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CENT-UNIÈME SERMON. Il y a quatre manières d'aimer.
Il y a deux amours, le charnel et le spirituel, d'où il suit qu'il y a quatre manières d'aimer. En effet; si on peut aimer la chair d'un amour charnel et l'esprit d'un pareil amour, on peut également aimer la chair et aimer l'esprit d'un amour spirituel. Or, il y a dans ces quatre sortes d'amour une succession, un progrès des choses inférieures aux supérieures. En effet, pour que les hommes qui ne savaient aimer que la chair, et ne l'aimer que d'un amour charnel, s'avançassent au point d'aimer Dieu même d'un amour spirituel, Dieu s'est fait chair, et soit en parlant, soit en vivant avec les hommes, il a commencé par se faire aimer d'eux d'un amour charnel. Mais lorsqu'il voulut donner sa vie pour ses amis, ils aimaient déjà son esprit, mais ce n'était encore que d'un amour charnel. Aussi, Pierre lui répondit-il, quand il leur parlait de sa passion : « Ah ! Seigneur, à Dieu ne plaise, cela ne vous arrivera point (Matt. XVI, 22). » Mais lorsque ses disciples surent que sa passion était le mystère de la rédemption, ils se mirent à aimer sa chair dans sa passion d'un amour spirituel. Quand il ressuscite et monte au ciel, ils aiment son esprit d'un amour spirituel, et, la joie dans l'âme, il s'écrient : « Si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, nous ne le connaissons pas maintenant de cette sorte (II Cor. V, 16).» Il en est de même de nous, nous aimons notre chair d'un amour charnel quand nous aimons et satisfaisons ses désirs. Nous aimons notre esprit charnellement aussi, quand nous le brisons dans la prière, avec larmes, soupirs et gémissements. Nous aimons notre chair d'un amour spirituel, quand après l'avoir soumise à l'esprit, nous l'exerçons spirituellement dans le bien et veillons avec discernement à sa conservation. Nous aimons notre esprit spirituellement, lorsque nous faisons passer par un mouvement de charité nos goûts spirituels même après l'intérêt du prochain.
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