Dieu, il nous a réconciliée avec lui nous abandonnera-t-il après nous avoir rendus ses amis? Vous me direz peut-être que cette voie que je vous propose est bien étroite et bien difficile. Et moi je vous réponds que celle où vous marchiez auparavant était bien plus dure et plus pénible. Elle nétait pas seulement étroite et resserrée, mais pleine de ronces et dépines, et infestée par un grand nombre de bêtes farouches. Comme il était impossible aux Egyptiens de passer la mer, si Dieu ne leût ouverte par un grand miracle, il nous est impossible de même de passer de notre première vie à une vie sainte et céleste, à moins que le Sauveur ne nous ouvre les eaux salutaires du baptême. Si Dieu a bien pu faire alors que ce qui était entièrement impossible devînt possible, il pourra bien faire maintenant que ce qui est difficile devienne facile. Mais cette merveille qui se fit alors, me direz-vous, était purement louvrage de la grâce et de la bonté de Dieu. Cest ce qui vous doit donner plus de confiance. Car si les Juifs alors, sans contribuer en rien de leur part, ont surmonté de si grandes difficultés par la seule miséricorde de Dieu, que ne devez-vous point espérer, lorsque vous tâcherez de joindre votre travail et vos efforts au secours et à lopération de la grâce? Sil a sauvé ceux qui étaient lâches et paresseux, abandonnera-t-il ceux qui agissent et qui travaillent? Nous vous avons exhortés, jusquà cette heure, à avoir confiance en Dieu, dans ce qui vous paraîtra rude et pénible, en considérant quil a fait autrefois des choses entièrement impossibles; mais je vous dis maintenant que si nous sommes vraiment sages, ce que nous appréhendions tant ne nous paraîtra plus difficile. Car considérez combien Jésus-Christ nous a aplani la voie. La mort a été foulée aux pieds; le démon a été terrassé; la domination du péché a été détruite; la grâce du Saint-Esprit a été donnée; toutes ces ordonnances si pénibles de la loi ont été abolies, et la vie même, qui est le temps du travail, a été réduite à fort peu dannées. Et pour vous faire voir par des preuves effectives combien tout ce que Dieu nous demande est léger, voyez combien de personnes sont allées même au delà des commandements de Jésus-Christ. Et après cela vous craignez des ordonnances si douces et si modérées? Quelle excuse donc restera-t-il à votre lâcheté, si lorsque les autres courent avec joie au delà même des bornes prescrites , vous perdez courage avant que dy arriver? Nous avons peine à (320) vous persuader de donner seulement une partie de, vos biens aux pauvres, et les autres renoncent à tout ce quils possèdent. Nous travaillons beaucoup pour obtenir de vous que vous, viviez chastement dans le mariage, et les autres nen ont pas même voulu user. Nous avons peine à gagner, sur vous que vous ne soyez plus envieux, et la charité des autres sacrifie pour leurs frères leur propre vie. Nous vous conjurons, beaucoup de pardonner aisément les injures quon. vous fait et de ne vous point laisser emporter à la colère contre ceux qui vous offensent, et les autres, lorsquon leur adonné un soufflet, tendent lautre joue. Que dirons-nous donc à Dieu un jour? que lui répondrons-nous, pour nous excuser de navoir pas fait ce quil nous ordonne, lorsque tant dautres vont même au delà, par lardeur et le zèle de leur piété? Ces personnes auraient-elles été si ferventes dans les uvres saintes, si elles ne les avaient trouvées faciles? Car je vous demande lequel des deux sèche de déplaisir, ou celui qui se fâche du bien de ses frères, ou celui qui sen réjouit comme du sien propre? Lequel des deux est toujours dans la crainte, ou celui qui est pur et chaste, ou celui qui est impudique et adultère ? lequel des deux est toujours dans la joie, ou celui qui ravit le bien dautrui, ou celui qui donne le sien aux pauvres ? Pensons à ceci, mes frères, et ne témoignons plus à lavenir de tant de mollesse dans les exercices de la piété. Courons avec vigueur dans cette carrière sainte. Souffrons un travail léger pour recevoir enfin cette couronne immortelle que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et lempire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. |