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HOMÉLIE LXV.« ET JÉSUS ALLANT A JÉRUSALEM PRIT A PART SES DISCIPLES PENDANT LE CHEMIN, ET LEUR DIT : NOUS NOUS EN ALIONS A JÉRUSALEM, ET LE FILS DE LHOMME SERA LIVRÉ AUX PRINCES DES PRÊTRES ET AUX DOCTEURS DE LA LOI, ET ILS LE CONDAMNERONT A LA MORT, ET ILS LE LIVRERONT AUX GENTILS, AFIN QUILS LE TRAITENT AVEC MOQUERIE ET AVEC OUTRAGE, QUILS LE FOUETTENT ET QUILS LE CRUCIFIENT : ET IL RESSUSCITERA LE TROISIÈME JOUR ». (CHAP. XX, 17, 18, 19, JUSQUAU VERSET 29.) ANALYSE 1. Jésus-Christ prédit à ses apôtres, sa passion, sa mort et sa résurrection. 2. De la demande des fils de Zébédée. 3. Jésus-Christ leur répond de manière à élever leurs pensée, il apaise doucement les autres apôtres à qui la prétention des deux frères avaient causé quelque dépit. 4-6. Combien les apôtres étaient imparfaits avant quils eussent reçu le Saint-Esprit. Quil ny a rien de si grand quun homme humble, ni de si bas quun homme superbe. Que lhumble est toujours dans la paix et que le superbe est déchiré par ses passions. Que lhumilité est aimée de Dieu et des hommes, et que lorgueil est haï de tous.
1. Jésus-Christ ne va pas à Jérusalem aussitôt quil sort de la Gaulée. Il fait auparavant beaucoup de miracles. Il ferme la bouche aux pharisiens qui le voulaient surprendre. Il exhorte ses disciples à la pauvreté par ces paroles : « Si vous voulez être parfaits, allez ci vendre ce que vous avez ». Il les excite à la chasteté en disant: «Que celui qui pourra le comprendre, le comprenne ». Il les porte à lhumilité, lorsque leur montrant un petit enfant il leur dit: «Si vous ne vous convertissez et ne devenez comme des petits enfants, vous nentrerez point dans le royaume des cieux ». Il leur promet aussi des récompenses en cette vie, lorsquil leur dit : « Quiconque quittera en mon nom sa maison, (507) ses frères et ses soeurs, en recevra le centuple en ce monde » ; récompenses auxquelles néanmoins il joint celles du ciel; lorsquil ajoute: « Et la vie éternelle en lautre »s. Après toutes ces instructions, il va enfin à Jérusalem; et avant que dy aller il parle à ses disciples de sa passion. Comme ils devaient avoir aisément oublié ce quils désiraient ne jamais voir arriver, il semble que Jésus-Christ ait un soin particulier de les en faire ressouvenir; afin que, par ces avertissements réitérés, il prévienne leur tristesse et les anime à la patience. Il est marqué ici quil leur parle « en particulier », parce que ces prédictions des maux à venir ne se devaient pas faire devant le peuple. Car si les apôtres même en étaient troublés, combien le peuple laurait-il été davantage? Vous me demanderez peut-être si Jésus -Christ na jamais prédit sa passion devant le peuple. Je vous réponds quà la vérité il en a parlé quelquefois, mais dune manière assez obscure, comme lorsquil dit : « Détruisez ce temple et je le rebâtirai en « trois jours ». (Jean, II, 16.) Et ailleurs : « Ce peuple demande un signe, mais on ne lui en donnera point dautre que celui du prophète Jonas ». (Matth. XII, 39.) Et ailleurs: « Je nai plus que peu de temps à être avec vous. Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas ». (Jean, VIII.) Mais il ne parle point obscurément à ses disciples; et il se découvre à eux avec plus de clarté sur ce point aussi bien que sur tout le reste. Vous me demanderez peut-être encore de quoi il servait au peuple de lui parler de ces choses en des termes si obscurs. Sil nétait pas à propos quil comprît ce mystère, pourquoi lui en pariait-on? ou pourquoi lui disait-on des vérités dune telle manière quil ny pût rien comprendre? Jésus-Christ le faisait afin quaprès sa résurrection ce peuple pût se souvenir que le Sauveur avait prédit sa passion, quil sy était volontairement offert, et quil ny avait point été forcé comme à un mal imprévu et inévitable. Mais il agit autrement à légard de ses disciples. Il leur prédit souvent et en termes clairs, sa croix et sa mort; afin que sétant fortifiés dans lattente de ce mal, il leur devînt plus supportable et quil ne les troublât pas, comme sils en eussent été surpris sans lavoir prévu auparavant. Il sétait dabord contenté de leur dire quil mourrait; mais après les avoir un peu accoutumés à cette parole, il leur découvre les autres circonstances de sa mort; « quil serait livré aux gentils, afin quils le traitassent avec moquerie et avec outrage ». Il leur dit ces choses afin que, lorsquils verraient arriver ces maux annoncés davance; ils ne doutassent point de sa résurrection toujours prédite en même temps. En ne dissimulant point ses souffrances, même celles qui paraissaient ignominieuses, il méritait dautant plus dêtre cru lorsquil leur prédisait la gloire qui les devait suivre. Mais considérez, je vous prie, mes frères, avec quelle sagesse Jésus-Christ ménage les esprits de ses disciples, et prend les moments. favorables pour leur dire ce secret. Il ne veut pas le leur découvrir dabord, de peur que leur faiblesse nen fût trop scandalisée. Il ne diffère pas non plus à leur en parier au moment quil devait mourir, parce quils en auraient été excessivement troublés. Mais, après leur avoir fait voir sa toute-puissance par un nombre infini de miracles et les avoir fortifiés par la promesse dune vie éternelle, il leur découvre ensuite ce mystère; et .plus dune fois, ayant soin den parler souvent et dentremêler ce discours dans ses prédications et dans ses miracles. Un autre évangéliste dit que Jésus-Christ appuya ce quil leur dit par le témoignage des prophètes. Et un autre marque encore que « cette parole leur était cachée », et quils en murmuraient entre eux en suivant leur maître. Si donc ils ne comprenaient rien dans cette prédiction, cétait en vain, me direz-vous, que Jésus-Christ la leur faisait. Il était impossible, puisquelle leur était cachée, quelle pût les fortifier et les préparer à lattente dun mal dont ils navaient pas la connaissance. Je dis de plus, afin daugmenter encore cette difficulté : Sils ne comprenaient rien dans ces paroles, comment pouvaient-ils sen affliger? Car un autre évangéliste dit clairement quils en furent tristes. Comment safflige-t-on dun mal quon ne connaît pas? Ou comment saint Pierre pouvait-il dire à Jésus-Christ: « A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera pas»? Que répondrons-nous à cela, sinon que les apôtres comprenaient bien par ce quil leur disait quil devait mourir, mais quils ne voyaient pas encore ni le mystère de cette mort, ni de la résurrection qui la devait (508) suivre; ni les grands biens que Jésus-Christ devait ainsi apporter au monde. Cest là proprement ce que lévangéliste marque leur avoir été caché et avoir été le sujet de leur tristesse. Ils pouvaient déjà savoir que les morts pouvaient être ressuscités par dautres; mais quun mort se ressuscitât lui-même, et se ressuscitât pour ne plus mourir, cétait un mystère qui leur était inconnu. Quoiquon leur en parlât souvent, ils ne pouvaient le comprendre. Ils ne savaient pas même bien distinctement quel devait être le genre de sa mort ni comment on le ferait mourir. Cest ce qui les troublait dans le chemin lorsquils le suivaient. 2. Toutes les assurances quil leur donnait de sa résurrection ne les pouvaient rassurer. Outre ce mot de « mort » en général qui les surprenait étrangement, ces circonstances particulières de « moqueries, doutrages et de fouets », dont elle devait être accompagnée, augmentaient beaucoup leur étonnement. Le souvenir de tant de miracles quils avaient vus, de tant de possédés guéris; de tant de morts ressuscités et de tant dautres prodiges semblables, leur paraissait inconciliable avec ces souffrances dont Jésus-Christ leur parlait. Ils ne pouvaient comprendre comment celui qui faisait tant de merveilles pourrait souffrir tant dindignités. Cest pourquoi ils se trouvaient dans une peine desprit et dans une irrésolution très-grande. Tantôt ils croyaient, tantôt ils ne croyaient pas, et ils ne pouvaient bien comprendre ce quon leur disait. Cest pourquoi nous voyons que dans ce même moment les deux fils de Zébédée sapprochent de lui pour lui demander la préséance au-dessus des autres apôtres. « Alors la mère des enfants de Zébédée le vint trouver avec ses deux fils, ladorant et lui témoignant quelle avait une demande à lui faire (20). Et il lui dit: Que voulez-vous? Ordonnez, lui dit-elle, que mes deux fils que voici soient assis dans votre royaume, lun à votre droite et lautre à votre gauche (21)». Saint Matthieu que nous expliquons, marque que ce fut la mère qui vint faire cette demande à Jésus-Christ, et saint Marc dit que les enfants la firent eux-mêmes. (Marc X, 35.) Il est assez probable que cela se fit de lune et de lautre manière; e que les enfants employèrent leur mère, afin que ses prières eussent plus de poids auprès du Sauveur, et pour emporter ainsi ce quils désiraient de leur maître. Ce qui me confirme dans ce sentiment et me prouve que cétait en effet les deux frères qui faisaient cette prière par la bouche de leur mère pour sépargner la honte de la faire eux-mêmes, cest que Jésus-Christ dans sa réponse sadresse à eux et non à leur mère. Mais voyons ce quils demandent leur Maître; dans quel esprit ils le lui demandent, et ce qui leur donna lieu de faire cette prière à Jésus-Christ. Comme ils remarquaient que partout Jésus-Christ les préférait aux autres apôtres, ils crurent quil leur accorderait sans peine cette demande. Un autre évangéliste nous fait voir ce quils demandaient à Jésus-Christ par ces paroles. Comme ils approchaient de Jérusalem et quils croyaient que le royaume de Dieu, quils regardaient ,comme un royaume terrestre, allait bientôt arriver, ils préviennent les autres apôtres et lui font cette prière, espérant que cet honneur quils demandaient les mettrait à couvert de tous les périls. Cest pourquoi Jésus-Christ en leur répondant éloigne dabord de leur esprit cette pensée, et leur apprend quil faut être prêt à souffrir tout, et la mort même et une mort sanglante et cruelle. « Jésus répondit: vous ne savez ce que vous demandez; pouvez-vous boire le calice que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je serai baptisé?Nous le pouvons, lui dirent-ils (22) ». Que personne ne sétonne de voir ici tant dimperfection dans les apôtres. Le mystère de la Croix navait pas encore été consommé, et la grâce du Saint-Esprit ne sétait pas encore répandue sur eux. Si vous désirez savoir quelle a été leur vertu, considérez ce quils ont fait ensuite, et vous les verrez toujours élevés au-dessus de tous les maux de la vie. Dieu a voulu que tout le monde connût combien ils étaient imparfaits dabord, afin quon admirât davantage le changement prodigieux que la grâce de Dieu a fait dans leur coeur. Il est donc visible quils ne demandaient rien de spirituel et quils ne pensaient nullement à un royaume céleste. Mais considérons maintenant ce quils disent en faisant cette demande : « Nous voulons », disent-ils, « que vous fassiez tout ce que nous vous demanderons ». A quoi Jésus-Christ répond : « Que voulez-vous »? Non pas quil ignorât en effet ce quils désiraient; mais il voulait les forcer de parler et de découvrir cette plaie secrète quil voulait guérir. Alors ayant honte eux-mêmes de ce désir, comme (509) trop bas et trop humain, ils sapprochent de Jésus-Christ en secret : « Ils marchèrent un peu devant », dit lEvangile, afin de nêtre point entendus, et de lui pouvoir dire avec liberté tout ce quils lui voulaient dire. Et voici. ce me semble ce quils désiraient de lui. Comme le Fils de Dieu leur avait promis à tous de les faire seoir sur douze trônes, ils souhaitaient davoir les deux premiers dentre ces douze. Ils savaient déjà que Jésus-Christ les préférait aux autres apôtres; mais ils appréhendaient encore saint Pierre. Cest pourquoi, sans le-nominer, ils disent seulement : « Ordonnez que nous soyons tous deux assis dans votre « royaume; lun à votre droite et lautre à votre gauche ». Ils le pressent par ce terme: « Ordonnez». Mais Jésus-Christ voulant leur faire voir quils ne demandaient rien que de terrestre et de bas, et quils ne savaient pas même ce quils demandaient, puisque sils le connaissaient, ils ne le demanderaient pas : « Vous ne savez ce que vous demandez », leur dit-il, vous nen connaissez ni le prix, ni la grandeur. Vous ne savez pas combien cette dignité est élevée au-dessus de toutes les puissances des cieux, « Pouvez-vous », ajoute-t-il, « boire le calice que je dois boire, et être baptisés du baptême dont je serai baptisé» ? Il les éloigne tout dun coup de leur vaine prétention, en leur proposant des choses qui y étaient tout opposées. Vous ne pensez, leur dit-il, quà des honneurs et à des royaumes; vous ne me parlez que détrônes et de dignités, et je ne vous propose que des combats et des souffrances. Ce nest point ici le temps de recevoir la couronne, et ma gloire ne paraîtra point maintenant. Mais le temps de cette vie est un temps de mort, de guerre et de péril. Et voyez comment, même par sa manière de les interroger, il les exhorte et les entraîne. Car il ne dit pas: Pouvez-vous répandre votre sang? Mais « Pouvez-vous boire le calice que je dois-boire »? pour les exciter ainsi à souffrir, par la gloire quils auraient de participer à ses souffrances. Il donne ensuite à sa passion le nom de « baptême : Et être baptisés du baptême dont je serai baptisé »? pour marquer que son sang devait expier tous les crimes de la terre. Ces deux disciples, emportés par le désir quils avaient dobtenir leur demande, répondent hardiment: « Nous le pouvons », ne sachant pas même ce que cétait quils promettaient, et ne pensant quà obtenir ce quils désiraient. « Jésus leur dit: vous boirez bien le calice que je boirai, et vous serez baptisés du baptême dont je serai baptisé. (23)». Je vous promets de plus grands biens que vous nen désirez de moi. Je vous prédis que vous serez honorés du martyre, et que vous souffrirez comme moi; que vous mourrez dune mort violente, et que vous aurez part à mon calice. « Mais pour ce qui est dêtre assis à ma droite ou à ma gauche, ce nest point à moi à vous le donner, mais ce sera pour ceux à qui mon Père la préparé (23)». Après leur avoir relevé le coeur, et les avoir fortifiés contre la tristesse quils devaient ressentir à sa passion, il leur fait voir avec une grande douceur que leur demande nétait pas assez réglée. 3. On fait dordinaire de,ux questions sur ces paroles de Jésus-Christ. La première : Si Dieu en effet a préparé à quelques-uns la gloire dêtre assis à sa droite. Et la seconde: Si Jésus-Christ qui est tout-puissant et le maître souverain de toutes choses, ne peut faire à qui il lui plaît cet honneur quils lui demandent. Il est certain pour le premier point que personne ne peut proprement être assis à la droite ou à la gauche de Dieu. Sa gloire est trop relevée, et sa majesté est trop au-dessus non-seulement des hommes, mais des anges même, et de toutes les vertus célestes, pour que nulle créature puisse prétendre à un honneur réservé au Fils unique du Père. Cest ce que remarque saint Paul quand il dit: « Auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : Asseyez-vous à ma droite, jusquà ce que jaie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied. Aussi lEcriture dit touchant les anges : Dieu se sert des esprits pour en faire ses ambassadeurs et ses anges; mais, il dit au Fils : Votre trône, ô Dieu, demeurera dans tous les siècles des sièc1es » (Hébr. I,5.) Quant à la seconde question, comment Jésus-Christ, peut-il dire: « Ce nest point à moi à donner à personne la grâce dêtre assis à ma droite ou à ma gauche»? Est-ce parce que cette place sera remplie par dautres personnes à qui il ne laura pas donnée? Dieu nous garde dune imagination si fausse. Voici donc, ce me semble, comment nous devons entendre ces paroles de Jésus-Christ Il répond à ses disciples selon leur pensée. Il se rabaisse et se proportionne à leur faiblesse, il évite de (510) leur parler de ce trône de gloire quil a à la droite de son père, puisque ceux-ci navaient garde de le pouvoir comprendre, étant encore incapables de concevoir dautres choses beaucoup moins relevées dont il leur parlait très-souvent. Tout le but de ces deux disciples, comme je lai déjà dit, était davoir la préséance sur tous les apôtres; et après avoir ouï parler de ces douze trônes quon venait de leur promettre, ils tâchent dobtenir pour eux les deux premiers, ne sachant ce que Jésus-Christ leur promettait par ces trônes. Que leur répond donc le Sauveur? Il est vrai, leur dit-il, que vous mourrez pour moi et pour la prédication de ma vérité il est vrai que vous aurez part à ma passion et à mes souffrances: mais cela ne suffit pas pour vous faire jouir de cette primauté que vous désirez. Car sil se trouvait quelquun qui, outre le martyre quil aurait de commun avec vous, possédât encore toutes les autres vertus en un degré plus éminent que vous ne les auriez possédées, ne croyez pas que parce que je vous aime maintenant, et que je vous préfère aux autres, je voulusse vous mettre encore au-dessus de celui qui aurait été plus saint que vous. Cependant, il ne leur dit cette vérité quobscurément, afin de ne pas trop les affliger: « Vous boirez », leur dit-il, « mon calice et vous serez baptisés du baptême dont je serai baptisé; mais, pour être assis à ma droite ou à ma gauche, ce nest pas à moi à vous le donner, mats à ceux à qui mon Père la préparé». Et à qui le Père la-t-il préparé, sinon à ceux. qui se signaleraient par la sainteté de leur vie? Pour éclaircir ceci par un exemple familier, supposons quentre tous les athlètes il y en a deux aimés particulièrement par celui qui préside aux combats, qui le viennent prier de les préférer à tous les autres, et de leur donner le prix destiné à celui qui remportera la victoire. Ne leur pourrait-il pas répondre quil ne dépend pas de lui de leur donner cette récompense, mais quelle est réservée à ceux qui lauront méritée par leur adresse et par leur courage? Pourrait-on dire que cette réponse serait une marque de sa faiblesse et de son impuissance? et ne dirait-on pas plutôt quelle serait une preuve de sa justice, puisque, dans cette distribution de récompenses, il na aucun égard aux personnes, mais seulement au mérite? Comme donc cet homme ne passerait point alors pour impuissant, mais pour juste, disons de même que ce nest point par faiblesse , mais par justice que Jésus-Christ ne peut donner à quelques-uns dêtre assis à sa droite ou à sa gauche. Cest pour cette raison quil exhorte si souvent ses disciples, de fonder toute lespérance de leur salut, premièrement dans la grâce et dans la miséricorde de Dieu, et ensuite dans leurs travaux et dans leur courage. Cest ce quil marque lorsquil dit ici : « Mais à ceux à qui mon Père la préparé ». Car si dautres vous surpassent en vertu, sils font des actions plus saintes que vous, comment les pourrais-je mettre au-dessous dé vous? Croyez-vous que, parce que vous êtes mes disciples, vous serez aussi les premiers de tous, si la sainteté de votre vie ne répond au choix que jai fait de vous? Cest donc en ce sens quil faut entendre les paroles de Jésus-Christ : « Ce nest pas à moi à vous donner, etc. » Car on sait assez dailleurs quil est le maître de tout « et que tout le jugement lui a été donné» , comme il dit lui-même. Il le témoigne assez par ce quil a dit à saint Pierre: « Je vous donnerai les clés du royaume des cieux». Saint Paul confirme encore, cette vérité, lorsquil dit: « On me réserve une couronne de justice que le Seigneur, ce juste Juge, me rendra en ce jour-là; non-seulement à moi, mais encore à tous ceux qui aiment son avènement ». (II Tim. IV.) Cest-à-dire le premier avènement de Jésus-Christ, lorsquil a été vu parmi les hommes Puisque saint Paul dit que Jésus-Christ lui réserve la couronne de -justice, il fait bien voir quil est le souverain Juge, et que cest lui qui donne les premiers rangs, puisquil est certain que nul des hommes ne sera assis avant saint Paul. Que si Jésus-Christ parle obscurément en ce lieu, il ne sen faut pas étonner. Il ménage ses apôtres et épargne leur faiblesse, les voyant encore si humains dans leurs désirs, et il leur répond ainsi en peu de mots pour ne les point attrister, et pour arrêter dabord cette vaine contestation de préséance. « Alors les dix autres apôtres conçurent de lindignation contre les deux frères (24) ». Ce mot d « alors» se rapporte visiblement au moment que Jésus-Christ reprit ses deux disciples. Tant quils doutèrent des sentiments de Jésus-Christ sur ce point, ils ne (511) témoignèrent point dindignation : et ils ne se plaignirent point de ce que Jésus-Christ leur préférait ces deux frères. Le respect quils avaient pour leur maître les tenait dans le silence; et quoiquils ressentissent en eux-mêmes quelque dépit, ils nosaient néanmoins le faire paraître. Ils avaient déjà été affectés trop humainement de ce que saint Pierre seul avait payé le tribut avec Jésus-Christ; cependant ils nen témoignèrent point leur peine, mais ils se contentèrent de demander seulement au Sauveur quel était le plus grand dentre eux. Mais lorsquils voient ces deux disciples affecter deux-mêmes, et demander la primauté, ils commencent « alors » à murmurer; non pas au moment même quils font cette prière à Jésus-Christ, mais lorsquils voient que Jésus-Christ les en reprend, et quil ne veut leur accorder cet honneur quautant quils auront travaillé à sen rendre dignes. 4. Il est aisé de voir dans cette conjoncture que tous les apôtres étaient encore bien imparfaits; puisque deux dentre eux désirent dêtre les premiers de tous., et que tous les autres sen fâchent et en conçoivent de la jalousie. Mais, comme jai déjà dit, ce nest pas dans cet état que nous devons regarder les apôtres, mais dans celui où le Saint-Esprit les a mis depuis, lorsque, les remplissant de sa grâce, il les a guéris de toutes leurs passions. Aussi le même saint Jean, qui demande ici dêtre assis à côté de Jésus-Christ dans son royaume, fait tout le contraire après la Pentecôte, et donne en toutes rencontres la préséance à saint Pierre : et nous voyons dans les Actes des apôtres comment il lui défère dans la prédication et dans les miracles. De même lorsquil compose son Evangile, il relève saint Pierre en tout ce quil peut. Il rapporte lui seul le témoignage que saint Pierre rendit à Jésus-Christ ressuscité, lorsque les autres apôtres demeuraient dans lincertitude et dans le silence. Il marque cette entrée mystérieuse dans le sépulcre; et il a soin de le préférer à lui-même en toutes choses. Et parce quils se trouvèrent, tous deux à la passion dans la maison du grand prêtre, saint Jean marque expressément quil était connu du pontife, comme sil craignait quen ce point on ne lui donnât quelquavantage sur saint Pierre. Quant à saint Jacques, frère de saint Jean, il ne vécut pas longtemps. Car peu après la descente du Saint-Esprit, il fut embrasé dune foi si vive que, foulant aux pieds toutes les choses du monde, il parvint à une si haute vertu, quil fut tué aussitôt, et mérita dêtre le premier, martyr entre les apôtres. Cest ainsi que tous les apôtres sont devenus grands ensuite, et bien différents de ce quils étaient alors dans cet état de faiblesse. Mais que leur dit ici Jésus-Christ pour les apaiser? « Et Jésus les appelant à lui leur dit : Vous savez que les princes des nations les dominent, et que les grands les traitent avec empire (25) ». Comme ils étaient troublés et aigris de la demande des deux frères, il tâche, avant même que de leur parler, de les adoucir en les appelant et en les faisant approcher de lui. Comme les deux frères sétaient séparés de toute la troupe; pour sapprocher de Jésus-Christ, et pour lui parler en particulier, Jésus-Christ, pour consoler les autres, les fait tous venir auprès de lui pour leur dire ce qui se passait dans le secret de leur coeur, et pour les guérir tous de leur passion. Mais il use ici pour les humilier dun moyen bien contraire à celui dont il sétait servi il ny avait pas longtemps. Il nappelle plus denfant pour le mettre au milieu deux, et le leur proposer comme un modèle il les étonne au contraire par un exemple bien différent. Les princes des nations, dit-il, « les dominent, et les grands les traitent avec empire ». « Il nen doit pas être de même parmi vous: mais que celui qui voudra être grand parmi vous, soit votre serviteur (26). Et que celui qui voudra être le premier parmi vous, soit votre esclave (27) ». Cest ainsi que Jésus-Christ a montré que cest un désir de païens et dinfidèles de souhaiter dêtre en charge, et davoir le premier rang. Car cette passion est étrangement dangereuse, et elle fait sentir sa violence et sa tyrannie aux plus grandes âmes. Cest pourquoi , comme elle a besoin dun remède plus puissant, et comme dune incision plus profonde, Jésus-Christ sélève contre elle avec force, et réprime ce désir empoisonné dans ses disciples par la comparaison quil fait deux avec les païens et les idolâtrés. Ainsi il guérit en même temps lenvie des dix apôtres, et lambition des deux frères ; comme sil leur disait : Nentrez point dans ces sentiments daigreur, et ne vous croyez point offensés. Ceux qui recherchent ainsi les premières places se font eux-mêmes plus de mal quils nen peuvent (512) faire aux autres. Ils se déshonorent par ce désir dhonneur, et leur superbe ambition est le comble de la bassesse. Car ma conduite est bien différente de celle des hommes, Ceux qui commandent parmi les païens, sont les princes et les rois; mais dans la religion que jétablis, celui qui est le premier par sa charge, se doit considérer comme le dernier de tous. Et pour vous faire voir la vérité de ce que je dis, considérez qui je suis et ce que je fais. Quoique je sois le roi des anges, jai voulu néanmoins me faire homme: jai embrassé volontairement les mépris, les outrages, et non seulement les outrages, mais la mort même. «Le Fils de lhomme nest pas venu pour être servi, amis pour servir et donner sa vie pour la rédemption de plusieurs (28)». Ainsi, je ne me suis pas contenté de souffrir la honte et lignominie, mais jai donné « ma vie même pour la rédemption de plusieurs ». Car qui sont ceux pour qui je suis mort, sinon les païens et les idolâtres? Quand vous vous humiliez vous autres, cest pour vous-mêmes. Mais quand je me suis humilié, ce nétait point pour moi, mais pour vous. Ne craignez donc point, mes frères, que votre humilité vous déshonore. Vous ne sauriez jamais, quoi que vous fassiez, vous humilier autant que votre Maître. Et néanmoins son humiliation est devenue son plus grand honneur et le comble de sa gloire. Avant quil se fût fait homme, il nétait connu que des anges. Mais depuis quil sest revêtu de notre corps, et quil est mort sur une croix, non-seulement il na pas perdu cette première gloire, mais il y a encore ajouté celle de se faire connaître et adorer de toute la terre. Après cela, nappréhendez point de vous abaisser en vous humiliant. Cest ainsi au contraire que vous vous relèverez davantage, parce que lhumilité est une source dhonneur et la porte du royaume. Craignons plutôt quen prenant une voie tout opposée pour nous élever, nous ne nous combattions nous-mêmes dans cette injuste prétention. Car on ne devient pas grand cri désirant de lêtre. Mais celui qui veut être le plus grand de tous, deviendra au contraire le dernier de tous. Cest une conduite que Jésus-Christ garde toujours dans lEvangile, dapprendre aux hommes que le moyen dobtenir ce quils désirent, est dy tendre par des voies toutes contraires à leurs pensées. Nous avons déjà fait voir cela plusieurs fois, comme à légard des ambitieux et des avares. Le Fils de Dieu dit à lambitieux: Pourquoi donnez-vous laumône aux pauvres, sinon pour acquérir de lhonneur devant les hommes? Détruisez donc ce mauvais désir, et je vous comblerai dhonneur et de gloire. Il dit à lavare : Pourquoi amassez-vous tant de biens, sinon pour devenir riche? Cessez donc daimer ces richesses passagères, et je vous enrichirai véritablement. Il agit encore ici de la même manière. Pourquoi, dit-il, désirez-vous la première place, sinon pour être le premier de tous ? Choisissez donc dêtre le dernier, et vous serez le premier. Si vous voulez être grand, ne désirez point de lêtre, et vous le serez. Car ce désir dêtre grand est de la dernière bassesse. Vous voyez comment il les guérit de leur passion, en leur montrant que sils veulent la satisfaire, ils nobtiendront point ce quils désirent, et quils lobtiendront en la combattant. 5. Il leur représente lesprit de domination qui règne chez les païens, afin quils en aient plus dhorreur, et quils le considèrent comme une chose abominable, qui nest propre quaux infidèles et aux idolâtres. Lorgueil, mes frères, nest quune bassesse, et lhumilité est une grandeur solide. Les. grandeurs du monde nen ont que le nom et lapparence, mais celle de lhumble est réelle et véritable. Les hommes sont grands par une déférence étrangère que la nécessité et la crainte leur fait rendre; lhumble est grand par une grandeur intérieure, qui tient de celle de Dieu même. Celui qui est grand de cette manière, demeure toujours-ce quil est, quand il ne serait connu de personne; mais le superbe nest digne que de mépris, lors même quil est adoré de tous les hommes. Lhonneur que lon rend aux grands du monde est forcé, cest pourquoi il périt bientôt, mais celui que lon rend à lhumble est tout volontaire, et ainsi il ne change point. Nous voyons une preuve illustre de ce que je dis dans tous ces saints, qui ont été dautant plus humbles à leurs propres yeux , quils étaient plus élevés aux yeux de Dieu. Leur grandeur est la même après leur mort quelle a été durant leur vie, et elle se conserve pour jamais dans la mémoire et dans la vénération des hommes. Que si nous voulons consulter la raison, elle nous aidera encore à comprendre cette même (513) vérité. On est élevé soit parce quon est naturellement de haute taille, soit parce quon est haut placé. Voyons donc quel est celui qui se trouve dans ces conditions, ou lhomme vain, ou lhomme humble, et nous trouverons quil ny a rien qui nous abaisse davantage que lorgueil, ni qui nous élève plus que lhumilité. Le superbe veut être le premier de tous. Il regarde tout le monde comme étant au-dessous de lui. Plus on lui rend dhonneur, plus il en désire, et ne comptant point celui quil a déjà reçu, il en redemande toujours davantage. Il méprise tous les hommes avec une insolence insupportable, et il veut néanmoins avoir leur estime. Peut-on trouver rien de plus extravagant et qui se contredise davantage? Il aime les louanges de ceux quil méprise, et lorsquil les foule aux pieds, il veut quils lhonorent. Nest-il pas visible que cet homme si altier rampe par terre, et que son effort pour sélever naboutit quà le faire ramper. Vous voulez vous mettre au-dessus de tous les hommes, car cest là lesprit de lorgueil. Vous croyez que, tous les autres ne sont rien au prix de vous. Pourquoi donc voulez-vous être honoré de ceux qui ne sont rien? Pourquoi voulez-voua être .toujours environné dune troupe de flatteurs? Vous voyez, mes frères, que rien nest plus bas ni plus méprisable que cette grandeur imaginaire. Considérons maintenant la grandeur véritable qui est inséparable de lhumilité. Lhumble sait ce que cest que lhomme. Il est persuadé que les hommes sont quelque chose de grand; mais il se croit eu même temps le dernier des hommes; et ainsi il se croit indigne de lhonneur quon lui- rend, parce quil estime beaucoup ceux qui le lui rendent. Il est toujours élevé. Il est toujours égal à lui-même, et toutes ses pensées saccordent parfaitement. Lestime quil a des hommes lui en donne aussi pour lhonneur quil en reçoit, et les moindres déférences lui paraissent grandes. Le superbe, au contraire, estime lhonneur, et méprise en même temps ceux qui lhonorent. De plus, lhumble nest point esclave de ses passions. Il nest ni troublé par la colère, ni possédé par lorgueil, ni déchiré par la jalousie. Et quy a-t-il dans le monde de plus grand quune âme affranchie de cet esclavage? Le superbe, au contraire, est comme exposé en proie à ces différentes passions. La colère, lenvie, la vaine gloire déchirent son coeur; et il est semblable à ces insectes qui se plaisent dans lordure et qui sen nourrissent. Lequel des deux vous paraît donc le plus grand? Celui qui est libre de ses passions, ou celui qui en est encore lesclave? Celui qui les maîtrise, et qui ne sy laisse jamais surprendre, ou celui qui tremble et qui leur obéit, lorsquelles lui commandent quelque chose? De deux oiseaux quon vous ferait voir, lequel. diriez-vous qui volerait le plus haut, ou celui qui sélève au-dessus de tous les piéges et de tous les filets des chasseurs, ou celui qui na pas même besoin de filets pour être pris, parce que sa pesanteur lempêche de sélever de terre, et que, se servant moins de ses ailes que de ses pieds, il est aisé de le prendre même avec la main? Voilà proprement létat dun orgueilleux. Comme il rampe toujours par terre, il est exposé à tous les piéges quon lui tend. 6. La chute de lange est une preuve claire de ce que je dis. Tant quil a été humble, il a été élevé au plus haut du ciel, et son orgueil la précipité jusques au fond des enfers. Lhomme, au contraire, lorsquil shumilie devient si grand et si élevé, quil foule aux pieds cet auge superbe selon cette parole de Jésus-Christ : « Foulez aux pieds les serpents et les scorpions (Luc X, 19)», et, après cette vie, il devient égal aux anges. Que si vous voulez voir parmi les hommes une preuve sensible de ce que je dis, souvenez-vous de ce barbare qui commandait une armée si redoutable, qui, ne comprenant pas ce que le sens commun apprend à tous les hommes, ne savait pas quune pierre fût une pierre, une idole une idole et ainsi se rabaissait au-dessous des pierres par le culte sacrilège quil leur rendait. Lhumble, au contraire, qui honore Dieu et lui est fidèle, sélèvera jusques au ciel. Ou plu. tôt il pénétrera jusquau plus haut des cieux, et passant même au-delà des anges, il se présentera devant le trône de Dieu. Mais je vous prie de me dire lequel des deux est le plut méprisable et le plus abject, ou celui que Dieu protége, ou celui à qui Dieu déclare la guerre? Nest-il pas visible que cest ce dernier? Et cependant, voici ce que dit lEcriture de ces deux sortes de personnes : « Dieu résiste aux « superbes, et il donne sa grâce aux humbles». (Jacques, IV, 6.) Je vous demande encore lequel des deux vous paraît plus grand, celui qui offre sans cesse à Dieu une hostie très-agréable, ou (514) celui qui na aucun accès ni aucune confiance auprès de lui ? Vous me demandez quelles sont ces hosties et ces sacrifices que lhumble peut offrir à Dieu. LEcriture le dit: « Lesprit affligé est un sacrifice à Dieu, Dieu ne méprisera pas un coeur contrit et humilié»(Psal. L, 17.) Vous voyez donc quelle est la pureté de lesprit humble, et par, conséquent quelle doit être limpureté de lesprit superbe. Car toute âme qui est infectée dorgueil, est impure devant Dieu. Nous voyons aussi dans lEcriture que Dieu proteste quil trouve son repos dans lhumble. «Sur qui jetterai-je les yeux », dit-il, « et sur qui me reposerai-je, sinon sur celui qui est doux et humble, qui tremble à la moindre de mes paroles »? (Is. LXVI, 2.) Ainsi lhumble demeure avec Dieu, et le superbe habitera avec le démon. Cest ce qui a fait dire à saint Paul: « Que celui qui senfle dorgueil, tombera dans le jugement et dans la condamnation du diable ». (I Tim. III, 6.) Mais ce qui est encore plus étrange, cest quil arrive à celui qui est possédé de cette passion tout le contraire de ce quil désire. Il a de hauts sentiments de lui-même. Il veut être honoré de tous, il est au contraire méprisé de tous. Sa vanité le rend ridicule, il a tous les hommes pour ennemis, il na personne qui le soutienne, il est lesclave de la. colère, il a une source dimpureté dans le coeur. Quy a-t-il de plus misérable quune telle vie? ,Mais y a-t-il au contraire rien de plus heureux que celui qui est humble? Il est aimé de Dieu: il est honoré des hommes sans quil le désire. Tous le respectent comme leur père, tous le considèrent comme leur frère; et tous le chérissent comme la prunelle de leur oeil. Devenons donc humbles et petits pour devenir grands. Fuyons labîme où lorgueil nous précipite. Cest cette passion qui a perdu Pharaon. Eu se vantant de ne point connaître Dieu, il devint plus méprisable que les rats, que les grenouilles et que les mouches qui le tourmentèrent avec son peuple : et il fut enfin abîmé dans la mer avec toute son armée. Abraham; au contraire, en reconnaissant de tout son coeur « quil nétait que terre et que cendre (Gen. 14)», défit une grande armée de barbares. Etant tombé entre les mains des Egyptiens, Dieu fit un grand miracle pour sauver sa vie et lhonneur de sa femme. II sattacha toujours à cette vertu, et il crût en grandeur à proportion quil croissait en humilité. Cest cette vertu qui la couronné, et qui la rendu et le rendra célèbre dans la succession de tous les siècles. Pharaon au contraire nest maintenant quun objet dexécration et dhorreur, et on le foule aux pieds comme de la terre et de la boue. Car Dieu ne hait rien tant que la présomption et lorgueil. Il a fait toutes choses dès le commencement du monde, pour déraciner de notre coeur cette passion. Cest pour ce sujet que lhomme est devenu mortel, que sa vie est accompagnée de tant de douleurs et de misères, et que Dieu la condamné à travailler sans cesse, et à gagner sa vie à la sueur de son visage. Nest-ce pas cette même passion qui perdit le premier homme? Elle lui fit espérer dêtre égal à Dieu, et en lui promettant ce quil navait pas, elle lui fit perdre ce quil avait. Car cest là leffet ordinaire de lorgueil. Il ne nous donne point ce quil nous promet faussement, et il nous ravit ce que nous avions. Lhumilité fait tout le contraire ; elle conserve tous les biens de lâme, et elle lui en donne encore de nouveaux. Aimons donc cette vertu, mes frères. Travaillons avec ardeur pour lacquérir et la conserver, afin quelle nous rende heureux et dans cette vie et dans lautre, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, avec le Père et le Saint-Esprit, est la gloire et lempire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (515)
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