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CINQUANTE-NEUVIÈME SERMON. Les trois pains de l'homme spirituel.
1. « Mon ami, prêtez-moi trois pains (Luc. XI, 5). » Mon ami, en arrivant de route, je veux dire notre prochain quel qu'il soit, quand il se convertit, a besoin de trois pains pour se restaurer. Le premier de ces pains est celui de la continence qui resserre le tissu du corps et l'empêche de se répandre dans les voluptés mortelles. Le second est celui de l'humilité qui fortifie l'âme et l'empêche de tirer vanité de sa continence. Le troisième pain est celui de la ferveur, de la charité qui allume le feu dans notre âme et qui conserve pour toujours le corps et l'âme en même temps dans la chasteté et dans l'humilité. Ces trois vertus, je veux dire la chasteté, l'humilité et la charité, sont comme les trois pains qui restaurent les forces de l'homme de Dieu et l'affermissent en sorte que selon le mot de l'Apôtre, il ait le corps, l'âme et le coeur en bon état au jour de lavènement du Seigneur ( I Cor. I, 7). Or, par Pâme, j'entends la grâce qui, selon le même apôtre, vient en aide à notre faiblesse, et nous empêche de tomber en défaillance, en attendant le moment où nous pourrons moissonner le bien que nous avons semé. (Rom. VIII, 26). Le premier des trois pains est le pain de la chair ou du corps, le second est celui de la raison, et le troisième celui de l'esprit. Toutes les fois qu'on se trouve à court de ces pains, il faut en demander à Dieu. Ce n'est pas sans raison qu'on en demande trois, car il y a trois êtres à restaurer; lâme qui est comme l'homme, la chair qui est comme la femme, et l'esprit qui est comme le serviteur de l'un et de l'autre. Notez encore qu'il ne dit pas : donnez-moi, mais « prêtez-moi trois pains, »pour indiquer par là qu'il se propose de les lui rendre; et, en effet, le prêtre doit obtenir de Dieu la grâce pour le pécheur qui se convertit, mais il ne saurait se rapporter le fruit de cette grâce, il doit l'attribuer à Dieu.
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