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QUATRE-VINGT-QUATRIÈME SERMON.
1. Il y a deux places pour l'âme raisonnable, l'inférieure qu'elle gouverne, et la supérieure où elle repose. L'inférieure, celle qu'elle régit est le corps, et la supérieure celle où elle repose, c'est Dieu. On peut appliquer à l'une et à l'autre ces paroles de l'Écriture : « Si l'esprit de celui qui a la puissance s'élève sur vous, ne quittez point votre place (Eccle. X, 4), » ni l'inférieure que vous gouvernez ni la supérieure où vous vous reposez. Mais ce que je viens de dire convient à ceux qui ne font encore que commencer et qui sont imparfaits, et à qui l'Apôtre s'adresse quand il dit : « Je vous parle humainement à cause de la faiblesse de votre chair. De même donc que vous avez fait servir les membres de votre corps à l'impureté et à l'injustice, pour commettre l'iniquité, ainsi faites-les servir maintenant à la justice pour la sanctification (Rom. VI, 19). » L'âme a, en effet, trois devoirs à remplir envers son corps, elle doit lui donner la vie, puis la sensibilité et enfin la direction. Toutefois, si la vie vient à se perdre, ou si les sens se troublent, elle n'a aucune condamnation à encourir pour cela. Mais si elle se laisse vaincre par le tentateur et succombe sous ses efforts, cette défaite lui est imputée à péché. Il lui est donc dit que si l'esprit s'élève sur elle, elle ne doit point quitter sa place, c'est-à-dire qu'elle ne doit pas, au souffle de la tentation, faire servir ses membres au péché où en faire les armes de l'iniquité. 2. Il faut remarquer ces mots « si l'esprit de celui qui a la puissance s'élève sur vous. » Or, l'esprit malin ne peut jamais rien contre nous si ce n'est ce pourquoi il est envoyé ou ce qu'il a reçu la permission de nous faire. Aussi, quoique sa volonté soit toujours mauvaise, sa puissance n'est jamais que juste. Sa volonté est mauvaise parce qu'elle ne vient que de lui et demeure en lui; sa puissance au contraire ne vient que de Dieu. Toutefois Dieu ne cesse jamais de régler cette puissance, de peur que par ce qu'il y a de mauvais dans sa volonté, il ne fasse plus de mal que ne l'exigent les fautes de ceux qui sont punis. Mais en voilà assez pour ce qui regarde la place inférieure. Pour ce qui est de la place supérieure, il faut entendre les paroles rapportées plus haut en ce sens que l'âme ne doit pas, au souffle de la tentation, quitter le repos qu'elle goûte en Dieu, mais au contraire de quelque côté que vienne l'épreuve, demeurer constamment et tranquillement unie à Dieu. Ce dernier avis convient aux parfaits qui peuvent dire avec Élie : » Le Seigneur Dieu d'Israël en présence de qui je suis, est vivant (IV Reg. III, 14) ; » ou bien encore avec l'apôtre saint Jean, « nous sommes en ce monde tels que Jésus-Christ y a été (I Joan. IV, 47). » Oui, cet avis, je le répète convient aux parfaits, à ceux qui dans leur genre de vie imitent déjà en quelque sorte l'état de l'éternité.
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