SERMON XLV
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QUARANTE-CINQUIÈME SERMON . (a) De la trinité de Dieu et dans l'homme.

 

La bienheureuse et sainte Trinité (b), Père, Fils et Saint-Esprit, Dieu unique, puissance, sagesse et bonté suprêmes, a créé une sorte de trinité à son image et à sa ressemblance, quand elle a fait l'âme raisonnable, où on trouve quelques vestiges de la suprême Trinité, en ce qu'elle est en même temps mémoire, raison et volonté. Or, Dieu l'a créée de telle sorte que, demeurant en lui, elle fût heureuse de soit union avec lui, et qu'elle ne pût se détourner de lui sans être malheureuse de quelque côté qu'elle aille. Mais cette trinité créée aima mieux, par un mouvement de sa propre volonté, tomber, que se tenir debout par un acte de son libre arbitre avec la grâce de son auteur. Elle est donc tombée par la suggestion, par la délectation et par le consentement, du rang aussi élevé que beau de sa trinité, je veux dire de la puissance, de la sagesse et de la pureté, dans une sorte de trinité contraire et souillée, c'est-à-dire dans la faiblesse, dans l'aveuglement et l'impureté. En effet, sa mémoire est devenue impuissante et infirme, sa raison imprudente et ténébreuse, et sa volonté impure. Or, si la mémoire qui, tant qu'elle était debout, rappelait la puissance de la divinité dans sa simplicité, en tombant de ses mains, vint se rompre sur les rochers, s'il est permis de parler ainsi, et se brisa en trois morceaux qui sont les pensées affectueuses, les onéreuses et les oiseuses. Par pensées affectueuses, j'entends celles où la mémoire se trouve affectée; telles sont les préoccupations des choses nécessaires à la vie, du boire et

 

a Les sermons suivants sont appelés les Petits sermons. Horstius les a comptés au nombre des Sermons divers, après en avoir reporté plusieurs an rang des Pensées. Peut-être sont-ce ces sermons que Jean de Salisbury demandait à Pierre de Celles de lui envoyer et qu'il appelait dans ses lettres XCVI, et XCVII, les Fleurs des paroles de saint Bernard.

b Ce sermon se trouve reproduit en grande partie dans le livre VIII des Pleurs de saint Bernard, chapitres I et XXV, où il est parlé de la charité dans les termes nu il en est parlé plus bas au n. 5.

 

du manger et le reste; par onéreuses, j'entends les soucis des choses extérieures, et des occupations pénibles; et par pensées oiseuses, je veux dire celles qui ne l'affectent ni ne la chargent, mais qui pourtant la détournent de la contemplation des choses éternelles; telle est, par exemple, la pensée d'un cheval gui court, d'un oiseau qui vole.

2. La raison a fait aussi une triple chute. En effet, elle était capable de discerner entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre ce qui est avantageux et ce qui ne l'est point. Or, quand il lui faut discerner entre ces choses maintenant, elle est si aveugle qu'il lui arrive bien souvent de juger tout le contraire de ce qui est, de prendre le mal pour le bien, le faux pour le vrai, le nuisible pour l'utile, et réciproquement. Or, elle ne se tromperait jamais ainsi dans ces matières si elle n'était point privée de la lumière avec laquelle elle a été créée. Mais, comme elle est déchue aussi, il est hors de doute qu'elle ne trouve plus autre chose maintenant que les ténèbres de son aveuglement. De là vient qu'elle a perdu l'instrument qui lui était nécessaire pour administrer ces choses, je veux parler dit trivium de la sagesse, c'est-à-dire de l'éthique, de là logique et de la physique, autrement dites, science de la morale, science de l'observation et science de la nature, car l'éthique nous apprend à choisir le bien et à repousser le mal; la logique, à discerner le vrai du faux, et la physique, à reconnaître ce qui est utile ou nuisible, c'est-à-dire ce qui, dans la pratique, doit être pris ou laissé.

3. Vient ensuite la volonté dont la ruine est également triple. En effet, au lieu de demeurer attachée à la bonté et à la pureté souveraines et de n'aimer qu'elles, par un effet de sa propre iniquité, elle est tombée de ces hauteurs dans les bas-fonds où la concupiscence de la chair, celle des yeux et l'ambition du siècle lui font aimer les choses de la terre. Peut-il se concevoir une chute plus malheureuse que celle-là où, par la perte de la mémoire, de la raison et de la volonté, toute la substance de l'âme est atteinte d'un coup mortel.

4. Mais cette chute, si grave, si ténébreuse, si souillée de notre nature, elle a été réparée par la bienheureuse Trinité qui s'est souvenue de sa miséricorde et qui a oublié nos fautes. Ainsi, le Fils de Dieu, envoyé par son Père, est venu, et il nous a donné la foi; après le Fils, le Saint-Esprit fut envoyé à son tour et nous a appris et donné la charité. Avec ces deux biens, je veux dire avec la foi et la charité, nous est venue l'espérance de retourner vers le Père. Or, c'est par cette sorte de trinité, par la Foi, l'Espérance et la Charité, que, comme par une sorte de trident, la bienheureuse et immuable Trinité a ramené du fond de l'abîme, où elle était tombée, notre trinité muable, déchue et malheureuse. Ainsi, la Foi a éclairé sa raison, l'Espérance a relevé sa mémoire, et la Charité a purifié sa volonté. Lors donc que le Fils de Dieu est venu et s'est fait homme, comme je l'ai dit, lui qui était. Dieu, il a fait, comme un bon médecin, des ordonnances dont l'exécution devait nous rendre le salut que nous avions perdu. Pour nous les faire accepter avec confiance, il fit des miracles, et, pour nous convaincre de leur utilité, il nous promit la béatitude.

5. On distingue donc la Foi aux préceptes, la foi aux miracles, et la foi aux promesses, en d'autres termes, la foi par laquelle nous croyons en Dieu, et celle par laquelle nous croyons Dieu. Croire en Dieu, c'est mettre en lui notre espérance et notre amour. C'est par la foi aux miracles que nous croyons Dieu, qui peut en opérer et qui peut tout. Par la foi aux promesses, nous croyons à Dieu qui accomplit exactement tout ce qu'il promet. De même on distingue aussi trois sortes d'espérance qui découlent des trois sortes de foi dont je viens de parler. En effet, la foi aux préceptes enfante l'espérance du pardon; la foi aux miracles fait naître l'espérance de la grâce; et la foi aux promesses, l'espérance de la gloire. On trouve aussi trois sortes de charité, car il y a celle qui vient « d'un coeur pur, celle qui naît d'une conscience bonne, et celle qu'enfante une foi non feinte (1 Tim. I, 5). » La pureté se rapporte au prochain, la conscience à nous et la foi à Dieu. Or, la pureté exige de nous que tout ce que nous faisons tende au bien du prochain et à la gloire de Dieu. Mais il est de la plus grande importance que nous prouvions cette pureté au prochain, car, si, pour ce qui est de Dieu, il n'y a point de secret en nous, il n'en est de même pour le prochain, qu'autant que nous lui ouvrons notre cœur. Deux choses font la bonne conscience : c'est la pénitence et la continence; par l'une, en effet, nous expions les péchés que nous avons commis, et par la continence nous cessons d'en commettre d'autres qu'il faille expier ensuite; voilà le devoir que nous avons à remplir envers nous. Après cela, vient la foi non teinte que nous devons avoir à coeur de prouver à Dieu, et qui ne saurait nous permettre ni de l'offenser à cause de l'amour que nous avons pour le prochain, ni de nous montrer moins soumis à ses commandements à danse de notre conscience que nous voulons maintenir dans l'humilité par la pénitence et par la continence; voilà en quoi consiste la foi non feinte. La foi non feinte est mise ici par opposition avec la foi morte et la foi feinte. La foi morte est la foi sans les oeuvres; la foi feinte est celle qui ne croit que pour un temps, et qui s'évanouit à l'approche de la tentation; voilà même d'où lui vient son nom de feinte ou fragile.

6. Nous pouvons résumer tout ce que nous venons de dire en quelques mots seulement, pour le graver plus facilement dans la mémoire. Je dis donc qu'il y a la Trinité créatrice, Père, Fils et Saint-Esprit, des mains de laquelle est tombée la trinité créée, mémoire, raison et volonté. Il y a encore la trinité par laquelle la seconde est tombée, c'est la trinité suggestion, délectation et consentement : puis la trinité dans laquelle elle est tombée, la trinité impuissance, aveuglement et souillure, et enfin la trinité qui est tombée, c'est la trinité mémoire, raison et volonté. Chacun des termes de cette trinité a fait une trinité de chutes. La mémoire est tombée dans trois espèces de pensées qui sont les pensées affectueuses, les pensées onéreuses et les oiseuses. La raison est tombée aussi dans une triple ignorance; l'ignorance du bien et du mal, du vrai et du faux, de l'utile et du nuisible. De même la volonté est tombée dans la concupiscence de la chair, dans celle des yeux, et dans l'ambition du siècle. Il y a encore la trinité par laquelle celle qui est tombée se relève, c'est la Foi, l'Espérance et la Charité, qui se subdivisent chacune en trois branches. En effet, il y a la foi aux préceptes, celle aux miracles et celle aux promesses. De même, il y a l'espérance du pardon, celle de la grâce et celle de la gloire; et enfin la charité se divise en charité d'un coeur pur, d'une conscience bonne et douce, d'une foi non feinte.

 

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