SERMON XCI
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QUATRE-VINGT-ONZIÈME SERMON. Les trois plants.

 

1. « Vos plants sont comme un jardin délicieux (Cant., IV, 13). » Ce sont les paroles de félicitations que la Jérusalem , céleste fait entendre à la Jérusalem de la terre. Or les plants dont elle parle sont au . nombre de trois. Le premier est celui des gens du monde qui vivent dans les liens du mariage et qui font pénitence; le second est celui des convers qui vivent dans la continence au fond d'un cloître, et le troisième est le plant des prélats qui prêchent et qui prient pour le peuple de Dieu. C'est du premier plant, je veux dire de la pénitence, que parlent les anges qui ressentent de la joie pour la conversion d'un seul pécheur qui fait pénitence, (Luc. XV, 10),quand ils disent: «Qui est celle-ci qui monte par le désert comme une petite vapeur d'aromates, etc. (Cant., III, 6) ? » Or on entend ici par ces mots : « Qui monte par le désert, » c'est-à-dire par cette terre non frayée et aride, le fait de l'âme qui se rappelle ses péchés, et elle monte « comme une petite vapeur, »   quand elle les confesse humblement. Or on dit que cette confession se fait. droit « comme monte une petite vapeur d'aromate, » parce qu'elle se partage entre plusieurs espèces de péchés, comme la fumée de l'encens qui passe par les ouvertures de l'encensoir. Il faut encore remarquer que si la fumée n'a jamais d'éclat, elle a pourtant quelquefois de l'odeur. Or, on reconnaît que la fumée de la confession dont il est parlé ici, a une certaine odeur de piété, aux paroles qui suivent : « Une vapeur d'aromates, de myrrhe et d'encens et de toutes sortes de poudres odoriférantes. » La confession doit toujours être accompagnée de la myrrhe et de l'encens, c'est-à-dire de la mortification de la chair et de l'oraison du coeur, car l'une ne peut point ou ne peut guère servir sans l'autre. En effet, si quelqu'un mortifie sa chair sans se livrer à la prière, c'est un orgueilleux, et c'est à lui qu'il est dit : « Est-ce que je mange la chair des taureaux et m'abreuvé-je du sang des boucs (Psal. XLIX, 13) ? » De même, s'il prie et néglige de mortifier sa chair, Dieu lui dira : « Pourquoi m'invoquez-vous en me disant : Seigneur, Seigneur! si vous ne faites point ce que je dis (Luc., VI, 46). ? » Ou bien encore : « Quiconque détourne l'oreille pour ne point écouter la loi, sa prière même sera exécrable ((Prov. XXVIII, 9). » L'une et l'autre se donnent donc un mutuel appui, puisqu'il est certain que l'une ne saurait être agréée sans l'autre.

2. Il est dit : « comme une vapeur do toutes sortes de poudres odoriférantes (Cant. III, 6). » Après le souvenir et la confession des péchés, après la mortification et l'oraison, il faut produire le fruit des aumônes. On a raison de les appeler-« une poudre » attendu qu'elles ne sont que de la terre : « odoriférante » parce qu'elles exhalent l'odeur la plus suave. Voilà d'où vient qu'il a été dit à Corneille qui faisait des bonnes oeuvres : « Vos prières et vos aumônes ont monté (Act. X, 4). » Peut-être sont-elles appelées « toute espèce de poudres odoriférantes, » parce que tous les péchés, non-seulement les grands, mais aussi les plus petits doivent être broyés par la confession et déliés par la componction. Mais restons-en là pour le premier plant.

3. Le second plant est la vie des continents dans le cloître ou dans le désert. Dans ce plant il n'est fait aucune mention de désert ni de vapeur, c'est-à-dire de pénitence ; mais de lumière, de splendeur et de vertu. Enfin, c'est à la louange de ce plant que la voix des anges fait entendre ces paroles : « Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, élevée comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille (Cant. VI, 9) ? » Dans ces mots il faut voir trois vertus du second plant, l'humilité, la chasteté et la charité. En effet, l'aurore est la fin de la nuit et le commencement du jour. La nuit c'est la vie du pécheur, et le jour, la vie du juste. Aussi l'aurore qui dissipe les ténèbres, annonce la lumière et se prend avec raison pour l'humilité, car de même que l'aurore sépare la nuit du jour, ainsi l'humilité sépare le juste du pécheur. C'est en effet, par elle, je veux dire par l'humilité, que le juste commence, et par elle qu'il grandit. Aussi l'Écriture parle-t-elle de «l'aurore à son lever, » afin que l'édifice des vertus commence par l'humilité et s'élève ensuite comme sur son propre fondement. C'est donc pour montrer son humilité qu'il est dit « Comme l'aurore à son lever. » Les paroles suivantes : « Belle comme la lune, » indiquent la chasteté. Or, on dit que la lune ne tient pas son éclat d'elle-même, mais le tire du soleil. Aussi, plus elle se trouve directement opposée au soleil, plus est grande la partie de son disque éclairé de sa lumière. Il en est de même d'une congrégation et de toute âme fidèle : si elle s'expose aux rayons du vrai Soleil, on ne peut douter qu'à son aspect, elle ne reçoive aussitôt un certain lustre de beauté et un éclat de chasteté. De là vient que, prenant un certain accroissement à sa lumière, et faisant quelque progrès, elle arrive à la perfection et mérite qu'on dise d'elle ce qui suit.

4. « Élevée comme le soleil. » Pourquoi comme le soleil? Est-ce parce que les justes brilleront comme le Soleil dans le. royaume de leur Père (Matt. XXII, 14)? Mais là, d'où leur viendra cet éclat du Soleil, sinon de leur robe nuptiale ? Car c'est d'elle que devaient se revêtir ceux qui étaient sur la terre et à qui il a été dit : « Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la vertu d'en haut (Luc. XXIV, 49), » de cette vertu de charité dont la robe, nuptiale est le signe: quiconque en sera revêtu et l'aura convenablement ordonnée en soi, sera certainement terrible à ses ennemis, comme une armée rangée en bataille. En effet, les démons se mettent bien peu en peine des autres vertus, quelles qu'elles soient, quand elles sont sans la charité. Mais quand ils voient la charité, et qu'ils la voient réglée comme une armée rangée en bataille, ils s'enfuient avec précipitation. On peut aussi voir dans ces mots, « élevée comme le soleil, » la persévérance qui n'appartient qu'aux élus. Mais par ces paroles qui viennent après, « terrible comme une armée rangée en bataille, » on peut entendre la discrétion, qui est la mère des vertus, qui jette la terreur dans le camp des démons et les met en fuite, acquiert et conserve les vertus. On peut encore fort bien entendre et dire beaucoup d'autres choses dans ce second plant, mais qu'il suffise dans le nombre du peu que nous venons de dire.

5. Le troisième plant convient aux saints prédicateurs, dont la doctrine et la vie arrachent ce cri d'admiration : «Quelle est celle-ci qui monte du désert remplie de délices, appuyée sur son bien-aimé (Cant. VIII, 5) ? » Au premier plant il a été dit « qui est celle qui monte par le désert, » mais de celui-ci il est dit: « Quelle est celle-ci qui monte du désert? »  A cause des épines qui déchirent les pénitents quand ils marchent à travers elles; ici, au contraire, les docteurs ont foulé aux pieds, avec une grande élévation d'âme, tout ce qu'ils ont pu soustraire au monde; aussi est-il dit, « qui monte du désert comblée de délices. » Mais il faut chercher quelles sont ces délices dont ils sont comblés, et quel est ce bien-aimé, et pourquoi il est dit qu'ils s'appuient sur lui. Il ne faut pas tenir pour médiocres les délices auxquelles les citoyens d'en haut donnent ce nom; car ces délices ne sont telles que pour le coeur, non pour le ventre; pour l'âme, non pour le corps; pour l'esprit, non pour la chair; pour la raison, non pour les sens; pour l'homme intérieur, non pour l'homme extérieur; ces délices, pour le dire en quelque sorte en un seul mot, c'est l'infusion abondante de la grâce spirituelle. Heureuse l'âme où une telle grâce se répand, qui se trouve prévenue des bénédictions et de la douceur d'en haut, pour devenir le temple de Dieu et l'oracle du Saint-Esprit. Une pareille âme ne saurait se trouver à court des richesses du salut, je veux dire de la sagesse et de la science, ni dépourvue du plus grand trésor du salut, la crainte du Seigneur. Quand elle se sentira remplie et comblée de ces délices, il ne lui restera plus qu'à exalter le Seigneur au plus haut des cieux, et à le louer dans la chaire des vieillards. Ce qu'elle aura entendu au fond de la chambre, elle le redira sur les toits, et c'est ainsi qu'elle sera comblée de délices; car être comblé, c'est être établi dans la prédication de la doctrine, luire par l'exemple de sa vie, et remplir avec constance les oeuvres spirituelles.

6. Mais en tout cela, il faut que tout pasteur recherche la gloire de son auteur, non la sienne; car c'est lui qui est son bien-aimé dont il est écrit: « Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi (Cant. II, 16), » et c'est de lui encore que le Père a dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le (Luc. IX, 35). » C'est sur lui j qu'il faut s'appuyer, afin de rapporter tout ce qu'on fait au secours de sa grâce, car c'est de lui que tout vient, c'est par lui que tout se fait, et c'est à lui que tout se rapporte. D'ailleurs le bien-aimé du Père, qui nous enseigne toute science, nous apprendra mieux que personne pourquoi on doit s'appuyer sur lui. Il dit, en effet, à ses disciples qu'il remplissait de cette sorte de délices : « C'est moi qui suis le cep de la vigne, vous, vous en êtes les branches. Aussi, de même que la branche de la vigne ne saurait porter de fruit d'elle-même, et qu'il faut qu'elle demeure unie au cep, ainsi vous ne pouvez porter aucun fruit si vous ne demeurez en moi (Joan. XV, 4 et 5). » Et ailleurs, « sans moi vous ne pouvez rien faire. » C'est comme s'il disait sans détour; si vous voulez être comblés de délités, appuyez-vous sur moi. Mais voyons maintenant comment ils en sont comblés et comment ils s'appuient sur lui. Plaçons au milieu de nous pour nous instruire, tous, un prédicateur achevé. Eh bien donc, bienheureux Paul, soyez rempli vous-mêmes des délices qui vous appartiennent. Certainement après avoir prêché l'Évangile depuis Jérusalem et ses environs jusqu'à l'Illyrie; après avoir jeté sans récompense les fondements de l'Évangile; après avoir fait part, comme un prudent et fidèle dispensateur, des célestes trésors, et du sacrement de la foi aux Grecs et aux barbares; après avoir porté partout dans votre corps mortel, la mortification de Jésus, au milieu des nombreuses et admirables merveilles que vous avez opérées, et que nous ne saurions rappeler ici en détail, vous avez pu vous écrier avec une pleine autorité et sans orgueil aucun, bien que vous fussiez le moindre des apôtres à vos propres yeux, « sa grâce n'a point été stérile en moi; mais j'ai travaillé plus que tous les autres (Cor. XV, 10). » Ce sont là de grandes, et, si je puis m'exprimer de la sorte, de délicieuses délices ! mais pour ne point les perdre appuyez-vous sur votre bien-aimé : « Non ce n'est pas moi qui l'ai fait, mais c'est la grâce de Dieu qui a travaillé avec moi (Ibid.). » Oui, oui, soyez comblé de délices; car, à vrai dire, de telles délices sont bien délicieuses. « Je puis tout, u dit-il; allons appuyez-vous sur le bien-aimé, « en celui qui fait ma force (Philip. IV, 13). » Le même apôtre dit encore ailleurs : « Que celui qui se glorifie, le fasse dans le Seigneur (II Cor. X, 17) . » C'est-à-dire, que celui  qui est comblé de délices, s'appuie sur son bien-aimé.

7. Tout ce que je viens de dire sur les trois plants, représentant trois genres d'hommes, que la sainte Église contient dans son sein en cette vie, et que Ézéchiel a désignés dans ses écrits par Noé, Daniel et Job, c'est avec l'aide de Dieu que je l'ai fait.; mais on pourrait sans inconvénient voir ces trois plants dans chaque saint en particulier. Ainsi, chez eux, le premier plant sera la pénitence, le second la justice, et le troisième la prédication. En effet, ils commencent leur conversion par le repentir, ils pratiquent ensuite la vertu, en vivant bien, et enfin s'ils font des progrès dans le bien, ils prêchent de bouche la justice qu'ils pratiquent dans leur conduite. Mais comme le vice tend des embûches à la vertu, et l'approche de si près que ceux qui s'éloignent de l'une tombent dans les filets de l'autre, il faut que la pénitence soit exempte de honte, et ne rougisse point de confesser les péchés commis; que la justice se donne bien de garde de feindre, et que les prélatures mettent de côté tout orgueil; car là où il y a de grandes grâces, là aussi se trouve de grandes épreuves.

 

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