SERMON XCVI
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QUATRE-VINGT-SEIZIÈME SERMON. Les quatre fontaines du Sauveur et l'eau qu'on doit y puiser.

 

1. «Vous puiserez de l'eau avec joie aux fontaines du Sauveur (Isa. XII, 3). » A la place du paradis que nous avons perdu, il nous a été donné le Sauveur Jésus-Christ. De même que d'une seule source, dans le paradis, sortaient quatre grands fleuves qui arrosaient le paradis terrestre, ainsi du fond de son coeur, coulent ;quatre fontaines où on puise quatre sortes d'eau qui arrosent l'Église dans le monde entier. Ces quatre fontaines ce sont la vérité, la sagesse, la vertu et la charité. On vient donc puiser de l'eau à ces quatre fontaines, mais on en puise une sorte différente à chacune d'elles. En effet, à la fontaine de la vérité on puise l'eau des jugements; à celle de la sagesse, l'eau des conseils; à celle de la vertu, l'eau de la force et à celle de la charité, l'eau des désirs. L'eau des jugements nous fait connaître ce qui est permis, et ce qui ne l'est pas. L'eau du conseil nous fait discerner ce qui est utile de ce qui ne, l'est point. Mais comme les tentations ne manquent point aux élus qui marchent droit dans ces sentiers, car ils sont éprouvés de deux manières, par la terreur qui cherche à les abattre, et par les séductions qui ne cessent de les entraîner, ils ont besoin de se savoir armés de la force de la vertu de Dieu, contre les terreurs, et de la charité d'en haut contre la séduction des désirs, car les bons désirs éteignent les mauvais, comme dit un saint personnage. Nous pouvons encore raisonner ainsi. A quoi bon savoir ce qui est utile, ce que nous enseignent les jugements et les conseils, si nous ne pouvons point le faire? Voilà pourquoi après les eaux des jugements, et des conseils on doit puiser l'eau de la force. De même, en raisonnant comme nous venons de le faire, à quoi bon pouvoir, si la charité n'est point la fin de tout ? Aussi, faut-il, après le jugement, après les conseils, après la force, puiser de l'eau à la fontaine des désirs, afin que la vie éternelle soit la fin de tout ce que nous goûtons, disons, faisons ou souffrons.

2. Pour rendre plus clair encore ce que je viens de dire sur les fontaines et sur l'eau qui s'en écoule, il me semble à propos de recourir au témoignage des Écritures, et de relever par des fils d'argent les ressemblances d'or que je vous ai montrées. Et d'abord, il ne me semble douteux pour personne que ces quatre fontaines coulent du sein même de Jésus ; mais comment y puise-t-on les eaux dont j'ai parlé, voilà ce qu'il faut montrer. Que David vienne donc à mon aide, et qu'il nous apprenne que les jugements coulent de la fontaine de la. vérité. N'est-ce pas le sentiment qu'il exprimait quand il disait : « Que mon jugement sorte de votre visage (Psal. XVI, 2). » En effet, ce saint homme n'aurait certainement pas appelé sien un jugement qui ne sortirait point du visage de Dieu, c'est-à-dire de la vérité, car il savait bien que les élus de Dieu se règlent sur les jugements de la vérité, comme sur une règle de fer, et comme il se sentait sous leur direction, il disait dans ses chants les plus joyeux : « Les jugements de Dieu sont vrais, et se justifient eux-mêmes; ils sont plus désirables que l'or et les pierres précieuses, et plus doux que le miel même en ses rayons (Psal. XVIII, 10). » Si par hasard on a peur de s'en écarter, il faut prêter l'oreille à la voix du Père qui fait entendre ses menaces par la bouche du même Prophète : « S'ils ne marchent point dans mes préceptes, et s'ils ne gardent point mes commandements, je visiterai avec la verge leurs iniquités, et je punirai leurs péchés par des plaies (Psal. LXXXVIII, 32). » Ce sont ces mystères du jugement de Dieu, que rapportait le Porte-clef du royaume des cieux, quand il disait : « Il est temps que Dieu commence son jugement par sa propre maison. Et, s'il commence par nous, quelle sera la fin de ceux qui rejettent l'Évangile de Dieu (I Petr. IV, 47) ? » Or, ces paroles s'adressent aux élus. Il y a un autre jugement qui se rapporte aux réprouvés, et qui, de même que le premier, coule aussi de la Vérité même. Ainsi, elle dit par la bouche de Paul : « que Dieu condamne selon. la vérité ceux qui font ces actions (Rom. II, 2). » Enfin la Vérité même, parlant en même temps de ces deux jugements dit: «Je suis venue en ce monde pour exercer un jugement, c'est-à-dire pour que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles (Joan. IX, 39). » Et il montre la différence qui leur est propre quand il dit : « ceux-ci iront au supplice éternel, tandis que ceux-là, les justes, iront à la vie éternelle (Matt. XXV, 6). »

3. Après avoir vu comment les jugements se puisent à la fontaine de la vérité, voyons comment les conseils coulent de la fontaine de la sagesse. Qui doute que l'apôtre Paul ait été sage, quand saint Pierre, son collègue en apostolat, rend témoignage de la sagesse qu'il a reçue (II Pet., III, 15), et que toutes les paroles Ide cet apôtre ne respirent que la sagesse. Qu'il ouvre donc la bouche pour nous donner des conseils, et que par là il nous apprenne ce qui convient à des voyageurs comme nous, à des hommes qui ont hâte d'arriver à la céleste patrie. « Quant aux vierges, dit-il, je n'ai pas reçu de commandements du Seigneur, mais voici le conseil que je leur donne, pour être un ministre fidèle. Je crois donc qu'il est avantageux à l'homme, à cause des nécessités pressantes de cette vie, de demeurer tel (I Corr. VII, 25 et 26), c'est-à-dire de ne se point marier. S'il avait reçu un commandement au sujet de la virginité, il n'y aurait de permis que ce qui serait prescrit ; mais comme il est également permis de se marier ou de ne le point faire, que pouvait-il faire de mieux que de dire : « il est avantageux de rester tel?» Surtout quand les besoins pressants de la vie ont souvent coutume de fondre sur nous, que la rapidité du temps nous conduit rapidement à la mort; et que la figure de ce monde passe vite. Ailleurs, en parlant d'une veuve, il dit : « Mais cependant elle sera plus heureuse, si elle demeure veuve, comme je le lui conseille (Ibid. 40). » Et, de peur qu'on ne croie que c'est de son propre coeur, non point de la fontaine du Sauveur qu'il tire ce conseil, il ajoute : « et je crois que j'ai aussi en cela l'esprit de Dieu. » Mais pourquoi m'arrêter à rapporter quelques exemples quand tout sexe, toute condition trouve des conseils de salut dans ses paroles, pour peu qu'il les y cherche avec soin ? Mais si on veut s'assurer dans un mouvement de curiosité, si, véritablement, comme on le dit, les conseils émanent de la sagesse, qu'on lise les livres qui sont attribués à la Sagesse où tout le contexte des discours semble fait pour donner des conseils. Mais si, dans une pensée de prudence et d'utilité, on veut y puiser la vie, nous entendrons la voix de la Sagesse même qui nous y invite en ces termes salutaires           : « Si vous voulez la vie, arriver à la vie, observez les commandements (Matt. XIX, 17). » De qui, demandez-vous? Elle vous répond : « Craignez Dieu et observez ses commandements (Eccl. XII. » Entendez-la vous crier dans un sentiment tout maternel : « Donnez-moi votre cœur (Prov. XXIII, 26). » O combien je voudrais, moi aussi, suspendre mon cœur aux paroles         de celui dont le cœur bienfaisant fait retentir de si doux conseils de vie! Puissé-je tremper la plume de ma langue dans sa fontaine, pour devenir capable de vous parler d'une manière utile,de ce qui me reste à vous dire des deux autres fontaines, c'est-à-dire de la vertu et de la charité.

4. Comme ces quatre fontaines mêlent si bien leurs goûts que quiconque boit de l'une est invité à boire de l'autre par une ineffable douceur de délectation, il est temps que je passe de la sagesse à la vertu, et que je montre comment on y puise l'eau de la force autant que la vertu même me donnera la force de le faire. Or, de même que plus haut je disais que la vérité a deux jugements, dont l'un nous dit ce qui est permis et l'autre ce qui ne l'est pas, et que la sagesse aussi en a deux; un qui nous apprend ce qui est expédient, et l'autre ce qui ne l'est point, ainsi devons-nous reconnaître ici qu'on peut puiser deux sortes d'eau de force à la fontaine de la vertu, une qui purifie les élus de leurs fautes, et l'autre qui les rafraîchisse dans leurs tourments. Donnons un exemple de l'une et de l'autre. L'évangéliste saint Luc rapporte (Luc. VIII, 43) qu'une femme qui souffrait d'un flux de sang, après avoir dépensé toute sa fortune en médecins, sans pouvoir obtenir sa guérison, s'approcha du Seigneur par derrière, toucha la frange de son vêtement, et aussitôt son flux de sang s'arrêta. Jésus, de son côté, dit : « Qui m'a touché? » Et comme ses disciples lui disaient . « Quand la foule vous presse de tous côtés et vous accable, vous dites : « Qui m'a touché? » Il leur répartit : Quelqu'un m'a touché, car je sens, moi, qu'une vertu est sortie de moi. » Voilà les eaux de force que puisa cette femme à la fontaine de la vertu; elles la purifièrent de son flux de sang dont aucun médecin n'avait pu la guérir. Si vous me faites remarquer que ce témoignage n'a aucun rapport avec le sujet qui nous occupe en ce moment, attendu qu'il ne semble pas que cette femme ait été purifiée de ses fautes, mais seulement d'une maladie corporelle, il faut savoir que c'est la coutume de la vertu de Dieu de guérir le coeur avant le corps. Aussi voyons-nous dans un autre endroit que lorsqu'on lui présenta un paralytique à guérir, ce beau et charitable médecin, voulant commencer par guérir le plus important, je veux dire l'âme avant le corps, lui dit: « Ayez confiance, mon fils, vos péchés vous sont remis (Matt. IX, 2). » Et ensuite, sa conscience étant guérie, il guérit le corps en disant : « Levez-vous, emportez votre lit et retournez dans votre maison (Ibidem). » De même il commença par purifier le coeur de cette femme en y mettant le don de la foi, selon ce qui est écrit . « Fortifiant leur coeur et leur foi (Act. XV, 9),» qui lui fit mériter la santé extérieure du corps. C'est ce que le Seigneur même nous fait entendre, quand il dit : « Ma fille, votre foi vous a sauvée; allez en paix (Luc. VIII, 43). » Mais on puise encore à la fontaine de la vertu l'eau de la force dans les tourments, comme le font voir les trois enfants dans la fournaise que la flamme rafraîchit au milieu d'un feu ardent comme celui d'un incendie; c'est ce que prouve encore parfaitement l'admirable martyr Vincent, qui, au milieu des plus cruels tourments, non-seulement les supporta avec constance, mais encore excitait, en ces termes, la fureur de son bourreau : » Lève-toi, et déchaîne contre moi toute la fureur de ta méchanceté, tu verras que, par la vertu de Dieu, je suis plus fort pour souffrir que tu ne saurais l'être pour multiplier mes souffrances. » On pourrait en dire bien davantage sur cette fontaine de vertu, mais je préfère me borner à ce peu de mots, parce que j'aime mieux boire à la fontaine de vertu, que d'écrire sur elle.

5. Le Rédempteur lui-même nous convie à cette fontaine en ces termes : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne et qu'il boive, et des eaux vives couleront de son ventre (Joan. VII, 37). » L'Évangéliste, poursuivant son récit, nous fait connaître la fontaine où il nous invite à venir. « Il parlait, dit-il, de l'Esprit qu'ils devaient recevoir en croyant en lui (Ibidem 39). » De quel esprit parlait-il, si ce n'est de l'esprit de charité que le monde ne peut recevoir, et que ne reçoivent que ceux qui croient en lui? Allons donc puiser à cette fontaine l'eau des désirs, et divisons-les en deux ruisseaux, afin que de même qu'il y a deux préceptes de la charité, il y ait aussi deux désirs par lesquels ces préceptes soient remplis. En effet, il y a le désir par lequel Dieu est aimé pour lui-même, et celui par lequel le prochain l'est pour l'amour de Dieu. Or, dans le premier précepte il n'y a point de mesure à garder; c'est de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos forces que Dieu est aimé ; mais il y en a une dans le second, puisqu'il est dit : «Vous aimerez votre prochain comme vous-même (Matt. XXII, 39). » C'est du premier amour que brûlait le Prophète quand il disait : « De même qu'un cerf soupire après les sources d'eau vive, ainsi mon âme soupire après vous, ô mon Dieu (Psal. XLI, 2). » Et encore : « Mon âme se consume et défaille de désir dans les portiques du Seigneur (Psal. LXXXIII, 3). » C'était le second amour que l'Apôtre témoignait aux Romains quand il leur écrivait en ces termes : « J'ai un grand désir de vous voir, pour vous faire part de quelque grâce spirituelle (Rom. I, 11), » et que le Seigneur montrait à ses disciples quand il leur dit dans l'Évangile : « J'ai désiré d'un ardent désir de manger cette Pâque avec vous avant que je souffre (Luc. XXII, 15). »

6. Or, il faut remarquer que le coeur de l'homme est excité et porté à l'amour de Dieu particulièrement par trois affections, ce qui explique comment il lui est ordonné d'aimer de tout son coeur, de toute son âme et de toutes ses forces. La première de ces affections est douce, la seconde prudente, et la troisième forte. Pierre ressentait la première quand il détournait le Seigneur de mourir; il est évident qu'il éprouvait le doux amour du coeur quand il redoutait la passion pour lui. Aussi lorsqu'il entendit ces paroles: «Arrière Satan, vous ne goûtez pas les choses de Dieu, mais celles de l'homme (Marc. VIII, 33), » il se vit éclairé par ce langage, et, comprenant tout ce que la mort du Christ avait de bon, il se mit à aimer de toute son âme et d'un amour prudent, celui. que d'abord il n'avait aimé que de tout son coeur et d'un amour plein de douceur; mais il ne l'aimait pas encore de toutes ses forces, autrement il ne l'aurait certainement pas renié par la crainte de la mort. Mais après la résurrection et l'ascension, ayant reçu le Saint-Esprit d'en haut, il aima enfin de toutes ses forces celui pour qui il ne craignit point dans la suite de subir l'horrible supplice de la croix. Quant à l'amour du prochain, nous le pratiquons aussi de trois manières, soit en édifiant la charité, là où elle n'existe pas, soit en l'empêchant de périr, soit enfin en ne la laissant pas s'amoindrir là où elle est. Or, quiconque exerce cette charité envers le prochain avec un coeur pur, mérite très-certainement d'obtenir plus tard celle qui n'est autre que Dieu même.

 

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