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HOMÉLIE XVII« VOUS SAVEZ QUIL A ÉTÉ DIT AUX ANCIENS: VOUS NE COMMETTREZ POINT DADULTÈRE .- MAIS MOI JE VOUS DIS QUEQUICONQUE REGARDERA UNE FEMME, AVEC UN MAUVAIS DÉSIR POUR ELLE, A DEJA COMMIS LADULTÈRE DANS SON COEUR. » (CHAP. V, 27 JUSQUAU VERSET 38 ) ANALYSE 1. et 2. Des regards impudiques. 3. Contre le luxe des femmes et les femmes et les spectacles. 4. Pourquoi lancienne loi permettait lacte de répudiation. 5. Sur les jurements. 6. Pourquoi la Loi nouvelle les défend? - Les mêmes choses permises ou défendues selon les temps.- La Loi nouvelle plus exigeante que lancienne.- 7. Moyen de se défaire dune mauvaise habitude. Saint Chrysostome repousse les applaudissements.
1. Après que Jésus-Christ a pleinement éclairci ce premier commandement, et quil la porté jusquà sa plus haute perfection, il suit lordre marqué dans la loi, et il parle ensuite du second. Mais vous me direz peut-être que ce nest pas ici le second commandement mais le troisième, puisque le premier nest pas : « Vous ne tuerez point; » mais celui-ci: « Ecoutez Israël, le Seigneur votre Dieu est le « seul Seigneur. » (Exod. XX, 43.) Il faut donc voir pourquoi il ne commence pas par celui-là. Il ne la pas fait parce quil aurait été obligé détendre ce commandement jusquà sa propre personne, et de se faire connaître aux hommes en leur révélant des choses dont le temps nétait pas encore venu. Il se contentait alors de former les moeurs, voulant persuader aux hommes, dabord par la sainteté de sa vie et par ses miracles, quil était le Fils de Dieu. Si donc avant davoir jamais rien enseigné ou rien fait, il fût venu dabord dire aux hommes : Vous savez quil a été dit aux anciens: Je suis le Seigneur votre Dieu, et il nyen a point dautre que moi: mais moi je vous dis, que vous madoriez de même que mon Père; il nest pas douteux quils leussent traité comme un extravagant et un insensé. Car si après leur avoir enseigné une doctrine si pure, et avoir fait tant de miracles, ils ne laissaient pas de dire quil était possédé du démon, lorsquil ne déclarait pas même ouvertement ce quil était; .à quoi ne se fussent-ils point portés, sil leur eût parlé de la sorte, avant que de leur avoir donné des preuves de ce quil était ? Mais en réservant cette vérité pour un temps plus opportun, il disposait peu à peu les hommes à la recevoir. Cest pourquoi il la passe ici sous silence, en y préparant le monde par ses prodiges, et par la pureté de sa doctrine. Il la dite clairement dans la suite, mais il se contente ici de la découvrir peu à peu par une longue suite de merveilles, et par la manière dont il instruisait les hommes. Lautorité même avec laquelle il établissait de nouvelles lois, et réformait les anciennes, était capable de faire juger à un esprit réfléchi que celui qui parlait de la sorte, nétait autre que Dieu. « Ils étaient surpris, » dit lEvangile, « parce quil ne les enseignait pas comme les docteurs de la loi. » (Matth. VII, 29.) En effet commençant par les vices les plus naturels à lhomme, savoir la colère et limpureté, les deux passions qui le tyrannisent le plus, et qui sont la source de toutes les autres, il les combat avec lautorité, dun législateur, et il leur oppose la vertu la plus pure et la plus parfaite. Il ne dit pas quon punira seulement les adultères qui auront effectivement commis ce crime. Mais de même quil a condamné jusquà la pensée de lhomicide, de même ici il punit jusquà un regard impudique, afin de nous apprendre en quoi consiste cette surabondance de justice quil demande de nous et que navait pas la vertu des pharisiens. « Celui, dit-il, qui aura regardé une femme avec un mauvais désir pour elle, a déjà commis ladultère dans son coeur: » cest-à-dire celui qui se plaît à regarder des personnes agréables, qui recherche même avec curiosité et avec passion la vue dun gracieux visage, et qui en repaît ses yeux et son coeur. Car Jésus-Christ nest pas venu seulement pour empêcher quon ne déshonore son corps par des actions criminelles, mais encore pour établir la pureté de lâme, en lui interdisant les mauvais désirs. Comme cest dans le coeur que nous recevons la grâce du Saint-Esprit, cest le coeur aussi quil purifie le premier. Mais comment est-il possible, me direz-vous, dêtre délivré de ces désirs? II nous sera facile, si nous le voulons, de les réprimer de telle façon, que sils commencent à sélever, ils demeurent néanmoins sans aucun effet. Dailleurs Jésus-Christ ne parle pas ici généralement de toute sorte de désirs; mais de ceux qui sexcitent par les yeux et par les regards. Car celui qui se plaît à regarder de beaux visages, allume en lui-même une flamme impure, met son âme sous le joug de la passion, et ne tarde pas à commettre le crime même. Cest pour ce sujet que Jésus-Christ ne dit pas : Celui qui aura désiré de commettre un adultère, mais « celui qui aura regardé une femme avec un mauvais désir. » Il ne dit pas même ici ce mot, « sans sujet, » quil met expressément en parlant de colère, non, il condamne sans exception toute convoitise. Et cependant ces deux passions, la colère et la concupiscence, sont toutes les deux inhérentes à notre nature, et lon peut se servir utilement de lune et de lautre, de la première, en lemployant à réprimer les méchants, et à corriger les gens déréglés; et de lautre en en usant seulement pour la génération des enfants, et pour conserver la succession des hommes. 2. Doù vient donc que Jésus-Christ ne met point ici dexception ? Je vous réponds que si vous considérez bien ses paroles, vous y en trouverez une grande. Car il ne dit pas, Celui qui aura eu un mauvais désir, ce qui peut arriver aux solitaires dans les déserts les plus retirés, mais: « Celui qui aura regardé une femme avec un mauvais désir pour elle; »comme sil disait: Celui qui aura excité ce mauvais désir en lui-même et qui aura volontairement déchaîné sur son âme cette espèce de bête féroce. Car cela nest plus leffet de la nature, mais de votre négligence et de votre (141) paresse. Lancienne loi même nous faisait déjà la même défense : « Ne vous arrêtez point,» dit-elle, «à considérer une beauté étrangère. » (Prov. VI, 25.) Et afin que personne ne pût dire : mais si je la regarde sans quil en résulte aucun mal? lEcriture défend généralement tous ces regards, de peur quen sassurant trop de soi-même, on ne tombe dans le péché. Mais si je la regarde, dites-vous, et que jaie même un mauvais désir, quel mal fais-je pourvu que je naille pas plus loin? Cela seul vous range parmi les adultères. Jésus-Christ déclare quil vous met de ce nombre. Il est le législateur, il a fait la loi, il ne faut point disputer davantage. Vous pourrez peut-être voir une ou deux ou trois fois une femme sans en ressentir de mauvais effets. Mais si vous vous abandonnez souvent à ces regards, vous allumerez un feu dans votre coeur, dont vous serez enfin consumé. Car vous nêtes pas dune autre nature que les autres hommes. Comme donc lorsque nous voyons un enfant prendre un couteau, quoiquil ne sen soit pas blessé, nous ne laissons pas de le châtier et de lui défendre dy toucher à lavenir; Dieu de même nous défend les mauvais regards avant même que nous péchions, afin que nous ne péchions pas. Car celui qui allume dans son coeur cette passion honteuse, lors même que les objets sont absents, se trouve environné de fantômes et dimages détestables, qui le font enfin tomber dans le crime. Cest pour cette raison que Jésus-Christ condamne même Lette sorte dadultère, qui ne se passe que dans le coeur. Que répondront à ceci ceux qui ont avec eux des jeunes filles demeurant sous le même toit, puisque par cette loi de Jésus-Christ, ils peuvent devenir coupables dune infinité dadultères, en les regardant tous les jours avec de mauvais désirs? Aussi le bienheureux Job sétait dabord imposé cette loi lui-même, en sinterdisant absolument cette sorte de regards. Car le combat devient plus grand après avoir vu ce que lon aime, et cette vue ne nous cause pas tant de satisfaction, que la nouvelle violence de notre passion ne nous fait ressentir de douleur. Nous rendons ainsi le démon bien plus puissant contre nous et nous ouvrons la porte à cet ennemi, sans quil soit plus en notre pouvoir de le chasser de chez nous, après lavoir introduit dans le fond de notre coeur et dans le plus secret de nos pensées. Cest pourquoi Jésus-Christ nous dit : Ne soyez point adultère des yeux et vous ne le serez point du coeur. Il est certain quon peut regarder une femme innocemment et comme les personnes chastes la regardent. Cest pourquoi Jésus-Christ ne condamne pas en général toutes sortes de regards, mais seulement ceux qui sont accompagnés dun mauvais désir. Sil neût voulu faire cette distinction, il eût dit simplement: « Celui qui regarde une femme, » mais il ne parle pas ainsi, et il dit : « Celui qui regarde une femme avec un mauvais désir; » cest-à-dire, celui qui la regarde afin de contenter ses yeux. Dieu ne vous a pas donné des yeux pour que vous introduisiez par là ladultère dans votre âme, mais afin que, contemplant ses créatures, vous en admiriez le Créateur. Comme donc on se met en colère « sans sujet , » on regarde aussi « sans sujet, » lorsquon le fait avec un mauvais désir. Si vous voulez prendre plaisir à voir une femme, regardez la vôtre et aimez-la toujours. Il ny a point de loi qui vous le défende. Que si vous en regardez curieusement une autre, vous faites tort à celle que Dieu vous a donnée, en détournant vos yeux delle pour en regarder une autre, et vous faites encore une injure à celle que vous regardez. Car quoique vous ne la touchiez pas de la main, on peut dire néanmoins que vous la touchez des yeux et du désir. Dieu regarde cela comme un véritable adultère, et avant que de le punir par les peines de lenfer, il le punit ici par avance par des supplices rigoureux. Car lesprit est rempli aussitôt de nuages et de troubles. Il entre dans lagitation et linquiétude, et il est percé des pointes de la douleur. Un homme en cet état est aussi misérable que les captifs qui gémissent sous leurs chaînes. Cette femme qui vous a blessé dun de ses regards, sest retirée de vous, mais la plaie quelle vous a faite demeure toujours; ou plutôt ce nest pas celle femme qui vous a fait cette plaie, cest vous-même qui vous êtes blessé en la regardant dune manière déshonnête. Je dis ceci afin quon naccuse point celles dentre les femmes qui sont sages et modestes, Que si quelquune prend plaisir à se parer et à se rendre agréable et quelle attire ainsi sur elle les regards de tous les hommes, quoique peut-être elle ne fasse aucun mal à ceux qui la (142) voient, elle ne laissera pas dêtre punie dun supplice extrême. Car elle a mêlé le poison, elle la préparé, elle navait plus quà le présenter à boire, ou plutôt elle la même présenté; mais il ne sest trouvé personne pour boire ce breuvage de mort. 3. Quoi donc! direz-vous, Jésus-Christ parle-t-il aussi aux femmes en cet endroit? Les lois quil établit ici sont communes aux hommes et aux femmes, quoiquil adresse son discours particulièrement aux hommes. Quand il parle au chef, il parle à tout le corps. Il sait que lhomme et la femme ne sont quun, et il ne les divise point. Que si vous voulez entendre un avis particulier pour les femmes, voyez ce que dit Isaïe, qui jette tant de ridicule sur leur vanité dans leurs habits, dans leurs regards, dans leur marcher, dans leurs robes traînantes, dans leurs démarches affectées, et dans tout le port de leur corps. Ecoutez après Isaïe saint Paul, qui leur donne beaucoup davis touchant leurs habits, leurs ornements dor, leurs cheveux frisés, leur luxe, et autres choses semblables quil leur défend très sévèrement. Et Jésus-Christ exprime la même pensée, quoique obscurément. Car en disant : Arrachez et coupez ce qui vous scandalise, il montre avec quelle colère on doit traiter ces sortes de personnes. Cest pourquoi il ajoute : « Que si votre oeil droit vous est tin sujet de scandale, arrachez-le, et jetez-le loin de vous (29).» Et ne dites pas : mais quoi! si cest ma parente, si cest mon alliée ? Lobjection est prévenue par ces paroles, ce sont ces personnes-là précisément que Jésus-Christ nous ordonne de retrancher et non pas les membres mêmes de notre corps. Dieu nous garde de cette pensée! il naccuse point notre chair, mais il condamne la corruption de la volonté. Ce nest point loeil qui regarde, mais lesprit et la pensée. Il arrive, tous les jours que lorsque notre esprit est appliqué ailleurs, notre oeil ne voit pas ceux qui sont présents parce que laction dépend de lesprit. Si Jésus~Christ eût parlé de nos membres, il ne nous eût pas commandé darracher seulement un oeil, et il neût pas marqué particulièrement le droit, mais il y aurait joint le gauche. Car celui qui est scandalisé par le droit, lest sans doute aussi par le gauche. Pourquoi donc marque-t-il précisément loeil droit, et ensuite la main droite, sinon pour nous apprendre quil ne parle point des membres de notre corps, mais des personnes qui nous sont le plus unies? Quand vous aimeriez, dit-il, quelquun, de telle sorte que vous le regarderiez comme votre oeil droit, ou que vous vous le croiriez aussi utile que votre main droite, néanmoins sil nuit à votre âme, retranchez-le hardiment de vous. Et remarquez la force de ces paroles. Il ne dit pas : Retirez-vous de lui;mais pour marquer une plus grande séparation : « Arrachez-le, » dit-il, « et le jetez loin de vous. » Mais après un commandement si rude, il en fait voir lavantage, et par les biens que nous en recevons, et par le mal que nous évitons; et, demeurant toujours dans la même comparaison, il ajoute: « Car il vaut bien mieux pour vous quune partie de votre corps périsse, que si tout votre corps était jeté dans lenfer (29). Et si votre main droite vous est un sujet de scandale, coupez-la et jetez-la loin de vous. Car il vaut bien mieux pour vous e quune partie de votre corps périsse, que si tout votre corps était dans lenfer (30).» Car puisque cette personne ne se sauve pas elle-même, et quelle vous perd avec elle, quelle amitié serait-ce de tomber tous deux dans le précipice, lorsquen se séparant, lun des deux au moins pourrait se sauver? Pourquoi donc saint Paul, dites-vous, souhaitait-il dêtre anathème? Ce nétait pas pour se perdre inutilement, mais pour acheter par sa perte le salut des autres. Mais ici tous deux se perdent sans ressource. Cest pourquoi Jésus-Christ ne dit pas seulement: « Arrachez-le, » mais « jetez-le loin de vous; » afin que vous ne le repreniez plus sil continue à vous être dangereux. Car vous empêcherez ainsi quil ne soit puni davantage, et vous vous sauverez vous-même. Mais pour voir plus clairement lavantage de ce précepte, examinons-le en le comparant avec ce qui se passe dans notre corps. Si on nous donnait le choix, et quil fallût nécessairement ou, en conservant nos deux yeux, tomber dans le précipice, ou en perdre un pour conserver tout le corps, nest-il pas clair que nous choisirions le dernier parti , et que ce ne serait pas alors haïr son oeil que de le perdre, mais aimer le reste du corps? Appliquons ceci aux personnes qui nous sont chères. Si quelquun vous nuit par laffection quil a pour vous, sans que vous puissiez y remédier, en (143) le retranchant de vous, premièrement vous empêcherez quil ne vous perde, ensuite vous le sauverez dune condamnation plus terrible en faisant en sorte quil nait pas à rendre compte et de ses propres péchés et de votre perte. Il est donc visible que cette loi est très douce et très charitable, quoiquelle semble si sévère à tant de personnes. Que ceux qui sont si ardents pour le théâtre et dont les yeux se remplissent dadultères presque tous les jours, écoutent ce que nous disons. Si Jésus-Christ nous commande de retrancher de nous nos plus intimes amis, lorsquils nous sont un sujet de scandale, qui pourra excuser ceux qui sans connaître dailleurs des personnes, et seulement parce quils les voient tous les jours au théâtre, sengagent dans dès connaissances qui leur font naître mille occasions de se perdre? Jésus-Christ ne se contente pas de défendre les regards accompagnés de mauvais désirs, mais, après avoir montré le mal quils peuvent faire, il va plus loin, et il ordonne de sarracher loeil et la main, et de les jeter loin de nous. Et cependant celui qui fait cette loi qui paraît si dure, est celui-là même qui nous commande tant la charité fraternelle, ce qui nous fait voir combien il veille pour notre salut, et comme il a soin décarter de nous ce qui nous peut nuire. 4. « Il a été dit encore: Quiconque veut quitter sa femme, quil lui donne un écrit par lequel il déclare quil la répudie (31). Mais « moi je vous dis que quiconque quitte sa femme, si ce nest en cas de fornication, la fait devenir adultère, et que quiconque épouse celle que son mari aura quittée, commet un adultère (32) .» Jésus-Christ ne passe à ces ordonnances plus hautes quaprès avoir purifié tout ce quil y avait de plus grossier. Car il nous apprend encore ici une autre espèce dadultère. Il y avait une loi qui permettait à un homme qui avait conçu de laversion pour sa femme pour quelque sujet que ce fût, de la quitter et den prendre une autre, pourvu quon lui donnât un écrit par lequel il déclarait quil la répudiait, afin quil ne fût plus permis à cette femme de le reprendre pour mari, et quau moins cette ombre de mariage subsistât. Car si le législateur neût apporté cette restriction, et quil eût simplement permis à un homme de répudier sa femme pour en prendre une autre, et de reprendre ensuite la première, çaurait été une confusion effroyable : les hommes auraient pris ainsi les femmes les uns des autres, ce qui aurait été une suite continuelle dadultères. Cest pourquoi cet écrit de répudiation était une admirable invention de la sagesse de Dieu; car cette loi sopposait encore à un autre mal bien plus grand. Si Dieu eût contraint les Juifs de retenir leur femme chez eux, lors même quils la haïssaient, ils eussent pu se porter quelquefois jusquà la tuer. Telle était lhumeur brutale de cette nation. Sils ne pardonnaient pas à leurs enfants, sils tuaient les prophètes, sils répandaient le sang comme leau, combien auraient-ils moins épargné leurs femmes? Cest pourquoi Dieu souffrait un moindre mal, afin den empêcher un plus grand. Car Jésus-Christ fait assez voir que ce nétait pas là lintention principale de Dieu, lorsquil dit : « Moïse vous a permis cela à cause de la dureté de votre coeur (Matth. XIX, 8), » pour vous empêcher de tuer vos femmes dans vos maisons, en vous permettant de les chasser. Mais comme il avait déjà condamné la colère et défendu non-seulement lhomicide, mais encore le moindre mouvement de haine, il lui était plus aisé détablir cette loi touchant les femmes. Il apporte toujours les paroles de lancienne loi pour faire voir comme elle saccorde avec la nouvelle. Car sa doctrine nest pas une destruction, mais une extension de la loi de Moïse, et, bien loin de la violer, il laccomplit et la perfectionne. Remarquez aussi quil sadresse toujours aux hommes : « Celui qui quitte sa femme la fait devenir adultère, et quiconque épouse celle que son mari a quittée, commet un adultère. » Lors même que le premier de ces deux népouse point une autre femme, il se rend coupable par cela seul quil rend sa femme adultère. Et le second, en prenant la femme dun autre, commet encore un adultère. Et ne me dites point que cet homme a chassé sa femme. Quoiquil lait chassée, elle ne cesse pas dêtre sa femme. Et de peur quen rejetant tout sur le mari, il ne rende la femme trop insolente, il lui ferme aussi à elle la porte dun second mariage, en disant: « Quiconque épouse celle que son mari a quittée, commet un adultère. » Ainsi il rend en quelque sorte la femme sage malgré elle, en empêchant tout autre de lépouser, en ne (144) souffrant pas quelle cherche les occasions dirriter son mari contre elle. Car se voyant dans la nécessité, ou dêtre toujours avec le mari quelle a pris dabord, ou, si elle est une fois répudiée, de demeurer toute sa vie sans secours et sans assistance, elle se sent comme forcée daimer son mari. Il ne faut pas sétonner que Jésus-Christ ne parle point en particulier à la femme. Ce sexe est trop faible, et Jésus se contente, en effrayant les hommes, de retenir en même temps les femmes dans leur devoir. Il imite un père qui, ayant un fils débauché, lui épargnerait la honte dune réprimande, et se contenterait de menacer ceux qui lauraient jeté dans la débauche, leur commandant de ne le plus voir, et de ne se trouver jamais avec lui. Si cela vous paraît onéreux, souvenez-vous de ce que le Seigneur a dit dabord dans les huit béatitudes, et vous le trouverez aisé. Comment, en effet, un homme doux et ami de la paix, comment celui qui est pauvre desprit et charitable, répudiera-t-il sa femme? comment celui qui réconcilie les autres serait-il lui-même en guerre avec sa femme? Mais Jésus rend encore cette loi douce et facile dune autre manière, puisquil laisse à lhomme une occasion légitime de répudier sa femme si ce nest, » dit-il, « en cas de fornication. »Sans cela tout aurait été dans le trouble. Car si Jésus-Christ avait commandé de retenir sa femme après quelle se serait abandonnée à un autre, le monde aurait été plein dadultères. Vous voyez donc la liaison que ce commandement a avec les autres. Celui qui ne voit point dun oeil impudique la femme de son prochain, ne commettra pas dadultère avec elle; et ainsi on ne donnera occasion à personne de répudier sa femme. Cest pourquoi il ne craint point, après cela, dintimider si fort le mari, en le menaçant dun grand péril sil répudie sa femme, et en le rendant coupable de ladultère où il lexpose. Car de peur quon nentendît de la femme cette parole : « Arrachez votre oeil, » il prévient cette interprétation abusive, lorsquil déclare quil ny a quun sujet légitime où lon puisse la répudier. « Vous avez encore appris quil a été dit aux anciens: Vous ne vous parjurerez point; mais « vous vous acquitterez envers le Seigneur des serments que vous lui aurez faits (33). Et moi je vous dis de ne point jurer du tout (34). » Pourquoi Jésus-Christ passe-t-il le commandement qui défend le larcin, pour venir à celui qui regarde le parjure et le faux témoignage? Cest parce que quelquefois celui qui craindrait de dérober ne craindrait pas de se parjurer, et quau contraire celui qui craindra le mensonge et le parjure, ne se laissera jamais aller au larcin. Ainsi en détruisant le parjure il détruit le vol, puisque cest du vol que naît le parjure. 5. Mais que veulent dire ces paroles: «Vous rendrez au Seigneur les serments que vous lui aurez faits? » (Ps. XL1X, 14.) Cest-à-dire, lorsque vous jurerez, vous direz la vérité « Et moi, » dit-il, «je vous défends de jurer absolument. » Et voulant les éloigner davantage de jurer par le nom de Dieu, il dit: « Ne jurez point, ni par le ciel, parce que cest le trône de Dieu (34); ni par la terre, parce que cest son marche-pied; ni par Jérusalem, parce que cest la ville du grand Roi (35). » Il se sert encore du langage des prophètes, et montre quil nest point contraire aux anciens, qui avaient coutume de jurer par ces choses, comme il le dit à la fin de cet évangile. Mais remarquez comment il relève les éléments, non par leur nature particulière, mais par le rapport quils ont à Dieu; remarquez aussi la condescendance de son langage. Les hommes alors étaient étrangement portés à lidolâtrie. Cest donc pour les détourner de croire les éléments vénérables par eux-mêmes, quil se sert du motif que nous venons de voir, et quil met en jeu la majesté de Dieu. Il ne dit pas que le ciel est beau, et dune grande étendue, ou que la terre est féconde et très-utile aux hommes; mais il dit de lun quil est le trône de Dieu, et de lautre, quelle est son marchepied, afin de porter les hommes par toutes sortes de considérations à craindre et à révérer le Créateur. « Et ne jurez pas même par votre tête, parce que vous ne pouvez rendre un seul de vos cheveux blanc ou noir. » Lorsque Jésus-Christ défend à lhomme de jurer par sa tête, ce nest pas quil considère lhomme comme quelque chose de bien grand, puisque lhomme na été créé que pour être soumis à Dieu, et pour ladorer. Mais il veut en ceci rendre gloire à Dieu, et montrer que lhomme nest pas le maître de lui-même, ni des serments quil ferait en jurant par sa tête. Que si (145) un père ne donne point son fils à un autre homme, Dieu donnera bien moins à un autre louvrage de ses propres mains. Car encore que votre tête soit à vous, elle est néanmoins louvrage dun autre. Vous êtes si éloigné den être le seigneur et le maître, quil vous est impossible dy faire le moindre changement. Il ne dit pas : Vous ne pouvez agrandir un de vos cheveux, mais: vous nen pouvez changer la couleur. Vous me direz peut-être: Si quelquun me contraint de jurer, et mimpose cette nécessité, que dois-je faire? Je vous réponds que. la crainte de Dieu doit être plus forte sur votre esprit, que cette nécessité quon. vous impose. Que si vous allez chercher des raisons de ce genre, et de semblables prétextes, vous nobéirez à aucun des commandements de Dieu. Car lorsquon vous défend de répudier votre femme, ne pourrez-vous pas dire de même: mais si elle est de mauvaise humeur, si elle fait trop de dépense? Lorsquon vous commande darracher votre oeil droit, ne pourrez-vous pas dire : Mais si je laime de tout mon coeur? Lorsquon ne vous permet pas de jeter un seul regard déshonnête, ne direz-vous pas encore : Mais puis-je mempêcher de voir? Lorsquon vous ordonne de ne vous point mettre en colère contre votre frère, ne pourrez-vous pas dire aussi : Mais si je suis prompt, et que je ne puisse retenir ma langue? Ainsi vous pourriez éluder tous les commandements que Dieu vous fait. Considérez que vous noseriez alléguer de semblables excuses, lorsquil sagit de garder les lois humaines. Vous noseriez dire: Mais si telle ou telle chose arrive, suis-je obligé de garder la loi? Et il faut de gré ou de force que vous vous y soumettiez. Si vous voulez être fidèle à la loi de Jésus-Christ, vous ne vous trouverez pas exposé à cette nécessité de jurer. Car celui qui aura écouté avec foi ces béatitudes, et qui se sera mis dans létat où Jésus-Christ le demande, sera tellement cru de tout le monde, quil ne trouvera personne qui le contraigne à jurer. « Mais contentez-vous de dire: Cela est, ou cela nest pas. Ce qui est de plus vient du mauvais (37). » Ce qui est de plus que le oui ou le non, cest le jurement, et non le parjure, puisque ce dernier étant visiblement mauvais, nous navons pas besoin que personne nous en avertisse, et Jésus-Christ ne dirait pas: « ce qui est de plus, » en parlant dune chose évidemment mauvaise. Car ce qui est « de plus,» cest le superflu, le surajouté, ce qui dépasse le nécessaire, tel quest le jurement. Vous nie direz peut-être: Si le serment vient dune mauvaise cause, pourquoi Dieu le commande-t-il par la loi ?Vous pourrez demander la même chose touchant le divorce : Pourquoi ce qui est un adultère maintenant, était-il permis autrefois? Que pouvons-nous répondre à cela, sinon que la faiblesse de ce peuple obligeait Dieu. à user de condescendance dans les lois quil lui donnait? Nétait-il pas de même indigne de Dieu dêtre honoré par la fumée des holocaustes? Mais il se proportionnait à ce peuple, comme un homme sage prend avec un enfant le langage des enfants. Mais depuis que Dieu nous a instruits des véritables vertus, le divorce passe pour un adultère, et le jurement est défendu comme venant dun mauvais principe. Si ces premières lois avaient eu le démon pour auteur, elles nauraient pas produit tant de bons effets. Si la loi ancienne navait précédé la nouvelle, celle-ci naurait pas été si facilement reçue. Naccusez donc point dêtre sans vertu une loi, dont lusage nest plus de saison. Elle a servi, en son temps, et nous pouvons dire quelle sert encore aujourdhui. Rien ne montre mieux son utilité que le reproche même quon lui fait de nen avoir pas. Cest sa gloire quon en juge de la sorte. Car si elle ne nous avait nourris dabord dune manière proportionnée à notre faiblesse, et si elle ne nous avait ainsi rendu capables de quelque chose de plus grand, nous naurions pu jamais en porter un semblable jugement. 6. Ainsi la mamelle dune nourrice paraît inutile lorsquelle a nourri lenfant, et quelle la rendu capable, dune nourriture plus solide. On ne la considère plus alors; et le père qui la regardait auparavant comme étant si nécessaire à son fils, sen moque ensuite. Plusieurs même y mettent quelque chose damer, afin que nen pouvant retirer lenfant par des paroles, ils arrêtent par cette amertume linclination violente qui sans cesse ly ramène. Ainsi Jésus-Christ dit que le jurement venait dun mauvais principe, non pour marquer que la loi ancienne vînt du démon, mais pour porter les hommes avec plus de force à se séparer de ses observances désormais trop imparfaites. Cest ainsi quil agit avec ses disciples (146). Mais pour ce qui est des Juifs, qui sont demeurés toujours inflexibles et opiniâtres dans leur aveuglement, il a voulu leur rendre leur ville inaccessible, comme on empêche les enfants dapprocher de la mamelle de leurs nourrices; et comme on y met quelque chose damer pour les en éloigner, il a voulu aussi les éloigner de Jérusalem par la crainte dun siége, et par lappréhension de perdre leur liberté. Et parce que cela ne suffisait pas pour les écarter, et quils désiraient toujours de revoir leur ville, comme un enfant qui veut reprendre la mamelle de sa nourrice, Dieu se vit enfin réduit à la cacher entièrement, à la détruire tout à fait, et à disperser la plupart dentre eux dans des pays éloignés, les traitant comme ces animaux quon enferme et quen sépare de leurs mères lorsquon veut les en sevrer, afin que la longueur du temps leur apprenne à se désaccoutumer enfin de cette nourriture, et comme du lait de la loi, pour passer à une autre plus solide. Si lancienne loi avait eu le démon pour auteur, elle naurait jamais défendu lidolâtrie, et elle en eût fait un commandement exprès, puisque le démon naime rien tant que cette impiété sacrilège. Cependant nous voyons tout le contraire, et cest- pour cela même quelle permettait de jurer, et afin que les hommes ne jurassent point par les idoles « Jurez, »leur dit-elle, « par le véritable Dieu. » Il est donc vrai que la loi ancienne a été très utile, puisquelle a élevé les hommes pendant leur enfance, et quelle les a rendus capables dune nourriture plus solide. Mais quoi! me direz-vous, est-ce un mal que de jurer? Oui cen est un, depuis que règne la perfection évangélique, mais auparavant ce nétait pas un mal. Vous me répondrez sans doute: Comment ce qui était autrefois un bien est-il devenu maintenant un mal? Et moi je vous demande au contraire: Comment peut-on nier que ce qui est bon en un temps ne lest plus en un autre, puisque nous voyons cette vérité dans tous les arts, dans tous- les fruits de la terre, et dans toute la nature? Considérez premièrement ce qui se passe dans notre enfance. Cest un bien lorsquon est enfant dêtre sur les bras; mais ce serait un mal de lêtre encore lorsquon est homme. Cest un bien quand on est petit de sucer le lait dune nourrice; mais ce serait un mal de le faire quand on est grand. Lenfant au berceau veut quon lui mâche sa nourriture, tandis que cela répugnerait à lhomme fait. Ainsi vous voyez que la différence des temps rend les mêmes choses tantôt bonnes tantôt mauvaises. Un habit denfant sied bien à un enfant: mais il serait in supportable dans un homme. Ce qui est de même propre à lhomme, ne lest pas à un enfant. Habillez un enfant en homme, tout le monde sen rira, et cet habit même pourrait le faire tomber. Donnez à un enfant le soin du commerce, dune ferme, des affaires civiles, et tout le monde se moquera de vous. Mais que dis-je ? Nous avons encore des preuves plus grandes de cette vérité. Lhomicide est certainement louvrage du démon, et néanmoins un homicide a mérité à Phinée lhonneur du sacerdoce. Jésus-Christ, lorsquil disait aux juifs: « Vous voulez exécuter les désirs de votre père. Il a été homicide dès le « commencement (Jean, VIII, 44) ,» fait assez voir que cest le démon qui a appris à tuer les hommes: et néanmoins Phinée tue un homme, et ce meurtre lui est imputé à justice Abraham, pour avoir voulu tuer un homme seulement, mais son propre fils, ce qui est bien plus grave, en devient plus juste et plus agréable aux yeux de Dieu. Saint Pierre tue Ananie et Saphira, et il les tue par un mouvement du Saint-Esprit. 7. Ne regardons pas les choses, mes frères, comme elles paraissent. à lextérieur. Examinons avec soin le temps, le sujet, la volonté, la différence des personnes, et toutes les autres circonstances, puisque sans cela nous ne pouvons bien connaître la vérité. Efforçons-nous, si nous voulons entrer dans le royaume de Dieu, de faire plus de bonnes oeuvres, et daller au delà de la justice de la loi, puisquautrement nous ne devons point prétendre davoir aucune part au ciel. Si nous nous bornons à la vertu des anciens, les portes célestes nous seront fermées. « Car si votre justice nest plus abondante, » dit Jésus-Christ, « que celle des scribes et des pharisiens, vous nentrerez point dans le royaume des cieux. » Et cependant après cette menace , il y a des personnes, qui non-seulement ne surpassent point la vertu des anciens; mais qui même en sont encore très-éloignées. Bien loin déviter de jurer, ils se parjurent. Bien loin de sempêcher de jeter un regard impur, ils sabandonnent à. des actions brutales, Ils commettent sans aucune crainte tout ce que Jésus-Christ nous défend. (147) Et il ne leur reste plus que de trouver ce jour qui vengera tous leurs crimes, et qui les punira avec une extrême rigueur; puisque cest là le partage de ceux qui finissent leur vie dans le péché. Il faut que ceux qui vivent de la sorte, désespèrent de leur salut, et quils nattendent plus que la punition de leurs crimes. Pour ceux qui ont encore du temps et de la vie, ils peuvent combattre et vaincre aisément leur ennemi, et mériter ainsi la couronne. Ne vous laissez donc point abattre par la négligence, et ne perdez point courage. Ce quon vous commande nest point pénible. Quelle peine y a-t-il à ne point jurer ? Faut-il pour cela dépenser beaucoup dargent ? Faut-il y employer beaucoup de travail? Il suffit de le vouloir, et tout ce quon vous commande sera accompli. Que si vous vous excusez sur votre mauvaise habitude, cest par cela même que je vous veux faire voir quil vous est aisé de vous corriger. Car aussitôt que vous aurez pris une habitude contraire, vous aurez gagné ce que vous voulez. On en a vu autrefois parmi les païens qui, ayant une difficulté de langue, lont surmontée par leurs soins, et se sont corrigés de ce défaut : dautres qui remuaient sans cesse les épaules dune façon disgracieuse, se sont fait des violences pour perdre cette habitude, jusquà arrêter ce mouvement de leur corps par la pointe dune épée nue. Puisque lEcriture ne vous persuade pas, je suis contraint de vous exciter par lexemple de ces idolâtres. Dieu traitait ainsi les Juifs lorsquil leur disait : « Allez dans les îles de Céthim et envoyez dans le pays de Cédar, et voyez si ces peuples ont quitté leurs dieux, quoique certainement ils ne soient pas dieux. » (Jér. II, 10.) Il renvoie même quelquefois lhomme à lexemple des bêtes. Il dit aux paresseux : « Allez à la fourmi, allez à labeille et imitez leur activité et leur travail. » (Prov. VI, et XXX.) Je suis donc aujourdhui cet exemple et je vous dis : Jetez les yeux sur ces philosophes païens et vous reconnaîtrez de quels supplices sont dignes ceux qui méprisent la loi de Dieu, puisque ceux-là, pour avoir lextérieur un peu mieux réglé, ont enduré tant de maux, et que vous ne voulez rien faire de semblable pour gagner le ciel. Que si après cela vous dites que la longue habitude est difficile à vaincre et quelle trompe souvent ceux qui se tiennent le plus sur leurs gardes, jen demeure daccord avec vous. Mais je vous dis en même temps, que comme elle peut aisément vous surprendre, vous pouvez aussi aisément la vaincre. Car si vous donnez ordre à quelquun de chez vous de vous avertir, comme à un domestique, à votre femme, à quelque ami, vous vous dégagerez bientôt de votre habitude. Si vous prenez cette peine seulement durant dix jours, il ne vous en faudra pas davantage, vous serez dans une paisible assurance et cette nouvelle habitude que vous contracterez, vous rendra fermes contre la mauvaise. Si, lorsque vous entreprendrez ainsi de vous corriger, vous tombez, une ou deux ou plusieurs fois, ne vous découragez pas. Relevez-vous aussitôt, revenez au combat avec ardeur et vous remporterez enfin la victoire. Le parjure nest pas un péché peu considérable, et si le simple jurement vient du mauvais, jugez de quels supplices le parjure sera puni. Vous applaudissez à ce que je dis, mais ce ne sont point ces applaudissements ni ces acclamations que je recherche. Tout mon désir est que vous écoutiez paisiblement et modestement ce que je .vous prescris et que vous soyez fidèles à le pratiquer. Ce sont là les acclamations que je cherche, et les applaudissements que je désire. Que si vous vous contentez de louer ce que je dis sans le pratiquer, vous vous attirez un plus grand supplice et une condamnation plus sévère, et vous vous couvrez vous-mêmes de honte. Nous nêtes pas ici au théâtre et vous ne vous y assemblez pas pour écouter des comédiens et leur applaudir. Cest ici une école toute sainte, et tout ce que vous avez à faire, cest de mettre en pratique ce que vous entendez et de témoigner votre obéissance par vos actions. Ce sera alors que je me tiendrai bien récompensé de toutes mes peines. Mais maintenant je vous avoue que je suis presque réduit au désespoir. Quoique je ne cesse point de vous instruire et en particulier et en public, le nen remarque aucun fruit et vous êtes encore comme aux premiers éléments de la vie spirituelle, ce qui abat sans doute et qui décourage beaucoup un pasteur. Considérez que saint Paul même témoigne une extrême peine de voir des chrétiens toujours dans la bassesse des premières instructions : « Au lieu que depuis le temps quon « vous instruit, » dit-il aux Hébreux, « vous devriez déjà être maîtres, vous avez besoin « encore quon vous apprenne les rudiments (148) par où lon commence à expliquer la parole « de Dieu. » (Hébr. V, 12.) Cest le sujet de notre douleur et de nos gémissements. Et si vous demeurez toujours les mêmes, je vous interdirai lentrée de léglise et la participation des sacrés mystères, comme aux impudiques, aux adultères et aux homicides. Car il vaut bien mieux offrir à Dieu nos prières avec deux ou trois qui gardent ses commandements, que dassembler une foule de personnes corrompues qui se perdent et perdent les autres. Que les riches, que les grands ne sélèvent point ici contre moi, quils ne me regardent point avec indignation. Je me ris de leur colère, et leurs menaces sont pour moi une fable, une ombre et un songe. Ces riches ne me défendront pas un jour quand Dieu maccusera à son tribunal et quil me reprochera de navoir pas soutenu avec vigueur la sainteté de ses commandements. Cest ce qui perdit autrefois cet admirable vieillard Héli qui était irrépréhensible dailleurs. Lindifférence avec laquelle il vit ses enfants fouler aux pieds la loi de Dieu, attira sa colère sur lui et sur eux, et il en fut puni dune manière terrible. Que si dans une rencontre où la nature, qui a tant dempire, pouvait jusquà un certain point servir dexcuse, cet homme néanmoins fut puni avec tant de rigueur, parce quil navait pas été assez sévère à réprimer ses enfants, quelle excuse nous restera-t-il à nous autres, si sans être surpris comme lui par cette tendresse naturelle, nous corrompons néanmoins les hommes par notre indulgence et nos flatteries? Afin donc que vous ne nous perdiez pas avec vous-mêmes, je vous conjure de vous rendre à ce que je vous dis. Priez autant de personnes que vous pourrez, de vous avertir quand vous jurerez, pour vous défaire peu à peu de cette mauvaise habitude. Cest ainsi que vous avançant dans la vertu, elle vous deviendra aisée de plus en plus et que vous mériterez de jouir des biens à venir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et lempire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. |