SERMON LXXII
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SOIXANTE-DOUZIEME SERMON.

 

1. « Bienheureux l'homme qui ne s'est pas laissé aller au conseil des impies (Psal. I, 1). » Là piété est la vertu de ceux qui croient en Dieu et le servent; car la piété n'est autre que le culte de Dieu     (Job. XX, juxta LXX.) Or, ce culte consiste en trois choses : dans la foi, l'espérance et la charité qui sont invisibles. Or, les impies, les hommes qui ne servent point Dieu, ceux qui sont dans la pensée de préférer les choses visibles aux invisibles, les terrestres aux célestes, manquent de ces vertus. A leur tête, est le diable, leur chef, le premier qui se soit éloigné de la piété et qui devint impie, et par ses ruses dépouilla de leur piété les hommes qui étaient dans le paradis terrestre, pour leur faire partager ses égarements et son iniquité. Il séduisit donc Ève, qui elle-même séduisit son mari. C'est encore ainsi que le démon suggère la révolte à la chair, la chair à l'esprit, et que se fait un conseil d'impie. Ils se disent en effet les uns aux autres : « N'ayons tous qu'une même bourse (Prov. I, 14). » Ils mettent alors chacun une obole dans la mémoire qui est comme leur bourse commune; l'obole du démon est la suggestion, celle de, la chair, la délectation, et celle de l'esprit, le consentement. Puis chacun y puise comme dans un trésor commun, de quoi se procurer l'aliment qui lui convient; la chair y puise de quoi se consumer, je veux parler d'un feu qui ne s'éteint plus; l'esprit y puise la mauvaise conscience, c'est le ver qui ne meurt pas; quant au démon, il y puise le sang de l'une et de l'autre.

2. Or, on se rend au conseil (a) des impies de quatre manières différentes. Les uns y vont traînés malgré eux; les autres y sont attirés par certains attraits; ceux-ci se laissent séduire par ignorance, et ceux-là s'y rendent spontanément. A ces quatre sortes d'hommes, il faut quatre vertus qui sont comme autant d'armes pour résister et ne pour se point laisser aller dans le conseil des impies. A ceux qui y sont entraînés malgré eux, ce qu'il faut, c'est la force pour pouvoir résister jusqu'à la fin aux menaces, aux tourments et aux pertes. Ceux qui se sentent attirés par de certains attraits, ils ont besoin de la vertu de tempérance qui réprime les désirs illicites et ne permet à l'âme ni de céder aux promesses ni de se laisser amollir par les flatteries. Quant à ceux qui se laissent séduire par ignorance, ils ont besoin de prudence pour discerner l'utile de l'inutile et pour apprendre ce qu'il faut retenir et ce qu'il faut rejeter. Ceux qui s'y rendent spontanément ont besoin de justice; la justice, en effet, est la rectitude de la volonté qui n'aime ni pécher ni consentir au péché. La justice et la force ont leur siège dans la volonté, attendu que c'est la volonté qui doit être juste et forte. Or, voici dans quel ordre agit la justice : elle commence par rejeter le mal, puis elle propose le bien. Elle semble avoir fait défaut à Adam qui consentit au mal et renonça ainsi à ce qui était bien. La prudence et la tempérance ont leur siège dans la raison, car c'est la raison qui doit être prudente et tempérée. En effet, la prudence n'est autre chose que la raison instruite par la grâce à éviter le contact de l'injustice à cause de la justice. Elle évite non-seulement l’injustice ouverte, mais encore tout ce qui est, en quelque manière que ce soit, contraire à la justice; elle ne tient pas tant compte de ce qui est permis que de ce qu'il est bon de

 

a Guillaume, l'auteur des Fleurs de saint Bernard reproduit ce passage dans son livre IX, chapitre XX; il reproduit un autre passage au chapitre XXI, II. 3.

 

faire. Elle fuit les richesses et les autres choses semblables, non pas parce qu'elles sont illicites, mais parce qu'elles sont ordinairement un obstacle à la justice. C'est à cause de ceux qui agissent ainsi par un sentiment d'hypocrisie qu'il est dit : « A cause de la justice. » La justice est la perfection de l'âme raisonnable. Les autres vertus, telles que la force, la tempérance, la prudence, qui conservent la justice et l'empêchent de se perdre ou de s'affaiblir, ont toutes rapport à l'acquisition ou à la conservation de cette vertu. Mais, quand la justice est parfaite et qu'elle est passée à l'état de sentiment de l'âme, elle se confond avec les trois autres vertus, attendu qu'elle est forte, prudente et tempérée.

3. « Heureux l'homme qui ne se laisse point aller : » se laisser aller est le propre de ceux qui sont inconstants, et peuvent céder au moindre souffle. Il en est qui n'évitent ce défaut qu'en devenant obstinés, ils ne cèdent à aucun conseil, et tiennent avec entêtement à leurs projets. Aussi le Psalmiste a-t-il ajouté ces mots : « et qui ne s'est point arrêté, » c'est-à-dire qui n'est ni léger ni entêté. La voie des pécheurs est le monde, où leur volonté propre, qui n'est autre que l'orgueil, est la source de tous les maux, de même que la volonté commune est celle de tous les biens : « Et qui ne s'est point assis dans la chaire de pestilence. » Or, c'est être assis que d'enseigner aux autres à pécher par son exemple. Or, cette chaire repose sur quatre pieds, dont le premier est la malice, le second le mépris de Dieu, le troisième l'irrévérence, et le quatrième la ruse. La malice consiste dans l'amour et le goût du mal, mais dans l'amour du mal pour le mal, comme le font le diable et quelques méchants. Or, comme il arrive parfois que ceux-ci craignent Dieu, sinon d'une crainte bonne, du moins d'une crainte qui leur fait appréhender de faire des pertes temporelles, ou de subir quelques peines corporelles, ils en viennent jusqu'au mépris de Dieu même, et deviennent plus mauvais encore : voilà comment le mépris de Dieu est le second pied de la chaire de pestilence. Il pourrait se faire qu'on aimât le mal, qu'on méprisât Dieu, mais qu'on fût encore retenu par la crainte des hommes avec qui on vit ! voilà d'où vient le troisième pied, je veux dire l'irrévérence qui aggrave le mal, et qui détruit la crainte de Dieu et des hommes. Pour la consommation de la malice, vient le quatrième pied de la chaire de pestilence, je veux dire la ruse, qui nous apprend à nous servir des trois autres, et mêle l'huile avec le venin, et le miel avec le vinaigre. Le haut de cette chaire, l'endroit où se place celui qui s'assoit dedans, est la puissance. En effet, si celui qui a tout ce que je viens de ire est puissant, ou s'il peut  attirer le puissant à lui, le séduire par ses conseils, et le porter au mal, alors il fait beaucoup de mal. Après cela vient le coussin sur lequel il s'assoit doucement. Or, un coussin est fait de plumes légères d'oiseaux, ce qui rappelle la vaine gloire, et la faveur populaire, dont les hommes se repaissent avec délices, et se montrent fiers. Il se met ensuite un escabeau sous les pieds, pour qu'ils ne touchent point la terre. En effet, les hommes de cette sorte ne font pour la plupart aucune action terrestre, ils feignent d'en faire de spirituelles pour mieux tromper. Leur doctrine est semblable à la peste, elle couvre et désole beaucoup d'endroits.

4. « Mais sa volonté est dans la loi du Seigneur (Ibidem. 2). » Dans le précédent verset, le Psalmiste nous a dit ce qu'il faut rejeter, il nous apprend ce qu'il faut désirer dans celui-ci. Dans l'un il nous est dit quelque chose d'analogue à ceci : « Détournez-vous du mal. » Dans l'autre c'est comme s'il nous était recommandé « de faire le bien, » car marcher dans la loi n'a pas d'autre sens. Mais comme on ne parcourt point la voie des commandements de Dieu des pieds du corps, mais par les « sentiments de l'âme, voilà pourquoi le Psalmiste dit : « Sa volonté est dans la voie du Seigneur. » En effet, selon saint Grégoire, vouloir, pour l'esprit, c'est marcher. Or, la voie des commandements est parcourue par trois personnes qui semblent y lutter à la course, par l'esclave, par le mercenaire et par le Fils. Il y a deux coursiers qui traînent le char, ce sont la menace et la promesse. L'esclave est monté sur la menace, et le mercenaire sur la promesse. L'un et l'autre conduisent le char, l'un par la crainte et l'autre par la cupidité, et chacun a son aiguillon qui le pousse. Il n'y a que le Fils qui ne soit ni frappé par la crainte, ni excité par la cupidité, mais qui est poussé par l'esprit de dilection, et qui est porté sur le char sans fatigue et sans blessures : «Tous ceux qui sont conduits par l'esprit de Dieu sont fils de Dieu (Rom. VIII, 14). » Ce char a aussi quatre roues, je veux parler des quatre affections de l'âme bien connues, l'amour et la joie, la crainte et la tristesse. En effet, les méchants aiment les choses temporelles, et sont dans la joie quand ils ont mal agi; mais la crainte et une tristesse éternelle suivent cet amour et cette crainte. Quant aux élus à qui il est dit : «Le monde sera dans la joie et vous dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie (Joan. XVI, 20), » ils prennent la crainte et la tristesse pour roues de devant, et l’amour et la tristesse pour roues de derrière, car pour eux la crainte se change en amour, et la tristesse en une joie éternelle.

5. Il faut remarquer que la route de la loi de Dieu se fait en six jours. Le premier jour est le gémissement du coeur, le second la confession de la bouche, le troisième l'aumône de notre propre bien, le quatrième est le travail corporel, le cinquième le renoncement à notre propre volonté, et le sixième le mépris de la mort. Le septième jour est le repos des six premiers dans l'espérance du huitième jour qui est celui de la résurrection. « Il médite jour et nuit cette loi sainte (Ibidem. 2). » En quelque état que l'homme se trouve, il ne doit jamais s'éloigner de la loi du Seigneur, mais il faut qu'aux jours mauvais il se rappelle les bons jours, et qu'aux bons jours il se rappelle constamment les mauvais. On peut aussi entendre par le jour et la nuit la vie contemplative et la vie active, qui sont toutes les deux contenues dans la loi du Seigneur.

 

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