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CENT-DIX-SEPTIÈME SERMON.
L'âme fidèle a son paradis, mais son paradis spirituel non terrestre, un paradis par conséquent plus délicieux et plus secret que celui-ci. Dans ce paradis-là, l'âme trouve des délices comparables à celles qu'on goûte dans les trésors. Il en sort quatre sources qui sont la vérité, la charité, la vertu et la sagesse, c'est à ces sources que l'âme fatiguée, va puiser une eau salutaire. Or, l'âme de l'homme est sujette à quatre sortes de maladies, de vices, ce sont la crainte, la concupiscence, sa propre iniquité et l'ignorance. En effet, vaincue par la crainte, elle est portée au mal, attirée par la concupiscence, elle glisse vers le vice, et poussée par sa propre iniquité, elle se met volontairement à sa remorque, séduite enfin par l'ignorance, elle tombe dans le vice. C'est aux âmes que ces maux travaillent et qui en gémissent, que le Prophète adresse ces paroles consolantes : « Vous puiserez avec joie de l'eau aux fontaines du Sauveur (Isa. XII, 3). »La pusillanimité qui provient du vice de la crainte, est guérie par l'eau de secours qui s'écoule de la source de force; la concupiscence des voluptés temporelles a pour remède l'eau des désirs puisée à la source de la charité; contre la malice de notre propre iniquité, il y a l'eau des jugements qui coule de la fontaine de,la vérité; et contre les erreurs de l'ignorance, l'eau des conseils qui jaillit de la source de la sagesse. Mais de plus, c'est avec joie que se puise cette eau, en sorte que l'âme, qui, jusqu'alors, gémissait sous le poids de ses vices, se réjouit à présent de l'acquisition des vertus, car elle obtient dans l'eau des conseils, la prudence, dans celle du secours, la force, dans l'eau des désirs, la tempérance, et dans celle des jugements, la justice. Aussi dans l'adversité, la force chasse la pusillanimité ; dans la prospérité, la tempérance réfrène la luxure, dans l'action, la justice exclut l'iniquité, et dans le doute, la prudence, mais l'ignorance en garde. Rafraîchie par ces eaux, et ornée de ces vertus, l'âme peut s'étendre et comprendre, avec tous les saints, quelle est la longueur et la largeur, la hauteur et la profondeur (Ephes. III, 18). Ces quatre points de Dieu, peuvent être embrassés à deux bras, qui sont le véritable amour et la véritable crainte; celle-ci embrasse sa hauteur et sa profondeur, celui-là sa charité et sa vérité. En effet, on craint Dieu parce qu'il peut tout par sa puissance, et on le craint sincèrement, parce que rien n'échappe à sa sagesse. On l'aime parce qu'il est la charité même, et on l'aime véritablement parce qu'il est la vérité, je veux dire l'éternité.
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