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SOIXANTE-CINQUIÈME SERMON. Rapport étroit entre ces trois paraboles, que nous lisons en saint Matthieu : «Le royaume du ciel est semblable à un trésor caché dans un champ, etc.
1. Les trois paraboles qu'on vient de nous lire nous montrent trois degrés. Le champ est notre corps, tant que les désirs passionnés y règnent en maîtres, c'est un champ inculte et frappé de malédictions qui ne produit que des ronces et des épines. En effet, qui est-ce qui le croirait capable, en cet état, de produire de dignes fruits de pénitence ? ô âme insensée, pourquoi exposes-tu ainsi ton corps ? ne sais-tu pas ce qu'il y a de caché en lui? Qu'est-ce, sinon le royaume des cieux? Tu penses trouver en lui des oeuvres de salut par lesquelles il te sera possible d'acquérir le royaume des cieux. Achète-le donc ce champ et mets toi-même ton corps à l'abri des atteintes de tes concupiscences, et paies-en l'acquisition au prix des aliments et des occasions de ces mêmes concupiscences. 2. Quand tu auras découvert le trésor caché dans ton champ, fais du négoce et cherche des perles précieuses, si tu en trouves une bien précieuse, alors vends ce que tu possèdes, et achète-la. Mais quelle est cette perle unique et si précieuse? Il ne faut point s'étonner si, pour un trésor, le négociant a vendu tout ce qu'il avait, c'est-à-dire s'il a vendu ses péchés pour acquérir des richesses de salut, et s'il a renoncé à tout ce qui fomente le péché. Car dans le principe, il n'avait pas autre chose que cela. Mais à présent qu'il a trouvé ce trésor , comment se fait-il qu'il cherche de bonnes perles et que pour une seule il vende tout ce qu'il possède? A mon sens, je crois que cette perle unique n'est autre chose que l'unité. Or, celui qui cherche de bonnes perles, c'est celui qui, dans les oeuvres de salut, ne se contente pas des biens inférieurs, mais recherche les biens les plus élevés et les plus excellents. Comme il ne trouve rien de plus précieux que l'unité, il n'épargnera point le reste de son avoir pour se la procurer, et il préfèrera, sans balancer, l'unité aux jeûnes, aux veilles et aux prières. 3. Or, je veux qu'on demeure si bien dans l'unité qu'on y soit non pas comme si tous ne faisaient qu'un, mais comme si un seul était avec tous. Qu'on ouvre son sein bien large, qu'on enferme dans ses entrailles toute sorte d'affections, qu'on se fasse tout à tous, également prêt à se réjouir ou à compatir avec tous, à partager la joie de ceux qui sont dans la joie, et les larmes de ceux qui pleurent. Car un jour viendra où, assis sur le rivage, le pécheur rejettera du filet de la charité tous les mauvais poissons, et mettra au rebut tout ce qui est mauvais.
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